samedi 19 avril 2008

La crise alimentaire est aussi au fond des océans



Décidément l'émission "grand public" du vendredi soir sur FR3 :
"Thalassa, le magazine de la mer" veut mettre en garde les téléspectateurs contre des périls majeurs dont la mer est le révélateur. Je ne sais combien de temps encore on tolèrera cet éveil écologique et citoyen. Pour le moment, j'y trouve de quoi nourrir ma réflexion politique.

Hier, il s'agissait du recul rapide, dramatique et parfois irréversible des ressources halieutiques! Tout cela s'ajoute aux constatations multiples que font tous les travailleurs de la mer. Plus de morue ou tellement moins! Disparition possible de plusieurs espèces de requins. Destruction de barrières de coraux où pullulaient les poissons. Diminution très importante de la taille des prises. Menace sur le thon rouge en méditerranée. Multiplication de fermes aquacoles où l'on hâte la production de variétés carnivores qui se nourrissent de... ce qu'on va pêcher pour eux. Pollution grave par les plastiques, fatale à quantité de dauphins et tortues...

Il me vient, évidemment, qu'il en est, pour le poisson, en mer, comme pour tout ce qu'exploite l'homme, sur la terre ferme : on ne peut prélever plus que ce que la nature produit! Ne pas laisser se renouveler une population est le plus sûr moyen de la faire disparaitre! Cet irrespect est mortel pour toutes les espèces y compris l'espèce humaine.

Je songe au pardon demandé par le paysan africain à la chèvre qu'il sacrifiait, pour se nourrir. On en est loin! Quand les énormes orques s'échouent volontairement sur une plage pour dévorer un phoque ou un éléphant de mer et reculent vers les flots avec leur prise, ils ne causent pas plus de mal à la nature que lorsque le léopard des mers s'empare d'un pingouin ou quand l'anémone de mer capte du plancton. La taille du prédateur ne fait rien à l'affaire. C'est la quantité des prélévements qui désorganise les biotopes. Et le superprédateur qu'est l'homme, non seulement ne se préoccupe pas de la nourriture qui lui sera, dans l'avenir, nécessaire mais il rend impossible l'équilibre entre tous les vivants qui dépendent les uns des autres.

Chaque bateau de pêche est devenu une usine à tuer, équipée, scientifique, massive, qui ne laisse aucune chance au poisson que convoitent les entreprises géantes qui mettent au travail (ou au chomage) les travailleurs de la mer. Nous vivons des temps de guerre faite au vivant.

Je suis d'autant plus bouleversé par ces pratiques à contreproductives qu'elles massacrent la beauté. Chaque thon pêché est un obus vivant dont la ligne est étrangement aquadynamique. J'ai vu, pour la première fois, hier, un poisson plat, noir et blanc, au décor constitué de multiples taches d'une harmonie inouïe; un peu plus tard, une manière d'arc en ciel vivant et sous marin apparaissait sur l'écran. L'absence totale de considération pour ce milieu où l'on puise sans mesure, pour "faire de l'argent" dégoute de la fausse vie que s'imposent les hommes. La mer, (dont on commence, -attention aux nouveaux dégats- à découvrir les grandes profondeurs et... les trésors comestibles) n'est plus qu'un terrain de chasse. Nous ne l'aimons pas. Elle nous intéresse pour ce qu'elle rapporte. Et c'est tout.

Nous saurions pourtant y faciliter la vie. Il a fallu que nous constations l'habitat des épaves par la faune aquatique pour que nous vienne l'idée que l'homme pouvait aussi aider à la vie marine! Les récifs artificiels, immergés au large du Japon pour que les crustacés et les poissons côtiers s'y reproduisent et s'abritent, constituent une bonne solution sauf si ce ne sont rien d'autre que des aquafermes sousmarines... Un poisson n'a-t-il comme seul intérêt que de pouvoir être mangé?

J'en viens à penser que le végétalien, s'il sait équilibrer ses repas, loin d'être, comme on le présente, un monstre inconscient qui met en péril et sa vie et celle de ses enfants, offre une possibilité à l'humanité : celle de moins nuire. De toute façon la tempérance et la sobriété sont devenues des qualités vitales pour l'espèce humaine. Le plus est meurtrier. Le mieux passe par un moins. Moins..., en mieux. Pas l'identique en moins!

La crise alimentaire mondiale, qui conduit à un drame planétaire causé principalement par la confiscation de la production des céréales par les banques et les firmes, a son prolongement dans les océans. "Moins de viande, moins de poisson, plus de céréales" : voila un slogan qui ne peut que mettre en furie les prédateurs les plus acharnés qu'ils soient, ou non, conscients de ce qui devient un crime contre l'humanité, comme dit Jean Ziegler.

Je me sens loin de ce monde qui fonctionne comme s'il n'était jamais possible de vivre autrement, et qui n'a d'autre moteur pour ses activités que la recherche passionnée du "toujours plus" qui s'achève à tout coup par un toujours plus de misère.

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Le 3 octobre 2013.
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Jean-Pierre Dacheux