mercredi 21 mai 2008

Tuer les Rroms tue l’Europe.



Le fascisme refait son lit en Italie! Les pogroms de Ponticelli à l’est de Naples, avec incendies, bastonnades et lapidations de Rroms ne sont pas apparus de façon spontanée. En 72 heures, au moins 7 attaques avec cocktail Molotov ! L’exaspération due à l’entassement de tonnes d’ordures depuis des mois, l’exploitation politique systématique du thème sécuritaire, la Camora, la bêtise crasseuse ont composé un mélange explosif. La haine, hideuse, a pu alors s’exprimer, sous des formes que la presse (et notamment Il Corriere della Sera du 15 2008) relate avec précision. Le bouc émissaire sera donc égorgé s’il ne fuit. La honte s’est abattue sur l’Europe.

Car il ne s’agit pas de limiter les conséquences de ce drame à la seule Italie. Il est bon que ce soit un eurodéputé italien, Roberto Musacchio, qui ait lancé, de la Tribune du Parlement européen, une mise en garde solennelle. Il a rappelé que "les directives européennes et les résolutions du Parlement doivent être respectées par tous, y compris l'Italie, et que le droit à la liberté de circulation et de résidence fait partie des piliers de la citoyenneté européenne" Cette "exploitation politique de la peur", ce phénomène de "phobie des Roms" peuvent tuer la démocratie a-t-il ajouté.

Viktória Mohácsi, l’une des deux eurodéputées rroms, revenant d'une visite en Italie, a estimé que "le gouvernement Italien est dur avec les faibles et faible avec les forts : quand il y a des difficultés, au lieu de s'en prendre à la Camorra, on s'en prend aux Roms afin de ne pas s'attaquer aux vrais problèmes" . L’émotion est vive, partout en Europe. Dans les campements rroms, en France, on suit les événements et on ne cache pas sa peur.

La chasse aux Rroms est rouverte, plus ou moins violente mais, en maint pays, impitoyable. Il y a chasse quand on expulse, mais aussi quand on poursuit des hommes comme du gibier. On a déjà connu ces crimes en Europe. Cela porte un nom. C’est le racisme. Ici, l’on veut tuer en incendiant ; là, on tue à petit feu. Ne donnons pas de leçons à l’Italie : elle fait actuellement, en pire, ce que d’autres font, dont nous ! Au moment où la France va prendre, pour six mois, la présidence de l’Union, on peut craindre que les restrictions à toute immigration, intra ou extra européenne, ne soient présentées comme des moyens de protéger les peuples d’Europe. Protéger contre qui ? Contre eux-mêmes ? Ou contre tout étranger indésirable et misérable résidant en Europe ?

Ces dernières années, les textes se sont multipliés tant au sein du Parlement européen qu’au niveau du Conseil de l’Europe. Tous convergent vers ce constat : "l’antitsiganisme constitue une forme distincte de racisme et d’intolérance, à l’origine d’actes d’hostilité allant de l’exclusion à la violence à l’encontre des communautés de Roms" peut-on lire dans la recommandation du Comité des ministres aux 47 États membres du C.O.E, datée du 20 février 2008 . Nous sommes au cœur de ce qui se passe en Italie, comme partout où l’on exclut ! Si aucun de ces documents n’engage les pouvoirs nationaux à quoi bon les écrire et les voter ? La crédibilité de nos démocraties est en jeu.

L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de l’Union, sur laquelle il n’est pas question de revenir, oblige chacun des 27 États à protéger tout Eurocitoyen membre de l’un quelconque de ces États ! La romaphobie serait une europhobie car les Rroms sont massivement dans l’Europe et en sont une constituante. Romeurope ne peut laisser passer cette évidence sans la souligner au moment même où des Européens, en laissant parler leur haine, (avec l’indulgence voire la complicité d’un gouvernement fraîchement réinstallé !), mettent en péril l’Europe elle-même .

vendredi 9 mai 2008

Des 8, 9 et 10 mai.

8 mai


Victoire ou massacre? Que retenir? Le jour même de la défaite définitive du Reich nazi, l'armée française, en Algérie, mettait à mort, à Sétif, plusieurs dizaines de milliers d'Algériens revendiquant leur indépendance. Michel Rocard approuve Junker qui propose de faire du 9 mai, Journée de l'Europe, un jour férié, dans les 27 États de l'Union. Effacer la mort pour engranger l'espoir? Pourquoi non si c'est pour ouvrir l'avenir, mais à une condition : n'oublier aucun crime d'État, ni ceux, incommensurables, du régime hitlérien, ni ceux, atroces, du régime colonial français.

9 mai


Le 9 mai est une commémoration oubliée. Les médias font le minimum. L'Europe dont la France va prendre la tête, en juillet, ne passionne personne. Le discours de Schuman est laissé à l'histoire. Il ne motive plus les Européens. Les symboles de l'Europe, hymne, devise et drapeau, ont d'ailleurs, quoi que dise encore le site Europa, été abandonnés par le traité de Lisbonne! Le site français, Vie publique (1), y ajoute... l'euro, alors que tous les pays de l'Union ne l'ont pas adopté!
Non, aire aimer l'Euroe, ce n'est pas tenir, chaque 9 mai, un discours larmoyant sur l'unité des peuples hier encore en guerre; c'est donner un contenu politique à la citoyenneté européenne. Nous en sommes loin. C'est une Europe libérale, éloignée des peuples qui la composent, qui triomphe. L'Europe reste à faire.

10 mai


Que ce soit le 10 mai ou un tout autre jour, en mai, ici ou aux Antilles, sera commémoré (mal) l'abolition de l'esclavage. En Europe, comme d'habitude on s'en tiendra à un double déni : l'esclavage transatlantique sera minimisé alors que se paie encore le crime planétaire commis sous l'impulsion de puissances européennes; l'esclavage des Tsiganes, cinq siècles durant, dans les principautés moldave et valaque, passera de toute façon aux oubliettes!
Ne pas assumer son histoire, c'est rendre l'Europe impossible. C'est bien ce que veulent les tenants de la seule Europe marchande.

