mardi 25 août 2009

Ce que le ramadan donne à penser?

Nous sommes entrés dans la période du ramadan. Il ne s'agit pas, principalement, selon moi, d'une expression religieuse, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, mais bien d'une très forte manifestation d'identité de la part de ceux dont la culture aura été mal accueillie dans notre pays, la France, où les rapports entre colonialistes et colonisés, autochtones et immigrés, Français originaires de l'Europe et Français originaires d'Afrique et singulièrement d'Afrique du Nord, restent marqués par une histoire non totalement apaisée.

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La laïcité, valeur centrale de la démocratie politique française, née de la disparition progressive de la tutelle de l'Église catholique sur les pouvoirs et sur les mœurs, se trouve interrogée, maintenant, par la présence d'une population nombreuse qui ignore le concept de clergé mais qui associe encore étroitement le pouvoir temporel et le pouvoir religieux. Non seulement la laïcité, pour un musulman, reste un concept flou, mais ce qui en est retenu et accepté se trouve toujours réduit à la tolérance de la juxtaposition des religions dans les pays où l'Islam est minoritaire.

Au cléricalisme, qui a été défait, au XXe siècle, par l'affirmation de l'autonomie du politique, a succédé une nouvelle manifestation d'autoritarisme religieux pesant sur les populations d'éducation musulmane. Il n'en fallait pas davantage pour que renaissent, aussi bien chez les Protestants et les Orthodoxes que chez les Catholiques (mais également chez les Juifs), de nouvelles tentatives d'appropriation de la vérité au nom du Livre et autres textes "sacrés", interprétés, alors, de façon formelle et dogmatique. L'affaiblissement du concept de laïcité, trop limité à son rapport historique avec le catholicisme, (et mis à mal y compris par l'actuelle Présidence de la République), permet la résurgence de toutes les formes d'intégrisme, c'est-à-dire, de blocage des évolutions de la représentation du monde par une lecture rigide, dogmatique, mécanique, des grands textes religieux.

Le retour du religieux, annoncé par plusieurs écrivains, dont André Malraux, prend alors la forme d'un retour des religions, ce qui est tout différent.

La sphère du religieux englobe les innombrables questions métaphysiques posées par tout humain s'interrogeant sur son destin et sur celui de l'espèce humaine tout entière. La religion institutionnelle est, au contraire, le plus souvent, un processus habile ou brutal de domination des consciences. Le mystère dans laquelle se trouve plongé toute conscience active en quête de vérité, n'est pas compatible avec le mystère dont s'entourent ces doctes parlant avec autorité, prétendant fournir toutes les réponses, et s'attribuant la connaissance parfaite que leur auraient transmise Dieu et à ses prophètes. Le créationnisme des chrétiens évangélistes qui tente de s'imposer en occident constitue une belle illustration de ces lavages de cerveau nouveau style censés ruiner toutes les recherches scientifiques antérieures relatives à l'évolution du vivant!

Le ramadan est un temps de réflexion qui ne concerne pas que "les croyants"! Il oblige à regarder en face les contraintes que des hommes imposent à d'autres hommes, au nom de la religion, considérée, de nouveau, trop souvent, comme un domaine où aucune critique ne peut s'exprimer sous peine de sacrilège.

Dire, par exemple, que la violence est liée à une conception étroite de l'Islam a déchainé et déclenche toujours les foudres. Qui ne voit pourtant que la mort peut sanctionner le non respect des obligations fixées par tel ou tel État musulman? On a pu entendre parler, au Pakistan, avec fierté, d'arme nucléaire musulmane! C'est aussi incongru que le fameux "Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens" de la Saint Barthélémy, en 1672! Les coups de bâton et les pendaisons n'ont rien à voir avec Allah mais ont bel et bien à voir avec la cruauté des leaders politico-religieux qui y recourent toujours, en ce siècle, pour gouverner leurs peuples.



Pourquoi ne pas dire, également, qu'un jeûne dont on ressort plus gros qu'on y entre parce qu'on consomme la nuit plus qu'on ne mange le jour, le reste de l'année, ne présente pas que des aspects positifs! La Grande Consommation fait, sans état d'âme, ses meilleures affaires alimentaires avec les Musulmans pendant le ramadan! La joie, la fête familiale, le rapprochement communautaire, dont le ramadan fournit l'occasion, sont de belles manifestations du plaisir de vivre ensemble qui s'ouvrent, d'ailleurs, vers les non musulmans, de façon chaleureuse et fraternelle. Les efforts consentis pour ne pas manger, boire et se procurer du plaisir, tant que le soleil brille, ne sont pas niables. Mais, et surtout parmi les populations devenues françaises, bien intégrées, d'origine africaine et nord africaine, le ramadan aussi a pu être récupéré par la marchandisation. Comme pour Noël ou la fête des Mères, toute réjouissance qui permet de faire de l'argent est valorisée.



Eh bien, il est temps de lever ce rideau de fumée. Les questions religieuses sont trop importantes pour être confiées aux seuls prêtres, mollahs, rabbins et autres. Sur tout ce qui aliène peut s'exercer notre lucidité. Il n'y a là rien d'irreligieux! Le religieux conduit à la conscience aiguë, éclairée, exigente et supporte la remise en questions. La religion qui définit un cadre de pensée hors duquel on ne peut sortir est, pour un philosophe, littéralement insupportable. L'histoire a fourni de multiples exemples de ces erreurs sacralisées au nom desquelles on a brûlé, assassiné de toutes les manières, savants, théologiens et libertaires, tous mal pensants en un temps donné de notre aventure humaine, et qu'on a supprimés au nom de vérités qui n'en étaient pas.

Le ramadan fait partie, désormais, des rythmes de vie des Français. Il est ambigu. Il contient, de façon contradictoire, le meilleur (le partage communautaire) et le pire (le repli communautariste). Il est, comme toutes les activités collectives, soumis à la voracité du commerce. Il peut, désormais, être observé, analysé, admiré et critiqué. Comme les christianismes qui ont tant apporté de valeurs et de malheurs à notre pays, l'Islam nous amène ses richesses et dangers. Aux citoyens, croyants, agnostiques, athées, de faire preuve de discernement. Rien n'est totalement pur ou impur. Le pire est toujours de laisser passer devant soi les évènements sans prendre le temps de la réflexion.

Jusqu'ici, pour moi, le ramadan était une activité respectable qui ne me concernait qu'indirectement. En 2009, le ramadan sera devenu, pour moi, l'occasion d'observer mes compatriotes qui se disent musulmans, ne le sont pas toujours, mais ont des pratiques traditionnelles qui les relient entre eux. Il ne m'est plus possible d'être étranger à ce qui ne me l'est plus. Il ne m'est plus possible de n'avoir pas, vis à vis des musulmans, les mêmes exigences intellectuelles que vis à vis des adeptes d'autres religions, ou vis à vis de ceux qui, sans religion, vivent avec, ou non, des préoccupations religieuses.

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