dimanche 3 juin 2007

De l'utilité d'une purge politique

Qu'ils forment ou déforment l'opinion des électeurs, peu importe, l'évidence est que les médias apportent les éléments de la réflexion collective.

Et que nous disent actuellement les médias? Que tout réussit à Nicolas Sarkozy. Que la présidentialisation accentuée de la vie politique française est acquise. Que le Parlement qui va sortir des urnes, le 17 juin, sera aux ordres du Président, l'opposition y étant laminée. Que Ségolène Royal s'est introduite dans la robe du possible président à venir sans complexe, c'est-à-dire en acceptant définitivement la bipolarisation. Que même réduit à la portion congrue, le parti socialiste restera le seul à pouvoir ambitionner un accès au pouvoir dans la décennie à venir. Que tous ceux qui ont été des condamnés, des mal aimés, des chassés peuvent revenir en force : de Gérard Longuet en Lorraine jusqu'à Alain Carignon à Grenoble, sans oublier Alain Juppé à Bordeaux.

Les Français seraient-ils devenus sourds et aveugles? Est-ce un mauvais rêve? Mais surtout qu'est-ce qui a rendu inintelligents les chercheurs en politique qui ont toujours réponse à tout et qui, en fin de compte, n'expliquent rien.

Car que nous disent les doctes possesseurs de vérité dont la gauche est emplie?
Que les institutions et les lois électorales déterminent cette évolution inéluctable vers l'élimination des oppositions politiquement incorrectes?
Mais alors, pourquoi n'a-t-on pas fait de la sortie de ce piège la priorité absolue?
Que celui qui détient le pouvoir de l'argent et de la presse ne peut qu'accéder au pouvoir central.
Mais alors, pourquoi n'a-t-on pas davantage dénoncé ce lien entre l'économique et le politique?
Que la modernisation de la gauche française n'ayant pas été faite, elle n'était plus crédible pour convaincre les citoyens.
Mais alors, pourquoi la même gauche a-t-elle remporté massivement, les dernières élections régionales et cantonales?

On peut longtemps, ainsi, aligner les contradictions. La réalité est telle : ou bien l'opinion est entièrement malléable et la démocratie n'est plus qu'un jeu d'apparences, ou bien l'opinion, en s'exprimant à un moment t de l'histoire, reflète bien l'état du pays, -les médias n'ayant pu, en 2005, inverser la réponse des Français au référendum-, et ce sont les erreurs, les insuffisances, les contradictions des gauches qui ont été sanctionnées.

La situation ne s'analyse sans doute pas de façon aussi carrée. Oui, les lois électorales aggravent la punition. Oui, les médias limitent la capacité d'expression des opposants. Oui, entre les forces des tenants de l'économie triomphante et les forces des acteurs politiques des citoyens dominés, il y a disproportion. Oui, les prêches néo marxistes et les références au seul passé diminuent l'impact de la parole politique, à gauche.

Cependant, ce qui est cause d'échec, c'est, à la fois, l'absence de projet politique d'avenir (le manque d'utopie créatrice) et la juxtaposition de préconisations incompatibles ( selon qu'on pense en terme de parti de gouvernement ou en terme de mouvement de transformation sociale).

Entre les partis de la gauche traditionnelle, (PS, PRG ou MDC) et les formations politiques dites d'extrême gauche (LO, PT, LCR : eux-mêmes inconciliables), il n' y a guère de voie de passage. Quant aux partis communistes et Vert, coincés dans l'entre deux, voulant participer aux gouvernements et ne pas être confondus avec un PS contesté, ils devront soit disparaître s'ils persistent, soit se refonder pour pouvoir réapparaître.