(1)http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/ue-citoyennete/

mercredi 7 mai 2008

Abolir la viande? une question désormais politique.

Oui, on mange beaucoup trop de viande. Faudra-t-il même, pour mieux vivre, ou survivre (!) aller vers sa suppression? La question était choquante et ridicule, il y a peu de temps encore. Voici pourquoi, elle ne l'est plus. Ci-dessous un article qui propose une analyse originale sur un thème connu ; il s'agit du résumé du texte "abolir la viande" paru dans le numéro 29 des Cahiers antispécistes. Il faut aller le lire en entier : plus complet, il est aussi plus nuancé que dans ce raccourci. (1)


" La thèse défendue dans cet article est qu'il faut dès maintenant œuvrer explicitement à l'interdiction légale de la production et de la consommation de chair animale. C'est à la fois une mesure nécessaire et une mesure qu'il est possible d'obtenir sans attendre une révolution des mentalités ou de l'organisation de nos sociétés.

« On ne doit pas maltraiter ou tuer des animaux sans nécessité » : partout dans le monde, ce précepte fait partie de la morale commune. Partout dans le monde, la consommation alimentaire de produits animaux est la cause principale pour laquelle des humains maltraitent et tuent des animaux, sans nécessité. Le précepte précité n'est pas dénué d'impact : des personnes refusent de consommer des produits d'origine animale, d'autres réduisent leur consommation de viande, d'autres encore choisissent des produits issus d'élevages offrant quelques garanties sur le traitement des animaux ; des pays adoptent quelques lois protégeant les animaux d'élevage. Mais cela ne suffit pas à inverser la tendance : le nombre d'animaux élevés et pêchés dans le monde croît inexorablement, tandis que l'élevage industriel se généralise. Il est illusoire d'attendre que les dispositions adoptées en faveur du bien-être animal finissent par assurer des conditions de vie et de mort décentes aux milliards d'animaux mangés chaque année : les éleveurs peuvent difficilement se résoudre à faire passer le bien-être des bêtes avant la rentabilité de leur exploitation, et on ne dispose ni des espaces ni de la main d'œuvre requis pour traiter tant d'animaux avec soin.

La prise de conscience du fait que production de chair animale a un impact environnemental désastreux ne conduira pas nécessairement à une amélioration du sort réservé aux bêtes : si l'intérêt des animaux n'est pas pris en compte en tant que tel, cette prise de conscience peut au contraire déboucher sur une intensification de l'élevage.

Le contraste entre les devoirs que les humains reconnaissent avoir envers les bêtes et la façon dont ils les traitent concrètement n'implique pas que les bonnes intentions affichées ne soient qu'hypocrisie. Ce contraste nous apprend toutefois que les changements spontanés de comportement des consommateurs ne constituent pas une force suffisante pour mettre fin à la boucherie. Il y a des raisons à cela. C'est par ailleurs une situation très commune : on ne réussit pas non plus à résoudre les problèmes de l'insécurité routière, de la pollution, de la misère humaine, de la maltraitance des enfants… en comptant uniquement sur la capacité de chacun à modifier ses habitudes pour y porter remède, même lorsqu'il qu'il est largement admis qu'il s'agit de maux.

Pour mettre un terme au sort hideux réservé aux animaux mangés, il faut que la question soit portée (aussi) au niveau politique. Il s'agit d'enclencher un processus qui s'achèvera par l'adoption de lois interdisant la prédation (chasse, pêche) et la production (élevage) d'animaux pour la consommation humaine. Les institutions publiques ont également un rôle à jouer dans la reconversion des travailleurs dont le revenu dépend de ces activités. Ce processus commence par l'expression publique de la revendication d'abolition de la viande."

Repères complémentaires déterminants du point de vue écologique :

De 1950 à 2005 la production annuelle des pêcheries (hors aquaculture) a été multipliée par cinq, passant de 19 à 95 millions de tonnes. En 2002, 72% des « ressources halieutiques » étaient exploitées plus rapidement qu'elles ne pouvaient se reproduire.

Concernant les animaux d'élevage, la production de viande d'animaux terrestres a plus que quintuplé en un demi-siècle (1950-2000), passant de 45 à 233 millions de tonnes par an. Sur la seule période 1990-2002, la quantité de viande consommée a crû de 32% en tonnes et de 12% par habitant. En 2002, la consommation de viande (d'animaux terrestres) par habitant s'établit à 40 kg par an en moyenne. Les projections effectuées par la FAO à l'horizon 2015 et 2030 prévoient la poursuite d'un rythme de croissance soutenu de la production :

Entre 2007 et 2016, selon les perspectives communes FAO-OCDE, la production mondiale de viande devrait ainsi augmenter de 9,7 % pour le boeuf, de 18,5 % pour le porc et de 15,3 % pour le poulet. Principalement en Inde, en Chine et au Brésil. D'ici à 2050, la production de viande pourrait même doubler, passant de 229 millions de tonnes au début des années 2000 à 465 millions.

Tant en niveau absolu qu'en taux de variation, on observe de fortes disparités selon les régions du monde.). L'augmentation du nombre d'animaux tués est beaucoup plus forte que celle de la production mesurée en tonnes puisque les élevages dont le développement est le plus rapide sont ceux d'animaux de petite taille (les volailles).

L'élevage d'animaux aquatiques connaît une expansion encore plus forte puisque de 1950 à 2005, la production est passée de 639 000 tonnes à 63 millions de tonnes. Là encore, il s'agit d'animaux de petite taille et de surcroît particulièrement oubliés des dispositions relatives au bien-être tant pour les conditions d'élevage que de mise à mort …/...

Vers un élevage écologique intensif ?

La consommation carnée cause des torts immenses aux animaux élevés ou pêchés et provoque la disparition d'animaux sauvages. Elle dégrade les sols, l'eau, les forêts… Par l'intermédiaire des inégalités de répartition des revenus, elle pèse également sur le sort des humains les plus démunis.

Est-ce à dire que si des politiques sont mises en oeuvre pour remédier aux problèmes environnementaux liés à l'élevage, elles seront nécessairement bonnes à la fois « pour les hommes, pour les animaux et pour la planète » ? Les orientations suggérées par le rapport de la FAO 2006 n'incitent pas à l'optimisme. Les propositions des experts qui en sont les auteurs ont été construites en considérant comme une donnée la poursuite de la croissance de la consommation de viande, de sorte que la question devient : « Comment fournir plus de viande en limitant les dégâts écologiques ? » La solution qui est préconisée pourrait être qualifiée d'évolution vers un « élevage écologique intensif ». Cela demande des politiques de vérité des prix, afin que les ressources altérables ou épuisables cessent d'être gaspillées : suppression des subventions à l'élevage, hausse du prix de l'eau, coût plus élevé pour l'utilisation des terres (en particulier, disparition des pâturages sur terres communes dont l'usage est gratuit), application du principe pollueur-payeur. Parallèlement, des aides financières et moyens publics (tels que la recherche) devraient être mis en œuvre pour réduire l'impact environnemental de l'élevage, en tenant compte du fait que cet impact est différent selon les espèces. À quantité égale de viande produite, ce sont les bovins qui contribuent le plus à l'émission de gaz à effet de serre et, lorsqu'ils sont en élevage extensif, contribuent le plus à la dégradation des terres. Dans cette hiérarchie de la nuisance écologique, les élevages de volailles sont ceux dont l'impact est le plus faible. Ce sont eux aussi qui constituent le détour de consommation le moins inefficace en terme de rapport entre la nourriture ingérée et la nourriture produite.

Selon le rapport de la FAO, l'industrialisation de l'élevage n'est pas un problème en soi ; ce qui en est un (en termes de nuisances sur l'environnement) c'est la concentration des élevages sur certaines zones géographiques, d'où la nécessité de mettre en œuvre des politiques pour inciter à les répartir de façon plus équilibrée sur le territoire. Mais, pour les auteurs du rapport, « si l'on veut satisfaire la demande future prévue de produits de l'élevage, il est difficile de trouver une alternative à l'intensification de la production ». Cette intensification passe par le recul de l'élevage extensif, et par un progrès technique (activement soutenu par la recherche publique) qui permettra notamment d'économiser sur la quantité d'aliments ingérés par les animaux pour fournir une quantité donnée de viande, lait ou œufs, en améliorant les souches utilisées par la sélection génétique.

Au total, l'amenuisement de l'impact environnemental de la production de viande via l'élevage écologique intensif signifie :

- un déplacement de la production des bovins vers d'autres espèces, en particulier les poulets, c'est à dire une augmentation sensible du nombre d'animaux tués par kilo de viande produit ;

- une dégradation accélérée du cadre de vie des animaux, par disparition des élevages résiduels où ils se déplacent dans de vastes espaces, au profit de leur entassement dans des bâtiments concentrationnaires ;

- une dégradation accélérée de leur qualité de vie du fait des caractères physiques qu'on cherche à développer chez eux. On sait de quel genre de progrès la zootechnie est capable en termes d'améliorations génétiques. On lui doit déjà la mise au point de poulets qui grandissent en 40 jours (au lieu de 80 jours il y a 30 ans) et dont le squelette est trop fragile pour supporter le corps, la multiplication du nombre de porcelets par portée chez les truies, du nombre d'œufs par poule, de litres de lait par vache…

Inscrire l'élevage dans un tel schéma de « développement durable », ce n'est pas revenir à un passé rêvé de relations harmonieuses entre le berger et son troupeau sur fond de prairies et montagnes, c'est aller toujours plus loin dans la réification des animaux, leur claustration, c'est produire sciemment des individus difformes, aller au bout de l'épuisement de leurs corps.


(1) http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article359.

jeudi 1 mai 2008

La décroissance s'empare des intellectuels



Quand Nicolas Sarkozy empruntait à Edgar Morin sa thématique de la
politique de civilisation, il oubliait que le philosophe et sociologue dénonçait "le mythe obsessionnel de la croissance" (1). Non que, pour lui, il suffise de décréter la décroissance mais parce que "le bolide lancé" (celui de l'économie de marché) devra être arrêté et que c'est extraordinairement difficile. Il faut aller "au-delà des mots" dit-il. Le productivisme n'est pas durable. Et si le développement, c'est un PNB toujours croissant (même avec des correctifs "écologiques"), il n'est pas davantage durable. Nous allons, par exemple, au-devant de guerres de l'eau si nous n'arrêtons pas la privatisation de l'eau potable. La question écologique perce y compris en Chine. Bref, les questions que nous nous posons sont mondialisées. Les urgences surgissent dans tous les esprits informés.

Et ne voilà-t-il que le fondateur du GRECE, de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist, sort l'un des livres les plus pertinents sur le sujet! Tout est bousculé et nous ne sommes guère préparés à reconsidérer nos repères sans rien abandonner de nos réserves vis à vis des penseurs capables de nous troubler. Bernard Langlois, de Politis, ose émettre un avis très positif sur cet essai, décapant, Demain la décroissance (2) dénonçant autant le "libéralisme prédateur" que le "prométhéisme marxiste" et affirmant que l'écologie rend obsolète le vieux clivage droite-gauche".

Nous y voici. Il va falloir mettre de la lumière sur deux thèmes maltraités et mal traités : que sont devenues la droite et la gauche aujoud'hui, d'une part, et qu'y a-t-il derrière les zélotes de la décroissance, d'autre part? cela fera l'objet de deux de mes prochains blogs.

(1) Colloque "André Gorz, Décroissance, Utopie", Paris, la Sorbonne, le samedi 29 mars 2008, Témoignage d'Edgar Morin.

(2) Alain de Benoist,
Demain la décroissance, éditions Edile, Paris, 2007.

mercredi 30 avril 2008

Du terrorisme ambigu.



