samedi 22 août 2009

Fin et réinvention de la gauche



René Dumont (1904-2001)

En 1977, René Dumont, à 73 ans, "livrait l'expérience de toute une vie" dans un livre (1), (paru chez Robert Laffont), dont on n'a pas bien compris, alors, le titre : "Seule une écologie socialiste..." Il y exposait, de façon ô combien prémonitoire, les crises auxquelles nous serions confrontées et auxquelles seule l'écologie fournirait une réponse (p.277). Il y rendait compte de sa tentative pour "écologiser les partis politiques" et "politiser les écologistes" (p.278). Il y affirmait que "l'écologie n'est pas apolitique puisqu'elle est d'abord anticapitaliste" (p.285). Il y avançait l'hypothèse d'une "écologie socialiste" mais qui "se situe bien loin à gauche de la gauche, dans une optique toute nouvelle" (p.285). Bien sûr, cet ouvrage, écrit voici plus de 30 ans, alors que l'Union soviétique était encore dominante et plusieurs années avant que la gauche n'accède aux affaires, en 1981, contient des propositions obsolètes, mais il contient aussi des analyses fulgurantes qui retrouvent l'actualité sociale, économique et politique de la fin de cette première décennie du XXIe siècle. C'est sous cet éclairage que je place les débats d'orientation politique qui se produisent, ces jours-ci, au moment où les Verts, au sein d'Europe Écologie tiennent leur Université d'été.
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Vraies divergences ou fausses ruptures?
Ce n'est pas moi qui qui pose la question! C'est, page 8, dans sa rubrique la rentrée politique, le quotidien Le Monde qui, le 20 août 2009, titrait ainsi sa double interview : de Vincent Peillon (pour le PS) et Daniel Cohn Bendit (pour Europe-Écologie).

Le matin même, à l'occasion de l'ouverture des Journées d'été des Verts, à Nîmes, le quotidien Libération, concluait son éditorial par l'étonnante et sibylline phrase suivante: "c'est en verdissant son post matérialisme que que Martine Aubry bâtira des alliances durables".

Bref, les grandes manœuvres politiciennes ont recommencé. Les médias s'en mêlent car, comme l'écrit Patrick Roger, du Monde, : "derrière le combat des régionales, c'est la présidentielle de 2012 qui déjà se prépare".

Ecologie, autonomie, solidaritéL'autonomie politique des écologistes, lors des précédentes élections régionales, en 2004, a connu des hauts et des bas. En Ile de France, l'alliance PS-Verts, dès le premier tour, avait connu un succès net, mais tout autant l'autonomie des Verts dans la région Rhône-Alpes. Autrement dit, autonomie ou pas, les listes de gauche, unies au premier ou second tour, avaient, alors, permis que la quasi totalité des régions, sauf l'Alsace, soient gérées par le PS mais avec le concours de ses alliés.

C'était au temps où s'opposaient ceux qui croyaient possible l'affirmation politique directe de l'écologie politique et ceux qui pensaient qu'il fallait entrer dans les exécutifs pour peser sur les politiques publiques, quitte à se fondre dans les listes qu'ouvrait le PS. La calamiteuse élection présidentielle de 2007 a renforcé considérablement le camp des "réalistes" et, pour les élections municipales de 2007, le nombre des alliances PS-Verts de premier tour a encore augmenté.

Mais vint "la crise", en 2008. Puis, au sein du PS affaibli, s'élargit la guerre intestine après le double échec présidentiel et européen. Puis encore, après la révélation du drame planétaire que causait, inexorablement, une activité humaine illimitée, s'épanouit la mise à la mode de l'écologie ( notamment grâce aux films et aux brillants shows médiatiques d'Al Gore, Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand, entre autres...). Puis , enfin, surgit l'émergence électorale d'Europe-écologie grâce coup de poker génial de Daniel Cohn-Bendit à l'occasion des élections européennes, voici quelques mois...

A pu réapparaître, donc, l'exigence d'autonomie politique chez les Verts. Leur succès électoral, franc mais relatif, avec une énorme abstention, autorise-t-il les Verts à faire cavalier seuls? "Pas question de faire le jeu de la droite" s'exclame dans Libération Serge Morin, le Vice-Président Vert de la région Poitou-Charentes, au mieux avec Ségolène Royal. La machine à construire des alliances binaires n'est pas brisée et s'est remise en route. Le premier, Nicolas Sarkozy, bien informé et conseillé, l'a compris et, à présent, racle les fonds de tiroir, à droite, en ouvrant sa majorité à De Villiers et aux Chasseurs, après avoir, semble-t-il, vidé l'autre tiroir, celui des ralliés possibles, à gauche.

Le calme temporaire qui est apparu, cet été, dans la conjoncture économique (mais au prix d'une aggravation dramatique du chômage) permet ces jeux traditionnels où excellent les états-majors des partis. Les journées d'été sont les derniers festivals de vacances où les vedettes remontent sur scène.

Dilemme, à présent, pour le PS : le succès des Verts, élargis en réseau, est-il structurel ou conjoncturel? Dans le premier cas, il faut, coûte que coûte, faire, avec eux, une alliance de premier ou second tour, mais une alliance de projets autant que de candidats. Dans le second cas, il faudra limiter les ambitions de ces impudents, quitte, comme le dit l'éditorialiste de Libé, à "verdir le postmatérialisme", (c'est-à-dire en dépassant le post-marxisme résiduel du socialisme historique, grâce à un ralliement à la croissance verte).


Direction droite et gauche, d'où le choix de l'immobilisme

Nous allons avoir droit à des mois de faux débats. Il ne sera question, en réalité que de sauver des places, soit au prix de concessions (pour ceux qui, dans la gauche ancienne, étaient des acharnés productivistes) soit au prix de limitations des ambitions (pour ceux, tels les Verts et le PCF, qui, dans les Régions, ne peuvent espérer, pour ceux qui y occupent déjà des fonctions proches de la direction, mieux que ce que permet la situation actuelle).

Vraies divergences ou fausses ruptures? En effet! La chance du PS est que le choix n'est pas encore vraiment fait, chez les écologistes : se démarquer du PS et s'unir à lui, tout à la fois, leur est une nécessité électorale. La rupture idéologique publique aurait des effets dévastateurs. Le renoncement à l'affirmation de la spécificité politique de l'écologie, tout autant. Seulement voilà : on ne peut plus marier l'eau et le feu.

Dany Cohn-Bendit "qui n'est plus candidat à rien", qui ne se veut que "l'animateur d'Europe-Écologie", qui pense "réseau" et non parti, qui parle de "changer la gauche", a une plus grande marge de manœuvre, et il sait que casser le premier et fragile élan produit par les Européennes renverrait tous les écologistes à leur marginalisation précédente. Alors, quitte ou double, et vive l'autonomie : là se situe la motivation réelle de sa stratégie. Et le voici tenté de dépasser la problématique divergence ou rupture, en prônant le rassemblement de tous les écologistes d'abord puis de tous les opposants à la droite sarkozienne, définitivement marquée par le ralliement des Chasseurs à l'anti-écologie. De la gauche de la gauche jusqu'au MODEM de François Bayrou, on va ratisser très largement le jardin politique. C'est habile et c'est une vraie stratégie de conquête du pouvoir, mais est-ce bien là la réponse politique dont le le peuple a besoin en cette période de mutation de civilisation?

Ce qui est de nouveau clair, autonomie ou pas, c'est que la prolongation du débat ouvert avant, pendant et après les élections européennes va bien continuer à faire la politique en la transformant en profondeur. On ne fera pas l'impasse de la vraie divergence avec le PS : elle porte sur la croissance. On n'échappera pas à la nécessité s'effectuer une vraie rupture à gauche : elle n'est pas à changer; il faut en changer! Seuls les écologistes auraient les outils intellectuels pour cela : non pas changer la gauche, mais changer de gauche comme l'avait pressenti et espéré René Dumont. La gauche, qui n'est plus identifiée par ses électeurs comme la gauche, n'est plus elle-même depuis qu'elle a rallié, peu ou prou, le productivisme capitaliste, abandonné l'internationalisme (comprendre la solidarité entre tous les peuples) et occupé les sphères de pouvoir auxquelles elle accédait comme on gère des entreprises ou des rentes. Cette gauche-là, ex-communiste ou ex-socialiste, a fini son cycle historique. S'en est ouvert un autre. Dans ce nouvel espace, la gauche traditionnelle n'est plus. Elle est non seulement à refonder, mais à redéfinir et donc à rebaptiser. "L'optique toute nouvelle" dont parlait le premier candidat écologiste à une élection présidentielle, en 1974, qui aurait fait échapper la gauche à ses erreurs historiques, centralisatrices, productivistes, étatistes, nationalistes, violentes, ce socialisme dont René Dumont "cherchait les bases nouvelles et qui ne peut se rattacher aux partis du même nom", était à gauche de la gauche, et non à l'extrême gauche bloquée dans les mêmes références idéologiques que la gauche parlementaire.

