samedi 18 février 2012

"Est-ce ainsi que les hommes vivent"

Qui est en dette, les peuples ou leurs gouvernants ?
Pourquoi les pays riches seraient-ils devenus pauvres ?
Peut-on revenir à l'économie réelle supplantée par l'économie financière ?
Peut-on produire de l'argent ?

L'écart entre les revenus n'est-il pas devenu obscène ?
Comment en est on arrivé à accepter qu'un homme gagne plus qu'il ne pourra jamais dépenser ?
Le culte du veau d'or, stigmatisé depuis l'antiquité, ne conduit-il pas encore à la guerre ?
Chaque homme ne pourra-t-il donc jamais avoir la chance de vivre dans la dignité ?


Pourquoi faire de l'Allemagne un exemple ?
L'Allemagne n'a-t-elle pas une économie prospère mais injuste ?
L'Europe se limite-t-elle à l'Allemagne et la France ?
Faudra-t-il des révoltes pour mettre fin à la misère planifiée ?

Parler de croissance au futur : n'est-ce pas un leurre ?
Est-ce de croissance, au reste, que le monde a besoin dans un monde limité ?
Comment expliquer l'impuissance du plus grand nombre des hommes face aux riches ?
Quand cesserons-nous de croire que le brio verbal est une preuve de savoir ?

Comment peut-on estimer que la vente d'un rafale (avion-tueur) est une bonne nouvelle ?
Pourquoi ne pas essayer la non-violence, la force immense des faibles selon Gandhi ?
D'armes sophistiquées en armes surpuissantes, qui protège-t-on encore ainsi ?
Tout soldat ne devient-il pas, désormais, un assassin amnistié par avance ?

Ces questions et mille autres plus radicales encore sont-elles interdites ?
Le réalisme est-il définitivement cynique ?
Le désespoir des humains privés de raisons de vivre ne les conduira-t-il pas au suicide ?
"Est-ce ainsi que les hommes vivent ?"

« Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus »
— Louis Aragon, Le Roman inachevé, Poèsie/Gallimard, Paris, 1980, p. 72-75


Ferré et Aragon

lundi 13 février 2012

La contradiction absolue.


Israël prépare une intervention militaire contre l'Iran.
Il recherche le soutien des USA où une partie de l'opinion publique n'attend que ça.

Le motif de cette menace tient à la crainte d'Israël d'être agressée par l'Iran.
L'Iran en effet pourrait disposer de l'arme atomique.

Tout État où est maîtrisée l'énergie nucléaire peut, en effet, se doter d'un armement nucléaire.
Plusieurs pays ont prouvé qu'ils en avaient la capacité mais ont renoncé à ce moyen de défense.

Quatre États ont associé leurs capacités nucléaires civiles et militaires sans se le voir reproché.
Il s'agit des États-Unis d'Amérique, de la Russie, de la France et de la Grande-Bretagne.

Cinq États se sont, à leur tour, dotés d'armes nucléaires, sans solliciter d'approbation.
Il s'agit de : la Chine, l'Inde, Israël (avec le concours des USA), le Pakistan et la Corée du Nord.

Pourquoi ce à quoi se sont autorisés ces neuf États serait interdit à l'Iran.
La cause en est le jugement négatif porté sur sa politique, brutale et agressive à l'égard d'Israël.

La mise en péril de tout le moyen orient due à l'ouverture d'un conflit n'est pas contestable.
Les risques d'extension de ce conflit (en zone « pétrolière ») au monde occidental, non plus.


Faire la guerre pour la prévenir est un vieux discours éculé qui ne fonctionne pas.
Toute guerre préventive est un crime contre l'humanité.

La contradiction éclate quand elle concerne les questions nucléaires !
Quel État a le pouvoir et le droit de dire : ce qui est bon pour moi sera refusé aux autres ?

Le partage entre les bons et les méchants États relève du jugement politique, pas de la vérité !
Le poison de la prolifération nucléaire est répandu par ceux-là mêmes qui s'en défient !

Les États qui veulent imposer leur puissance ont recouru au nucléaire.
Refuser qu'un État affirme ainsi sa puissance, à son tour, est une discrimination insoutenable.

L'Iran démontre que l'on ne peut séparer totalement les nucléaire civil et militaire.
Les États qui ont renoncé à l'arme nucléaire peuvent abandonner le nucléaire civil.

Les États qui ont accédé au pouvoir absolu de l'atome ne peuvent que tenir à l'un et à l'autre.
Les USA en ouvrant la boîte de Pandore du nucléaire, en1943, ont mis le feu au monde.

Le feu a brûlé à Hiroshima, à Nagasaki, a couvé souvent ailleurs, et ne peut cesser de s'étendre.
Après l'Iran, il y aura le Qatar ou tout autre État qui a les moyens de montrer sa force.