La banalisation du mot terrorisme est insupportable.
Ou bien toute activité humaine qui génère la terreur est l'œuvre d'un terroriste (et toute violence, y compris, bien sûr, la violence d'État est qualifiable de terroriste), ou bien, il faut s'entendre sur les critères discriminatifs qui font de celui-ci un terroriste et de celui-là un soldat, un policier ou un grand défenseur de la civilisation!
Il est des célébrités qui furent condamnés pour Terrorisme!

Galerie de portraits :


De Gaulle, Jean Moulin, Mandela, Arafat, "le Che", Khadafi ont tous été taxés de terrorisme.

L'assimilation de l'islamisme au terrorisme est deux fois coupables.


D'abord parce que cette réduction innocente les terroristes de toutes obédiences qui sévissent sur la planète, ensuite parce qu'elle justifie tous les "fous de Dieu" se recommandant, les uns ou les autres, de l'une des trois religions du Livre, et qui osent se servir de l'assassinat comme moyen de lutte contre le fanatisme... des autres!

Les USA peuvent-ils, eux-mêmes, se dire exempts des pratiques terroristes?


Hiroshima, le Ku-Klux-Klan, Guantanamo laissent, à jamais, leur trace de honte sur l'histoire du peuple américain, sur notre propre histoire humaine. Non, un résistant des années 1940-45 n'était pas plus (ou moins) terroriste qu'un combattant palestinien. Il n'y a pas de guerre sans terrorisme comme il n'y a pas de guerre sans victimes civiles. Le droit de la guerre n'est qu'une variante du droit de tuer. Ce qui déclenche la guerre, c'est toujours et encore l'injustice, l'exploitation des plus faibles, la volonté de puissance.

J'écarte à jamais de mon vocabulaire ce mot de terroriste, instrumentalisé, et réinventé décennie après décennie, pour accabler les ennemis du moment, avant de les recevoir parfois, mais longtemps après, dans les palais des Républiques.

lundi 28 avril 2008

Dommages collatéraux ou récidive?




On passe vite de l'émerveillement à l'horreur... Hier, j'admirais des animaux; aujourd'hui, me lèvent le cœur ces massacreurs, de la même condition humaine que moi, qui se persuadent d'avoir à se défendre en prenant le risque d'exterminer des enfants. Le peuple d'Israël se condamne lui-même s'il croit encore à ses propres valeurs.

D'après l'AFP, une mère de famille, ses quatre enfants et un combattant ont été tués lors d'une opération israélienne dans la bande de Gaza.

Les quatre enfants tués lundi -âgés de un, trois, quatre et cinq ans- ont été victimes d'un tir d'obus de char contre leur maison, a indiqué un médecin de l'hôpital de Beit Lahya. Leur mère, Miassar Abou Maateq, 40 ans, grièvement blessée dans l'explosion, est décédée à l'hôpital, a précisé le médecin.

La sixième victime est un combattant du Jihad islamique, a déclaré une source au sein du groupe armé. En début de soirée, un septième Palestinien a été tué dans le nord de la bande de Gaza, par des tirs de soldats israéliens, selon un responsable des services d'urgence palestiniens.

L'armée a précisé avoir attaqué des tireurs palestiniens ayant tenté de s'approcher de la frontière, soulignant que les combattants palestiniens avaient tiré des roquettes antichars et des obus de mortiers. Un porte-parole militaire a affirmé que la mort des cinq civils palestiniens avait été provoquée par des explosifs manipulés par des activistes palestiniens.

Selon le père des quatre enfants, ces derniers mangeaient dans la cour avec leur mère quand un obus a explosé contre la porte d'entrée.

"Je suis sorti de la maison quelques instants pour aller chercher un de mes enfants et j'ai entendu une explosion", a indiqué à l'AFP Ahmed Abou Maateq, 70 ans, dans la cour de son domicile, dont le sol était recouvert de sang.

Au moins 444 personnes, en majorité des Palestiniens, ont été tuées dans les violences depuis que les pourparlers israélo-palestiniens ont été relancés dans la foulée de la conférence d'Annapolis, fin novembre, aux Etats-Unis, selon un décompte établi par l'AFP.

Où sont les terroristes? Les cyniques nous ressortiront le coup du bouclier humain ou parleront de de "dommages collatéraux". En réalité, le plus fort n'a plus que sa force pour faire triompher son droit.

Dommage collatéral est un euphémisme de l'armée US désignant les victimes civiles ou alliées, ainsi que les dommages causés à leurs équipements et installations de façon accidentelle, lors d'opérations militaires. Ce terme ne définit pas les crimes de guerre mais peut être utilisé pour en cacher l'existence.

Le gouvernement d'Israël menace, en permanence, et les Palestiniens avec lesquels il prétend vouloir vivre en paix, et les Juifs qui ont un avenir de plus en plus mal assuré dans ce contexte de haine exacerbé, et les peuples de la région qui risquent d'être emportés dans un conflit aussi, ou plus, meurtrier encore qu'en Irak. Sans parler de la guerre internationale qui, de proche en proche, peut enflammer toute une partie de la planète. En réalité, le plus fort n'a plus que sa force pour faire triompher son droit.

Criminels et fous sont ces assassins d'enfants que rien n'arrête et qui, tout en tuant dix fois plus que leurs ennemis, osent se déclarer encore les principales victimes! Ces nouvelles morts d'enfants dont la possibilité a été froidement assumée par une armée récidiviste sont impardonnables.



Source : http://afp.google.com/article/ALeqM5itb8PwrHTuJxH8jZHjdE1B8k28Ug

samedi 26 avril 2008

Se laisser, un soir, émerveiller...


Du plus grand au plus petit, mammifère ou poisson, les habitants des mers étonnent par leurs formes, leurs couleurs, leurs comportements, leur beauté. Ce sont des hymnes à la vie!


La baleine à bosse immense et svelte
L'émission de Thalassa, hier soir m'aura, encore une fois, démontré que l'homme en faisant de chaque habitant des océans une proie possible, se prive d'un grand bonheur. L'homme qui nageait près d'un géant, la baleine à bosse et de son balaineau, durant des jours et des jours et qui gagnait, progressivement, la confiance de l'animal, réalise ce qui ne se peut faire qu'avec amour : toucher la tête d'un cétacé qui pourrait d'un seul coup de sa nageoire caudale, assommer, tuer et rejeter au loin l'intrus! Bien au contraire, il veillait à ne pas le blesser! Un grand moment de télévision. Il y en a.