La refondation, voilà bien le maître mot, dont on va faire mille usage dans les mois à venir. Et rien ne garantit encore que la ou plutôt les différentes refondations vont suffire à clarifier les pensées et à redonner de la crédibilité à ces gauches qui ne peuvent s'unir puisqu'elles ne visent plus les mêmes objectifs. Entre la refondation-droitisation que ne cessent d'appeler de leurs vœux Cohn-Bendit, DSK et bien d'autres, d'une part, et la refondation-antilibérale dont on nous promet les Assises à l'automne, d'autre part, il y a un abîme.

Les élections législatives vont mettre en premier plan, cruellement, par le nombre de voix autant que par le nombre de députés, le vide de la représentation de ceux qui s'essoufflent encore à crier leurs convictions de moins en moins écoutés. Le Parti communiste pourrait bien, pour la première fois, ne plus avoir de groupe parlementaire. Les Verts n'en auront toujours pas. Aucun des partis qui ont multiplié les candidatures pour grapiller les euros ne comptera un seul député et si une exception surgissait, elle ferait spectacle et pas événement. Quant au PS, il va subir le contre choc de ses divisions internes : largement diminué dans sa représentation parlementaire, il va entrer dans la phase cruciale, celle où l'on se déchire jusqu'à se séparer, à moins que ce ne soit jusqu'à se déjuger afin de sauver les apparences.

Fallait-il passer par ce désastre pour refonder non pas tel ou tel parti mais tout simplement la politique? Car, là où nous sommes tous, citoyens, responsables et coupables de l'échec historique qui nous traumatise tous, c'est que nous n'avons pas, à temps, repensé la politique. Nous restons intellectuellement prisonniers de vocables usés. D'une telles déconvenues, on ne peut sortir que par le haut. On ne peut, en effet, chuter plus bas. Tout se passe comme si, -et j'avoue que c'est une lecture optimiste des événements-, les électeurs avaient passé un impitoyable coup de torchon sur tout ce qui interdit la résurgence de la pensée politique dans ce qui fut la gauche.

La démocratie n'est pas ce qu'on en a cru. La gauche l'a pensée comme étant la chance de faire triompher le nombre sur le chiffre, le nombre des travailleurs sur le chiffre d'affaires. Il semblait inéluctable que la masse des petits finisse par l'emporter sur les "deux-cents familles" ou la minorité des possédants. La Révolution française n'avait-elle pas balayé la noblesse installée aux commandes du royaume? La révolution sociale donnerait le pouvoir à la classe ouvrière. On sait ce qu'il en advint. Si, à présent, les citoyens-travailleurs ne détiennent plus la clé de l'avenir, c'est que le travail est plus que la production, le travailleur plus que le salarié, et, la-dessus, le candidat Sarrkozy avec son "travailler plus pour gagner plus" va être contredit par le président Sarkozy. Le réel n'est manipulable que durant des périodes brèves.

Je retrouve, peu à peu, quelques raisons de me redynamiser. J'aurai vécu ce drame électoral, -pour moi, c'en est un- comme une violente purge politique. Sans elle, sans doute, jamais nous n'aurions osé dire et faire ce que nous allons pouvoir, à présent, dire et faire. Le temps politique ne connaît pas de hâte ( et là encore Sarkozy pourrait bien chuter). Par chance, l'écologie politique aura été embarquée dans cette obligation de la refondation; elle aussi a subi la purge. Et comme elle recèle les possibilités de réanimer la pensée antiproductiviste et anticapitaliste, je ne doute pas qu'elle émerge enfin mais il lui faudra autre chose que la résurrection d'un parti. La démocratie ne peut plus que se vivre et penser ailleurs qu'au sein des partis dont le modèle est cassé. La généralisation de la politique qu'annonce l'énorme participation électorale, ne doit pas nous donner à croire que tout est joué avec une plusieurs élections. La politique par intermittence s'achève. Si nous restions enfermés dans les pratiques politiques déjà connues, nous pourrions désespérer. J'ai, en ce jour, la conviction que le temps de la politique "classique" est révolue. Nous allons entrer dans une période faste (et dangereuse) où rien ne sera plus acquis pour quelque pouvoir que ce soit.

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