Impossible de sortir de ce piège infernal sans renoncer totalement aux usages du nucléaire.
Après Fukushima, un monstrueux accident ou conflit y contraindront-ils l'humanité ?

La contradiction absolue est de vouloir le bien des hommes en menaçant leur être même.
La civilisation ne peut se développer sous la menace d'un atome non maîtrisable.

La responsabilité des USA reste immense quand ils s'enferment dans des logiques de guerre.
Les « armes de destruction massive » sont dans leurs arsenaux, ni en Irak, ni en Iran.

Les fanatismes nationalistes et les illusions de la puissance peuvent conduire au pire.
La fin des temps pour les consciences humaines peut survenir en ce siècle.

Les logiques de défense fondées sur un recours à des forces illimitées sont impuissantes.
On ne protège pas un peuple en lui faisant menacer tous les autres.

Il est angoissant de constater qu'aucune sagesse, aucune philosophie ne conduit ailleurs.
Est-il donc impossible aux humains de placer la paix ailleurs que dans leurs rêves ?

En échappant même au bon sens, n'y a-t-il pas encore quelque prudence due à la peur ?
Car il n'y aura pas de nouvel équilibre de la terreur : les temps nucléaires nous seront fatals.

La contradiction est absolue quand c'est par la mort qu'on recherche la vie.
Essayer de vivre sur une planète libérée du nucléaire est notre espoir principal.

Il y faudra, sans doute, une autre approche de la grandeur, de la puissance, donc du pouvoir.
Nous avons désormais le choix entre l'impossible et notre disparition en tant qu'espèce.

Le choix est vite fait : mais il est à engager longtemps avant qu'il ne produise ses effets.
Comme pour corriger le dérèglement climatique, en serons-nous capables ? Disons : oui !

L'autre choix est celui-ci : l'être humain subit-il son sort, constamment, ou l'affronte-t-il ?
S'il n'y avait toujours qu'à se soumettre à ce qui nous dépasse, mieux vaudrait ne pas avoir vécu.



samedi 11 février 2012

2012 : deux France affrontées


"La civilisation occidentale dont je parle, qui s'est du reste mondialisée, est une civilisation qui se définit par l'ensemble des développements de la science, de la technique, de l'économie.  Et c'est cette civilisation, qui aujourd'hui apporte beaucoup plus d'effets négatifs que d'effets positifs, qui nécessite une réforme, donc une politique de civilisation. /.../ 
Une politique de civilisation ne doit pas être hypnotisée par la croissance.  Il faut abandonner la recherche du toujours plus pour une recherche du toujours mieux. La croissance est un terme purement quantitatif. Il faut savoir quels sont les secteurs où il doit y avoir croissance, et ceux, au contraire, où il doit y avoir décroissance. "

Edgar Morin (http://www.lemonde.fr/politique/chat/2008/01/02/edgar-morin-la-politique-de-civilisation-ne-doit-pas-etre-hypnotisee-par-la-croissance_995373_823448.html)



Edgar morin inventeur du concept de "politique de civilisation".


Le débat autour des civilisations est révélateur d'un différend profond entre les Français.

S'opposent actuellement deux "idées de la France" (De Gaulle s'en faisait une, mais il en est d'autres...! ). Oui, deux France s'affrontent. Non pas, en cette période électorale, la gauche contre la droite, mais la France des "civilisateurs" contre la France des civilisés.

La France des civilisateurs est celle qui prétend que, puisque toutes les civilisations ne se valent pas, les civilisations supérieures ont vocation à dominer les autres. La France des civilisés est celle qui se veut le pays des droits de l'homme mais qui a conscience que ces droits peuvent être bafoués en notre pays même, autant que dans les autres.

La lettre ouverte de Serge Letchimy, député et président du Conseil Régional de la Martinique, à Claude Guéant, a ceci de fondamental qu'elle rappelle qu'il n'y a pas de supériorité de la civilisation occidentale sur les autres. Elle souligne qu'au sein de cette civilisation, dite judeo-chrétienne, ont pu surgir, au cours de l'histoire antérieure ou récente, des négations mêmes de l'apport des Lumières, qu'il s'agisse de l'esclavage, du colonialisme, ou des totalitarismes du XXe siècle : hitlérien et stalinien.

Les cris d'orfraie poussés par les propagandistes médiatiques aux ordres du président sortant, ou par les affidés de l'actuelle majorité politique, sur le point de virer au neo-fascisme, disent assez bien que tous les partisans de l'Algérie française, de l'empire colonial français, de l'idéologie pétainiste ne sont pas morts et continuent, avec énergie, à s'en prendre aux "cosmopolites" (comprendre ceux qui n'ont pas le nationalisme comme repère) ! De Gaulle lui-même fut considéré comme un traitre par ceux qui ont vu et continuent de voir en lui le fourrier principal de l'indépendance des pays africains francophones.

