jeudi 29 janvier 2009

Quand Dany explique pourquoi on ne peut voter pour lui



Daniel Cohn-Bendit, dubitatif.

Face à Serge Latouche, parlant au nom des adeptes de la "décroissance " et Philippe Corcuff ayant déjà rejoint le parti anticapitaliste (NPA), Dany Cohn-Bendit, le 28 janvier au soir, sur FR3, a expliqué en quoi il s'éloignait de propositions trop radicales et pourquoi, sans être pro-capitaliste, il était favorable à l'économie de marché.

Tout devient clair. L'argumentation est, d'ailleurs, respectable. Toute pensée radicale conduit à la violence, pense-t-il, et ce qu'un chercheur peut dire, un homme politique en responsabilité, en prise sur la réalité, ne le peut pas. Voilà pour les décroissants. L'anticapitalisme est facile à proclamer; il est moins facile d'y substituer une économie qui ne soit pas une dictature d'État. Voilà pour les anticapitalistes.

Autrement dit, le passé est révolu et avec lui un socialisme qui fut dominé par les soviets et leur cortège d'abominations. L'avenir n'est pas au coup de dé incertain, mais à la construction patiente d'une société où régulation et autogestion limiteront les risques d'une économie de marché tentée par le libéralisme.

La faiblesse de cette argumentation se situe dans son pessimisme structurel. Les critiques de Cohn-Bendit ont eu beau jeu de lui faire observer qu'il avait vieilli. Ne pas lâcher la proie pour l'ombre ne signifie pas qu'on ne puisse rien faire d'autre qu'améliorer un système auquel on n'a pas encore su, ou pu, opposer une alternative crédible!

Il est décevant qu'un écologiste, d'une part, ne reconnaisse pas, avec Serge Latouche, que, même si rien ne vient encore le remplacer, le capitalisme est à bout de souffle parce qu'il a atteint des limites physiques infranchissables, et que, d'autre part, il ne sache rien répondre à Philippe Corcuff, si ce n'est : "et que proposes-tu, à la place?". Autrement dit, le libéral libertaire persiste et signe : la liberté des mœurs n'est pas incompatible avec la liberté des entreprises, pourvu qu'elles restent... raisonnables. Liberté, liberté, combien de crimes a-t-on commis en ton nom?


Serge Latouche et Philippe Corcuf

Dany déçoit d'autant plus qu'une partie de son discours séduit. Il est du nombre de ceux dont l'analyse est la plus fine et la plus ouverte: il voit bien, et expose bien, pourquoi les contraintes écologiques planétaires ne peuvent être évitées, mais il s'arrête en chemin, il ne veut pas que, suspendus au-dessus de l'inconnu, nous puissions nous lâcher des mains avant d'avoir touché des pieds! Avoir peur du gouffre et se laisser choir dedans ne lui convient pas.

Ce débat entre les réalistes et les utopistes est vieux de plusieurs années chez les écologistes. Il n'y a pas de choix politique sans risque. Où est le plus grand? Faut-il mieux rester dans la voiture qui va se précipiter dans le mur, avec la probabilité d'y laisser se fracasser la civilisation, ou vaut-il mieux sauter en route, avec de maigres chances d'en sortie sans casse? Tant que l'obstacle est encore un peu éloigné, on peut continuer à s'interroger, mais dès qu'on s'en trouve à courte distance, il faut soit se décider à rester dans le véhicule social et économique qui nous transporte soit tenter de s'en sortir, même si l'on se retrouve, alors, pour quelque temps, blessé et sans moyen de transport!

Choix cruel : la certitude d'échouer ou l'incertitude de réussir!

Des hommes mortels devraient accepter non de se sauver eux-mêmes mais de sauver l'espèce, non de limiter, si possible, les dégâts d'une économie prédatrice, mais de rechercher, au plus vite, des alternatives réelles, en effet radicales (parce qu'il va falloir changer de vie) et contre l'économie capitaliste ne reposant que sur les marchés (parce que le marché qui libère le pouvoir du plus fort ne peut qu'être intrinséquement injuste).

On peut, et c'est plutôt une pensée de conservateur, se dire : "un tien vaut mieux que deux tu l'auras" ou "après moi le déluge". Cela signifie : je garde mon acquis, mon bien, ma richesse, ce que j'ai déjà obtenu par mon travail; sauvons ensemble ce qui peut l'être mais ne nous jetons pas dans l'inconnu. Ce n'est pas indigne, mais c'est une logique de l'avoir.

On peut aussi, et c'est plutôt une pensée de novateur, se dire : "je ne cesse de perdre des chances" et "mes enfants sont sûrs de vivre moins bien que moi". Cela signifie : le discours sur le travail est mensonger; construisons une vie d'autonomie maximale; mieux vaut un avenir incertain que pas d'avenir du tout. C'est une logique de l'être, en tout cas du mieux être.

Entre l'espoir et la raison, la jeunesse choisira l'espoir, même imprudemment. Les écologistes, quel que soit leur âge, qui sont les seuls à offrir des perspectives de changement écononomique et social complètes, ne peuvent, à moins de se déjuger, qu'affirmer, avec Hervé Kempf : "pour sauver la planète, sortez du capitalisme". Dany Cohn-Bendit, le conteste et affirme, en quelque sorte : "ce serait bien, mais ce n'est pas possible". C'est un écolo social qui aura toutes raisons de faire accord avec les socialistes européens, lesquels ne veulent, pas plus que lui, d'une Europe politique autre que celle qui fonctionne aujourd'hui sur des bases économiques libérales.

Impossible donc de voter pour lui, en Ile de France, ou pour ses autres partenaires d'Euro-Écologie , le 7 juin 2009, lors des prochaines européennes. Dommage!


Les 7 circonscriptions sub-nationales, en France.

Les élections européennes de 2009 se dérouleront du 4 au 7 juin, dans les 27 États membres de l'Union européenne. Plus de 500 millions d'Européens seront ainsi représentés. Ce sera la septième élection européenne au suffrage universel direct. Si, comme c'est vraisemblable, c'est le traité de Nice qui s'applique à ce moment-là, le nombre de députés sera de 736 (dont 72 en France).

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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux