dimanche 27 mai 2007

Exil et résistance

Après ces surprenantes et brutales élections présidentielles, de mai 2007, nul ne sait plus, en France, dans ce qu’on appelait la gauche, où se situer.

Nous voici astreints à l’exil et à la résistance.
Mais qui se sent en exil est-il encore capable de résistance?
Car l’exil est interne, et la résistance devra faire face à une légitimité !
Français d’une France qui est minoritaire, nous nous retrouvons mis à l’écart.
Vaincus à la régulière, nous voici, et peut-être pour longtemps, dépendants des décisions d’un monarque républicain, un président dont tout dépend !

Confiance, défiance, méfiance sont les sentiments contradictoires que se partagent ces exilés temporaires ou permanents que nous allons devenir.

Confiance tout de même, pour ceux qui pensent encore qu’au milieu de ces échecs demeurent des gisements de possibilités et qui se tiennent prêts à exploiter le peu de décisions du nouveau pouvoir qui seront compatibles avec leur regard sur le monde.

Défiance et vigilance, pour ceux qui restent à jamais sur leurs gardes, mais qui ne veulent pas vivre, en repli, leur temps d’action durant cinq ou dix années.

Méfiance permanente, pour ceux -et j’en suis- qui, sans renoncer à engranger des succès et sans abandonner les luttes, ne se forgent pas d’illusions et n’attendent rien d’un pouvoir national qui, en dépit de ses habilités ou de ses concessions, ne visera toujours que la satisfaction maximale d’élites impitoyables aux petits.

Je ne peux faire partie de cette France qui a succombé aux charmes et aux mensonges de professionnels de la politique. Exil, donc.

Je ne peux, toutefois, me résigner à subir les conséquences d’un scrutin dont je sais, par avance, les effets qu’il vont produire et notamment sur les plus pauvres. Résistance, aussi.

Rester en ce pays sans en être. Résister sans fuir. Cela conduit tout droit à la désobéissance civile.

Être dissident sans être délinquant. Se déclarer irrespectueux des lois qui violent le droit. Faire passer la légitimité avant la légalité. Faire prévaloir la responsabilité avant la discipline. Cette attitude de rupture n’est pas sans risque mais le pire des risques serait dans la soumission, la résignation, le renoncement.

Il faut se préparer à lutter. D’abord, contre la banalisation d’une situation où, au nom d’une pseudo démocratie, vont se vautrer les profiteurs et les pleutres. Ensuite, contre les aveuglements des négateurs de la radicalité. Enfin contre les violents que ne comptent que sur le court terme. Avec, en outre, pour moi, -que faire d’autre ?-, l’obligation d’effectuer un travail de plume efficace. C’est un challenge qui me déborde mais je n’ai pas le choix.

vendredi 25 mai 2007

Vers une nouvelle radicalité politique

Gauche, extrême gauche, gauche de gauche, ces appellations contiennent, à présent, une part d’ambiguïté qui rend impossible la prise en compte, par l’opinion publique, des contenus politiques qu’elles recouvrent.

Si gauche ne signifie que... ce qui n’est pas à droite, ce n’est plus qu’une négativité sans avenir.

Si extrême gauche signifie refus du capitalisme, sans proposition d’une véritable alternative crédible, ce n’est plus qu’une forme de contestation qui garde sa place dans le champ des luttes sociales, mais qui ne pèse plus guère sur les décisions politiques.

Si gauche de gauche signifie gauche antilibérale (sous entendu : le reste de la gauche ne l’est pas), nous retombons dans la seule négativité, (et de la droite et du capitalisme et du social-libéralisme). Et nous faisons du sur place.

Du rabachage de Lutte ouvrière, au doctrinarisme du Parti des travailleurs, et jusqu’au néo-léninisme subtil de la LCR, il n’y a, à la vérité, que des nostalgies politiques qui s’expriment, des vieilleries!

Du Parti communiste aux Verts, il n’y a que la tentative de garder, ou de trouver, une assise parlementaire, quitte à la devoir au Parti dominant qui les étouffe. Du coup, leur message spécifique devient illisible.

Du réalisme des tendances centristes jusqu’à la fidélité aux idéaux de Jaurès et de Blum, il y a place, au sein du parti socialiste, pour plusieurs partis politiques! Entre la résignation idéologique de ceux qui veulent d’abord gouverner (et on verra après...), et l’entêtement idéologique de ceux qui pensent toujours possible le retour à l’État providence, il y a un gouffre, (par dessus lequel les électeurs socialistes hésitent à sauter!).

La victoire de Nicolas Sarkozy (et c’est bien difficile à admettre!) a l’avantage d’obliger à affronter toutes ces contradictions.

Il ne suffit plus de condamner le PS qui trahit où l’extrème gauche antitoutiste, il faut indiquer les voies non encore parcourues qui peuvent être empruntées avec de bonnes raisons d’espérer qu’elles ne mênent ni à des impasses ni à des catastrophes économiques et sociales.

Le mot gauche est impossible à abandonner pour le moment parce que nous ne sommes pas capables de penser la non-gauche sans risque de récupération par une droite qui s’assume.

Et pourtant, la non-droite, qui n’est pas la gauche traditionnelle, extrême ou pas, devient un réel politique pensable. La droite, en dépit des apparences actuelles, est blessée à mort et il serait plus que dangereux de se définir seulement par rapport à elle. La production conduite par le seul profit est sans avenir. Le temps de la décroissance a commencé, (comprendre le mot non comme une non croissance mais comme une croissance frugale qui tienne exactement compte des ressources existantes au lieu de les brader).

Évidemment les esprits conservateurs, de gauche comme de droite, qui n’ont comme autres repères que les conflits du capital et du travail des siècles passés, sont mal préparés à comprendre que de nouvelles formes de luttes de classes ou d’intérêts sociaux sont apparues et que les luttes de pouvoir ne se situent plus exactement, ou seulement, dans des cadres nationaux.

