mardi 21 juin 2011

Au bénéfice du doute...


La presse titre, aujourd'hui : " Georges Tron a passé la nuit en garde à vue" et : " Yvan Colonna a clamé une dernière fois son innocence". La manifestation de la vérité semble s'effectuer dans des conditions bien douteuses ! Dans un cas, sans urgence immédiate, on interroge un suspect de nuit, sans doute pour le faire "craquer" (comprendre : avouer); dans l'autre cas, il n'a été tenu aucun compte d'un doute sur la culpabilité de l'accusé ("l'intime conviction" a suffi) !




De la garde à vue :


Je n'ai aucune sympathie pour l'homme politique Georges Tron, moins encore, si c'est le cas, pour un violeur usant de son pouvoir d'intimidation pour contraindre ses victimes et satisfaire ses désirs. Cependant, je ne vois aucune raison pour que la garde à vue soit nocturne sans nécessité absolue. Si c'est pour déséquilibrer un homme qu'on écarte de son rythme de vie ordinaire, si c'est pour le casser, et "faire sortir", de la rupture ainsi opérée, des informations cachées, il y a là un vice dont la police et la justice ne devraient pas se satisfaire. Manifestement abandonné par les siens, l'ex-ministre subit les conséquences de la faute majeure qui aura été la sienne : non pas seulement d'avoir agressé ses employées, mais bien d'avoir contribué à fragiliser la majorité politique. La première vérité révélée, en la circonstance, serait-elle la prééminence flagrante du pouvoir de l'État ?


In dubio pro reo.

J'ignore si Yvan Colonna a tué le préfet Érignac. Comment le saurais-je ? Mais si j'en doute, je ne suis pas le seul, et ces doutes, en dépit de la loi qui le spécifie, n'auront pas servi l'accusé. Nicolas Sarkozy l'avait d'ailleurs déclaré coupable avant qu'il ne soit jugé. Une cour spéciale (faut-il une cour spéciale pour juger "au nom du peuple français" ?), par trois fois, a estimé qu'avoir tenté d'échapper à la justice par la fuite, d'avoir été accusé par des nationalistes complices, suffisaient à prouver que le "berger corse" était bien l'assassin d'un Préfet et donc devait être enfermé à vie. La seule vérité indubitable, révélée en la circonstance, aura été, une fois encore, la prééminence du pouvoir d'un État monarchique.

La séparation des pouvoirs est devenue, notamment en France, (pays de Montesquieu !), un leurre que dénoncent, et dont souffrent, les magistrats eux-mêmes. Bien moins que les condamnés, quand ils sont innocents, bien entendu...


Montesquieu, au secours, ils sont devenus fous...

Du préjugé au pré-jugement.

Une troisième erreur dans l'exercice de la justice apparait, ce même jour encore, avec l'ouverture devant la Cour d'appel de Paris du procès en révision de Loïc Sécher, accusé à tort du viol d'une mineure qui s'est, depuis, rétractée. Les "2655 jours de prison", selon les propres calculs de l'intéressé, ne seront jamais effacés et les gendarmes ou policiers qui ont monté à charge un dossier brisant la vie d'un innocent, suspect idéal, ne seront pas jugés. "Si nous n'étions pas dans un procès de révision, il faudrait montrer que l'on peut être dépressif, alcoolo, homosexuel et fumer des joints sans être coupable", s'est exclamé son avocat, Me Éric Dupont Moretti. Car là aussi sont les pré-jugés conduisant au pré-jugement : ne peut qu'être coupable un homosexuel dont la sexualité est estimée, par avance,... anormale !

Pour le déclarer coupable, le juge doit être convaincu, hors de tout doute raisonnable, de la culpabilité du prévenu ou de l’accusé ; si un doute subsiste quant à la culpabilité du prévenu ou de l'accusé, ce doute doit lui profiter, c'est-à-dire qu'il doita être acquitté ou relaxé « au bénéfice du doute », selon une expression idiomatique.

On en est fort loin.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9somption_d%27innocence


mardi 7 juin 2011

Changer le pouvoir

.

Vaste programme eut dit De Gaulle !

Rien que cela : changer le pouvoir ? Et bien oui, car il y a pouvoir et pouvoir et celui dont tout le monde parle n'est pas celui qui est compatible avec la démocratie, si tant est que l'on veuille vivre en démocratie ?

