mardi 11 mars 2008

La politique de la charnière

J'entre dans un temps d'analyses. Elles sont indispensables à qui aspire à faire des propositions. Les élections qui sont en cours m'en fournissent l'occasion.

Pour sauver les petites formations politiques rien ne vaut tant que de se faire désirer surtout quand il ne manque aux partis dominants que l'accès à cet étroit espace électoral qui donne sur une majorité absolue!

Car la bipolarisation, tant qu'elle n'est pas complètement réalisée, a besoin de l'absorption des groupuscules. Les listes de la gauche qualifiée d'extrême restent sur la touche, comme on le voit à Toulouse, car elles n'entrent pas suffisamment dans le jeu électoral pour être instrumentalisés. Toutefois, les Verts, le MODEM et le PCF, tous sous la barre des 10%, en moyenne, sauf exceptions très localisées, disposent-ils encore de moyens de pression sans commune mesure avec leur représentativité. Au lieu de la rechercher, cette représentativité, les "petits" partis exercent leur capacité de nuire afin de se faire accepter! Ils y gagnent des sièges. Ils y perdent leur âme. Ils y sacrifient leur raison d'être.

À y regarder de près, l'effort le plus curieux est celui du MODEM qui, avec moins de 4% des voix, ose tenter de se créer un espace en n'étant ni le supplétif de l'UMP, ni le marche-pied du PS. En remplaçant le ni-ni par le ou-ou, François Bayrou, à ses propres risques et périls à Pau, abandonne le positionnement de l'UDF pour mettre un cale dans l'engrenage de la bipolarisation. Sympathique et ambigu! Ce n'est possible que parce que ce libéral peut s'installer entre deux libéralismes : le social-libéralisme et l'ultra-libéralisme. Si la gauche était anticapitaliste sa marge de manœuvre serait nulle!

L'attitude du PCF est marquée par le localisme traditionnel et à vouloir le liquider trop vite, le PS vient peut-être de faire une faute qui peut se payer cher. En Seine-Saint-Denis, c'est un lieutenant de Fabius, à gauche du PS paraît-il, qui conduit la charge. Le PS, selon ses besoins, flirte ici avec le MODEM, là appelle à la discipline républicaine. Il veut le beurre et l'argent du beurre : les voix de ses alliés, mais aussi peu d'élus non socialistes que possible! Classique mais dangereux en l'occurence. Le PCF sait s'appuyer sur les maires communistes qui peuvent se passer de politique ou plutôt la limiter à "garder" des mairies. Ce sont encore... de bons gestionnaires. Le conservatisme communiste a encore quelques bonnes cartes à jouer.

Quant aux Verts, ce sont des ingénus roués! Ingénus parce qu'ils croient pouvoir agir en s'inféodant à leur puissant allié. Roués parce qu'ils ont appris les règles du jeu de la politique politicienne et savent se contenter du peu qu'on leur laisse. Ils auront donc encore des adjoints au maire de Paris (moins nombreux!) et ils auront aussi des élus majoritaires ou minoritaires éparpillés, çà ou là. Quant à l'écologie, dans tout cela, c'est, au mieux, un discours, au pire, un jus verbal verdâtre, rarement une affirmation courageuse et autonome.

La politique de la charnière, jadis si bien utilisée par les radicaux de gauche, a quelque chose de réjouissant et de dépravé. Elle permet de prendre place là où on n'aurait pu parvenir dans un contexte ultra majoritaire. C'est bien pourquoi les scrutins en partie proportionnels permettent seuls d'apparaître en faisant basculer des coalitions vers le succès. On ne peut regretter que la bipolarisation soit ainsi tempérée : c'est cela qui est réjouissant. Pourtant, on ne peut se satisfaire de cette duperie qui oblige à se trahir pour réussir : c'est cela qui est dépravé!

Le champ politique est inabordable! Ce n'est pas le champ où poussent des variétés politiques anciennes ou nouvelles, grandes et petites, côte à côte! C'est un champ de bataille où les suzerains, selon leurs forces, font, ou pas, appel à des vassaux. Et ne restent sur le terrain que les puissants ou les habiles. Cette pratique médiévale des joutes politiques est dépassée. Ni l'art oratoire, comme sur l'agora, ni l'association populaire des citoyens, comme l'ont recherchée sans réussir, les coopératives et les syndicats à la fin du XIXe siècle, n'ont place dans la mise en spectacle des affrontements électoraux. Tout est marqué par le temps. Créer de nouveaux espaces politiques qui ne sombrent pas dans le culte du passé ni dans la médiatisation médiocre du présent, c'est sans doute la tâche la plus utile à accomplir.

La politique de la charnière est aussi méprisable que la politique de la porte qu'on claque au nez des démocrates. Un citoyen n'est pas un consommateur ou un client. C'est un acteur. Toute organisation politique qui vise à retirer au citoyen ce rôle d'acteur en demandant qu'on le lui délègue détruit la politique. Je persiste à le penser.




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Le 3 octobre 2013.
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Jean-Pierre Dacheux