La radicalité (je n’ai jusqu’à présent pas trouvé d’autres vocable pour me faire comprendre) est un vocable qui n’apparaît pas encore dans le dictionnaire Robert. Au mot radical, il emprunte l’enracinement dans l’histoire, mais il ne se retrouve pas dans l’histoire politique en France, celle des Radicaux qui sont tout sauf définitifs dans leur positionnement politique.

La "radicalité radicale" marque un virage complet, un renoncement total, par rapport à l’existant. Elle est révolutionnaire au sens où l’inversion de la perspective est révolutionnaire comme l’est, étymologiquement, tout retournement. Elle ne vise pas, pour autant, à la prise du pouvoir par la lutte armée, ne fut-ce parce que de tels bouleversements ne sont pas durables et n’atteignent pas l’objectif visé : la dépossession de ceux qui confisquent la richesse à partager entre tous. Changer de maître, expliquait Sartre, ne supprime pas l’esclavage.

La gauche historique a tenté de mener une politique populaire en empruntant trois voies qui se sont avérées être soit inefficaces soient monstrueuses.

La pire a été, des décennies durant, la dictature du parti déguisée en dictature du prolétariat, le collectivisme camouflé en communisme, l’anticapitalisme revendiqué par un capitalisme d’État. Nous n’avons pas fini de payer le prix de cette erreur géante qui a pris fin en 1989, deux cens ans exactement après la révolution française!

La plus ambigüe aura été celle qui a recherché dans le pouvoir d’État et l’instauration de lois justes, les moyens de s’opposer au règne de l’argent, à la domination du capital, à la prééminence de l’économique. L’État-providence, de la Suède jusqu’à la France du Front populaire et de l’après guerre, a dû composer avec les forces qui le circonvenaient, puis a dû céder sous l’effet de la crise énergétique ayant mis fin aux “Trente glorieuses”. La sécurité sociale, comme symbole de la garantie à vie de conditions d’existence décentes, pour tous, s’effondre sous le poids du vieillissement de nos populations, de la démographie mondiale, et surtout de la fragilisation mondiale des nations dont l’interdépendance interdit le maintien d’aires géographiques protégées. Le capitalisme s’est engouffré dans cette béance et s’y installe.

La plus pragmatique mais aussi la plus cynique, la troisième voie, ni dictatoriale, ni étatiste, aura consisté à tenir-le-pouvoir-pour-limiter-les-dégats! Dès qu’il est apparut à François Mitterrand que le pouvoir présidentiel lui même, si fort soit-il, ne permettait pas de conduire, en France, une politique économique différente de celle qui l’emportait en Europe sous l’influence des États-Unis, il a pris le parti de faire une politique d’apparence socialiste et discrétement libérale. Il y fallait un talent fou. Mitterrrand n’en manquait pas; Schroeder non plus; Blair fut l’égal de Thatcher, le bon soldat de Bush mais a séduit jusqu’au bout. Il a prouvé qu’un parti de gauche pouvait faire une politique de droite et être crédible.

Trois voies historiques essayées. Trois échecs. Ou bien la gauche se taille un autre chemin ou bien elle s’épuisera et disparaitra progressivement; mais comme les victimes de l’économie libérales sont, elles, bien vivantes, il va surgir des éléments nouveaux qui vont modifier les pratiques politiques.

J’en vois trois, actuellement, et j’y reviendrai. Qu’il me suffise de les citer :
- la révolution démographique qui n’est ps que numérique et qui est liée à la révolution des âges.
- la révolution technologique qui permet au plus grand nombre d’être informé et acteur.
- la révolution écologique qui résulte de la finitude de la planète et d’une partie de ses ressources.

Toute pensée politique qui ne s’inscrirait pas à l’intérieur de cette triple problématique révolutionnaire est condamnée à rester sans prise sur le réel.

dimanche 20 mai 2007

Je suis un Rrom

Je sais où je vais.
Ma voie est tracée.
Sur mon chemin de vie,
j'ai fait mon choix.

Mon chemin est vert.
J'ai opté pour l'écologie.
J'ai pris parti.
Mais reste libre.

Aucun parti ne contient
ma prise de parti.
Je suis homme de mouvement,
pas de parti pris.

Il n'est d'écologie
qu'à gauche.
Il n'est de gauche
qu'écologique.

Pas n'importe quelle gauche.
Pas n'importe quelle écologie.
La gauche mal à droite.
L'écologie de l'écosophe.

Je marche vers.
Je ne marche pas Vert.
Je marche à gauche,
sans me retourner.

Qui, à gauche, se retourne,
se retrouve à droite.
Il revient en arrière,
et perd son chemin.

Ma voie est tracée.
Nul ne me l'a tracée.
Je l'ai longuement tracée.
En la suivant, je me suis.

Les repères sont fugitifs.
Quand la gauche n'est plus à gauche,
on n'est jamais tout à fait là
où l'on croit être.

Je me perdrais si...,
Si je ne restais qu'à gauche.
Et plus encore si...,
Si je me glissais à droite.

Il y a pire que de s'égarer,
c'est de rester immobile.
Qui ne bouge
est à jamais perdu.

La droite garde toujours la main.
Les gauchers sont des artistes.
La droite se pense et veut légitime.
Par nature! Mais quelle nature?

Je suis d'une gauche autre,
celle qui est et n'existe pas.
La gauche radicale
Des innombrables sans.

Celle des privés de tout,
mes alter égo,
mes semblables,
mes frères.

La gauche est morte.
Vive la gauche.
Vive la gauche utopique.
Celle qui ne se résigne jamais.

Cette gauche qui est d'ailleurs.
Celle qu'on ne voit nulle part.
La gauche qui est la droite de ce Dieu
qui renverse les puissants de leur trône.