Chacun sait qu'en 2009 l'UMP n'existe que comme un agrégat d'opposants à un mythe fondateur, celui de l'égalité de tous les citoyens. Ce mythe est, actuellement, vidé de son espérance. Face à ce rien, le peu que représente la droite aux affaires s'impose et occupe toute la place. Cela ne saurait durer. Il ne peut y avoir de gauche, désormais, qu'écologique c'est-à-dire qui conteste le capitalisme à sa racine pas en le détruisant par la force mais en le privant de ce dont il se nourrit dans tous les domaines : le culte du moi.

Le débat sur l'autonomie va donc maintenant se placer là : pas seulement par rapport au PS (ce serait lui laisser le rôle déterminant de la référence obligée), mais par rapport à tout ce qui fut la gauche, de ses extrêmes jusqu'à son centre mou : oserons-nous placer le partage avant l'avoir pour que l'avoir se partage dans une mondialisation sans domination? Seule la réinvention d'une telle nouvelle utopie fondatrice peut animer une gauche ou une organisation entièrement reconstituée, fondée sur l'initiative prioritaire des citoyens, où économie et écologie ne seront plus que l'envers et l'endroit d'une même action permanente.

(1)
ISBN : 9782221021811

mercredi 19 août 2009

La peine de mort est rétablie en France

C'était avant l'abolition de la peine de mort

Les multiples suicides dans les prisons françaises ne sont pas le fait du hasard. Les incarcérés qui ont mis fin à leur vie n'étaient pas des malades mentaux, de toute façon, destinées à passer à l'acte, où qu'ils vivent. Ce qui a détruit leur volonté de lutter pour se sortir de l'épreuve qu'ils traversaient, c'est, précisément, qu'il n'y avait pas, pour ces détenus, de présent ni d'avenir vivables, pas de sortie de l'univers carcéral possible ni en imagination ni en perspective, pas de reconstitution de soi ni de projet de réinsertion sociale : un environnement de toutes parts bouché, donc. La boîte s'est refermée, sur eux, comme un cercueil. Restait à s'y allonger et à mourir.

Nous qui, depuis 1981, pensions que la peine de mort avait été supprimée en France, devons constater qu'on tue plus, à présent, par la prison que par la guillotine! Enfermer et punir sans volonté de donner une chance à ceux qui ont été emprisonnés, c'est assassiner. Mettre fin à ses jours n'est pas d'ailleurs une décision que prennent les seuls condamnés! Des prévenus qui attendent leur procès, longtemps, très longtemps, et n'en peuvent plus de subir un quotidien de pré-condamnation, se suppriment. Le personnel pénitentiaire qui ne peut surveiller les actes de tous les occupants, trop nombreux, de cellules où la promiscuité est abjecte, est incapable de prévenir les actes de désespoir. Du reste, ce personnel, mal préparé et enfermé dans des logiques qui ne permettent guère le souci du délinquant, peut avoir, parfois, des comportements qui sont déshumanisants, générateurs de troubles comportementaux. Celui qui entre en prison change, jour après jour, et pas en bien... La prison ne corrige pas.

On ne paie pas sa dette sociale dans un cachot. L'idée selon laquelle un être humain serait, par nature, dès l'enfance, voire in utero, un voleur ou un meurtrier en puissance, s'est emparé d'une partie de l'opinion et d'un nombre importants d'élus. Sont donc condamnés, par avance, dans l'esprit d'une partie des pouvoirs publics, des hommes et des femmes qui sont originaires de milieux "malfaisants" (sans, du reste, distinguer entre ce qui aurait pour origine la génétique ou le milieu!). À partir de là il devient facile de vouloir mettre hors d'état de nuire ceux qui perturbent la société..., mais où commence et où s'achève cette mise hors d'état de nuire? Elle commence en prison et finit par la mise à mort, rapide, dans une rue, ou lente, dans le centre pénitentiaire. De quelle pénitence, d'ailleurs, s'agit-il? Ni réconcilation, ni pardon, ni simple réparation n'ont leur place dans cette analyse du crime considéré comme un péché mortel. Tout délit devient irréparable et tout retour à la vie sociale, impossible. Dès qu'un détenu en est convaincu, il devient un suicidé potentiel. La centaine d'emprisonnés, encore une fois condamnés ou détenus, qui, chaque année, en France, disparaissent violemment en s'autodétruisant, nous ramène vers ce temps où la mort donnée faisait partie de l'arsenal des peines.

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Coupable ou non, qui ne "méritait" pas la mort par suicide!

Oui, nous contribuons à donner la mort à ceux qui s'y croient acculés, par désespoir, folie ou froide décision. Là où n'existe aucune chance de mieux être, la civilisation n'est plus. Les dernières recommandations de la Ministre de l'Intérieur, visant à limiter ou empêcher les suicides en prison seront inopérantes parce que ce n'est pas avec des moyens matériels (dont ce pyjama en papier qui va devenir le symbole du dérisoire !) qu'on va interrompre un processus mortifère. Sans moyens relationnels, sans êtres humains, permettant le soin, l'échange et une nouvelle considération, la prison restera l'antichambre du cimetière.


Repartir contre cette nouvelle peine de mort, dans les prisons de France!

dimanche 16 août 2009

Marie mère de Jésus et le catholicisme droitier

Les catholiques constatent qu'ils sont de moins en moins nombreux en France, en dépit des processions du 15 août, très suivies, (y compris, cette année, à Paris, avec... une procession fluviale sur 13 bateaux-mouches!) Un sondage nous apprend, même, que les catholiques sont de plus en plus vieux, de plus en plus à droite, et de plus en plus extrémistes (1)!

Afficher l'image en taille réelleMarie, la Juive, la mère du condamné à mort le plus célèbre de l'histoire occidentale, n'avait rien d'une Sainte Vierge destinée à monter au Ciel. L'excellent catholique qu'est resté le journaliste, Jacques Duquesne, scandaleux pour bien des catholiques, reconnaissait, dans son livre Marie, mère de Jésus, que Marie n'était ni sainte, ni vierge, ni aérotransportée mais que cela ne l'empêchait pas d'avoir été celle que toute femme peut rêver d'être car elle a montré la voie libératrice que nous n'avons pas encore tous osé emprunter.

Jacques Duquesne

Car si, comme l'annonce l'Évangile, le Magnificat est jamais sorti de la bouche de Marie, un "catholique de droite" ne peut pas plus exister qu'une eau sèche, et tout le refus de la domination des puissants et des riches se trouve concentré dans des formules que même les prêtres aux ordres des pouvoirs n'ont jamais pu édulcorer. (Évangile selon saint Luc, chapitre 1, versets 46 à 56 : visite de Marie à Élisabeth).
Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.
Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides.

Si ces mots ont un poids, une force, une exigence, si le catholicisme a encore un sens, alors voici la Bonne Nouvelle qu'attendent les Terriens : notre fraternité sera universelle. Les puissants perdront leur pouvoir. Les plus modestes des hommes ont même valeur que les plus célèbres. Les privés de tout, et d'abord de nourriture, ont l'immensité des richesses planétaires à leur disposition. Et si pour que cette hospitalité et cette justice adviennent, il faut priver les riches de leurs biens, qu'il en soit ainsi.

Avec une telle mère, (devant Élisabeth, Marie portait Jésus, non encore né), le Christ ne pouvait que devenir celui que les puissants et les riches devaient tuer. Il était bien plus dangereux qu'un "communiste" : il faisait du partage la première loi sacrée.


Élisabeth, mère de Jean le Baptiste et marie, mère de Jésus

Il y a quelque chose de surprenant, d'anachronique, de ridicule et pour tout dire de scandaleux dans ces processions, ces déguisements religieux, ces encouragements au fanatisme collectif qui dévoient le message de Marie, l'humble, la messagère d'un monde où les pauvres sont rois.

L'enlisement, la perte de signification du message évangélique est de la responsabilité des catholiques eux-mêmes. Prier n'est pas se confiner en dévotions mais rechercher, sans cesse,
la plus haute des lucidités en ouvrant, très grands, les yeux sur le monde où nous vivons.

Le Ciel d'aujourd'hui et ses milliards d'astres, immense, mystérieux, insondable, capable de nous emplir d'une angoisse métaphysique, n'a rien à voir avec le Ciel étriqué, qui n'est plus, où l'on prétend expédier Marie! Après Galilée, humilié et condamné par l'Église, pour avoir ouvert le Ciel, il en est encore, au XXIe siècle qui voudraient que tout se fige dans un savoir fixé par des théologiens! Ils vivent dans un passé obsolète et désastreux.

Pendant que notre espace terrestre se limitait et que notre espace céleste s'étendait au-delà des toute possibilité scientifique de s'en saisir, le temps des humains, lui-aussi a cessé d'être appréhendable! Les primates, dont nous sommes les descendants, existaient il y a des millions et des millions d'années. Il n'y a pas un siècle, on enseignait toujours, dans les catéchismes, que le Paradis terrestre avait été créé voici quelques milliers d'années. En 2009 après Jésus Christ, le lieu supposé de ce Paradis est terre de guerre et les trésors des civilisations passées qui s'y trouvaient conservés sont effacés par les œuvres de mort de grandes puissances elles-mêmes menacées d'être "renversées de leur trône".

Allons-nous, au lieu de chanter des cantiques et de brûler des cierges, nous
pré-occuper du sort des humbles, des prisonniers, des malades et de toutes les victimes du système économique "intrinsèquement pervers" dont nous sommes la proie? "Si tu n'aimes pas, tu es comme l'airain sonnant", dit l'apôtre Paul. (Paul de Tarse, Première lettre aux Corinthiens, Ch. 13, v. 1 à 8). Une fois que tu auras fait l'essentiel, partager, alors tu pourras, si tu le veux, entrer en méditation. Pas avant! "Il en est ainsi de la foi, dit encore Jacques l'apôtre, si elle n'a pas les œuvres, elle est morte en elle-même". (Jacques, Épitre, Ch. 2, v. 17). C'est, en tout cas, ce que le message évangélique, en de multiples occasions, exprime à mon sens, et en particulier, Marie.

Les pèlerins de Fatima, Lourdes, La Salette et de tous les autres lieux de dévotion mariale, mais surtout nous tous, pèlerins involontaires sur notre malheureuse planète, avons l'urgent besoin de bien d'autres miracles que ceux qu'on appelle et qu'on espère et dont des évêques décomptent les survenues exceptionnelles. Nous avons le besoin vital de miracles innombrables, à portée de mains humaines, et pouvant sauver l'humanité de la triste fin vers laquelle elle est, actuellement, entrainée.



(1) Selon l'enquête, le déclin du catholicisme s'est produit principalement au cours des vingt dernières années en parallèle avec la progression du nombre de personnes se déclarant sans religion. Celles-ci représentaient 21% des Français en 1987 (pour 75% de catholiques) contre 28% en 2009 (64% de catholiques). Au cours de la même période, la part des protestants est passée de 1% à 3% et celle des autres religions, dont l'islam, de 3% à 5%.

Comparés à la population française, les catholiques se distinguent essentiellement par leur pyramide des âges. Ils ne sont que 23% parmi les moins de 35 ans (30% dans la population française), mais atteignent 50% chez les plus de 50 ans (42% dans la population française). Ces écarts s'accentuent, souligne l'enquête, si l'on considère les catholiques pratiquants (réguliers ou occasionnels, un quart des catholiques) : 16% de moins de 35 ans et 65% de plus de 50 ans.

Enfin, les catholiques, selon l'enquête, "affichent une proximité pour les partis de droite plus élevée que l'ensemble des Français", avec 30,6% d'entre eux se disant proches de l'UMP contre 25,1% de l'ensemble des Français, une proximité encore plus marquée chez les catholiques pratiquants (38,9%).

http://actu.orange.fr/articles/france/Les-catholiques-de-France-une-communaute-en-declin-vieillissante-et-proche-de-l-UMP.html

vendredi 14 août 2009

La décroissance : ou la négativité positive!



La décroissance est un mot inventé pour révéler la nocivité de la croissance, mot-tabou qui est devenu une addiction, un dogme quasi religieux auquel toutes les politiques se réfèrent, sans discussion, depuis des décennies.

Faisant partie des mots à connotation négative, le mot décroissance n'est pas satisfaisant. Comme la non-violence, autre vocable à connotation négative, la décroissance est le refus d'un mal qu'on a fait passer pour une nécessité. Oui, refus d'un mal? Si, comme en mathématiques, moins par moins égale plus, dire non peut s'avérer la voie du salut. Mais cela n'apparaît pas d'emblée, dans l'opinion construite par les médias.

En effet, la décroissance porte, en elle, l'ambiguïté fondamentale que contient le mot croissance lui-même! Croître ou ne pas croître, est-ce bien la question? On commence, certes, à admettre que, dans un monde limité, on ne peut continuer à produire toujours plus. Mais la décroissance reste décriée parce qu'on l'assimile au recul, à la régression, à la perte de moyens de vivre, alors qu'elle signifie freins serrés sur le productivisme, choix des productions en fonction des besoins, partage des moyens de vivre à l'ensemble des hommes.

Les décroissants sont les non-violents de l'économie. La formule gandhienne « vivons simplement pour que les autres puissent simplement vivre » était déjà pertinente dans les années 1930-1940. Elle est devenue, avec sept milliards d'humains sur Terre, bientôt neuf ou dix à mi-siècle, une exigence politique incontournable. C'est ce que la décroissance a comme contenu principal : vivons simplement. La sobriété n'est pas l'austérité. Une vie modeste n'est pas une vie misérable; ce qui doit décroître, c'est l'excès et le superflu, ce n'est pas l'indispensable et moins encore le vital.

Bien entendu, les économies du monde s'étant installées dans une opulence qui ne profite qu'à une minorité, large mais ne représentant pas même le tiers de la population terrestre, sortir de ce contexte social et mondial ne s'effectuera pas de lui-même. La croissance des richesses réservées aux nantis et la croissance de fausses richesses livrées à la consommation constituent la dynamique de l'activité organisée autour du salariat. Mettre fin à ce système, fut-il déjà mal en point, ne se fera pas sans souffrances. Trop d'intérêts sont en jeu.

On l'aura compris, la décroissance est incompatible avec le capitalisme et c'est la raison première pour laquelle elle est si vigoureusement combattue. Elle contient un concept d'égalité que les tenants de l'économie libérale ont mis longtemps à réduire, à ridiculiser au nom de théories « naturelles » selon lesquelles les besoins d'hommes inégaux ne sauraient être égaux! L'immensité de l'écart entre les revenus (qui avait été ramené à des proportions moins choquantes après la seconde Guerre mondiale) est devenue tellement aberrante qu'elle brise l'unité sociale et sépare les citoyens en les faisant vivre sur des planètes différentes.

Ce que les marxistes contestaient : le vol d'une partie du travail salarié au profit des détenteurs du capital, n'a pas disparu, mais la nouveauté, c'est que le plein emploi n'est plus nécessaire depuis que la production peut augmenter de façon vertigineuse en diminuant toujours plus le nombre d'heures travaillées. Le chômage est structurel. L'idée dominante : croissance égale emplois; emploi égale revenu, ne résiste pas à cette nouvelle évidence jaillie, de façon expérimentale, en contradiction à la formule de Sarkozy car travailler plus ne garantit pas de gagner plus! Croissance ou pas croissance, si l'activité humaine était réduite à l'emploi, nous connaîtrions la famine.

Les objecteurs de croissance sont donc des précurseurs qui ne comptent plus sur les productivismes, défendus à gauche comme à droite, et qui laissent à penser que seul vaut le travail salarié! De même les revenus doivent-ils être dissociés de ces emplois non garantis qui permettent à certains de vivre, mais désormais sans certitude de durabilité des ressources. Le travail est beaucoup plus que l'emploi et les revenus sont à fournir à tout vivant par la société des hommes en activité.

Nous sommes très loin encore de cette organisation sociale où la valeur d'un homme ne se mesure pas à la considération que lui accorde un employeur. La revalorisation du travail libre, utile, permanent, lié à la vie quotidienne, viendra de sa démarchandisation (nouveau mot à connotation négative), car nous avons épuisé le modèle de la mise en marché de tout le vivant, et ce même s'il faut encore des décennies pour y échapper effectivement.

