Chez Robert Laffont (sortie le 11 septembre 2008)
D'origine bulgare, historien, écrivain francophone, venu en France en 1963, Tzvetan Todorov avertit : les barbares ne sont pas nécessairement où l'on croit! La justification de la torture, au nom de la lutte contre le terrorisme, sur laquelle les alliés des USA ferment les yeux, détruit les fondements mêmes de la démocratie et transforme les démocrates en barbares.
On a toujours appelé, rappelle-t-il, terroristes, les ennemis des États. Les résistants pendant la Guerre 1939-1945, les nationalistes algériens, de 1954 à 1962, étaient désignés comme des terroristes. La guerre de l'ombre est une guerre. Qu'on la nomme "opérations de pacification" ou bien "restauration de l'ordre public", quand il s'agit d'un conflit entre une population et l'armée d'un État, on peut bien parler de terroristes, mais c'est de la guerre qu'il s'agit, avec tout son cortège d'atrocités barbares.
N'en déplaise au Minsitre de la Défense (on ne peut plus dire Ministre de la guerre), le soldat français exécuté "à l'arme blanche" par des combattants afghans, dont il resterait à vérifier qu'ils étaient tous Talibans, est une victime de la guerre et il a été victime de la barbarie. Les dizaines de femmes et d'enfants morts sous les bombes de l'armée US, dans leur village ont été aussi victimes de la barbarie. La guerre est barbare.
Qu'est-ce donc qu'un barbare? C'est celui qui vit au-delà de la civilisation. C'est aussi le "civilisé" qui supprime le barbare en usant des méthodes qu'il condamne et qu'emploie "l'autre"!
L'empire romain est tombé sous les coups des barbares. L'armée romaine, disciplinée, organisée, dirigée par des chefs expérimentés, n'était pas moins impitoyable que les "hordes barbares". Les jeux du cirque n'étaient pas moins cruels que les assassinats rituels au cœur des forêts où s'installaient les tribus barbares.
La barbarie est la chose du monde la mieux partagée. Elle n'épargne pas l'Occident et reste à prouver que l'occident n'a pas généré plus de barbarie que tous les peuples à la fois, auxquels il a été confrontés. Cornelius Castoriadis, "le titan de l'esprit" selon Edgar Morin, le créateur de Socialisme et Barbarie, dont les analyses ont été souvent confirmées par l'histoire contemporaine, a expliqué cela cent fois...
Ce qui est neuf, au XXIe siècle, c'est que les innombrables justifications de la barbarie et de la contre-barbarie, si elles tiennent lieu, pendant quelque temps, de politique internationale, finissent, à terme, par ne plus tromper personne. Sous l'habileté des mots se cachent de plus en plus mal les intérêts économiques. L'information circule trop vite, la communication est trop efficace pour que l'on puisse désormais tromper "tout le peuple tout le temps" (1) comme disait Lincoln.
Reste que le règne de la barbarie cynique ou masquée est le règne de l'atroce. Nous ne vivons plus auprès des barbares, mais au milieu d'eux et n'est pas le moins barbare, peut-être, celui qu'on tient pour un honnête homme et qui en présente toutes les apparences.
Le mensonge et la demi-vérité font le lit de la barbarie. Le barbare est toujours, pendant quelques moments, crédible, juste avant d'accomplir son forfait ou , au contraire après, pour dissimuler l'horreur au nom du réalisme politique.
l'important est de ne pas situer le barbare dans un camp. Il est partout.
L'essentiel est de ne pas taxer de terrorisme seulement ... les autres!
Todorov l'explique avec brio. Nous nous mettons en danger en cherchant le nécessaire ennemi héréditaire ou l'indispensable conflit de civilisation. La tentation de substituer l'islamisme au communisme est plus qu'absurde, puisqu'elle renforce ce à quoi on prétend s'opposer au nom de la civilisation.
La société démocratique capitaliste est entrée dans une contradiction dont elle ne sortira qu'à la condition de dissocier, de nouveau, politique et économie, ou, du moins, à condition de ne pas continuer de laisser accroire que tout est dit, que l'histoire est close et qu'il ne reste plus qu'à mettre en œuvre une organisation du monde qui n'a plus de concurrence.
Sinon, il faudra, comme en 405 après Jésus-Christ, que des Barbares viennent nous libérer de notre barbarie. Et peut-être que les Églises, ou ce qu'il en reste, comme après le cinquième siècle, passent aux barbares... pour sauver les principaux acquis de la civilisation.