Supposons qu'en effet la démocratie ait un sens : aller vers la maîtrise maximale de sa vie pour chaque citoyen, être en capacité d'agir pour mieux vivre en société. Cela conduit alors, à l'évidence, au self-government, c'est-à-dire à l'an-archie ! On comprendra que le mot anarchie veuille dire, ici, négation de la mon-archie et de l'olig-archie. Ce qui n'a rien à voir avec le désordre et la violence mais, au contraire, au partage du pouvoir sans empiétement sur la citoyenneté d'autrui.

Belle utopie ricaneront les sachants.

Utopie, en effet, mais utopie nécessaire et urgente car la délégation de pouvoir n'est plus efficace et conduit tout droit à des confiscations du pouvoir. Qui dispose des instruments du pouvoir en abuse tôt ou tard. C'est pourquoi le retour vers une démocratie véritable ne peut que limiter les mandats politiques dans le temps et dans leur espace d'exercice.


Changer le pouvoir c'est, dans un premier temps, interdire purement et simplement les cumuls, ce qui n'est ni nouveau, ni rare, ni compliqué, mais peu envisagé en France ! Cette réticence à partager le pouvoir, en le distribuant autrement, a deux causes : la constitution française qui centralise et "monarchise" le pouvoir, d'une part, et le machisme politique qui vise à empêcher que des femmes exercent des responsabilités au même niveau et aussi fréquemment que les hommes, d'autre part.



à suivre...

lundi 6 juin 2011

Du caritatif au politique

Il est facile de rappeler que le politique sans contact avec le réel perd toute crédibilité et que le charitable, ou l'humanitaire, sans perspective politique enferme les acteurs dans une bienveillance qui ne suffit pas à changer les causes de l'injustice.


Mais de quelle charité humanitaire et de quelle politique parle-t-on ?


Dans sa revue Faim & Soif, ("la voix des hommes sans voix"), l'abbé Pierre, dès la fin des années 1950, insistait sur cette évidence (je cite en substance) : "qui se contente de relever celui qui est tombé, sans enlever la peau de banane qui est la cause de la chutet, est un inconscient ; mais qui supprimerait cette cause, sans porter secours à celui qui est blessé, à terre, est inhumain ! ". Nul ne peut lutter contre le malheur sans en combattre la cause, sinon il s'use en vain.

Faim & Soif n°15 La voix des hommes sans voix 1956


La charité est l'acte du Bon Samaritain ou de Saint Martin de Tours. Le premier se détourne de son chemin pour se porter au secours de la victime d'une agression ; le second partage son propre manteau pour couvrir un homme mourant de froid. La réponse immédiate à la souffrance fait partie du partage de la condition humaine et celui qui s'y soustrait est complice du malheur car il ajoute la violence de son refus d'agir à la cause violente de la détresse. Toute autre conception de la charité est un soutien douceâtre qui donne l'illusion d'aimer autrui mais qui ne retient du mot prochain que le radical "proche". Et de quelle proximité s'agit-il alors ? De ce qui m'intéresse et peut servir, soit à mon salut, soit à ma bonne conscience. Je refuse, évidemment, cet erzats de charité.



La politique est l'acte par lequel tout citoyen apporte son concours à la meilleure organisation de la vie en société, dans la cité (du grec polis). La recherche des causes de la souffrance, de leur prévention, et des moyens de pallier l'injustice, passe par le partage entre tous les humains. En d'autres termes, donner un contenu effectif à la devise républicaine française (liberté, égalité, fraternité) est un impératif absolu. Toute autre conception de la politique n'est qu'une appropriation du pouvoir d'agir par des personnages qui ont confondu la puissance et le service, lequel service se détourne alors du bien commun pour n'être plus que la satisfaction d'intérêts particuliers.

Cette vieille distinction entre l'acte charitable et l'acte politique a pu permettre à certains de confiner la bonté dans l'espace de la pauvreté afin de se réserver l'espace global, là où se prennent les décisions pourtant susceptibles de réduire ou d'éradiquer cette pauvreté.

L'idée dominante est encore, aujourd'hui, que les responsables doivent surmonter leur générosité si c'est l'intérêt du pays. Un tel sophisme, qui a traversé les siècles, fonde l'emploi de la violence soit disant pour le bien de tous. On sait mieux, à présent, que la source des maux, voire la cause des guerres, se situe très en amont des événements tragiques et que ce n'est pas quand tout se noue dans un conflit que l'on peut éviter l'éruption de catastrophes faites de mains d'hommes et annoncées parfois depuis des décennies.



