jeudi 3 mai 2007

La fin de mai 1968 ?

À la veille du 1er mai, Nicolas Sarkozy annonçait son intention d’en finir avec mai 1968. Retour donc à l’ordre, la discipline, l’obéissance, le mérite, le travail, le respect de l’autorité...

Dans le mouvement qui a entraîné pendant des semaines la France tout entière vers de nouveaux temps, il y a eu sans doute, mélangés, du neuf et des scories.
Le tri entre les apports réels et les emballements passagers s’est fait au fil des ans. On ne reviendra pas sur les transformations sociales qui ont abouti à un bouleversement des mœurs. De Gaulle lui-même, dont l’autorité avait, en juin 1968, permis de balayer “la chienlit”, n’avait pu résister longtemps à cette modification des mentalités.

La restauration du pouvoir des forts ne va pas se faire sans résistances. Le petit Bush à la française ne conquerra pas l’opinion longtemps en usant des thèmes faussement rassurants du retour à l’âge d’or (comprendre : quand la contestation était délimitée, confiée à un autre parti de l’ordre, le PCF, servant d’exhutoire à la colère populaire, et en aucun cas capable d’accéder aux responsabilités nationales).

Nicolas Sarkozy est le dernier rempart des tenants d’une société dont ne subsiste que le squelette. Les Français tiennent à leurs repères, aux formes mais ils vivent dans le réél aussi. Ou bien, le 6 mai, ces formes vont être maintenues, pour un temps, faute de repères nouveaux identifiables, ou bien ces formes vont exploser parce que le monde n’est plus celui que nous avons connu, et alors Ségolène Royal sera l’instrument de ce changement, qu’au fond elle ne veut pas, et auquel elle ne pourra s’opposer.

N’est-ce qu’un rêve? Je ne le crois pas. L’univers dans lequel circule Nicolas Sarkozy n’est pas celui où vivent la majorité des hommes. Sa sortie sur mai 1968 en est une illustration frappante. La société qu’il nous propose n’est pas assez complexe et classe les vérités et les erreurs avec trop d’arrogance pour n’être pas fragile.

Non seulement on n’effacera pas mai 1968 de nos livres d’histoire, mais on continuera d’en explorer les motivations pendant longtemps encore. On n’a pas tout compris de cette explosion sociale que les organisations syndicales n’avaient pu ni prévoir nicontrôler.

Je regarde avec consternation mais aussi beaucoup de curiosité cet épisode de la vie politique française : il pourrait bien en sortir tout autre chose que ce que les discours de tous les candidats ont annoncé.

Le duel politique est un spectacle obscène.

La politique spectacle est l'horreur même.
Ce soir, 2 mai 2007,
je ne vais pas regarder le duel Sarko-Ségo.
Car c'est un duel, fort cruel!
Or la politique n'est pas un match.
Ce n'est pas une compétition.
C'est bien plus que ça!.
Il s'agit de la vie des hommes.
Pourquoi s"en aller voir qui sera le plus fort?
Serions-nous dans les tribunes d'un stade?
À moins que ce ne soit dans des arènes.
Des gladiateurs s'y tuent avec des mots.
Quel spectacle!
D'un côté le libéral liberticide,
de l'autre la diva populiste.
Je m'approche du soir de ma vie
et observe avec dégoût ces mœurs triviales.
Je sais sombrer dans la solitude
car ce qui me révulse passionne les foules...
Quand je vais voter, dimanche,
pour le moindre mal,
ce moment faussement palpitant
appartiendra déjà au passé.
On recherchera encore quelle aura été "la" phrase qui a fait mouche,
on continuera de substituer la médiatisation à la politique.
Et moi de m'interroger sur ce qu'est la démocratie...
Si elle est ça, comment y voir un bien pour le peuple.
Cette élection présidentielle exceptionnelle
aura été exceptionnellement dévastatrice.
De valeurs,
d'espérances,
de pratiques.
Nicolas Sarkozy perdrait-il qu'il n'en aurait pas moins réussi à briser un élan.
Cette France qui s'est révélée à travers lui ne me concerne pas.
Le pays est cassé.
Les idées de Le Pen se sont insinuées partout.
Une ère Busch est possible.
La peur entre en force en nos esprits.
Le menteur habile arrive à ses fins.
S'il est battu, ce sera de peu.
La vérité n'est pas dans le nombre.
La menace, si.
Les enjeux vitaux de ce monde sont oubliés.
La moitié de la France se livre à un terrible jeu pervers ;
tout faire rentrer dans l'ordre,
un ordre qui génère un désordre brutal.
N'avoir su donner l'espoir au peuple
au risque de le voir se donner au Dictateur masqué,
est la plus lourde des fautes possibles
que vont porter sur eux tous ceux qui ont parlé d'une gauche imaginaire
que les citoyens ne reconnaissent plus.
Je vais essayer de cacher, dans le sommeil,
l'angoisse qui m'étreins depuis plusieurs jours.
Je marche dans la nuit
sans savoir si je suis encore sur un chemin praticable.
Ma seule certitude, c'est qu'il faut marcher
au risque de la chute et de la douleur.
Et qui va souffrir le plus
sinon ceux qui souffrent déjà?
Il n'est pas de nuit qui ne prenne fin,
mais je suis tout à la fois las et plein de colère.
Que le repos me reconstitue,
Non, je n'irai pas me mêler aux voyeurs, ce soir.
Je refuse le jeu obscène de la conquête personnelle du pouvoir.

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