Aujourd'hui, entre ceux qui se réclament encore de De Gaulle et ceux qui voulaient sa mort, un pont a été jeté. La Ve république est nationaliste, monocratique, et surtout imbue d'une civilisation qui n'en est pas une car, en prétendant donner des leçons au monde entier, elle s'enlève toute crédibilité !

Nous vivons la fin d'une époque où l'Europe et son enfant américain, sous couvert d'une idéologie faussement chrétienne (puisque attachée à l'or, au glaive et au sceptre !), s'appropriaient la vérité universelle. Les Blancs quittent, à présent, l'avant-scène de l'histoire. Des Noirs qui ont lié leur sort à celui de la France, aux Antilles, le leur rappellent et cela scandalise. Tant mieux que cela vienne d'eux. La France, et les pays anglo-saxons n'ont pas le monopole de la culture et, désormais, chaque jour qui passe le démontre.

  L'avancée de la civilisation

On peut considérer cette remise à sa place de l'occident comme un recul, voire un drame. Ne peut-on y voir, plutôt, une chance, car l'apport de la France sera d'autant plus visible qu'il ne sera pas caché dans la gangue de la société des riches, insensibles au monde réel !

Il n'y a rien à recevoir de la part des nostalgiques, des réactionnaires au sens premier du mot, des néo-conservateurs qui ne vivent pas qu'aux USA et n'acceptent que les changements assurant le maintien de leurs privilèges. Cette France là, qui s'est imposée pendant des décennies, y compris pendant le passage de François Mitterrand à la tête de l'État, arrive à sa fin. Elle n'a pas été contestée de l'intérieur suffisamment mais elle s'affaisse sous le poids des pressions exercées par les peuples du monde entier.

Soixante millions d'habitants ne vont pas longtemps encore déterminer, fut-ce avec l'aide de l'Allemagne, la politique de l'Europe tout entière ! La civilisation, en Europe, sera plurielle ou ne sera pas. La France qui est déjà composite, et qui doit à sa composition bigarrée d'être riche de potentialités hors du commun, ne peut rester centralisatrice, autoritaire, maîtresse des destinées de ses voisins. Elle n'est plus une grande puissance et son influence, pour rester grande, devra échapper à l'illusion de la domination intellectuelle, technique, militaire, industrielle, agricole... Elle a autre chose à dire au monde que des généralités sur un art de vivre en collectivité par ailleurs contredit par un manque de solidarité qui détruit les apports des survivants de la deuxième guerre mondiale lesquels voulaient une France plus fraternelle après l'épouvante du IIIe Reich.

Il faut changer de France, redonner la parole à ceux qui, dans la tradition qui fit rêver d'elle, - la France des modestes, des humbles et des créateurs - , donnait à espérer qu'un avenir toujours meilleur était promis aux générations : la civilisation du partage.



jeudi 2 février 2012

L'impossible absence de l'écologie politique




L'écologie politique est quasi absente de la campagne électorale, jusqu'à présent. Ce ne sont pas les deux candidates s'y référant qui sont en mesure de faire bouger les lignes ! Corinne Lepage, pourtant compétente dans sa critique de l'énergie nucléaire, porte sur elle l'image d'une ancienne ministre insuffisamment opposée au capitalisme pour pouvoir contester une économie libérale productiviste, incompatible avec les exigences écologiques. Éva Joly, pourtant compétente et courageuse, souffre d'un accord préalable passé entre EELV et le PS qui bloque sa liberté de parole.

Les candidats dits « de gauche » sont à peu près mutiques sur le sujet, à commencer par François Hollande, incapable de se dégager d'une idéologie collectiviste et croissantiste, « progressiste », mais, plus encore, refusant de reconnaître que la crise économique est aussi une crise écologique. Quant à Jean-Luc Mélenchon, ses préférences personnelles pour une sortie du nucléaire sont vidées de toutes propositions du fait de son alliance privilégiée avec le parti communiste plus que frileux sur le sujet ! Le NPA ne pèse plus rien et moins encore Lutte ouvrière...