La " sainteté" (je n'aime guère ce vocable laudateur !) de François d'Assise, Vincent de Paul ou Henri Dunant ne s'oppose pas à celle de Martin Luther King, Gandhi ou Mandela, pour ne citer que des noms d'universelle renommée. François d'Assise a tenté de s'opposer à une croisade, Vincent de Paul a lutté contre les guerres de religion, Henri Dunant ne se contentait pas de secourir les blessés sur les champs de bataille ! Martin Luther King a lutté pour la citoyenneté des Noirs américain, Gandhi a grandement contribué à l'indépendance de l'Inde, Mandela a vaincu l'apartheid en Afrique du sud. L'action humanitaire et l'action politique sont, chez de tels hommes, comme l'envers et l'endroit d'une même médaille.



C'est le rejet du politique qui a conduit des chrétiens à l'acceptation résignée de l'inégalité. C'est le rejet a priori de la charité qui durcit le comportement de militants politiques au point de leur faire perdre toute humanité. Le temps est venu de reconnaître que la charité, la solidarité ou la fraternité ne sont ni mièvres ni inefficaces quand elles entrent dans le champ du débat public qui peut être fort éloigné de tout esprit partisan et politicien. Le temps est venu aussi, en même temps, de chasser la violence d'État des concepts politiques indiscutés ! La justice, le partage, l'égalité ne sont pas des "gros mots" ou des concepts inconsistants tout juste bons à rassurer les naïfs. Il est temps de donner et il ne s'agit pas du don d'une obole ou d'une donation à des organisations qui suppléent le comportement de plus en plus pingre des États ! Il s'agit d'oser la solidarité et la révolution non-violente qui renversent l'ordre établi des valeurs désuètes.

dimanche 5 juin 2011

La religion et la mort

La question ne concerne pas, ici, l'au-delà !
Il s'agit de savoir si le sacré tue ou si, plutôt, l'idée que se font les hommes du sacré tue !

On est passé un peu vite, dans la France catholique, sur les horreurs de la Saint Barthélémy.



Dans Charly 9, Jean Teulé délaisse le roi Soleil et ses amours adultérines pour s'intéresser au cinquième des dix enfants d'Henri II (1519-1559) et de Catherine de Médicis (1519-1589), Charles IX (1550-1574) qui succéda à son frère François II, en 1560. L'auteur se focalise sur la période allant du drame du 23 août 1572, l'hécatombe de la Saint-Barthélémy, à la mort du jeune roi au château de Vincennes, le 30 mai 1574. Il ne s'agit donc de démêler l'écheveau des évènements qui ont conduit à l'assassinat de 200 nobles protestants venus assister au mariage de s
a sœur Marguerite et du futur Henri IV, mais d'imaginer les conséquences de sa décision, les massacres qui ont suivi, les complots fomentés contre le roi et sa longue descente dans l'enfer de la folie. Charles IX est-il un souverain fanatique ou un roi fragile, manipulé par sa mère et mal conseillé par ses proches ? On sait que sa santé décline peu et à peu et il succombe une pleurésie, moins de deux ans après le drame. Cette mort prématurée fait-elle suite à un empoissonnement, dont Marie de Médicis serait l'instigatrice ? Le roi a-t-il plutôt succombé aux tortures de sa conscience ?




Les exclus des infidèles de Carcassonne

On n'en était pas à la première tuerie. Au début de juillet 1209, des croisés quittent Lyon, en direction du sud. La première grande cité à s'ériger devant eux est Béziers. «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.» Partout dans la ville règnent alors tueries et massacres. Des milliers de personnes périssent. Après quelques heures, la riche ville de Béziers n'est plus qu'une ville pillée, ruinée et jonchée de cadavres. Inspirés par une telle victoire, les croisés poursuivront la lutte dans tout le Languedoc.

Il est impossible d'affirmer qu'Arnaud Amaury, légat du Pape, a bel et bien prononcé cette parole devenue célèbre. Elle traduit bien, par contre, l'état d'esprit de ces croisés qui combattirent l'hérésie cathare. Ainsi, pour les grands seigneurs du nord, il était convenu de passer par l'épée tous ceux qui leur résisteraient. Arnaud Amaury, de son côté, sut également se montrer digne d'une telle déclaration lorsqu'il écrivit au pape Innocent III: «Les nôtres, n'épargnant ni le sang, ni le sexe, ni l'âge, ont fait périr par l'épée environ 20 000 personnes et, après un énorme massacre des ennemis, toute la cité a été pillée et brûlée. La vengeance divine a fait merveille.»