Le requin à aileron à pointe blanche; élégant et puissant.
Des requins je ne puis rien dire d'autre que ceci : là où le prédateur -l'homme- voit un danger, les scientifiques ne voient souvent que des élégances en mouvement qui ne s'en prennent que très rarement à l'homme. Alors que tout annonce leur disparition prochaine au rythme où l'homme les exterminent, des requins, tels que le requin à aileron blanc, surprennent par leur vivacité, leur stupéfiante aisance, leur noblesse. ce sont les princes de la mer.



Les poissons jaunes et noirs de la barrière de corail.

Quant aux poissons de la barrière de corail, leur aspect et leur variété laissent sans voix! Je ne m'en tiendrai qu'à l'un d'eux, parmi tous ces éclaboussements de couleurs, ces formes sans cesse renouvelées, ces curiosités de la nature à faire pâlir les peintres de jalousie. Je ne l'ai qu'entraperçu. Je n'en ai pas retrouvé l'image. Il était jaune et noir, comme ci-dessus, mais barré de noir, longitudinalement, de la tête à la queue, sur fond jaune intense, avec une large caudale tout aussi jaune mais, elle, semée de gros points noirs! Étonnant!

Dans une semaine en creux, alourdie par de multiples annonces affreuses, de voir ces réalités vivantes, qui, elles aussi, existent, me vient à l'esprit que d'avoir vu cela console d'être venu au monde.

vendredi 25 avril 2008

Le 25 Avril fait partie de notre histoire, celle de l'Europe

 Il était 1 h. du matin, le 25 avril 1974, quand une radio portugaise diffusa une chanson interdite de José Afonso: « Grandola Vila Morena ». 
C’était le signal  et le début de la Révolution des Oeillets, la fin du fascisme portugais.
Grândola, vila morena
Terra da fraternidade,
O povo é quem mais ordena
Dentro de ti, ó cidade

Grandola, ville brune,
Terre de la fraternité,
Le peuple est celui qui d'abord commande
A l'intérieur de toi, ô ville.

Écoutez la musique sur : http://www.ihecs.be/liens/tangente/oeil/pages/dossier/chanson.html








jeudi 24 avril 2008

Du 21 au 27 avril : la semaine sans télé.

Sortir. Sortir de la télé. Sortir de chez soi. Se sortir des conditionnements. Sortir du prêt à penser médiatique. Sortir de ses gonds. Sortir de l'ennui. Sortir dans la rue. Sortir pour vivre!

"Allez, sors de cette boîte ! Tu y es enfermé en moyenne 3 h 30 par jour. Tu ne vas passer ta vie dans cette prison mentale. Tu vas pas laisser tous ces animateurs débiles t'avilir. La semaine sans télé, c'est l'occasion de briser la glace, de se libérer de cette machine à abrutir. Allez viens, on a une vie à vivre et un monde à transformer".

mardi 22 avril 2008

Avec Césaire, faisons de la poésie une politique.



"Ma poésie est née de mon action"

Tellement prolongée est la lutte qu'elle se perd dans les sables.
Tellement menacée est la lutte qu'elle est abandonnée par les meilleurs.
Tellement décriée est la lutte qu'elle en devient surannée, désuète et obsolète!.
Et pourtant?

Au moment où le PS abandonne la révolution, officiellement, dans son principe,
au moment où le ludion roux, DCB, le juif allemand, ne rit plus à la face des flics,
au moment où l'écologie est récupérée par tous ceux qui craignent sa radicalité,
ne faut-il pas relever la tête?

Mai 68 n'est pas un évènement daté.
Mai 68 n'est pas un passé à retrouver.
Mai 68 n'est pas un mythe sacralisé.
C'est un esprit que rien ne peut effacer.

Mai 68 doit disparaitre en tant que nostalgie reportée dans le futur.
C'est un nouveau printemps politique qu'il faut voir venir.
Il assumera et dépassera mai 68.
Il se nourrira d'autres espoirs.

Aimé Césaire est mort: nous sommes tous des nègres esclaves.
Germaine Tillon est morte : nous sommes tous, à jamais, des résistants.
Lazare Ponticelli est mort : nous sommes tous des "poilus" haïssant la guerre.
Nos ancêtres vivent et guident nos pas.

Avec eux soyons donc des faiseurs d'histoire : là est la politique
Faisons lien entre les générations : là est la force.
Préparons l'éclosion d'œillets qui ne faneront pas : là est la révolution.
Sortons de nos rêves, entrons en poésie.

dimanche 20 avril 2008

À la grâce de Dieu...



Nous vivons, comme l'avait bien vu André Gorz, dans son dernier livre Ecologica, les débuts d'un temps de gratuité. Un vaste débat s'est ouvert qui concerne le sens de cette gratuité : appas économique, dérive consommatrice ou don!

L'écologie s'empare, pour le moment dans l'ambiguïté, de la réflexion sur les différente formes de développement : la recherche de la mesure des avancées collectives prend de nouveaux noms. Le PNB (Produit National Brut) n'y suffisant plus, on parle, avec le PNUD, à l'ONU, des indicateurs de développement humain, de Produit intérieur brut vert ( intégrant la mesure des destructions), de produit intérieur doux (comme au Québec)...

Où est la richesse? Patrick Viveret relève que "la question du développement soutenable, marginale hier, est en train de devenir essentielle" (1).

Le gratuit, c'est pour le riche. Il peut répondre à la la gratuité incitative, à son gré.

Le gratuit, c'est aussi pour le consommateur. Il y répond soit en succombant aux tentations publicitaires, soit... en trichant, en cueillant, sur ordinateur, des richesses mobiles, telles que la musique ou des films à la mode (celui de Dany Boon, Bienvenue chez les Ch'tis, ajoute la fraude au succès en salle -l'une nourrissant l'autre-).