J'aime la gauche incompatible.
Celle qui vide les églises.
Pour mettre le peuple là où est sa place,
dans la rue.

Car c'est la rue qui dirige
même si elle ne gouverne pas.
Qui gouverne tient le gouvernail.
Qui dirige tient le compas.

La gauche qui marche se dirige.
Elle se dirige vers son objectif,
Une utopie perpétuellement visée.
Jamais atteinte et toujours là.

La gauche qui sort et rit,
qui est dehors,
qui marche et chante,
la seule à même de tout changer.

Être mal à droite
n'est pas être malhabile
c'est n'être jamais à sa place
au milieu des nantis.

Être écosophe
c'est être hospitalier,
citoyen du monde,
haï.

Car celui qui veut que dure
l'injustice dont il profite
est un prédateur
d'une cruauté inouïe.

J'ai tracé ma voie.
Celle d'un cosmopolite.
Pour qui tout homme en vaut un autre.
Je suis un homme, je suis un Rrom.

La vérité n'est ni blanche ni noire

Je ne suis ni Blanc ni Noir.
Je suis homme.
Et pourtant, je suis blanc.
Ainsi l'a voulu mon histoire, de vie.

Je ne suis ni à droite ni à gauche.
Je suis un animal social.
Et pourtant, je suis à gauche.
Ainsi l'a voulu mon histoire, politique.

La vérité n'est ni blanche ni noire,
Ni grise.
La vérité n'est ni à droite ni à gauche
Ni au centre.

Elle est. Réelle.
Inapprochable.
Mais visible.
Elle est utopie. Réelle.

Non à l'Europe à la française

Curieux paradoxe.
La France qui n'a pas voulu d'une Europe au libéralisme constitutionnellement affiché, la France qui a dit non, est devenue la France qui dit oui à un autocrate.
Ce pourrait n'être qu'un épisode passager de la vie politique nationale qui ne concerne donc que la France. Il n'en est rien. Et, ce matin, la preuve en vient de l'autre bout de l'Europe, dans un pays francophile : la Roumanie.
Le conflit entre le Parlement roumain et le Président de la République roumaine s'est soldé par la victoire nette du Président à l'occasion d'un référendum portant sur la destitution éventuelle de M. Traian Basescu. On pourrait d'en tenir là. Moins de 50% des électeurs ont voté. Il reste un peu plus de deux ans au Président pour terminer son mandat. Mais, bien entendu, il va falloir trancher un conflit de pouvoir et le Président, réinstallé dans sa fonction, envisage de proposer une modification de la Constitution qui lui confèrerait un rôle et une autorité... à la française.
C'est dire que, dans une partie de l'Union européenne (et même à ses marges, en Russie, pays qui ne peut être totalement pensé comme non européen!), on considère qu'une démocratie efficace, et protégée de l'anarchie politique, est une démocratie monarchique, avec un chef, et un seul.
Dans un autre pays de l'Est de l'Europe, la même tentation autoritaire se manifeste d'une façon autant comique que symbolique : en Pologne, le Président et le Chef du gouvernement sont des clones, de vrais jumeaux, et ils ont gagné les élections, sans coup férir, si bien que le conservatisme le plus virulent s'est équipé d'outils modernes de direction de l'un des plus vastes et plus peuplés états de l'Union!
Partout, la démocratie piétine, est bousculée et trébuche. Les élus voient leurs responsabilités réduites à un rôle de faire-valoir du Leader. C'est une fonction qui, aux yeux des intéressés, n'a pas que des désavantages mais ce n'est plus une fonction de contrôle du pouvoir. On ne s'oppose pas au soleil; on ne peut que s'en approcher pour s'y réchauffer. Le Soleil : ce fut en France, le symbole de la monarchie absolue. On la croyait à jamais expulsée de notre champ de conscience politique. Il n'en est rien. Un Président peut vouloir devenir un Roi alors même que des rois, toujours en place, symboles honorifiques de leur pays, ont totalement renoncé à gouverner.
Il est avancé, dans les médias que la condition requise pour bénéficier du label de "majorité présidentielle" lors des prochaines élections législatives, serait, notamment pour les députés sortants, ayant été membres de l'UDF, l'engagement de ne jamais voter la censure! N'est-ce pas revenir avant... 1789?
Le conflit politique entre les partisans de la démocratie de type parlementaire et les partisans de la démocratie de type présidentiel est engagé.
Bien entendu, l'exemple américain pèse sur cette image douteuse de la démocratie efficace. Cependant, et quoi qu'on pense, par ailleurs de la politique étatsunienne, il y a des contre-pouvoirs forts outre Atlantique, et s'il leur est souvent difficile de s'exprimer, quand ils y parviennent, ils sont très influents, tant par la presse qu'au Parlement, comme il apparaît, actuellement, dans cette période de fin de règne que traverse George W. Bush.
Avec le système institutionnel français, hérité du gaullisme, il n'en est pas ainsi. Le Parlement (mais mérite-t-il encore une majuscule?) est une composante du pouvoir quasi mécaniquement déduite de la victoire électorale du Président. Il en fut ainsi en 1965, 1969 et 1974, sans surprise et, en 1981, la gauche socialiste crut, avec François Mitterrand, le seul président de gauche, avoir trouvé la martingale permettant à une formation minoritaire de garder, à coup sûr et durablement le pouvoir. On connait la suite : la gauche dite socialiste, de compromis en compromis, cessa d'être elle-même. En 1995 et 2002, elle connut des défaites cinglantes, aggravées par un dispositif constitutionnel voulu par un Lionel Jospin, certain de sa victoire face à un Chirac affaibli, et rêvant de parfaire le système mitterrandien : faire gagner la gauche dans la foulée des Présidentielles en instituant, après l'alternance, la concomitance! La même majorité toujours, en même temps, à l'Élysée et au Palais Bourbon (quel qualificatif royal pour le site d'une Assemblée nationale), tel était l'objectif. Le premier bénéficiaire de cette bévue géante se nommera : Sarkozy.
Quel homme politique de grande ambition n'envierait ce système politique à la française encore plus centralisé, plus autocratique qu'aux États-Unis mêmes! En Afrique, notamment francophone, l'un des avatars les plus pernicieux de la postcolonisation, aura été le calque du modèle politique français, appris dans les Universités françaises, et ayant conduit à ce que l'on désigne par le mot péjoratif de Franceafrique (qui ne signifie rien d'autre que domination néocoloniale maintenue, sous une forme indirecte et secrète). Le culte de la personnalité, qu'on a tant reproché aux chefs d'État-chefs de partis, au temps de l'URSS, loin de tomber en désuétude, est devenu un art de gouverner, une simple conséquence médiatique de la démocratie efficace et forte dont on loue la nécessité, en ces temps périlleux.
Si l'Europe succombe à cette tentation, elle connaitra deux nouveaux périls : ou bien l'impossibilité de poursuivre son autocréation politique, en juxtaposant des nations revigorées et limitant à la sphère économique, leur coopération, autant que faire se peut; ou bien, au contraire, et plus tard, la progressive présidentialisation de l'Europe tout entière, par la survenue d'un personnalité d'exception, ayant profité des faiblesses momentanées des États-nations.
Dire non à l'Europe à la française , c'est dire oui à l'Europe tout court.
Ou bien les institutions européennes, ce que ne prévoyait pas le projet de traité de 2005, inciteront à une généralisation de la démocratie parlementaire améliorable (on ne peut dire que le système électoral à l'anglaise soit exportable; lui aussi focalise le pouvoir au lieu de la répartir) ou bien l'Europe deviendra l'espace mondial où s'exprimera, une fois de plus, comme par le passé, des formes cruelles d'autoritarisme politique. L'ambition d' il y a un demi-siècle : éviter le retour de conflits épouvantables en Europe ne pourrait alors être maintenue.