L'écologie qui peut fort bien signifier économie logique, soin de la grande maison humaine que nous habitons tous, et qui déborde de partout la simple idée de défense de l'environnement, était, dans les années 1970 associée à la décroissance. L'année 1968 est fréquemment associée à un joyeux remue-ménage étudiant et ouvrier, mais il est aussi possible d'associer cette année-là à la création du Club de Rome. Au moment de sa création, il regroupait une poignée d'hommes, occupant des postes relativement importants dans leurs pays respectifs et qui souhaitaient que la recherche s'empare du problème de l'évolution du monde pris dans sa globalité pour tenter de cerner les limites de la croissance.

Ce n'est pas en 1968 que paraît le fameux "rapport", mais quelques années plus tard, en 1972, et ce ne sont pas les membres du Club de Rome qui l'ont rédigé, mais une équipe de chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (ou MIT) suite à la demande du Club de Rome. Il serait donc plus juste d'appeler le document couramment désigné sous le nom de "Rapport du Club de Rome" par son vrai nom : le rapport Meadows & al. (du nom du directeur de l'équipe de recherche Dennis Meadows).

Les mathématiques nous disent que, dans un monde fini, toute consommation de ressources non renouvelables tendra (en moyenne) vers zéro avec le temps, que cela nous plaise ou non ! En d'autres termes, pour toute consommation de ressources non renouvelables, nous n'avons le choix qu'entre provoquer nous-mêmes la décroissance pour disposer, certes à un niveau réduit, de la ressource le plus longtemps possible, ou attendre que la décroissance survienne toute seule.

La question de savoir s'il faut limiter ou stopper la croissance pour éviter l'issue finale se pose de manière légitime : point d'idéologie là-dedans. La seule ambition du rapport Meadows (1), finalement, a été de tenter de comprendre quel pourrait être l'enchaînement des événements qui se produirait si nous ne prenions aucune mesure préventive, à quel horizon de temps ces événements pourraient survenir, et si des choix donnés au niveau mondial permettaient de se prémunir de la chute finale ou de la repousser très loin.

Voilà la question qui demeure et même devient d'une pertinence particulière, quarante années après, une fois perdues ces quatre précieuses décennies! C'est sous cet éclairage scientifique, que le GIEC (2) a examiné la décroissance : elle n'est plus un choix de vie; elle est une contrainte économique et ce n'est pas parce que cette contrainte est niée ou négligée qu'elle ne s'imposera pas.

Vivre dans l'inconscience, comme les autruches, (la tête cachée dans le sable), ou vivre dans l'irresponsabilité, comme ce roi qui se moquait bien de ce qui viendrait après lui (après moi le déluge), c'est très exactement le comportement auquel nous invitent les gouvernants, les médias et les organisations économiques qui ne changent ni de langage ni de pratique en attendant « la fin de la crise »! Cette cécité voulue est criminelle.

À la nécessité d'une décroissance (bien comprise!) est venue s'ajouter l'urgence d'une désobéissance (civique et non-violente). L'absence de propositions économiques et politiques crédibles de la part des leaders de toutes obédiences contraint de commencer à vivre autrement, à partir de repères nouveaux, peut-être à tâtons, dans un premier temps, mais sans attendre. Il n'est pas grandiloquent de dire qu'il y va de la survie de l'espèce humaine.

(1) Sur le contenu du rapport Meadows lire :
http://www.manicore.com/documentation/club_rome.html

(2) Sur les travaux du GIEC lire : http://www.manicore.com/documentation/serre/GIEC.html
Le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) est une organisation qui a été mise en place en 1988, à la demande du G7 (groupe des 7 pays les plus riches : USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada, Italie), par l'Organisation Météorologique Mondial et par le Programme pour l'Environnement des Nations Unies.



lundi 20 juillet 2009

Radicalité et compromis.

Ou l’éclairage de Simone Weil sur la crise actuelle de la démocratie.


Philosophe (1909-1943)

Il est bien difficile de faire entendre que la radicalité est compatible avec le compromis ! On confond en effet radicalité et extrémisme. La radicalité n’abandonne jamais son objectif. Elle ne cherche pas à l’atteindre d’un coup, en s’imposant, au besoin par la force, à tous ceux qui la récuse.

Qui renonce à la radicalité change d’objectif et trahit. C’est ce que tous les tenants de la conquête préalable du pouvoir, prétendument afin de pouvoir agir, commettent comme erreur. Le parti est le principal outil de ce détournement qui finit par placer les moyens avant la fin.

Simone Weil, la philosophe, a nettement mis en garde, contre cette accaparement de la politique par des organismes qui mettent toujours l’intérêt d’une partie du peuple avant l’intérêt général .

L’organisme-parti n’est pas la bonne organisation politique. Alain Badiou, « le philosophe qui dérange », dans une interview accordée à l’hebdomadaire Politis, affirme que « le problème politique central est bien celui de l’organisation ». Il affirme même que « toute politique d’émancipation aujourd’hui, doit en finir avec le modèle du parti ou des partis /…/ ».

Le parti ne connaît d’autre radicalité que celle de son succès. Il navigue de compromission en compromission. « Tout citoyen doit faire la politique, c’est-à-dire être radical /…/» écrit au contraire Alain dès 1950 . Il ne le peut s’il adhère à parti, (s’il s’y colle, s’y fixe, s’y agglutine ...), bref s’il se donne à « une organisation politique construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres » Or, souligne Simone Weil, « il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser », (pour « un homme qui entre dans un parti »). Ce qu’Alain traduit ainsi : « le régime de la contrainte éteint toute pensée ».

En quoi et pourquoi serait-il impossible de penser dans un parti, donc d’y faire non pas de la politique mais la politique elle-même, de faire du neuf, d’être radical, non dans l’exécution d’une politique mais dans la conception d’une politique ? Simone Weil encore, fournit une réponse : « Il faut avouer que le mécanisme d’oppression spirituelle et mentale propre aux partis a été introduit dans l’histoire par l’Église catholique dans sa lutte contre l’hérésie », et, deux pages plus loin : « Notre démocratie fonctionne sur le jeu des partis dont chacun est une petite Église profane armée de la menace d’excommunication ».

On observera qu’en pleine guerre, Simone Weil, (qui écrit en 1943, depuis Londres, peu de temps avant sa mort), ou Breton et Alain qui croyaient (à tort) que la Note de Simone Weil serait appelée à la plus large diffusion, voyaient, dans le parti communiste, dominant alors dans les milieux intellectuels, le modèle même du Parti ! Pourtant, à leurs yeux, si le parti communiste avait « porté à la perfection », dit Alain, tout ce qu’on peut reprocher à l’organisation parti, il n’était pas le seul ! « Tout parti, écrit Simone Weil, est totalitaire en germe et en aspiration ».


Écrit en 1943. Publié en 1950. Réédité en 2006 chez Climats-Flammarion.

Le débat, secondaire mais révélateur, entre Martine Aubry, Manuel Valls et Julien Dray, ou Arnaud de Montebourg dont nous rend témoin, aujourd’hui, le Parti socialiste, à propos du droit à l’expression divergente, au sein d’un même parti, met en évidence une contradiction majeure ! D’une part, en effet, dire le contraire de ce qu’affirme son propre parti, et en rester membre, tue la crédibilité de ce parti et donc le parti lui-même, mais, d’autre part, voir sa liberté de pensée limitée parce qu’on est membre d’un parti, restreint et donc détruit la pensée elle-même ! Conclusion : si l’organisation-parti doit subsister, Martine Aubry a raison, mais si chaque citoyen doit pouvoir rendre publique sa pensée, rien, pas même son parti, ne peut l’interdire ; ce qui revient, de toute façon, à convenir que ce n’est plus, désormais, dans le cadre des partis que la pensée libre s’exprime. La liberté de pensée n’existerait-elle donc qu’en sortant des groupes de pouvoir ? Les compromis portent-ils sur les contenus de pensée ou bien sur les rapports de force se mesurant entre personnes citoyennes porteuses de ces pensées ? Si l’on doit, en effet, désapprouver Valls et Dray, qui se trahissent eux-mêmes et se contredisent, ce ne peut plus être au nom de la fidélité au parti, mais parce qu’il sera démontré que leur pensée est erronée. Le temps des « excommunications » politiques est révolu.

On admettra qu'il n’est pas "laxiste" que de tolérer qu’on pense différemment de soi ! Et non seulement tolérer mais accepter, tenir pour nécessaire! Le différent ne conduit pas nécessairement au différend… ! Le totalitarisme, (« péché originel des partis sur le continent d’Europe », selon Simone Weil) commence avec cette conviction qu’on est du nombre de ceux qui possèdent la vérité. Penser que la vérité ne s'approprie pas n’interdit pas de soutenir ce qu’on pense de façon radicale, c’est-à-dire enracinée, fondée en raison, et tout en évitant que sa propre girouette soit sensible aux vents de l’opinion. La démocratie d’opinion n’est pas la démocratie.

La radicalité est tout le contraire du totalitarisme. La radicalité est verticale ; le totalitarisme est horizontal ! L’une approfondit, l’autre recouvre et enfouit. L’une est fidélité à soi-même, à ses idées, l’autre est asservissement à la cause, à l’Idée. La radicalité permet de n’être pas manipulé, entraîné, mobilisé, contraint d’agir autrement qu’on ne pense, (et ce, parfois, au risque de sa vie !). La radicalité n’est pas un durcissement, une sclérose, un enfermement dans ses certitudes. Elle n’a de valeur que si elle est, à la fois, affirmation et cohérence. Ne craignant pas la contradiction, elle se confronte et accepte le compromis qui n’est pas l’abandon d’une partie de ce qu’on pense mais l’acceptation de faire un bout de chemin avec qui ne pense pas comme soi, pour faire progresser une partie de ce qu’on pense sans aucun renoncement au reste de ses convictions.

Le compromis est nécessaire. Il fait partie du vivre ensemble. Mais, sans radicalité, le compromis ne serait qu’un processus de conquête d’une position d’où l’on escompte disposer de davantage de pouvoir. Ce serait, une fois encore, accepter de compromettre ce à quoi l’on tient le plus, dans l’espoir de gagner en influence, en moyens d’agir. Macchiavel recommandait au Prince d’user de tous les moyens qui lui permettront d’aboutir à ses fins, a priori justes puisqu’elles sont celles du Prince. Il ne s’embarrassait pas de savoir si la fin est ou non dans les moyens; la fin les justifie tous. La radicalité, transposée dans les seuls moyens, ne conduit donc qu’à la violence. La radicalité demeurée, au contraire, dans la fin qu’on s’est assignée n’oblige pas à recourir à la violence, mais, alors, elle oblige à rechercher des compromis probes, ceux qui ne conduisent pas ailleurs que là où l’on veut aller. Un bon compromis est un terrain d’entente ; ce n’est pas une cote mal taillée ! C’est un accord temporaire, ce n’est pas une concession.

« Nous n’avons jamais rien connu qui ressemble, même de loin, à la démocratie » osait écrire Simone Weil. Elle fonde ce jugement sur cette autre affirmation : « l’idée de parti n’entrait pas dans la conception politique française de 1789, sinon comme mal à éviter ». « Tout s’est passé et tout se passe encore, affirmait-elle, comme si Rousseau (à qui l’on doit la notion de volonté générale) n’avait jamais été lu ».

Simone Weil
Morte, épuisée, à Ashford le 24 août 1943

La radicalité est dans cette courte phrase : « seul ce qui est juste est légitime ». Mais qu’il est difficile de ne pas s’écarter de ce qui est juste ou, plus encore, de le faire émerger! Le compromis est tout entier dans la modestie de celui qui sait, comme le disait Emmanuel Mounier, contemporain de Simone Weil, que « les certitudes sont difficiles ». La démocratie, la volonté générale, ne sont pas le pouvoir du plus grand nombre. « Le véritable esprit de 1789 consiste à penser non pas qu’une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu’à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice ».

La constatation du fléchissement de la démocratie alors qu’on la prétend en cours de mondialisation, conduit à revenir aux sources : ou bien la Révolution de 1789 précéda la Terreur et en fut la négation, ou bien elle fut à l’origine de la Terreur et elle est restée marquée du sceau de l’impossible. La démocratie est ou n’est pas incompatible avec les partis. Simone Weil avait tranché : les Jacobins, d'abord libre lieu de discussion, subirent la pression de la guerre et de la guillotine qui en fit un parti totalitaire. « Un parti au pouvoir et tous les autres en prison » rappelait-elle, citant Tomski. On observe bien que la généralisation des processus électoraux n’a pas supprimé l’oppression et l’asservissement des peuples. Dans les pays occidentaux qui se vantent de leurs institutions démocratiques, le détournement de la volonté populaire a atteint les sommets d’un art et d’un savoir souvent nourris par la prévarication et la malversation. Le pouvoir ne saurait être dans les urnes dès lors que les urnes ne font que désigner à qui le pouvoir est délégué. L’élection, qui est la conséquence et non la cause du débat démocratique, non seulement ne résume pas la démocratie mais peut en faciliter la confiscation.

Nous vivons un temps de remises en questions. Démocratie, partis, peuple, volonté générale sont à revisiter pour inventaire et réorientation ! Démocratie est un mot indiscernable, perdu dans le flou où il a chuté. Parti est un mot dont le sort est scellé : le débat sur l’organisation non partidaire est ouvert. Peuple est le mot dont la charge dynamique est imprévisible, dès lors que, s’il est conscient de ne pas se gouverner par lui-même, ainsi que le prétend l’article 2 la Constitution, ce peuple peut faire surgir l’événement qui change tout. Volonté générale reste une locution datée qui n’en finit pas de s’actualiser : sans possibilité de s’affirmer, la volonté générale se détruit et, avec elle, toute pensée de la République. Un immense chantier est ouvert. Nous allons devoir penser l’avenir et gérer le présent, dans un contexte jamais encore connu : radicalité et compromis ! Face à la toute puissance de l’économique, la politique reprend ses droits. Je veux croire que cela ne fait que commencer…

dimanche 7 juin 2009

Oui à une Europe européenne



Regardons bien une carte du continent européen. On y voit que l'Europe ne se limite pas à la communauté européenne et, de l'Albanie à la Russie (qui va jusqu'en Asie), en passant par la Suisse, il y a beaucoup d'autres pays, candidats ou pas à une entrée dans l'Union, qui font partie de l'Europe physique. Mais l'Europe politique est-elle inscrite dans cette Europe physique dont il est déjà si difficile de fixer les confins? On a trop oublié que De Gaulle n'était pas aussi anti-européen qu'on l'a prétendu, mais sa conception de l'Europe, qui n'était pas atlantiste, allait plus loin que les incantations! On connait son célèbre propos :
"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe. Mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien." ( Entretien avec Michel Droit du 14 décembre 1965).


De Gaulle et Adenauer.

L’Europe gaulliste se voulait une Europe européenne s’étendant « de l’Atlantique à l’Oural », et n’excluant donc, par principe, ni la Grande-Bretagne ni l'ex bloc soviétique. Elle était largement ouverte à l’adhésion d’États, au-delà des six États fondateurs de la Communauté européenne : « Cette solidarité, faudra-t-elle qu’elle s’enferme dans une sorte de citadelle politique et économique ? demandait De Gaulle? Au contraire ! L’union des Six, une fois réalisée et, à plus forte raison, si elle venait à se compléter d’adhésions et d’associations européennes nouvelles, peut et doit être, vis-à-vis des États-Unis, un partenaire valable en tous domaines, je veux dire puissant et indépendant. » (Conférence de presse, 21 février 1966). « En fait, précisera-t-il dans ses Mémoires, cela nous conduit à /.../ faire en sorte que certains autres, avant tout la Grande-Bretagne, n’entraînent pas l’Occident vers un système atlantique qui serait incompatible avec toute possibilité d’une Europe européenne. » (Mémoires d’Espoir, page 182.). « Mais il n’est pas moins évident que, si les Occidentaux de l’Ancien Monde demeurent subordonnés au Nouveau, jamais l’Europe ne sera européenne et jamais non plus elle ne pourra rassembler ses deux moitiés. » (Mémoires d’Espoir, page 207.)

Il ne m'est pas habituel de citer De Gaulle dont je n'ai jamais été un soutien. Je ne lui rends pas les armes en constatant que l'Europe, en panne en ce jour de scrutin européen, l'est pour la raison qu'avait annoncée De Gaulle :
si les Occidentaux de l’Ancien Monde demeurent subordonnés au Nouveau, jamais l’Europe ne sera européenne. Ce qui, en terme contemporains, signifie que l'Europe libérale, sous influence anglo-saxonne, interdit à l'Europe d'être l'Europe.

Car l'Euro
pe va au-delà de toute limite géographique, fut-elle l'Oural! L'Europe a atteint une autre limite, une limite politique : ou bien elle reste l'Europe des gouvernements et il sera vite constaté qu'il est devenu impensable de l'élargir; ou bien l'Europe cesse d'être une Europe de concertation entre l'administration des États-nations et devient ce qu'elle n'est pas encore, une Europe des citoyens, une Europe fédérale, et elle redevient ouverte aux pays qui attendent de nous rejoindre (notamment ceux des Balkans). Il faut ajouter que cette Europe-là pourrait aussi voir des États refuser de demeurer dans un tel ensemble fédéral. De même, peut-on imaginer voir des pays, situés aux marges de l'Europe physique, entrer dans cette communauté politique nouvelle.



Europe est, selon la mythologie, le nom d'une princesse libanaise enlevée par Zeus, transformé en taureau. La source même de l'Europe, son appellation originale se trouve en-dehors des limites territoriales de ce "cap de l'Asie" qu'est, en réalité, le pseudo continent européen.

Europe, la déesse enlevée par Zeus était phénicienne. La tradition grecque attribue comme père à Europé (en grec ancien, Eurṓpē), Agénor , roi de Tyr. Dans les œuvres d'Homère, Εὐρώπη n'est donc pas un terme géographique. Selon Hérodote, elle fut à l’origine de la dénomination d’un continent que pourtant elle n’abordera pas. En effet, Europé passa d'Asie Mineure en Crète, et de Crète en Lycie. Au IVe siècle après J.-C., le mot Europe désigne l’une des six provinces du diocèse de Thrace, et son territoire correspond approximativement à celui de la Thrace orientale turque actuelle.



Ce jour, 7 juin 2009, va nous ouvrir les yeux, du moins je l'espère. Le scrutin pourrait se trouver marqué par deux évènements : d'une part, le refus de participation à des scrutins européens dont on ne respecte pas les décisions, comme ce fut le cas avec les référendums français et néerlandais (Un article rude, parfois grinçant et ambigu, paru dans l'Itinérant, sous la signature de Rodolphe Clauteaux, analyse impitoyablement cette situation), d'autre part, la montée de la représentation écologique (encore très insuffisante, mais résultant nécessairement de la montée de la prise de conscience des citoyens, devant la montée des périls liés au réchauffement climatique).


Le besoin de démocratie effective et d'une "économie-écologique" enfin dégagée de l'emprise libérale peut commencer à s'exprimer. L'Europe ouverte et européenne sera-t-il le lieu de cette prise de conscience? Je voudrais pouvoir le croire...

Sources :

http://www.gaullisme.net/europe-de-l-atlantique-a-l-oural.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Europe

http;//litinerant.over-blog.com


dimanche 31 mai 2009

Une autre façon de s'abstenir.

Bien des Européens vont "mal" voter, dimanche prochain. Rien n'y fait, semble-t-il : les citoyens de l'Europe des 27 font la grêve des électeurs. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont senti le danger et appellent ensemble à aller voter, (ils n'en sont plus à faire voter pour l'UMP et la CDU). Un rejet, non de l'Europe mais de la politique européenne, est en train de se manifester puissamment. Inutile de culpabiliser les abstentionnistes, cette fois! La plupart n'iront pas pêcher à la ligne mais resteront chez eux.


Dire non est une action...

Tous les tenants de la politique des partis vont, jusqu'au bout, tenter de réveiller les électeurs, quitte à réutiliser les "vieilles ficelles" : l'insécurité à droite, le vote sanction, à gauche.

Au soir du 7 juin, se réjouiront les naïfs et les aveugles qui n'auront pas vu le désaveu cinglant de cette non participation volontaire! L'UMP fera valoir qu'elle est en tête, donc confortée dans sa politique! Le PS prétendra qu'il demeure la seule possibilité d'alternance capable d'entrainer l'ensemble de la gauche vers une victoire, en 2012. Le MODEM tirera argument de son score à deux chiffres pour tenter de démontrer que la troisième force pouvant mettre à mal et Sarkozy et les socialistes en recul, c'est lui. Les écologistes, rassurés par leur 4ème place, rappelleront que la seule politique européenne et verte possible passe par eux. Le PCF et le "Parti de Gauche", associés, feront ouf ensemble, s'ils franchissent la barre des 5%. Le NPA comptabilisera les bribes de pourcentage obtenues au-dessus du score d'Olivier Besancenot, aux présidentielles. Le FN éructera en criant au voleur après la nouvelle razzia de l'UMP sur ses électeurs. Les ultranationalistes démontreront que l'Europe n'est plus. Les autres se réjouiront d'avoir pu accéder, par la campagne officielle, à l'oreille des Français... Personne ne voudra dire sa déception ni les risques qu'une telle situation va nous faire courir.

Car nous voici au pied du mur : l'Europe sans les Européens perd toute existence politique. L'Europe des gouvernements n'est pas l'Europe. L'Europe des 27 est inachevée et la mise à l'écart de l'Albanie, de la Turquie, de la Croatie, etc..., brise une dynamique d'élargissement qui faisait la force de l'Europe des 6, puis des 9, puis des 12, puis des 15, puis des 25, puis des 27... L'Europe qui ne s'étendrait plus irait vers une fin inéluctable par pourrissement ou désintérêt. L'Europe de la paix, du succès économique et de la garantie du niveau social a besoin de croître encore, ce qui oblige à repenser ses institutions, ce à quoi les États s'opposent.

Quand Octave Mirbeau, en 1888, parlait de la grêve des électeurs, il pensait surtout à la duperie des scrutins et à l'exploitation politicienne des votes. Cela reste pertinent, aujourd'hui, mais il s'y ajoute une donne nouvelle : on ne vote que si l'on influence les décisions des mandatés. Sûrs de rester éloignés du Parlement européen, même s'il s'y prend des décisions très importantes, les citoyens s'écartent d'une élection multimodale, devenue sans valeur puisque sans effet sur la plus importante des co-décisons possibles : celle où les Européens pourraient intervenir dans les affaires qui les concernent et pas seulement par délégation! Trop loin, trop technocratique, trop dépendant des gouvernements cogérant les politiques européennes, trop confondu avec les enjeux nationaux, le Parlement européen est un géant flasque. Ou bien il ne sert à rien, ou bien il sert à tout, y compris à mener en sous main les politiques qu'on ne peut imposer aux peuoles frontalement État par État. Et là apparaît le péché, mortel pour la démocratie, qu'aura été le refus d'accepter le rejet du Traité constitutionnel en 2005. Tout se décide ailleurs : inutile d'aller voter.


Et quand on ne s'abstient pas, tient-on compte du referendum?

On ne va donc pas voter, et de plusieurs façons. Ne voteront pas (les plus nombreux), ceux qui votent, ordinairement, et qui sont persuadés, quoi qu'on leur dise, que leur vote ne changera rien aux crises économique, financière, écologique, sociale et politique qui s'emboitent actuellement pour conduire l'Occident vers une mutation qu'aucune parti ne prend suffisamment en considération. Ne voteront pas ceux qui iront jusqu'au Bureau de vote pour y déposer une enveloppe vide, puisque aucun choix n'est pertinent. Ne voteront pas ceux qui iront jusqu'au Bureau de vote pour y déposer un Bulletin nul ou annulé, récriminant ou commentant sévèrement les échecs des partis. Ne voteront pas ceux qui iront jusqu'au Bureau de vote pour y voter blanc et pour dire la non pertinence du choix offert, car, scandaleusement, leur vote n'aura aucune validité Ne voteront pas ceux qui iront jusqu'au Bureau de vote et qui choisiront, sciemment, une liste ne pouvant atteindre les 5% nécessaires en France pour servir à la désignation d'un député! Ne voteront pas, non plus, ceux qui auraient voulu aller jusqu'au Bureau de vote, puisque vivant en Europe depuis longtemps, mais qui n'ont pas droit à la citoyenneté européenne puisque "ressortissants non-communautaires"... Je ne parle pas, enfin, de ceux qui n'iront pas jusqu'au Bureau de vote car non inscrits sur les listes électorales françaises (pour les négligents ou les objecteurs de vote) ou sur les listes électorales complémentaires des étrangers "communautaires" (pour ceux qui n'ont pas su, ou pas voulu effectuer une inscription préalable en mairie). Bref les non-votants seront, de toute façon, plus nombreux que les votants, ce qui devrait être sanctionné par une annulation du vote, mais cela engendrerait un désordre politique colossal!



J'irai-ne-pas-voter, en me rendant dans le Bureau où je vote ordinairement, pour choisir l'abstention politique qui me conviendra le mieux. Mais, cette fois, je me solidariserai de ce refus d'un jeu de dupes où même les candidats qui ont ma sympathie ne pourront tenir aucun un rôle satisfaisant, s'ils sont élus. Que ceux qui se contenteront d'être "députés européens" prennent garde : la donne a changé et il sera vite impossible de faire comme si l'Europe, elle, n'avait pas changé!

mercredi 27 mai 2009

Le mouton noir ou le bouc émissaire des fascistes

«La façon dont sont traités les Tsiganes représente le vrai test, non seulement pour une démocratie mais d'abord pour une société civile». Vaclav Havel.

Un parti tchèque propose "la solution finale" pour les Roms. Voilà l'Europe qu'il préconise : une Europe débarrassée des Roms. Attention : ne n'est pas seulement un propos excessif. C'est un appel au meurtre. En 2009! En Europe! L'actuel président en exercice de l'Union européenne est un tchèque. Si ce pays, le pays de Vaclav Havel, ne lutte pas contre ce poison violent et nous tous avec lui, nous courons au devant d'un drame d'autant plus menaçant que le chômage explose.


Femme rromni et son enfant : quelle place en europe, pour eux?

Un parti d'extrême droite fait sa pub en parlant de « solution finale de la question tzigane ». Le Parti National, Národní Strana en tchèque, a réussi son coup médiatique : avec un spot de campagne infâme et nauséabond.

Ce petit parti d’extrême droite réussit à faire la une des quotidiens. Le spot en question commence par la phrase suivante : « la solution finale de la question tzigane proposée par le Parti National est un mode d’emploi pour tous les États européens ». On voit ensuite défiler des photos de ghettos roms et des slogans comme « Non à l’intégration des inadaptables » ou « Tes impôts, leur avenir » sur fond de violon peut-être censé rappeler un violon tzigane.

La télévision publique tchèque a l’obligation légale de diffuser les spots de tous les partis pendant la campagne électorale. Elle a diffusé une fois cette vidéo, avant que la direction prenne la décision de ne plus la diffuser.

Depuis quelque temps, c’est une autre petite formation d’extrême droite, le Parti Ouvrier, Dělnická strana, qui occupait le terrain médiatique en organisant des défilés dans les quartiers roms de plusieurs villes du pays.

Vladimira Dvořáková, politologue : « Il faut dire que le Parti National a beaucoup envié les succès enregistrés par le Parti Ouvrier. A un moment, le Parti National a décidé de s’aligner sur les partis d’extrême droite d’Europe de l’Ouest en se concentrant sur l’Islam et la peur de l’immigration musulmane. Mais il n’y a pas beaucoup de musulmans ici et avec la montée en puissance du Parti Ouvrier, le Parti National en a sûrement conclu qu’il lui fallait se radicaliser et être médiatisé.


Peu imaginatif, le Parti National s’inspire réellement des partis xénophobes sévissant à l’Ouest de la République tchèque. Sur son affiche de campagne, le parti tchèque a choisi la même image que l’UDC suisse, qui avait aussi inspiré le NPD allemand, avec trois moutons blancs qui chassent à coups de patte un mouton noir…

Mais aucun de ces partis n’avaient encore osé parler de « solution finale » pour régler la question tzigane, une expression employée par les nazis pour justifier la mise en oeuvre de l’holocauste.

http://www.rtbf.be/info/index.php?q=monde/europe/tchequie-lextreme-droite-propose-la-solution-finale-pour-les-roms-110452

mardi 26 mai 2009

Catholiques, fuyez le ridicule et l'infâme.

Ce que j'ai recueilli, tout jeune, du message évangélique m'autorise à dire que l'Église se trahit et trahit celui dont elle se réclame, de la façon la plus grave qui soit. Le ridicule de la vêture épiscopale en est une manifestation saisissante. Pire, la multiplication des crimes sexuels dans les milieux d'Église démontre une orientation de la pensée qui, poussée à l'extrême ou installée dans des esprits faibles, autorise l'infamie et la turpitude!

Les accoutrements soit disant religieux (qui ne sont pas le fait de la seule église catholique!) sont devenus d'un anachronisme hurlant. Mitres, chasubles et autres soutanes appartiennent à un monde qui n'existe plus.

Les mitres sont des hautes coiffures triangulaires de cérémonie portée par les prélats.

Se vêtir n'est pas seulement se distinguer, c'est apparaitre, aux yeux d'autrui, dans un rôle professionnel, sportif, civique ou autre. La dignité et l'autorité morale sont totalement absentes de ces déguisements qui devraient déclencher le fou rire chez tout être humain normalement constitué. Ceux qui tiennent à "la religion" s'en accommodent, au détriment du sentiment ou du questionnement religieux qui habitent à peu près chacun de nous.


La soutane n'a jamais été totalement abandonnée, notamment dans les milieux intégristes

Il était facile, jusqu'alors, d'imputer à l'athéisme militant la dénonciation de ces théatralisations qui loin de renvoyer à l'essentiel : le mystère de la vie et de la mort, semblent vouloir, au contraire, en détourner, sous les apparences des musiques convenues, des paroles lénifiantes et des oripeaux usés. La vérité est plus cruelle : les catholiques continuent de confondre leurs appels à l'universalité de la foi avec la diffusion d'une culture occidentalisée et philosophiquement discutable. Ils confondent une idéologie et l'Évangile. Ils se trahissent eux-mêmes et les conséquences de cette déviance pèsent lourd sur les épaules des hommes de ce temps et pas seulement les chrétiens...

Présent depuis longtemps, et en nombre de pays, ce qui était indicible, et donc dissimulé, est, à présent, révélé, dévoilé, exposé : des prêtres se sont livrés à des activités pédophiles, voire à des violences et tortures sur les personnes de ceux qui leur étaient confiés. "Scandale" (au sens évangélique du terme), scandale absolu! Faute contre l'esprit autant que contre les corps! "Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé." (Marc 9, 37) Et peut-être même : "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Matthieu, 25,40)!

Il ne suffit pas de condamner et de demander pardon! Il faut encore comprendre pourquoi ce fut possible. Le discours sur le péché n'explique pas tout! Le crime n'est pas une juxtaposition de fautes individuelles! Que ce soit à Jersey ou en Irlande, en Australie ou aux États-Unis (pour ne parler que de ceux des lieux d'horreur que les médias ont assez récemment rendus publics), il s'est toujours agi de personnels d'institutions ou d'ecclesistiques revêtus des signes de l'autorité religieuse! Camouflés derrière leurs fonctions, quasiment incritiquables, enfermant leurs victimes dans le silence, ces criminels, fonctionnaires du sacré, se sont crus à l'abri de la justice des hommes et semblaient ne point trop craindre celle de Dieu!

Deux enseignements me semblent émerger de ces errances affreuses : la quête de la vérité, dans l'humilité et la prudence, a été abandonnée. L'universel catholique et sa dimension multiculturelle sont restés délimités par des docteurs de la Loi qui sévissent à la Curie romaine et siégent dans l'étroit Vatican. Le travail de ces chercheurs est devenu insincère. On a enfermé les catholiques dans une doctrine et la peur du mal, dans le culte du "péché originel" qui marquerait chacun d'une fragilité innée ouvrant la possibilité de succomber.


L'autorité cardinalice ne protège pas l'Église de graves déviances. Qui en tirera des enseignements?

Comme toujours, on est fasciné par ce qu'on craint le plus. Les plus faibles se tournent alors vers ce qu'ils dénoncent. La libido non acceptée comme une réalité du quotidien, la masturbation dénoncée comme une faute, le mariage souvent réduit à la légalisation de la procréation, l'orientation sexuelle sans alternative faisant de l'homosexualité une déviation condamnable et, surtout, l'absence de mesure dans le jugement d'autrui ont conduit à une moralisation intenable que des agents et procureurs de l'Église étaient les premiers à ne plus respecter! Le secret faisait le reste.