Le gratuit, c'est aussi ce qu'on donne à qui ne peut vivre sans aide. Ou bien à qui l'on aime et avec qui l'on partage.

En régime capitaliste, le gratuit est une aubaine suspecte. Ou bien il aide à élargir les marchés ou bien il les désorganise, ou bien il les nie!

Francine Pessel-Markovits, philosophe, remarque que, athée ou chrétien, l'occidental est sensible à la théologie de la gratuité (2), ce background culturel qui se rapporte aux dons de Dieu, à la grâce divine. La charité n'est pas que l'apport du surplus au pauvre -ce dont le capitalisme se contente volontiers-, c'est aussi l'idéologie du partage qui, portée à un certain niveau de gratuité (3), sent son communisme à plein nez.

(1) Libération du 31 mars 2008.
(2) Francine Pessel-Markovits, C'est gratuit, éditions Albin Michel, mars 2007.
(3) Jean-Louis Sagot-Duvauroux,
De la gratuité, éditions de l'Éclat, avril 2006.

samedi 19 avril 2008

La crise alimentaire est aussi au fond des océans



Décidément l'émission "grand public" du vendredi soir sur FR3 :
"Thalassa, le magazine de la mer" veut mettre en garde les téléspectateurs contre des périls majeurs dont la mer est le révélateur. Je ne sais combien de temps encore on tolèrera cet éveil écologique et citoyen. Pour le moment, j'y trouve de quoi nourrir ma réflexion politique.

Hier, il s'agissait du recul rapide, dramatique et parfois irréversible des ressources halieutiques! Tout cela s'ajoute aux constatations multiples que font tous les travailleurs de la mer. Plus de morue ou tellement moins! Disparition possible de plusieurs espèces de requins. Destruction de barrières de coraux où pullulaient les poissons. Diminution très importante de la taille des prises. Menace sur le thon rouge en méditerranée. Multiplication de fermes aquacoles où l'on hâte la production de variétés carnivores qui se nourrissent de... ce qu'on va pêcher pour eux. Pollution grave par les plastiques, fatale à quantité de dauphins et tortues...

Il me vient, évidemment, qu'il en est, pour le poisson, en mer, comme pour tout ce qu'exploite l'homme, sur la terre ferme : on ne peut prélever plus que ce que la nature produit! Ne pas laisser se renouveler une population est le plus sûr moyen de la faire disparaitre! Cet irrespect est mortel pour toutes les espèces y compris l'espèce humaine.

Je songe au pardon demandé par le paysan africain à la chèvre qu'il sacrifiait, pour se nourrir. On en est loin! Quand les énormes orques s'échouent volontairement sur une plage pour dévorer un phoque ou un éléphant de mer et reculent vers les flots avec leur prise, ils ne causent pas plus de mal à la nature que lorsque le léopard des mers s'empare d'un pingouin ou quand l'anémone de mer capte du plancton. La taille du prédateur ne fait rien à l'affaire. C'est la quantité des prélévements qui désorganise les biotopes. Et le superprédateur qu'est l'homme, non seulement ne se préoccupe pas de la nourriture qui lui sera, dans l'avenir, nécessaire mais il rend impossible l'équilibre entre tous les vivants qui dépendent les uns des autres.

Chaque bateau de pêche est devenu une usine à tuer, équipée, scientifique, massive, qui ne laisse aucune chance au poisson que convoitent les entreprises géantes qui mettent au travail (ou au chomage) les travailleurs de la mer. Nous vivons des temps de guerre faite au vivant.

Je suis d'autant plus bouleversé par ces pratiques à contreproductives qu'elles massacrent la beauté. Chaque thon pêché est un obus vivant dont la ligne est étrangement aquadynamique. J'ai vu, pour la première fois, hier, un poisson plat, noir et blanc, au décor constitué de multiples taches d'une harmonie inouïe; un peu plus tard, une manière d'arc en ciel vivant et sous marin apparaissait sur l'écran. L'absence totale de considération pour ce milieu où l'on puise sans mesure, pour "faire de l'argent" dégoute de la fausse vie que s'imposent les hommes. La mer, (dont on commence, -attention aux nouveaux dégats- à découvrir les grandes profondeurs et... les trésors comestibles) n'est plus qu'un terrain de chasse. Nous ne l'aimons pas. Elle nous intéresse pour ce qu'elle rapporte. Et c'est tout.

Nous saurions pourtant y faciliter la vie. Il a fallu que nous constations l'habitat des épaves par la faune aquatique pour que nous vienne l'idée que l'homme pouvait aussi aider à la vie marine! Les récifs artificiels, immergés au large du Japon pour que les crustacés et les poissons côtiers s'y reproduisent et s'abritent, constituent une bonne solution sauf si ce ne sont rien d'autre que des aquafermes sousmarines... Un poisson n'a-t-il comme seul intérêt que de pouvoir être mangé?

J'en viens à penser que le végétalien, s'il sait équilibrer ses repas, loin d'être, comme on le présente, un monstre inconscient qui met en péril et sa vie et celle de ses enfants, offre une possibilité à l'humanité : celle de moins nuire. De toute façon la tempérance et la sobriété sont devenues des qualités vitales pour l'espèce humaine. Le plus est meurtrier. Le mieux passe par un moins. Moins..., en mieux. Pas l'identique en moins!

La crise alimentaire mondiale, qui conduit à un drame planétaire causé principalement par la confiscation de la production des céréales par les banques et les firmes, a son prolongement dans les océans. "Moins de viande, moins de poisson, plus de céréales" : voila un slogan qui ne peut que mettre en furie les prédateurs les plus acharnés qu'ils soient, ou non, conscients de ce qui devient un crime contre l'humanité, comme dit Jean Ziegler.

Je me sens loin de ce monde qui fonctionne comme s'il n'était jamais possible de vivre autrement, et qui n'a d'autre moteur pour ses activités que la recherche passionnée du "toujours plus" qui s'achève à tout coup par un toujours plus de misère.

mardi 15 avril 2008

« Élections, piège à cons » : le retour ?