samedi 19 mai 2007

L'illusionniste

Nicolas Sarkozy sidère l'opinion publique.
Il est partout.
Il parle de tout.
Il capte tout.
Voilà un homme d'action!
Il court.
Il court, au Bois de Boulogne comme aux six coins de l'hexagone,
si ce n'est pas à Berlin...
Et ses ministres courent, derrière.
Dans l'immédiat, il leur faut gagner largement les élections législatives.
Et il faut donc rassurer.
Mais tout est illusion.

Fillon est un homme d'action (et, dès cet été, les récidivistes ou les délinquants de moins de 18 ans vont s'en apercevoir).
Juppé, ex nouveau député-maire de Bordeaux, est relooké véritable écologiste (mais toujours pro-nucléaire).
Kouchner se voit enfin, oui enfin, reconnu (ce n'est pas lui qui aurait lâché les USA en Irak!).
Une vraie "beurette", Rachida Dati, est garde des Sceaux et rejoint, dès sa nomination, la prison (mais du bon côté des barreaux!).
Le boutefeu Hortefeux, ministre de l'immigration et de l'identité nationale, va sauver la France, qu'on lui a dit noyée sous les flux migratoires.
Avec Mme Bachelot, nous aurons meilleure santé? Cela s'obtient grâce à la Jeunesse,...et au sport. Vive le footing.
Etc.
Car tout est faux symbole et illusion.

Face à cet éblouissant jeu de miroirs, que font les vaincus?
Par quel bout vont-ils prendre ce feu follet qui séduit et qui s'agite, insaisissable?
Que dire pour convaincre que tout ce clinquant n'est qu'apparence?
Que penser de neuf? Où aller à présent?
La gauche n'était-elle donc qu'un désert, traversé par des hommes égarés?
Ceux, et celle-là en particulier, qui parlaient d'autorité hier, auront vite cessé de parler haut...
Et de faire illusion.

Sachons, en effet, que ne fait pas illusion qui veut.
Il y faut des images et des mots.
Il y faut des médias complaisants ou soumis.
Il faut ne pas laisser, à son adversaire, le temps de la réflexion.
Il faut avoir longuement préparé son coup.
On peut tromper tout le peuple une partie du temps,
une partie du peuple tout le temps
mais pas tout le peuple tout le temps
disait Abraham Lincoln.
Eh oui, les illusionnistes n'ont qu'un temps...

Car chassez le naturel -disons le réel-, il revient au galop:
Le triomphe des nantis va vite se trouver mis à l'épreuve
de la situation démographique, énergétique et sociale.
Laisser croire que ceux qui ne sont pas riches ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes,
que le contrôle des médiocres et des délinquants, mal dotés par la nature, nous protégera tous,
que le pouvoir de l'État consiste à ne laisser d'autre pouvoir à l'État que celui de la force de son bras armé au service des riches,
qu'il suffit d'accepter le concept de développement durable pour rendre compatible la nature et le capital,
tout cela, et le reste, ne vont pas résister longtemps à la déferlante des problèmes de la vie pour-de-vrai.
Et donc tout n'aura été qu'illusions.

Mais que les résistants à ce matraquage politico-publicitaire
ne se fassent pas eux-mêmes d'illusion :
face à cet artiste qu'est le chef d'orchestre Sarkozy,
il va falloir changer de partition.
Ce qui a le parfum, le goût, l'apparence, de la gauche
et n'est pas la gauche,
n'est plus disponible.
Sarkozy a osé le voler,
y compris en s'emparant de la figure du jeune communiste résistant fusillé, Guy Moquet,
pour en faire un élément de son décor politique.
Du très grand art, celui du prestidigitateur, mais un art du vide.
L'art du brillant et trompeur illusionniste.

