lundi 25 février 2008

Écologie et politique argentine

Montrer les dégâts produits par l'appât du gain et soutenir les victimes des désastres écologiques ne plaît pas à tout le monde! Yann Arthus-Bertrand en fait les frais. Une nouvelle mise en évidence de la complémentarité entre les luttes populaires et l'action écologique. Exemplaire.

Bloqués dans leur hôtel depuis cinq jours et interdits de sortie du territoire argentin, le photographe Yann Arthus-Bertrand et son équipe de dix personnes sont en attente de leur comparution devant un juge à Puerto-Iguazu, petite ville touristique du nord-est de l'Argentine, après que trois plaintes ont été déposées à leur encontre.

Ils ont été arrêtés mercredi à l'aéroport de la ville de Posadas, après un tournage sur les problèmes suscités par le barrage hydroélectrique de Yacyreta, un ouvrage qualifié de « monument de la corruption » par l'ancien président argentin Carlos Menem et très critiqué pour ses conséquences écologiques désastreuses.


Yann Arthus-Bertrand affirme qu'il s'agit d'un coup monté qui vise à bloquer le tournage réalisé ces derniers jours sur un sujet très sensible : le barrage de Yacyreta, situé sur le Rio Parata.

"Nous sommes venus, dit-il, travailler en Argentine pour l'émission de France2, Vu du ciel, inspirée du livre de Fred Pearce sur la mort des grands fleuves. Au départ, les relations avec l'agence de tourisme qui nous suivait durant le voyage étaient excellentes. Tout a basculé à Posadas, lors du tournage sur le barrage, après une série d'interviews très fortes auprès des derniers habitants du village d'El Brete. L'eau doit encore monter de cinq mètres mais ils ne veulent pas quitter leurs maisons. Ces gens résistent depuis plus de dix ans, malgré les pressions. En racontant leur histoire, ils hurlaient, ils pleuraient... Le soir même, en rentrant à l'hôtel, l'agence nous a réclamé de lui verser l'intégralité du voyage en liquide...


Vu l'importance des sommes nécessaires à un tournage, il n'est pas question pour nous de nous déplacer avec une valise de billets. Un versement bancaire depuis la France était prévu. Au début, nous avons pensé qu'il y avait un malentendu, que le virement n'avait peut-être pas été effectué.

Le matin, nous avions encore tourné dans le village d'El Brete. Une fois terminé, nous allions à l'aéroport pour poursuivre notre voyage vers le sud, toujours organisé par la même agence de voyage qui, entre-temps, avait reçu la confirmation du transfert bancaire. Là, les accompagnateurs sont devenus très nerveux... Dix minutes plus tard, une quinzaine de policiers ont débarqué, nous ont arrêtés et conduit au commissariat, où la plainte nous a été notifiée. Dans la soirée, nous avons été transférés ici, à Puerto Iguazu, ce que je n'interprète que comme un moyen d'éviter toute mobilisation en notre faveur. Les ONG locales qui se battent au côté des expulsés du barrage attendaient beaucoup de notre venue. Pour elles, la volonté des autorités est claire : nous interdire de parler du scandale du barrage et des milliers de déplacés. L'hélicoptère qui devait filmer le barrage a été interdit de vol et cloué au sol. En fait, nous étions suivis par la police dès l'arrivée dans le village d'El Brete. Et encore le lendemain matin.

Le juge d'Iguazu nous a entendus une première fois jeudi et libérés sous caution avec interdiction de quitter la ville. Nous n'avons même pas pu être confrontés à la personne qui nous accuse ! Vendredi, nous avons appris avec stupeur qu'un garde-forestier d'un parc naturel où l'équipe avait travaillé et un chef de l'ethnie guarani également rencontré lors du tournage avaient eux aussi porté plainte. Nous sommes tombés des nues ! Sans doute des pressions ont-elles été exercées sur ces gens. Les interviews s'étaient pourtant très bien passées. Il n'était en rien question d'argent.

Deux avocats nous assistent, l'ambassade de France nous soutient. Il nous faut bien sûr respecter la loi argentine. Mais pour ceux qui voudraient nous faire taire, c'est raté : nous ne donnerons pas nos cassettes !"

Source : http://www.leparisien.fr/home/info/faitsdivers/articles.htm?articleid=296083953

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Le 3 octobre 2013.
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Jean-Pierre Dacheux

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