Cette situation ne peut durer. La sensibilité de l'opinion, et notamment des plus jeunes citoyens, vis à vis du réchauffement climatique, de l'importance de l'isolation des logements, de la transition énergétique en faveur des énergies renouvelables, de la nourriture bio, du démantèlement des centrales nucléaires, de la toxicité des produits de consommation courante, de la pollution publicitaire, ne pourront très longtemps encore rester passés sous silence.
L'écologie politique facultative ! Elle n'est pas un simple aspect de la problématique politique ; elle en est désormais le cœur. Elle n'est pas un complément ou un supplément politiques ; elle est, à notre époque, intimement mêlée à tous les dossiers. Elle est non seulement indissociable de notre présent et de notre avenir, elle domine la pensée parce qu'elle aborde toutes les questions qui sont posées à l'humanité tout entière. Que cette évidence soit masquée montre assez la peur et le rejet qu'inspire une approche économico-politique qui rompt avec les habitudes pratiques et idéologiques de la société occidentale.
On pourrait attendre que les mutations de société, engagées, inévitables, aient produit leurs effets mais ce serait d'une grave imprudence. Les décisions qui ne sont pas prises à présent auront des conséquences d'autant plus désastreuses qu'elles ne pourront être corrigées. L'enfermement idéologique dans lequel s'inscrivent les leaders d'opinion et les décideurs économiques fait peser sur le monde entier des menaces chaque jour plus importantes. La situation internationale est chargée de violences inouïes et les pires ne sont pas celles qui sont liées aux conflits armés. Ce à quoi nous préparent les pollutions par les métaux lourds, les nanotechnologies et autres technologies que les apprentis-sorciers diffusent et vendent avec grand profit, c'est... la terre inhabitable.

Point de catastrophisme dans ces affirmations. Rien de ces menaces n'est ignoré des chercheurs libres, ceux qui ne sont pas payés pour dire le contraire de ce qu'ils savent. La question n'est pas de savoir si l'écologie fait partie de la compréhension du monde dans sa complexité ! La question est de savoir ce qu'il va nous coûter de l'avoir ignorée. La question subséquente étant : pourquoi nous laissons nous faire comme moutons chez le boucher ou pourquoi le peuple est-il impuissant devant ceux qui le dominent !

La campagne électorale n'est qu'un moment de la vie politique et pas même le plus important. Néanmoins, c'est un moment sensible. C'est la période de conscientisation ( mais aussi d'enfumage) la plus intense dans une démocratie active. L'impossible absence de l'écologie politique ouvre un immense espace de contradictions. Ceux qui s'en contentent ou s'en satisfont vont déchanter. L'écologie s'invitera dans les débats avec ou sans l'autorisation des partis et des candidats, (y compris les candidats "écologistes" empêtrés dans des pratiques politiciennes qui  les rendent inaudibles). Si Fukushima, par exemple, ne laissait aucune trace, ou trop peu, sur la politique française, l'élection de 2012 constituerait une impasse politique totale. Mais ce n'est là que l'événement majeur de 2011, voici un an bientôt, qui a changé la perception des Terriens. Il y a bien d'autres préoccupations écologiques pesant sur l'avenir des États dont le nôtre. 


L'oublier ou faire semblant serait la pire des irresponsabilités, la désespérance la plus noire et priverait les citoyens de leur droit à rester maîtres de leur vie. Ce serait le "début de la fin" de toute construction démocratique. Puissions-nous nous épargner cette erreur historique.

dimanche 8 janvier 2012

Sondages : ça se resserre !

Entre Sarkozy et Hollande l'écart se réduit nous dit-on, après sondage.
Comment pourrait-il en être autrement ?
Les deux hommes incarnent des politiques qui ne sont pas si éloignées !
L'impopularité permet de marquer encore une différence. Cela peut-il durer ?
La bipolarisation engendre une atmosphère de compétition sportive.

Sur ce type de scrutin uninominal à deux tours, avec élimination à partir du 3e candidat, tout à été dit.
C'est une machine à broyer les minorités et à fabriquer une majorité mécanique.

C'est bien pourquoi les médias ignorent tous les candidats, les autres que les duellistes !
Sarkoky-Hollande, Hollande-Sarkozy : la politique s'est réduite à un match où l'on attend les coups.
Deux concurrents sont cités parce qu'ils peuvent, théoriquement, s'emparer de la seconde place !
Le Pen, un nom qui fait peur à cause de la surprise de 2002.
Bayrou, celui qui fut plus qu'un outsider en 2007.
Les autres n'existent pas qu'ils aient ou non un projet intelligent à offrir aux Français !


J'ai parlé d'un piège dont l'électeur ne peut sortir : il ne peut voter comme il pense !
Il voudra échapper au pire et votera contre ce qu'il exècre ; pas pour ce à quoi il aspire.
Nous voici tentés de faire l'impasse sur cette élection-spectacle qui ne peut rien changer.
On ne change pas de politique en changeant de personnel !
On l'a dit mille fois : alternance ne vaut pas alternative.

Les 3% annoncés pour Éva Joly, même si elle les double, resteront sans effet.
La dimension écologique prioritaire de tous les choix politiques est masquée.
Les questions dont dépend l'avenir des générations futures ne seront qu'ébauchées.
Les problèmes posés par le nucléaire civil et militaire ne feront pas partie des discours sur la sécurité.
On parlera de la dette mais pour en rendre responsables ceux qu'on a poussés à la consommation !
On subira la décroissance sans en comprendre le caractère inévitable.
On se refusera, surtout, à changer de projet économique et l'on bavardera sur la croissance.