Un autre temps s'est bel et bien ouvert.
Une autre génération, plus jeune,
sans peur et totalement sans vergogne, est à l'œuvre.
Elle veut habilement, et de toute urgence, nous donner à croire que le passé c'est l'avenir.
Illusion des illusions.
Tout n'est qu'illusion, vous dis-je.

jeudi 17 mai 2007

La mort de la démocratie

C'est au moment même où l'Université me décerne le diplôme de docteur en philosophie que toutes mes certitudes vacillent.
L'affirmation de Jacques Derrida selon laquelle La démocratie est un processus inachevé me semble avoir cessé d'être pertinente.
Il y avait à cela une premier obstacle, qu'avait signalé Noam Chomsky : C'est un truisme, mais un truisme sur lequel il faut constamment insister, capitalisme et démocratie sont, en fin de compte, totalement incompatibles (1). Et pourtant, dans le monde entier, et progressivement depuis 1989, le système économique libéral est étroitement associé au système politique démocratique.
Il y aura, à présent, en France, un second obstacle : la validité indubitable d'un scrutin présidentiel qui a confié à un autocrate les destinées du pays.

C'est avec stupeur, effroi mais non sans admiration que j'ai entendu les premiers propos du nouveau Président, Nicolas Sarkozy, lors de son intronisation. En quelques phrases, l'homme s'est emparé, sous nos yeux, de la volonté populaire. Le représentant du peuple s'est, d'un coup, substitué au peuple. Il y était prêt. Il l'a fait avec une grande habileté. Qui ne se retrouverait dans la plupart des phrases prononcées? Tout ce qui va suivre, à commencer par les élections législatives, ne sera donc qu'une suite de conséquences de cette élection structurante.

Mais face à ce coup de force légal, personne ne se dresse et parle. Aucune autorité n'est capable de s'élever contre l'imposture. Nous sommes subjugués par l'audace, l'énergie, l'autorité de ce personnage sous le règne duquel nous allons devoir vivre. Qui du reste protesterait? L'opposition est en ruines pour n'avoir su se définir elle-même face à un redoutable acteur politique qui s'est avancé, sans peur, comme porte-parole d'une droite décomplexée. Les "serviteurs de l'État", tous ceux dont l'avenir et le confort dépendent de leur soumission, ont fait ce qu'il fallait pour que la passation de pouvoir s'effectue dans les meilleures formes possibles.La messe est dite.

"La démocratie, dit encore Chomsky, est dans une large mesure, une imposture lorsque le système industriel est contrôlé par une forme quelconque d'élite autocratique, qu'il s'agisse de propriétaires, de gestionnaires, de technocrates, d'un parti d'avant garde, d'une bureaucratie d'État ou de tout ce que vous voulez (2).

Toutes ces formes de dépossession des citoyens de leur pouvoir politique sont convoquées par le nouvel Élu. Cet homme se trouve au carrefour d'événements, de mouvances politiques, de lourds et lents processus médiatiques qui lui permettent de faire fructifier son savoir faire. Le voici adoubé.

Avant que le peuple ne s'éveille et découvre qu'il vit un cauchemar, il va se passer du temps. Sauf incident imprévisible ou événements internationaux graves, Nicolas Sarkozy va connaître une longue période d'affirmation de sa personnalité autoritaire. Il sera sur tous les fronts. Il va casser les repères, s'entourer de zélateurs aux ordres, d'où qu'ils viennent, se constituer une cour de personnages influents et puissants. La démocratie n'a rien à faire la-dedans.

Sauf que se trouve brutalement reposée la question de la pertinence du vote majoritaire dans les institutions de la République française. Un système politique dont on ne peut sortir, qu'on ne peut changer est un système pervers. Nous étions au bord de la VIe République. Nous revoici plongé dans une présidentialisation plus accentuée que jamais. Les modestes seront bientôt flattés pour mieux détourner leur vote; mais il n'auront jamais plus la parole.

Ce qui est grave en la circonstance, ce n'est pas qu'
un leader de la droite dure ait réussi à s'imposer, c'est que l'on doive douter de la possibilité de changer et les institutions et les relations entre citoyens au moyen du vote. Jamais, depuis 1965, une telle participation populaire n'avait été enregistrée à l'occasion d'un vote. Qui va oser, maintenant, en discuter la validité? Sauf à contester la légitimité du processus électoral lui-même, sauf à douter de la démocratie elle-même, c'est impossible.

Et voilà pourquoi la démocratie exige de s'interroger sur la démocratie en ses formes et ses principes. En ses formes, car l'absence de proportionnelle et la présidentialisation du régime interdisent la polyvalence politique et renvoient aux temps monarchiques; en ses principes parce que, si la démocratie est la loi du nombre, elle cesse d'être la quête d'une vérité commune, elle est une guerre que remporte un clan sur un ou plusieurs autres.

La démocratie est morte dès que la puissance de l'argent et des médias atteint la capacité de façonner l'opinion. La démocratie est morte dès que le choix des citoyens est détournable. La démocratie est morte quand les dés sont pipés et que, quel que soit l'élu, la politique reste, pour une large part, la même.

Ceux qui ne votent pas, soit parce qu'ils n'en ont pas le droit, soit parce qu'ils n'ont pas vu l'intérêt de s'inscrire, soit parce qu'il se sont abstenus, qui vivent dans le même pays, représentent une population qui serait susceptible de modifier le résultat d'un scrutin mais qui serait, tout autant, sensible au chant des sirènes médiatiques, s'ils votaient.

Nous vivons des temps de complexités. Découvrir que la démocratie est une compétition où seuls peuvent l'emporter, comme en sport désormais, les professionnels, les entraînés, les riches et les dopés oblige soit à se résigner et à tenter d'user des armes de l'adversaire, soit, au contraire, à changer totalement de perspective et à pratiquer une autre écosophie, comme disait Guattari, une autre philosophie politique. C'est la démocratie représentative qui est morte, comme est mort le sport qu'encourageait Coubertin. Il faut inventer une nouvelle démocratie populaire, n'ayant rien à voir avec ce que l'URSS nous a fait connaître, celle où le pouvoir loin de se concentrer, se partage et où les moins bien pourvus puissent se faire entendre.

Autant dire que cette démocratie nouveau style, s'il s'agit encore de démocratie, même si elle ne manque pas de références intellectuelles, ne saurait ressembler ni à ce que nous avons connu dans le passé, au XXe siècle, ni à ce que nous voyons s'installer sous nos yeux : une fausse République plus que jamais assise sur sur le pouvoir des marchés, des médias et de la force armée. L'État, qui a cessé d'être une providence dans une société de croissance, reste l'outil par lequel le peuple est placé sous la domination des élites et ceux qui veulent désétatiser l'économie se gardent bien de pousser à renoncer à aucune des fonctions régaliennes, celles que l'État royal a transmises à l'État républicain.

La démocratie est morte. Vive la démocratie. Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ne fut jamais qu'un slogan constitutionnel. On ne l'a jamais compris que s'inscrivant dans le cadre de la représentation. Au moment où cette représentation pourraitt considérablement s'élargir et cela jusqu'à supprimer tout cumul de mandat (en attendant mieux : les partages de responsabilités tournantes dans les institutions, les entreprises, les associations de toutes natures), ne voilà-t-il pas qu'en France, au contraire, on rechute dans l'ornière du pouvoir personnel?

Dès que la démocratie cesse d'être un partage du pouvoir dans le temps et dans l'espace, elle se contredit et meurt. Un temps viendra pour la re-suciter.

______

(1) Noam Chomsky, Quel rôle pour l'État?, éd. Écosociété, Montréal, traduit de l'américain par Louis de Bellefeuille, 2005, p.32.
(2) Noam Chomsky, p. 19.

mercredi 9 mai 2007

Qui va trop vite à la soupe ne peut que se brûler!

Quelles informations nous tombent dessus, ces dernières heures?
De deux sources au moins j'apprends, à mon tour, que toutes les exigences récentes des Verts sont, d'ores et déjà, réduites en cendres.
Aucune velléité de résistance donc? Ils plient par peur de casser?
L'effet Sarko commence à se faire sentir : ce n'est plus un karcher, c'est un lance-flammes!
On veut sauver les rares meubles du feu qui embrase toute la gauche et qui enflamme donc "La Chocolaterie", le local des Verts!
Quand le feu est à la maison, il arrive, dans la panique, qu'on oublie où se trouve le point d'eau.
Mais l'eau n'est pas chez le voisin PS; elle est dans le propre jardin des écologistes, dans la rue toute proche, dans le ciel s'il pleut...
Si le CNIR, l'organe directeur des Verts, s'aplatit, s'il repasse par la case PS pour sauver trois sièges, pour moi qui venait de réadhérer, croyant avoir l'obligation morale de rejoindre ceux qui luttent encore pour la survie de l'écologie politique, ce sera bien, cette fois, la démission pure et simple, immédiate, avant les législatives, pas la non-réadhésion. On n'abandonne pas un bateau menacé de couler, sauf pour tenter de sauver sa peau s'il est déjà envoyé par le fond. Je laisserai ma cotisation à ceux qui auront à solder le passé.
Sur ces bases, -mais je veux espérer encore, une dernière fois, que ce n'est qu'un cauchemar de plus-, je vais me retirer de ce combat impossible à mener, puisque nous sommes couchés, et donc empêchés d'agir.
Ce matin, j'ai distribué, à la gare d'Éragny-Neuville, un tract Vert invitant à une conférence sur les OGM, à Vauréal. En voyant les réactions des voyageurs, (aimables, sans hostilité mais sans intérêt), je me demandais : "est-ce bien cela qu'ils attendent de nous?"
Cet après-midi, je m'interroge encore : mais que cherche-t-on encore à sauver alors qu'il n'y a plus rien à perdre?
Le sauve qui peut de quelques uns entrainerait la perte de tous.
Ayons au moins l'orgueil d'être nous-mêmes!
S'il faut disparaitre que ce soit debout!
Sommes-nous en charge de voler, piteusement, au secours d'un vaincu qui n'a besoin que de nos maigres voix, pour sa propre survie?
Voulons-nous rebondir, reconstituer, refonder, repartir, retrouver nos fondamentaux ou continuer sur la voie qui nous a marginalisés?
J'attends des informations différentes, sinon...
... dans cette hypothèse d'une alliance sans âme et sans projet, "les Verts" sont morts en tant que force politique.
Je m'écarterai, alors, définitivement, de leur cadavre.
Non sans pouvoir éviter la douleur d'un deuil qui s'annonce plus que pénible.

mardi 8 mai 2007

La fin de mai 1968?

À la veille du 1er mai, Nicolas Sarkozy annonçait son intention d’en finir avec mai 1968. Retour donc à l’ordre, la discipline, l’obéissance, le mérite, le travail, le respect de l’autorité...

Dans le mouvement qui, en 1968, a entrainé, pendant des semaines, la France tout entière vers de nouveaux temps, il y a eu sans doute, mélangés, du neuf et des scories. Le tri entre les apports réels et les emballements passagers s’est fait au fil des ans. On ne reviendra pas sur les transformations sociales qui ont abouti à un bouleversement des mœurs. De Gaulle lui-même, dont l’autorité avait, en juin 1968, permis de balayer “la chienlit”, n’avait pu résister longtemps à cette modification des mentalités.

La restauration annoncée du pouvoir des forts ne va pas se faire sans résistances. Le petit Bush à la française ne conquerra pas l’opinion longtemps en usant des thèmes faussement rassurants du retour à un âge d’or (comprendre l’époque sans alternance, quand la contestation était bien délimitée, confiée à un autre parti de l’ordre, le PCF, servant d’exutoire à la colère populaire, mais en aucun cas capable d’accéder aux responsabilités gouvernementales).

Nicolas Sarkozy est le dernier et fort rempart des tenants d’une société dont ne subsiste que le squelette. Les Français tiennent à leurs repères, aux formes, mais ils vivent dans le réel aussi. Ou bien, le 6 mai, ces formes devaient être maintenues, pour un temps, faute de repères nouveaux identifiables, ou bien ces formes devaient exploser parce que le monde n’est plus celui que nous avons connu, et alors Ségolène Royal aurait été l’instrument de ce changement, qu’au fond elle ne voulait pas, et auquel elle n’aurait pu s’opposer.

N’était-ce qu’un rêve? Je ne le crois pas. L’univers dans lequel circule Nicolas Sarkozy n’est pas celui où vivent la majorité des hommes. Sa sortie sur mai 1968 en est une illustration frappante. La société qu’il nous propose n’est pas assez complexe et répartit les vérités et les erreurs avec trop d’arrogance pour n’être pas fragile.

Non seulement on n’effacera pas mai 1968 de nos livres d’histoire, mais on continuera d’en explorer les motivations pendant longtemps encore. On n’a pas tout compris de cette explosion sociale que les organisations syndicales n’avaient pu ni prévoir ni contrôler.

Je regarde avec consternation, mais aussi beaucoup de curiosité, cet épisode de la vie politique française : il pourrait bien en sortir tout autre chose que ce que les discours de tous les candidats, y compris le vainqueur, ont annoncé.

vendredi 4 mai 2007

J'entre en résistance

Ségolène Royal l'emporterait-elle, in extremis, dimanche, que je ne changerais rien à ce texte.


J'entre en résistance.

Mais que veut ce pays?
Il s'est cassé en deux :
la France de ceux qui auront réalisé le cumul électoral de leurs désirs de s'enrichir,
la France de ceux qui n'aspirent qu'à mieux vivre et sont désormais dans la sous-France.

Je demeure dans cette France là, la petite, l'humiliée.
Non que je sois, dans mon quotidien, en difficulté
mais parce la vie n'a pour moi aucun sens
si la solidarité a des bornes.

Au moment où Bush commence à perdre pied,
alors qu'Olmert est poussé vers la sortie,
quand Blair annonce son départ,
cependant que Berlusconi échoue à chasser Prodi,
tandis que Zapaterro tient bon en Espagne,
pendant que Merkel évite de trop droitiser l'Allemagne,
nous allons probablement nous offrir un néo conservateur?

Nous pouvions bien donner des leçons aux USA
tancer leur impérialisme agressif,
ou vanter notre modèle social!

La stupéfaction et la honte s'abattent sur nous.
Stupéfaction devant cet imprévu.
Honte de n'avoir rien vu venir.

Hier, Sarkozy annonçait que, d'ici deux jours,
commencerait le début de la fin de l'époque ouverte en mai 1968.
C'est le discours sans complexe de la plus vieillotte réaction.

Hier, symboliquement, je me suis rendu à Paris
assister à la présentation du livre de Serge Portelli :
Nicolas Sarkozy, une république sous haute surveillance.
C'était dans l'espace de la librairie Résistances.

Car, pour ma part, je n'attends pas le soir du second tour
pour dire que j'entre en résistance.

Il va falloir du temps et de la peine,
de la pensée et de l'action,
pour simplement empêcher la régression.

Mais les problèmes occultés vont ressurgir,
au premier rang desquels le désastre écologique
avec le traitement des causes humaines du réchauffement climatique
avec l'obligation de renoncer vite à une croissance indéterminée.

La France se confie donc à un gourou au pire moment.
Elle a succombé à ses peurs.
Échapperait-elle, au dernier moment, à cette épreuve,
que les questions les plus radicales n'en seraient pas moins posées.

Car les effets de cette tentation ou de cet abandon, ultra-libéraux, vont être considérables.
Seul aspect positif : tout est remis à plat.

La gauche, qui ne sait plus ce qu'elle est, est à repenser.
Le socialisme, qui ne sait plus où il est, va entrer dans ses contradictions.
La gauche de la gauche va devoir renoncer à son sectarisme ou mourir.
Les écologistes vont devoir se refonder dans ce contexte!

L'anti ne suffit plus. Il faut proposer l'autre.
L'antilibéralisme n'est qu'une posture justifiée de refus.
L'altermondialisme est une dimension planétaire d'une offre nouvelle.

Peut-on avec les législatives limiter les dégâts?
C'est notre devoir d'essayer, mais je ne le crois pas possible.
Les causes de l'échec des présidentielles ne sont pas dissipées.

Le PCF mâche sa rancœur et cherche à sauver ses quelques meubles.
La LCR croit qu'elle s'en sort un peu mieux et veut donc rester ce qu'elle est, voire nous attirer vers elle.
Les Verts sont déconfits et subiront le contrechoc des probables bouleversements internes au PS.
Les collectifs Bové méditent encore l'écart entre leur dynamisme et leur résultat.

La sagesse exigerait l'alliance sans conditions de tous ces partenaires.
Cela ne se fera qu'exceptionnellement et sans doute, là où c'est possible, sans succès parlementaire.

Les trois pôles de ce qu'on persiste à appeler la gauche sont orientés vers des buts divergents.
Vers la fin de la domination capitaliste.
Vers l'affirmation d'une social-démocratie européenne visant à corriger les excès du libéralisme.
Vers la création d''un centre gauche démocrate alliant, comme en Italie, socialisme et démocratie chrétienne.
À quoi s'ajoutent les ambiguïtés de ceux qui visent ces objectifs, incompatibles, tout à la fois...

Oui, j'entre en résistance, y compris à l'encontre de ceux qui croient savoir ce qu'il faut faire.
L'urgence est de nous remettre en question, pas de proposer des solutions intenables.
Je n'abandonnerais personne ni les Verts ni le Collectif de Cergy : en ce moment, ce serait lâcheté.
Mais ma contribution se limitera à l'apport de ma réflexion.