Ne retournons pas les champs de l'histoire : ils sont peuplés de cadavres, ceux des Chrétiens qui assassinèrent des Chrétiens au nom de Dieu, au nom du Christ ! Aucune leçon d'humanité, donc, ne peut être donnée par les Églises qui ne condamneraient pas, au nom de l'Évangile, les crimes de toutes les croisades, internes ou externes à l'Europe. La "compréhension" et le relativisme historiques n'expliquent pas tout.


Les croisades vues par les arabes - Amin Maalouf

Il faut relire Les Croisades vues par les Arabes, le premier essai écrit par Amin Maalouf, publié pour la première fois en 1983 et traduit en plusieurs langues. Comme son nom l'indique, le livre raconte le point de vue des Arabes sur les Croisés et les croisades, entre 1096 et 1291. Il raconte les pillages et les massacres des Franjs. Quand, au XXIème siècle, les Arabes parlent des Occidentaux en assimilant leurs violences guerrières à des croisades, il faut se rappeler cette donnée médiévale, jamais effacée.



Ce n'est pas pour autant qu'il faut exonérer les Musulmans de leurs crimes !

L'actualité nous informe sur "une" situation qui se répète en mille autre lieux, en Asie et en Afrique, : celle de Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème, un blasphème de surcroît imaginaire mais lié au comportement d'une chrétienne. Que le Pakistan ne puisse rien pour s'opposer à de telles pratiques informe sur le caractère réel du fanatisme musulman, que ce soit en Afghanistan, au Pakistan, en Iran ou ailleurs.

Quand, au nom de Dieu, d'Allah ou du Prophète, on lapide, on pend, on sabre, on enferme dans des culs de basse fosse, on dresse le peuple contre des mal pensants, on s'écarte de tout sentiment religieux pour promouvoir un pouvoir politique appelé religion.

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/06/01/asia-bibi-chretienne-du-pakistan-condamnee-a-mort-pour-blaspheme_1530190_3216.html



Et que dire de l'attitude sectaire, brutale, inhumaine des extrémistes juifs ? La Shoah ne peut être évoquée pour tout pardonner quant des Juifs se replient sur leur terre, dite sacrée, et s'y imposent non seulement par la force mais par des affirmations pseudos-religieuses qui justifient toutes les actions militaires !



Alors, me dira-t-on, ce sont les religions "du Livre", monothéistes, qui sont porteuses de mort ? Pas si sûr ! En Asie, le bouddhisme a manifesté aussi son refus de l'autre par d'extrêmes violences.

Toutes les religions sont-elles, alors, porteuses de mort ? Oui et non. Non, parce qu'il est des agnostiques et des athées qui sont tout sauf tolérants et non-violents ! Non, parce qu'il est des hommes qui refusent de mélanger leur foi avec des processus de domination assassins. Oui, parce que le manque de culture, qui exclut tout pluralisme, peut engendrer des conflits très meurtriers. Oui et non, enfin, parce que, là où triomphe la violence, la religion qui alors tue, se tue elle-même.

La véritable interrogation religieuse ne commence qu'à partir du moment où un homme voit en tout autre être humain son égal et ne peut porter la main sur lui parce qu'il est, au sens strict, son frère en humanité. Cet état d'esprit, cosmopolite, qui fait de chacun de nous un citoyen du monde, ne concerne pas que ceux qui s'approchent d'une foi religieuse ! Ceux qui ont renoncé à donner une réponse aux questions métaphysiques ont une vie à vivre qui, comme celle d'autrui, peut exclure la violence.

Soit, l'affirmer va contre toute l'expérience historique de l'humanité. J'affirme, pourtant, que toute religion qui accepte ou qui, pire, favorise la violence, se vide de son sens et se trahit elle-même. J'ose même affirmer que là où règne la violence, il n'est plus de pensée religieuse, mais seulement des religions qui sont des instrumentalisations de pouvoirs politiques ravageurs auxquels la philosophie ne cessera de s'opposer tant qu'il y aura des hommes pensants.


Archives du blog

Résistances et romanitude

Résistances et Changements

Recherche Google : rrom OR tsigane