Sans un événement, majeur, et que nul ne peut espérer, résignés, nous voterons par "devoir civique".
Faut-il un Fukushima en France, improbable mais... possible ?
Faut-il une montée nouvelle et brutale du chômage jusqu'à... 15% ?
Faut-il plus que la perte du AAA, un recul de nos possibilités à la grecque ?
Faut-il, comme en Hongrie, une montée vers le fascisme qui nous épouvante ?
Faut-il un réveil des "Indignés" jusqu'alors bien timides en France ?
Faut-il un "printemps démocratique" inspiré par les manifestants non-violents arabes de 2011 ?

"Finissons-en !" lance, avec un livre, Edwy Plenel !
Mais comment avons-nous pu tant patienter, pour en arriver à ne savoir encore que faire ?
Est-ce la croyance en la vertu des élections qui nous rend supportable l'insupportable ?
L'élection conclut et n'ouvre pas un débat.
Or rien n'est dit que l'on n'ait entendu cent fois.
On nous refait le coup de 2005 où tous les médias poussaient à voter "oui".
Peut-il y avoir, comme en 2005, une surprise si le vrai débat s'enclenche ?
Qui ou quoi peut déclencher la politique, pas celle des partis, celle que le peuple exprime ?


"La démocratie capitaliste" a fait son temps.
"L'ex démocratie populaire" n'avait de démocratie que le nom !
"La démocratie tout court" est à inventer.

Est-il trop tard ?

La démocratie ("inachevée", selon Rosanvallon ) est loin d'être réalisée, mais elle vivote.
La démocratie ("ajournée" selon Derrida) est une utopie restant à notre portée.
La démocratie ("impossible", car "faite pour les dieux" disait J-J Rousseau) est possible.

Faute d'être Dieu, soyons des dieux, des créateurs, des générateurs d'espérance !











dimanche 1 janvier 2012

2012, année carrefour ?



"Les idées qui mènent le monde viennent sur des pattes de colombe" aurait écrit Nietzsche. Les événements qui aident à faire surgir ces idées également.

À en juger par les surprises que 2011 nous a fournies, on peut considérer que la mutation de nos civilisations qui, de cachée qu'elle était, a commencé à nous apparaître, va nous sauter aux yeux.

J'attends, dans plusieurs domaines, des prises de conscience qui vont modifier nos comportements :

• le chômage n'est définitivement plus réductible par la croissance et l'activité humaine ne peut, désormais, que déborder l'emploi salarié qui ne fournit plus l'essentiel du travail utile et nécessaire.

• les revenus ne peuvent, dès lors, plus dépendre du seul travail salarié et le partage des ressources entre tous, même s'il ne s'effectue pas suffisamment, est le seul horizon possible pour l'ensemble des humains.

• L'action dévastatrice de l'homme sur son environnement ne va pas cesser mais elle va se trouver mieux détectée et plus vigoureusement condamnée.

• Le désir de ne plus être "vécu" mais d'avoir pouvoir sur sa propre vie va s'amplifier. Il n'est du reste pas de fondement plus solide à la réimplantation dans l'espace public du concept de la démocratie qui partait à la dérive.

• les partis politiques vont cesser d'être le seuls fournisseurs des orientations et des acteurs de la politique. Le "réenchantement" de la politique ne peut passer par le vedettariat et la "peopolisation".

• La paupérisation relative des peuples d'occident va déclencher un tsunami politique : le déplacement des richesses et la mondialisation d'une économie qui n'est plus dominée par l'Europe et l'Amérique du Nord, va remettre en cause les institutions que nous pensions les plus intouchable, à commencer par l'Union européenne elle-même.

• les risques de conflits, qui sont toujours liés aux bouleversements économiques, vont se multiplier et le besoin de se protéger des armements les plus destructeurs, dont l'armement nucléaire que 9 États seulement détiennent, va se manifester au sein de l'ONU et ailleurs.

• la question de l'énergie ne sera plus posée seulement en des termes d'accumulation mais, de plus en plus, en des termes de renouvellement permanent. Le développement de l'énergie solaire est devenu une nécessité absolue qui exige de faire vite et d'engager des investissements lourds. Le débat politique sur ce sujet va se trouver renouvelé.

• la place des femmes dans un monde comptant, à présent plus de sept milliards d'humains devient la question démographiquement primordiale.

• De même le vieillissement généralisé de l'espèce humaine va modifier progressivement nos rapports au corps, à la vitesse, à l'esthétique, à la compétition, à la force. Une question anthropologique et philosophique qu'on ne voulait pas voir va s'imposer qui n'a pas été présente dans le débat sur les retraites !