(1) "On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps".
http://www.citationspolitiques.com/auteur.php3?id_auteur=219
On a toujours appelé, rappelle-t-il, terroristes, les ennemis des États. Les résistants pendant la Guerre 1939-1945, les nationalistes algériens, de 1954 à 1962, étaient désignés comme des terroristes. La guerre de l'ombre est une guerre. Qu'on la nomme "opérations de pacification" ou bien "restauration de l'ordre public", quand il s'agit d'un conflit entre une population et l'armée d'un État, on peut bien parler de terroristes, mais c'est de la guerre qu'il s'agit, avec tout son cortège d'atrocités barbares.
N'en déplaise au Minsitre de la Défense (on ne peut plus dire Ministre de la guerre), le soldat français exécuté "à l'arme blanche" par des combattants afghans, dont il resterait à vérifier qu'ils étaient tous Talibans, est une victime de la guerre et il a été victime de la barbarie. Les dizaines de femmes et d'enfants morts sous les bombes de l'armée US, dans leur village ont été aussi victimes de la barbarie. La guerre est barbare.
Qu'est-ce donc qu'un barbare? C'est celui qui vit au-delà de la civilisation. C'est aussi le "civilisé" qui supprime le barbare en usant des méthodes qu'il condamne et qu'emploie "l'autre"!
L'empire romain est tombé sous les coups des barbares. L'armée romaine, disciplinée, organisée, dirigée par des chefs expérimentés, n'était pas moins impitoyable que les "hordes barbares". Les jeux du cirque n'étaient pas moins cruels que les assassinats rituels au cœur des forêts où s'installaient les tribus barbares.
La barbarie est la chose du monde la mieux partagée. Elle n'épargne pas l'Occident et reste à prouver que l'occident n'a pas généré plus de barbarie que tous les peuples à la fois, auxquels il a été confrontés. Cornelius Castoriadis, "le titan de l'esprit" selon Edgar Morin, le créateur de Socialisme et Barbarie, dont les analyses ont été souvent confirmées par l'histoire contemporaine, a expliqué cela cent fois...
Ce qui est neuf, au XXIe siècle, c'est que les innombrables justifications de la barbarie et de la contre-barbarie, si elles tiennent lieu, pendant quelque temps, de politique internationale, finissent, à terme, par ne plus tromper personne. Sous l'habileté des mots se cachent de plus en plus mal les intérêts économiques. L'information circule trop vite, la communication est trop efficace pour que l'on puisse désormais tromper "tout le peuple tout le temps" (1) comme disait Lincoln.
Reste que le règne de la barbarie cynique ou masquée est le règne de l'atroce. Nous ne vivons plus auprès des barbares, mais au milieu d'eux et n'est pas le moins barbare, peut-être, celui qu'on tient pour un honnête homme et qui en présente toutes les apparences.
Le mensonge et la demi-vérité font le lit de la barbarie. Le barbare est toujours, pendant quelques moments, crédible, juste avant d'accomplir son forfait ou , au contraire après, pour dissimuler l'horreur au nom du réalisme politique.
l'important est de ne pas situer le barbare dans un camp. Il est partout.
L'essentiel est de ne pas taxer de terrorisme seulement ... les autres!
Todorov l'explique avec brio. Nous nous mettons en danger en cherchant le nécessaire ennemi héréditaire ou l'indispensable conflit de civilisation. La tentation de substituer l'islamisme au communisme est plus qu'absurde, puisqu'elle renforce ce à quoi on prétend s'opposer au nom de la civilisation.
La société démocratique capitaliste est entrée dans une contradiction dont elle ne sortira qu'à la condition de dissocier, de nouveau, politique et économie, ou, du moins, à condition de ne pas continuer de laisser accroire que tout est dit, que l'histoire est close et qu'il ne reste plus qu'à mettre en œuvre une organisation du monde qui n'a plus de concurrence.
Sinon, il faudra, comme en 405 après Jésus-Christ, que des Barbares viennent nous libérer de notre barbarie. Et peut-être que les Églises, ou ce qu'il en reste, comme après le cinquième siècle, passent aux barbares... pour sauver les principaux acquis de la civilisation.
(1) "On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps".
http://www.citationspolitiques.com/auteur.php3?id_auteur=219
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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux