dimanche 23 mars 2008

Catholicisme pascalien

Pâques 2008.

L'hebdomadaire La Vie fait connaître les noms de 200 personnalités catholiques. Comme de loin en loin, un sondage y révêle, également, la sensibilité politique majoritaire au sein de l'Église. Sans surprise, on constate qu'elle penche nettement à droite. Il n'est pas étonnant que, dans ces conditions, les Présidents de la République française soient, aient été ou se disent ... catholiques. Aujourd'hui, c'est Nicolas Sarkozy, le chanoine, qui figure parmi les 200 célébrités chrétiennes.

Je ne sais plus si l'on peut être catholique en appartenant à une organisation politique de gauche (surtout quand la gauche n'est plus que la non-droite), mais ce que je sais bien, et depuis longtemps, c'est qu'il est aussi difficile à un catholique d'être à droite qu'à un chameau de passer par le chas d'une aiguille.

On m'objectera immédiatement que le Christ dit que c'est "le riche" à qui cette insurmontable difficulté apparaît et non pas n'importe quel catholique! J'en conviens à ceci près : il n'est pas plus catholique de soutenir les riches que de l'être. Il est même plus cohérent d'être riche sans être solidaire des riches (tout arrive!) que d'être pauvre et n'avoir qu'un seul désir : être riche!

Mais il y a plus : choisir la Semaine Sainte, entre le Vendredi saint et le jour de Pâques, pour annoncer, d'une part, la mise à l'eau du sous-marin Le Terrible et, d'autre part, l'envoi de soldats français en Afghanistan, ne me semble pas, de la part de Nicolas Sarkozy, très catholique. Ne chargeons pas sa barque; elle coule déjà; et notre Président ne marche pas sur l'eau... Ce qui est le plus effroyable et révoltant pour qui a jamais entendu parler de l'Évangile, c'est que les catholiques et plus largement la plupart des chrétiens, fassent exactement ce qu'il faut pour éloigner les hommes des Églises et pour enlever tout leur sens aux paroles du Christ.

Car quoi, qu'est-ce que Pâques? La fête du chocolat? La fête du printemps? Ou la fête du crucifié?

Et qui est crucifié? Jésus de Nazareth, qui s'affirme Fils de l'Homme. Celui en qui l'on peut retrouver chaque victime des violences humaines. Celui qui dit non à cette violence, mais aussi à l'argent et au pouvoir et qui le fait savoir au guerrier, comme au riche et au puissant. Certes, on peut être exécuté, mis en croix pour moins que cela! Surtout quand on recommande aux hommes du monde entier de ne pas servir deux maîtres (Dieu et l'argent -1-), de ne pas se saisir de l'épée (parce que celui qui prend l'épée périra par l'épée -2-) et de ne pas s'attacher au pouvoir (parce que le Royaume n'est pas de ce monde -3-).

La croix n'est pas un symbole, la marque d'une religion, ou bien c'est le symbole de tous les instruments de torture et de mise à mort dont se servent les détenteurs de la "violence légitime", celle qui est l'apanage de tout État, dit Max Weber. C'est l'outil par lequel on se débarrasse de ceux qui osent tenter de substituer l'amour à la force. La corde, la roue, le bûcher, la hache, le glaive, la chaise électrique, la seringue, la guillotine ou le fusil : voilà les noms dont on aurait pu, tout au long de l'histoire, se servir pour désigner la Croix!

Pâques est le jour où celui qui trouve sens à ce que disait et dit encore Jésus Christ fait exploser son espérance à la figure des bourreaux.

Pâques est le jour, sinon n'en parlons plus, où la propriété est niée et la gratuité louée, (ainsi que l'avaient compris et vécu les premières communautés chrétiennes -4- & -5-). Le communisme qui a d'ailleurs cessé d'être marxiste et athée, ou mieux, le partage, (méfions nous des ismes!), ne peut qu'être une valeur fondamentale de toute foi de chrétien!

Pâques est le jour où le Roi, affublé d'un manteau rouge et d'une couronne d'épines, ridiculisé, bafoué puis mis à mort, triomphe sans monter sur aucun trône, victorieux non par les armes mais par cette provocation des limites humaines que constitue l'affirmation scandaleuse et, au sens propre incroyable, selon laquelle l'amour est plus fort que la mort.

Ou bien Päques, c'est celà et le catholicisme "de droite" est une incongruïté, ou bien il n'y a, désormais ni foi ni Églises qui vaillent.

Qu'il ait fallu plus de 2000 ans pour revenir à cette évidence que la religion peut tuer la foi a quelque chose d'inouï et tout de même de réconfortant. La chape de plomb historique n'a pas tout écrasé. Et George Bush peut, au nom de la défense de la civilisation chrétienne, affirmer qu'il continuera à tuer jusqu'à la victoire, il n'y a rien, strictement rien, de commun entre ce christianisme-là, promis à la disparition, et ce que chaque homme peut retirer pour sa vie, de la parole insupportable de Jésus Christ : oui, le plus pauvre, le plus faible, le plus impuissant des hommes est le seul qui peut dire que le monde lui appartient!

-1- "Nul domestique ne peut servir deux maîtres: car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et le Richesse". (Luc 16, 13).
- 2- "Celui qui prend l'épée périra par l'épée". (Matthieu, 26, 51-52).
- 3- " Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici ". (Jean 18, 36).
-4-"Tous les croyants, ensemble, mettaient tout en commun; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous, selon les besoins de chacun" (Actes des Apôtres, 2, 45)
-5- « Comment s’enrichissent les possédants, sinon en accaparant les choses qui appartiennent à tous ? Si chacun ne prenait que selon ses besoins, laissant le reste aux autres, il n’y aurait ni riches ni pauvres ». (Saint Basile de Césarée, au 4e siècle).

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Le 3 octobre 2013.
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