• Entre la centralisation des moyens politiques et économiques, par souci d'efficacité, et l'autonomie de ces moyens par souci de participation et de de responsabilité, il va falloir choisir. Deux types de civilisation s'affrontent l'une qui unifie, l'autre qui diversifie. Nous sortons de temps politiques qui unifiaient (sous les formes "socialistes " ou capitalistes) pour passer à des temps politiques qui produisent de la complexité et nécessitent une pluralité coordonnée. L'apprentissage commence.

• Les élections deviennent des périodes d'information et de repérage indispensables plus que l'occasion de s'en remettre à des chefs désignés. Cette relativisation aura des effets profonds mais suppose qu'on n'en reste pas à une simple contestation des résultats de scrutins. S'en prendre aux seuls élus est démocratiquement improductif. Le citoyen qui n'est pas un acteur politique se condamne au silence et à l'inefficacité.


mardi 27 décembre 2011

Du jeu pervers de l'élection présidentielle



Il n'y a rien de plus confortable que de ne pas penser (Simone Weil)

Sortirons-nous un jour, en France, de cette opération électorale (hélas, majeure !) qui détourne et contourne les choix des Français ? L'élection présidentielle a fait son temps mais nous allons encore la subir...

Comment faire élire celui dont les électeurs majoritairement souhaitent l'échec ? la méthode a déjà fonctionné plusieurs fois...

Trois candidats espèrent, actuellement, l'emporter : Sarkozy, Hollande, et même Bayrou.

Quatre candidats peuvent se retrouver au second tour : les mêmes, plus Marine Le Pen.

Deux candidats pèseront indirectement sur le résultat, en atteignant ou en dépassant 5% des suffrages exprimés : Mélenchon et Joly.

Plus que jamais; en 2012, la course aux 500 parrainages sera difficile pour les "petits candidats". Les grands partis verrouillent -nous dit-on-, les élus, et surtout les maires, nombreux, dont certains pourraient, "par esprit républicain", parrainer un candidat qu'ils ne soutiennent pas. Il n'empêche que l'intérêt de susciter des candidatures rivales subsiste.

S'il se trouvait que Marine Le Pen n'obtienne pas les 500 signatures qui lui sont indispensables (son père ne les avait obtenues que de justesse, en 2007), cela pourrait avoir des raisons contradictoires ! Permettre un charivari FN pour mieux condamner "le système UMPS"; récupérer des voix de la droite dure, grâce à la frange de de l'UMP dite de la droite soit-disant "populaire" ; interdire un accès éventuel bien qu'improbable, au second tour de la candidate FN... Un délicat problème n'en surgirait pas moins : qu'un parti pesant plus de 10% des voix ne trouve pas assez de soutiens lui permettant de présenter son candidat passerait pour un déni de démocratie. La règle des 500 signatures n'est, du reste, qu'un outil supplémentaire dans la panoplie de bipolarisation de l'élection présidentielle.

Mécaniquement, ceux qui s'affirment à gauche peuvent être majoritaires et être absents du second tour, donc éliminés. C'est l'un des meilleurs espoirs de Sarkozy.

Statistiquement, plus les électeurs sont âgés, plus ils votent conservateurs. C'est la raison pour laquelle les encouragements du gouvernement à s'inscrire sur les listes électorales sont si timides ! Les nouveaux électeurs, en effet, sont hostiles au président sortant...



L'élection de 2007 avait vu un record de participation. Après le traumatisme de 2002 (Jospin ne pensait qu'au second tour et avait, pour cela, perdu l'élection), les électeurs voulaient du neuf. Ils en ont eu...! Cette fois, la participation, tout en restant forte, pourrait être moindre car le désenchantement des Français est sans égal.

La donne est simple par conséquent : l'électorat est captif et le choix unique qui intéresse les médias se limite au choix entre "le centre gauche et le "centre droit", (les outsiders, comme on dit en langage sportif, devant non seulement se retrouver affaiblis mais rapidement mis sur la touche).

Politiquement Sarkozy est battu : il a gravement déçu et son bilan est très mauvais. Mathématiquement, il n'a pas perdu si son adversaire est Marine Le Pen, portée par la vague nationaliste et les déconvenues liées à "la crise" ; il n'a pas perdu si son adversaire est François Hollande, poussé à la faute, dans la dernière ligne droite, en lui faisant dire une chose et son contraire (tout doit changer ; rien ne peut changer) ; il n'a pas perdu si son adversaire est François Bayrou, sans "troupes", sans appui populaire et ne pouvant compter que sur "l'antisarkozisme".