Voici 40 ans fleurissait, sur les murs des grandes villes de France, de multiples affichettes, sombres ou, au contraire, hautes en couleurs, et toujours iconoclastes... L’une d’entre elles mettait en évidence le slogan anarchiste : « élections, piège à cons » ! (Slogan de mai 1968 en France, d’après une expression de Jean-Paul Sartre)

Les opinions qui circulent et prévalent en France actuellement, et notamment parmi les jeunes, sont plus que nostalgiques ; elles sont rageuses.

J'entends ceci :
" Qu’on vote rouge, bleu, orange ou vert : on est trahi ! "


Ou bien : "La démocratie est un cirque, un spectacle, un jeu qui n’intéresse plus personne".


Ou encore : "La fraude électorale n’a plus besoin d’être clandestine : le fric fait l’élection".


Ce n’est pas au lendemain du retour de Berlusconi en Italie que l’on va se réjouir !

On avait connu la réélection de Busch, le triomphe de Sarkozy, la comédie russe de Poutine, les émeutes post-électorales du Kénya, le maintien de Mugabe. Voici la chevauchée du Cavaliere.

Déjà, l'on ne votait plus pour qui l’on veut, mais contre qui l’on ne veut pas.
Tous les résultats s’en trouvaient bouleversés ?
À présent, on constate que le changement social ne vient pas par les urnes.



Alors faut-il encore voter ?


En 1933, Hitler est arrivé, fort légalement, au pouvoir.
En 1940, De Gaulle était jugé comme un traître et le Parlement avait élu Pétain!
L’histoire s’est faite ailleurs, en France, que dans les Assemblées : en 1789, 1871, 1936, 1945 ou 1968.

Être citoyen ce n'est pas agir en politique seulement en votant!

samedi 12 avril 2008

Les émeutes de la faim



Le Monde a faim titre le Journal du Dimanche (1). L'article de Matthieu Verrier souligne la gravité de la crise planétaire.

"La liste s'allonge de jour en jour. Partout dans le monde, des manifestations emplissent les rues, tournant parfois à l'émeute, comme en Haïti où cinq personnes sont mortes. L'Afrique de l'Ouest est particulièrement touchée, avec des "manifestions de la faim" au Burkina-Faso, au Cameroun, au Sénégal ou encore en Côte d'Ivoire. L'Egypte, où la population proteste contre la hausse du prix du pain, a interdit l'exportation de certaines denrées pour les réserver à son marché agricole. Face à la gronde croissante, les dirigeants s'inquiètent".

Faut-il s'étonner de cette irruption de la colère? Jean Ziegler, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, avait prévenu : "La destruction de millions d’Africains par la faim s’effectue dans une sorte de normalité glacée, tous les jours, et sur une planète débordant de richesses". Il rappelle que le droit à l’alimentation est le premier des droits de l’homme et exhorte à réaliser une "distribution plus équitable des biens, qui satisferait aux besoins vitaux des gens et les protégerait contre la faim." (2)

Dans les 122 pays dits du tiers-monde vivent aujourd'hui 4,8 milliards des 6,2 milliards d'homme que nous sommes sur terre. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 35% entre janvier 2007 et fin janvier 2008, selon les données des Nations unies, ce qui porte l'augmentation à 65% entre 2002 et aujourd'hui. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) note une inflation, en 2007, de 80% sur les produits laitiers et 42% sur les céréales. Les projections ne prévoient pas d'amélioration à court terme.

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer l'inflation. La hausse de la demande, notamment due à l'augmentation du niveau de vie dans des pays comme la Chine, créerait la pénurie. La flambée du pétrole concourt aussi à celle des denrées alimentaires. Autre mise en cause: le développement des biocarburants. Les cultures qui leur sont consacrées sont des productions alimentaires en moins.

Action contre la faim (ACF) réclame pour sa part la création d'un fonds mondial de lutte contre la faim.

Cela se passe sur une planète qui regorge de richesses. La FAO est dirigée par un homme de courage et de grande compétence, Jacques Diouf. Il constate qu’au stade du développement actuel de ses forces de production agricoles, la planète pourrait nourrir normalement (3) douze milliards d’êtres humains, soit le double de l’actuelle population mondiale. Il plaide pour un "transfert massif de semences", ce qui permettrait aux agriculteurs des pays pauvres de s'approvisionner en grain, engrais et fourrage. Il a par ailleurs appelé les dirigeants mondiaux à participer à un sommet sur la crise alimentaire du 3 au 5 juin à Rome.

Conclusion : ce massacre quotidien par la faim n’obéit à aucune fatalité. Jean Ziegler lève le ton et affirme : "Derrière chaque victime, il y a un assassin. L’actuel ordre du monde n’est pas seulement meurtrier. Il est aussi absurde. L’équation est simple : quiconque a de l’argent mange et vit. Qui n’en a pas souffre, devient invalide ou meurt. Il n’a pas de fatalité. Quiconque meurt de faim est assassiné".


(1) http://www.lejdd.fr/cmc/international/200815/le-monde-a-faim_109910.html
(2) Jean Ziegler vient de publier L’Empire de la honte (2007) en Livre de poche.
(3) Nourrir normalement veut dire procurer à chaque individu adulte, chaque jour, 2 700 calories.

vendredi 11 avril 2008

Sommes-nous "égoïstes par nature"? Ou du Grenelle impossible




J'ai entendu, sur France Culture; aujourd'hui même, un savant pédiatre, Aldo Naouri, fondant toute son analyse sur l'égoïsme naturel de l'homme. La thèse est bien connue, et aussi sotte que bien ancrée dans la majorité des esprits. Pour contribuer à abolir cette idée toute faite qui ruine toute action politique, on peut se tourner vers les philosophes. Pour cette fois, je préfère donner connaissance d'une note plus modeste mais qui n'en est pas moins utile à connaître. Elle conduit à deux évidences : le Grenelle de l'environnement était mort-né et l'écologie sarkozienne renvoie à la seule responsabilité individuelle donc à la négation du politique comme destin commun.


