dimanche 2 mars 2008

Pire que la loi du Talion

Après le Liban, Gaza? Et toujours "œil pour œil, dent pour dent"?

Non! Cette expression, "œil pour œil, dent pour dent", provient de la "Loi du Talion", (du latin talis « tel » : telle la faute, tel le châtiment), qui apparaît en 1730 avant JC dans le code d'Hammourabi, alors roi de Babylone. Cette loi incitait à la vengeance individuelle, à condition que la peine soit identique au crime commis.

On retrouve aussi cette formule dans l'Ancien Testament : "Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure" (Exode, 21,23-25). Et dans le Lévitique : "Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu'il soit, il sera mis à mort. S'il frappe à mort un animal, il le remplacera - vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un compatriote, on lui fera ce qu'il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; on provoquera chez lui la même infirmité qu'il a provoqué chez l'autre" (9,17-22). Plus loin, le même Lévitique prône néanmoins la réconciliation : "Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune" (19, 18).

Dans la Torah se retrouve la terrible parole de la Genèse :" Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé" (9, 6) Mais, contrairement au Code d'Hammourabi, la Torah indique que "les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères : chacun sera mis à mort pour son propre péché" (Deutéronome, 24,16).

Par contre, dans le Nouveau Testament, Jésus s'oppose à cette notion de peine ou de souffrance égale à celle endurée : "Vous avez appris qu'il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. A qui te demande, donne; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos" (Matthieu 5,38-42).

On est loin, aujourd'hui, de la non-violence de Jésus, dont on ne dira jamais assez qu'elle n'est pas un laisser-faire mais une agression de l'amour, un refus, une résistance, qu'aucune violence ne fait plier.
On est loin aussi de la loi du Talion!
On est dans la vengeance multipliée et, comme le dit la formule grossière, plutôt dans : "pour un œil les deux yeux, pour une dent, toute la gueule".

Israël se condamne lui-même. Et de multiples fois.
Il ne respecte pas l'Ancien Testament: la riposte n'est pas proportionnée à l'agression subie.
Il n'est pas seulement haï de ses voisins; il s'en fait haïr tant et plus, or aucun État, si puissant soit-il, ne peut vivre durablement dans un environnement hostile.
Il crée, (c'est un comble!), les conditions de l'émergence d'un nouvel antisémitisme.

André Glucksmann signa, en 1999 – avec Romain Goupil, Claude Lanzmann et Bernard-Henri Lévy, – un appel déclarant : "Nous condamnons, bien entendu, le terrorisme, mais on ne chasse pas le terroriste en bombardant les civils". Il faut dire que c'était un appel... sur la Tchétchénie!(1) Deux poids, deux mesures.

Nous ne sommes jamais sortis de ce "deux poids, deux mesures" : Les Palestiniens ont tiré une quarantaine de missiles contre Israël, blessant trois civils, dont deux enfants, dans la ville d'Ashkélon (sud), distante de 10 km de la bande de Gaza; au moins 60 Palestiniens ont été tués et plus de 150 blessés, hier, par la riposte israélienne.(3)

Nous rentrons, de nouveau, dans la guerre à Gaza. Israêl a plusieurs revanches à prendre : celle de la guerre perdue du Liban face au Hezbollah, celle de la domination du Hamas sur Gaza avec le symbole du franchissement de la frontière égyptienne, celle de l'échec de sa politique de collaboration avec le Fatah de Mahmoud Abbas. Il lui faut retrouver une autorité politique perdue, fut-ce au prix du sang.

En septembre 2006, le Monde diplomatique faisait paraître un article de Dominique Duval intitulé "Dix yeux pour un seul œil". Voici le retour, dans l'actualité, d'une affreuse formule. Israël fait bien pire que d'appliquer la loi du Talion : il se donne le droit de vie et de mort sur tout Palestinien. Ce faisant, il ne se protège pas et ne lutte pas contre le terrorisme : il lui donne des armes symboliques bien plus efficaces encore que les armes physiques.

(1) Le Figaro, 15 novembre 1999.
(2) http://www.monde-diplomatique.fr/2006/09/VIDAL/13958
(3) Source : ouest-france.fr/ 2 mars 2008.

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Le 3 octobre 2013.
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Jean-Pierre Dacheux