Cette mécanique peut-elle s'enrayer ? Il n'y a pas d'élection sans une part de surprise. De Gaulle en ballotage en 1965 ! La gauche absente, déjà, en 1969 ! Giscard d'Estaing plutôt qu'un candidat gaulliste en 1974 ! Mitterrand élu et réélu sans peine, en 1981 et 1988 ! Chirac devant Balladur en 1995 ! Chirac encore devant... Le Pen, en 2002 ! Sarkozy aisément élu face à une candidate socialiste dont le parti est pourtant le mieux implanté en France, en 2007...

On observera que, hormis Mitterrand candidat quatre fois et l'ayant emporté deux fois, le candidat socialiste, que ce soit Jospin ou Royal, n'a pas constitué une véritable menace pour le candidat de la mouvance RPR - UMP. Que peut-il se produire, en 2012, qui change sensiblement le rapport des forces ?



La règle du vote utile va-t-elle jouer ? Tous les résignés de la Ve République, "à gauche", restent marqués par le syndrome de 2002 : tout plutôt qu'un nouveau Le Pen au second tour !

Le besoin d'un renouveau d'une gauche ayant confondu alternative et alternance, va-t-il, en l'absence possible de candidats de Lutte ouvrière, du NPA ou du Parti des travailleurs, gonfler le score du candidat du Front de Gauche au point de devenir indispensable au candidat socialiste, tant au second tour que pour les législatives qui suivront ?

L'influence du vote écologiste n'est-elle pas, actuellement, sous estimée et les 5% de Noël Mamère, en 2002, ne seront-ils pas dépassés par Éva Joly qui dispose, après Fukushima et grâce à la prise de conscience des jeunes générations, d'un matelas de voix potentiel qui peut s'avérer plus important que prévu ?

Restent deux incertitudes encore : celles de l'ampleur de l'abstention (à cause des "écœurés de la politique") et celle de l'importance des votes non exprimés, blancs et nuls donc, hélas mélangés, (à cause du refus de la donne politique et du mode de scrutin lui-même).

Cette complexité, reflétant la variété et le scepticisme de l'opinion publique, est volontairement annihilée par un type d'élection bipolaire qui, stricto sensu, n'a pas un caractère démocratique puisque les votes sont ou captifs ou limités dans leur expression.

Imaginons une loi électorale qui ne retiennent, au second tour, que les trois premiers, ou les candidats ayant obtenus plus de 20% des suffrages, ou qui accorde une prime de 5 ou 10% au candidat en tête, sans éliminer les candidats ayant eux-mêmes atteint des scores égaux ou supérieurs à 5 ou 10% ! Et l'on peut en rajouter y compris dans l'absurde... Toutes les conditions de la réussite s'en trouveraient modifiées. Jospin eut, par exemple, été élu en 2002.

L'élection présidentielle repose, mais nous nous refusons à l'admettre, sur une règle du jeu perverse. Elle transforme le régime démocratique en régime monarchique. Elle n'est mise en œuvre dans aucun autre pays d'Europe. Elle peut conduire à des contradictions (modestement appelées : cohabitation)... Elle trompe, depuis longtemps, le pays qui pense que l'élection du Chef de l'État au suffrage universel ne peut qu'être démocratique !

L'année 2012 sera-t-elle celle d'une innovation, inconnue depuis que la durée du mandat présidentiel a été ramené à 5 ans : une majorité présidentielle et une majorité parlementaire différentes ? Rien ne l'interdit sinon l'appel véhément du vainqueur à la cohérence politique.

Oui, décidément, la Ve République a besoin de plus que d'un lifting ! Elle ne correspond plus à ce qu'une République française doit être dans un ensemble politique européen politiquement élargi et influent. Nous allons vivre, sans doute, la dernière des élections de type néo-gaullien, fondée sur une analyse obsolète et erronée des rapports politiques en France.

Dans cette attente, il nous sera offert de participer, de nouveau, au jeu pervers de l'élection présidentielle...


Un mauvais souvenir : Sarkozy était bel et bien légitime !

samedi 24 décembre 2011

De l'actualité du message de Vaclav Havel. 2

Dissident-président ou sans parti engagé ? Vaclav Havel a tenté, réussi et échoué.

Engager la lutte et opposer la force de l'esprit à la force d'un État, c'est ce qu'a tenté le dissident.
Faire passer son pays, en profitant de la perestroïka en URSS; du satellite politique à l'autonomie politique, c'est ce qu'a réussi, appuyé sur l'ensemble des citoyens tchécoslovaques, le sans parti engagé.
Exercer le pouvoir d'État en évitant la partition de la Slovaquie c'est ce que n'a pu faire le président.