On parle désormais du christianisme comme d'une religion parmi d'autres. Le Pape n'est qu'une autorité politique et religieuse qui joue sa partition dans l'orchestre des Grands de ce monde. La spécificité chrétienne n'est plus. Demeurent toutes les caricatures et les infâmies qui permettent de déconsidérer de façon radicale une pensée qui a profondément marqué l'histoire humaine. Il ne date pas d'hier que ceux qui se réclamaient du Christ le crucifiaient au nom de la vérité qu'ils s'étaient appropriée. La nouveauté est qu'au moment où la non-violence, le refus de l'Argent-roi, la fraternité et l'égalité (sans réserves et sans limites) ont besoin d'être essayées sur une planète où l'espèce humaine s'est mise en péril, l'Église n'a plus de message dynamique et ses vieux pontifes n'ont que leur intelligence à exposer mais rien qui, au delà des discours pieux, ouvre une espérance tangible.


"Le Veau d'or est encore debout" et jamais son culte n'a été aussi universel!

Catholiques, fuyez le ridicule et l'infâme. Pensez votre foi avec les mots et les espoirs des Terriens du XXIe siècle, de chacun d'eux unique au monde. Abandonnez les idées toutes faites qui vous sont présentées comme éternelles et qui ne sont que des formes sépulcrales privées de la vie permanente de la quête de ce sens qui nous est indispensble pour être nous-mêmes. Ou alors, disparaissez et laissez les générations qui viennent trouver un chemin qui soit, pour elles, "la Voie, la Vérité et la Vie" (Jean 14,6).


jeudi 21 mai 2009

La démocratie antidémocratique

L'idée toute faite dont nous souffrons est qu'il y a démocratie s'il y a élections. Cette condition nécessaire n'est en rien suffisante! Les possibilités de détourner les votes sont devenues plus nombreuses et plus subtiles.

Voter, c'est choisir. Si le choix est rendu confus, voire impossible, ce qui sort des urnes est privé de sens ou peut, même, correspondre à l'inverse de ce que désirait la majorité du peuple.

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La machine à briser la volonté populaire est l'élection du Président de la république au suffrage universel. Non qu'on ne puisse élire directement un Chef d'État! (Cela n'existe pas partout en Europe, mais passe...). Cependant, l'élire à l'occasion d'un scrutin à deux tours, bipolaire, éliminateur des candidats qui ne figurent pas aux deux premières places, conduit à des aberrations. Ainsi Jean-Marie Le Pen a-t-il pu s'opposer, seul, à Jacques Chirac en 2002! Une élection triangulaire aurait pu donner un tout autre résultat. Les effets de ce vote tragique se font encore sentir : ils ont tué tout ce qui n'est pas caractérisé comme "vote utile". Autrement dit, cela pousse à voter pour qui peut l'emporter et non pour qui propose ce qu'on pense. La conséquence inéluctable de ce mode de scrutin, depuis 1965, c'est l'enfermement dans une bipolarisation toujours plus sévère, qui retentit sur les élections législatives et, de proche en proche, contamine toutes les élections, y compris, comme on le voit actuellement, sur les élections européennes, pourtant proportionnelles, où l'on ne mesure que l'écart entre l'UMP et le PS!

Ce n'est pas uniquement le mode de scrutin présidentiel qui mine la démocratie, en France. La concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme, qu'au fond les grands partis ne contestent pas dans l'espoir d'une alternance, est bien plus nocive encore! Le modèle de pouvoir politique propagé par nos institutions conduit à tout "présidentialiser". Commune, communauté ou autre syndicat de communes, département, région, (y compris les organismes et associations, reflets, depuis 1905, des institutions politiques), partout il s'agit d'élire un chef dont les collaborateurs ou adjoints ne sont, le plus souvent, que les grouillots. Le concept même de partage du pouvoir est incongru! Le pouvoir, central ou local ne se partage pas; il s'exerce par délégation étroitement surveillée.

La république gaullienne aura été une monarchie républicaine. À ceci près : De Gaulle considérait que, sans l'aval du peuple, son pouvoir, indépendant du "système des partis", cessait immédiatement. Il en a tiré les conséquences. Ses successeurs n'ont pas eu mes mêmes scrupules démocratiques. En inventant l'alternance, François Mitterrand a pu laisser croire que la démocratie se portait bien, que le peuple pouvait avoir le dernier mot, en élisant son Président avec un mode de scrutin bipolaire, c'est à dire, gauche contre droite. Ce fut une duperie dès que la gauche s'est vidée de son contenu en gouvernant, de compromis en compromis, toujours plus au centre, voire à droite, et surtout quand les différentes unions de la gauche n'ont plus été que des juxtapositions d'intérêts partisans, privées de cohérence politique. Aujourd'hui nous voici au bout du cycle : le Président de la république est visiblement seul maître à bord et les outils de l'opposition sont à ce point usés que la monarchie républicaine, de durcissement en durcissement, peut glisser vers une monocratie idéologiquement dévastatrice, quasi impunément. La démocratie française n'est plus qu'une démocratie d'apparence.

La démocratie, conçue non comme le pouvoir donné au peuple mais le pouvoir pris par le peuple pour choisir son gouvernement et orienter la politque, a été détournée. Le "quatrième pouvoir", celui des médias, étroitement dépendant du pouvoir caché, le pouvoir gris de l'économie, influence les citoyens au bon moment et, sauf exception -quand les analystes, en dépit de leurs moyens raffinés de compréhension des ressorts de l'opinion, se trompent, comme on l'a vu en 2005- ils conduisent assez bien le troupeau électoral. Les pouvoirs d'État et les grands partis y veillent, et paient pour cela. Les sondages sont des outils subtils, fiables, et l'art du sondeur consiste non à influencer ou à interpréter les réponses mais à poser les questions qui les induisent.

La démocratie, visage politique du capitalisme, est de plus en plus contestée dans le monde, en apparaissant comme une "gouvernance" inspirée par un Occident dominateur! Cela n'empêche pas les dictatures et les tyrans de s'en servir, avec cynisme. Le cadeau vénéneux fait par les puissances coloniales aux États indépendant, aura été de laisser croire qu'il suffisait d'organiser des élections (fussent-elles truquées, organisées sous la pression, et avec de multiples moyens de corruption) pour devenir des démocraties. Le résultat catastrophique de cette manipulation est que plus le nombre des "démocraties" s'étend moins la réalité démocratique est effective. "Le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple" n'est qu'un slogan que nulle part on ne sait traduire en actes, car cela conduit à la codésion et au partage du pouvoir, ce que les décideurs élus se refusent à envisager. Nous en restons donc à la République des représentants qui exercent le pouvoir par délégation populaire, le temps d'un mandat et tous les discours sur la démocratie représentative sont creux. Associer des citoyens à l'étude de dossiers est une opération de marketting politique par laquelle des élus se font valoir. Décider ensemble serait tout autre chose... Non seulement cela ne s'improvise pas, mais il n'en est pas question parce que les vrais décideurs, élus ou non, les maîtres de l'argent, ne peuvent prendre ce risque.

Voici venu le temps de ce que les communistes ont appelé, en la trahissant violemment, la "démocratie populaire", c'est à dire non pas la dictature du prolétariat, la dictature du parti, mais la mise en réseaux de tous les lieux de décision avec tous ceux que les décisions concernent.



Nous vivons au XXIe siècle et les affaires publiques ne peuvent plus être gérées comme elles l'étaient au XIXe et au XXe siècle. Ou bien donc, il faudra sortir de la démocratie qui a perdu son efficacité et son exemplarité, ou bien, au contraire, il va falloir expérimenter de nouveaux modèles de participation à la vie citoyenne fonctionnant no plus au rythme des élections, mais dans la quotidienneté. La démocratie véritable appelle un nouveau monde culturel.



Ou bien Sarkozy et Berlusconi vont devenir les promoteurs, caricaturaux mais triomphants dans toute l'Europe, d'une gouvernance dite démocratique mais coquille vide n'ayant rien à voir avec ce que les créateurs de la République avaient imaginé, ou bien, dans les années à venir, une effort immense de créativité politique va faire rechercher, et trouver, un mode d'exercice de la démocratie qui donnera effectivement à chacun pouvoir sur sa vie. Les utopies sont des dynamismes le temps de devenir des banalités ne pouvant plus être désignées comme utopies.

La république a besoin de se confondre davantage avec la démocratie. Elle a besoin d'utopies. De toute urgence.


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