Dans ce pays que j'ai mal compris, il me faut bien le reconnaître,
je ne puis plus que rester moi-même.
J'entre en résistance.

Vendredi 4 mai 2007

jeudi 3 mai 2007

La fin de mai 1968 ?

À la veille du 1er mai, Nicolas Sarkozy annonçait son intention d’en finir avec mai 1968. Retour donc à l’ordre, la discipline, l’obéissance, le mérite, le travail, le respect de l’autorité...

Dans le mouvement qui a entraîné pendant des semaines la France tout entière vers de nouveaux temps, il y a eu sans doute, mélangés, du neuf et des scories.
Le tri entre les apports réels et les emballements passagers s’est fait au fil des ans. On ne reviendra pas sur les transformations sociales qui ont abouti à un bouleversement des mœurs. De Gaulle lui-même, dont l’autorité avait, en juin 1968, permis de balayer “la chienlit”, n’avait pu résister longtemps à cette modification des mentalités.

La restauration du pouvoir des forts ne va pas se faire sans résistances. Le petit Bush à la française ne conquerra pas l’opinion longtemps en usant des thèmes faussement rassurants du retour à l’âge d’or (comprendre : quand la contestation était délimitée, confiée à un autre parti de l’ordre, le PCF, servant d’exhutoire à la colère populaire, et en aucun cas capable d’accéder aux responsabilités nationales).

Nicolas Sarkozy est le dernier rempart des tenants d’une société dont ne subsiste que le squelette. Les Français tiennent à leurs repères, aux formes mais ils vivent dans le réél aussi. Ou bien, le 6 mai, ces formes vont être maintenues, pour un temps, faute de repères nouveaux identifiables, ou bien ces formes vont exploser parce que le monde n’est plus celui que nous avons connu, et alors Ségolène Royal sera l’instrument de ce changement, qu’au fond elle ne veut pas, et auquel elle ne pourra s’opposer.

N’est-ce qu’un rêve? Je ne le crois pas. L’univers dans lequel circule Nicolas Sarkozy n’est pas celui où vivent la majorité des hommes. Sa sortie sur mai 1968 en est une illustration frappante. La société qu’il nous propose n’est pas assez complexe et classe les vérités et les erreurs avec trop d’arrogance pour n’être pas fragile.

Non seulement on n’effacera pas mai 1968 de nos livres d’histoire, mais on continuera d’en explorer les motivations pendant longtemps encore. On n’a pas tout compris de cette explosion sociale que les organisations syndicales n’avaient pu ni prévoir nicontrôler.

Je regarde avec consternation mais aussi beaucoup de curiosité cet épisode de la vie politique française : il pourrait bien en sortir tout autre chose que ce que les discours de tous les candidats ont annoncé.

Le duel politique est un spectacle obscène.

La politique spectacle est l'horreur même.
Ce soir, 2 mai 2007,
je ne vais pas regarder le duel Sarko-Ségo.
Car c'est un duel, fort cruel!
Or la politique n'est pas un match.
Ce n'est pas une compétition.
C'est bien plus que ça!.
Il s'agit de la vie des hommes.
Pourquoi s"en aller voir qui sera le plus fort?
Serions-nous dans les tribunes d'un stade?
À moins que ce ne soit dans des arènes.
Des gladiateurs s'y tuent avec des mots.
Quel spectacle!
D'un côté le libéral liberticide,
de l'autre la diva populiste.
Je m'approche du soir de ma vie
et observe avec dégoût ces mœurs triviales.
Je sais sombrer dans la solitude
car ce qui me révulse passionne les foules...
Quand je vais voter, dimanche,
pour le moindre mal,
ce moment faussement palpitant
appartiendra déjà au passé.
On recherchera encore quelle aura été "la" phrase qui a fait mouche,
on continuera de substituer la médiatisation à la politique.
Et moi de m'interroger sur ce qu'est la démocratie...
Si elle est ça, comment y voir un bien pour le peuple.
Cette élection présidentielle exceptionnelle
aura été exceptionnellement dévastatrice.
De valeurs,
d'espérances,
de pratiques.
Nicolas Sarkozy perdrait-il qu'il n'en aurait pas moins réussi à briser un élan.
Cette France qui s'est révélée à travers lui ne me concerne pas.
Le pays est cassé.
Les idées de Le Pen se sont insinuées partout.
Une ère Busch est possible.
La peur entre en force en nos esprits.
Le menteur habile arrive à ses fins.
S'il est battu, ce sera de peu.
La vérité n'est pas dans le nombre.
La menace, si.
Les enjeux vitaux de ce monde sont oubliés.
La moitié de la France se livre à un terrible jeu pervers ;
tout faire rentrer dans l'ordre,
un ordre qui génère un désordre brutal.
N'avoir su donner l'espoir au peuple
au risque de le voir se donner au Dictateur masqué,
est la plus lourde des fautes possibles
que vont porter sur eux tous ceux qui ont parlé d'une gauche imaginaire
que les citoyens ne reconnaissent plus.
Je vais essayer de cacher, dans le sommeil,
l'angoisse qui m'étreins depuis plusieurs jours.
Je marche dans la nuit
sans savoir si je suis encore sur un chemin praticable.
Ma seule certitude, c'est qu'il faut marcher
au risque de la chute et de la douleur.
Et qui va souffrir le plus
sinon ceux qui souffrent déjà?
Il n'est pas de nuit qui ne prenne fin,
mais je suis tout à la fois las et plein de colère.
Que le repos me reconstitue,
Non, je n'irai pas me mêler aux voyeurs, ce soir.
Je refuse le jeu obscène de la conquête personnelle du pouvoir.

Archives du blog

Résistances et romanitude

Résistances et Changements

Recherche Google : rrom OR tsigane