Tous et chacun avec Vaclav Havel

La démission de Vaclav Havel fut plus qu'une libération, pour lui, ce fut un moment de vérité pour la démocratie. Cette démission signifiait que laisser le champ libre à l'action politique peut voir ressurgir les démons, non plus les démons du totalitarisme pro-soviétique, mais les démons du néo-totalitarisme capitaliste. Havel a constaté qu'il ne pouvait échapper à ce dilemme : la fausse démocratie populaire ou la fausse démocratie libérale. Il s'est alors retiré. Ce fut à la fois logique et historique. Celui qui ne s'accroche pas au pouvoir sauve mieux que son image, il sauve ce pour quoi il avait donné sa vie : la liberté et la vérité citoyennes.

Vaclav Havel, l'utopiste, a eu les obsèques d'un roi. Le peuple tchèque, crispé sur son nationalisme et accroché à l'espoir d'entrer dans le cercle des pays riches, a constaté, par l'expérience, que leur président défunt avait vu clair : on ne fait pas le bonheur du peuple malgré lui, certes, mais on ne gagne rien non plus à rejoindre le camp des dominateurs de l'économie mondiale. La "crise" ou la mutation de société qui s'étale, à présent, sur l'Europe donne à penser aux Tchèques, et à nous avec eux, que l'implosion du "bloc de l'est", en 1989, ne garantissait pas aux "pays de l'ouest" une immortalité du régime économico-politique "libéral" et en réalité, oui, perversement totalitaire.

Vaclav Havel a cru à l'économie de marché parce qu'il y voyait l'exercice de la liberté du citoyen dans la sphère économique ce que le communisme avait expressément interdit en instituant un capitalisme d'État. Il pensait, à bon droit, que la démocratie qui ne s'exerce pas dans le domaine de l'économie n'est pas la démocratie. La suite lui a démontré que les marxistes avaient eu raison au moins sur un point : la liberté du renard libre au milieu des poules libres n'empêche pas que le plus fort dévore les plus faibles. Le "pouvoir des sans-pouvoir" ne concerne pas que les sans-pouvoir politique ; il concerne aussi les sans-pouvoir économique, autrement dit les pauvres. Les indignés ont surgi trop tard pour que Vaclav Havel en fasse parti.


Gorbatchev propose aux Russes d'oser une nouvelle perestroïka

Aujourd'hui même, 24 décembre, les indignés russes manifestent contre le néo-despotisme de Poutine et autres revenants du stalinisme, convertis au libéralisme totalitaire. La boucle se boucle. Vingt ans après sa propre démission, exactement, Gorbatchev les soutient et invite Poutine à se retirer ! Vaclav Havel a fait parti des rares hommes politiques qui ont redonné espoir aux sans-pouvoir, comme Gandhi, Martin Luther King ou Mandela qui ont fait autre chose que de rechercher à triompher et ont, ainsi, modifié l'histoire de l'humanité.

vendredi 23 décembre 2011

De l'actualité du message de Vaclav Havel. 1

Quand, en 1978, Vaclav Havel écrivait Le pouvoir des sans-pouvoir (1), il ne pouvait savoir qu'un jour, au-delà de la Tchécoslovaquie, des sans-pouvoir prendraient le pouvoir. Il pensait qu'un citoyen sans pouvoir reste un citoyen et peut le manifester, fut-ce à ses risques et périls. Il ne savait pas, alors, que les "sans-pouvoir économique" pouvaient peser sur la vie du monde, qu'ils accèdent ou pas au pouvoir... d'État.

Vaclav Havel apporte des nuances essentielles à la vie politique, notamment celles-ci :
le dissident n'est pas un opposant même s'il est inévitable qu'il soit considéré comme tel.
une "définition topographique" de la politique (droite, gauche, centre) n'a pas de sens (2), même notre cœur est à gauche.
Le pouvoir est un service auquel il ne faut pas s'accrocher (3) et se battre pour le conserver ou le conquérir fait confondre l'intérêt personnel et l'intérêt général.
La "dictature post-totalitaire" est différente de la dictature classique; ce n'est plus seulement par la force qu'on impose la monocratie, mais par la domination de l'idéologie.

Il faut méditer ces affirmations et les replacer dans le contexte politique de notre temps. Je le ferai ici. J'y ajouterai une réflexion sur l'économie de marché (à laquelle Vaclav Havel s'était rallié) qui n'est pas ce qui a succèdé à l'économie administrée par l'État et qui peut devenir une économie totalitaire.

Vaclav Havel (1936-2011)

(1) Paru dans : Havel Vaclav, Essais politiques, Paris, Calmann-Lévy, 1990, pp.65 à 157.
(2) Havel Vaclav, Méditations d'été, Paris, éditions de l'Aube, 1992, p.61-63.
(3)
Havel Vaclav, L'angoisse de la liberté, (recueil de discours), Paris, éditions de l'Aube, 1992, p.237 : Discours de démission.

Archives du blog

Résistances et romanitude

Résistances et Changements

Recherche Google : rrom OR tsigane