Emmanuel Giannesini, maître de conférence à Sciences Po, a publié dans le cadre de La Forge(1) une note intitulée Le Sarkozyxme n’est pas une écologie. On peut y lire ceci:

« Tout indique que le Grenelle de l’environnement, une fois retombé l’enthousiasme artificiel qui a suivi le discours prononcé par Nicolas Sarkozy le 5 octobre, jouera le même rôle que la Charte de l’environnement adossée à la Constitution : une déclaration d’intention vague et généreuse, et puis plus rien. Le changement climatique et l’épuisement des ressources (tant quantitatif que qualitatif ) appellent non pas une adaptation de nos modes de vie et de production, mais une révolution éthique de notre rapport au monde et à la nature, quelque chose comme l’inversion du rapport de domination utilitariste issu de la descendance cartésienne au profit d’une intelligence globale de notre position dans la nature. Ceci, tout le monde ou à peu près le sait. Même Nicolas Sarkozy, dans son discours du 5 octobre, a trouvé les mots pour le dire, fût-ce par le détour de métaphores empruntées : « Je veux que le Grenelle soit l'acte fondateur d'une nouvelle politique, d'un New Deal écologique en France, en Europe, dans le monde. » Les mots pour le dire, mais ni les actes, ni même la volonté pour le faire.
A la vérité, il fallait être naïf pour croire en ce domaine à une rupture. On se contentera de rappeler ici qu’il n’est pas une seule mesure aujourd’hui avancée dans le cadre du Grenelle (pas une seule, chacun pourra s’amuser à le vérifier) qui n’ait été inscrite dans la Stratégie nationale de développement durable élaborée par le gouvernement de Lionel Jospin en mars 2002 en vue du sommet de Johannesburg.
1) Le consensualisme sarkozien est un mot creux
Le consensualisme est totalement revendiqué par Nicolas Sarkozy, ses propos sont sans ambiguïtés : « Nous ne ferons pas accepter cette nouvelle ambition écologique par la contrainte. Personne ne doit se sentir injustement pénalisé par les mesures écologiques que nous déciderons. Sinon, nous échouerons. ». Curieusement, la réforme écologique « bénéficie » d’un régime de faveur, car nulle part ailleurs n’est revendiquée une telle obligation de consensus préalable. On se rappelle qu’à propos de la réforme des retraites ou de la carte judiciaire, par exemple, ou même dans le cadre de la réforme de l’Etat et de la réduction de ses effectifs, le gouvernement a franchement affiché ses objectifs politiques et s’est donné les moyens de contrecarrer ses opposants. Disons-le franchement et sans détours : il faut vraiment faire un effort de crédulité pour croire qu’un programme politique de quelque importance peut n’avoir que des amis. Rien n’est plus faux ni plus dangereux que de croire cela. Il est hors de question de placer sur le même plan l’agriculteur converti au bio dès le début des années 1990 et celui qui persiste à produire en répandant deux à trois fois plus d’azote que les sols épuisés n’en peuvent absorber. Il est aberrant de ranger côte à côte l’entreprise qui s’est dotée dès les années 1980 de dispositifs de collecte de ses effluents et les usines qui ont attendu le début des années 2000 pour se délocaliser vers des cieux plus compréhensifs afin de s’éviter une mise aux normes. Et il est choquant d’abstraire par principe de toute responsabilité une industrie publicitaire qui a vanté tour à tour tout ce dont est en train de mourir la planète. Si, comme affirme le penser Nicolas Sarkozy, la crise écologique nous oblige à repenser l’ensemble de nos modes de vie et de production, il est contre-productif de commencer par dire que personne n’y est pour rien. Ce faisant, nous accréditons l’observation du philosophe Günther Anders, qui notait avec prescience dès les années cinquante : « A l’instant même où le monde devient apocalyptique, et ce par notre faute, il offre l’image d’un paradis habité par des meurtriers sans méchanceté et des victimes sans haine. Nulle part il n’est trace de méchanceté, il n’y a que des décombres. »
2) La décision politique passe par l’éthique Les contradictions n’apparaissent qu’à la faveur d’une réflexion éthique, par exemple sur la légitimité d’une industrie nucléaire dont les risques associés – même faibles, même maîtrisés – sont à proprement parler apocalyptiques, et qui ne laisse pas d’autre choix aux générations futures que de gérer nos propres déchets. Le philosophe Jean-Pierre Dupuy note : « Le commissariat à l’énergie atomique a confié à des sociologues la tâche d’analyser ce qui fait que les gens ont peur du nucléaire. Je crois urgent de réaliser une étude anthropologique sur ce qui fait que les nucléocrates n’en ont pas peur. » L’absence de réflexion éthique préalable de Sarkozy, et partant l’incapacité de désigner des fins indépendamment des moyens, se traduit dans le discours du 5 octobre par un traitement des risques ne reposant sur aucune logique et qui confine parfois au cynisme. Ainsi, l’interdiction des 50 substances les plus toxiques (oui, dont la toxicité est avérée !) est-elle subordonnée à l’existence « d’alternatives possibles », tandis que la réduction des pesticides, dont la dangerosité n’est plus à prouver, est limitée à 50 % « si possible dans les dix ans qui viennent ». Pour bien comprendre le non-sens éthique de ces restrictions en apparence banales, voire « de bon sens », il suffit de les transposer dans un autre champ que nous sommes plus habitués à mettre en relation avec la dimension morale. Par exemple la loi pénale. Imagine-t-on qu’une loi énonce avec placidité : « Interdiction des braquages sous réserve de la disponibilité de ressources financières alternatives pour les braqueurs » ou « Réduction de 50 % du nombre des viols conjugaux, dans un délai de dix ans si possible et sous réserve de la disponibilité d’exutoires » ? Il est juste que nous soyons plus sensibles au sort des hommes qu’à celui de l’humanité, mais le but de l’activité de penser, c’est justement d’établir les conditions par lesquelles nous pouvons sortir de ce qui serait à long terme un paradoxe suicidaire.
En conclusion de son discours, le président de la République a donné la clé, quasi-psychologique, de son approche de l’écologie : « Je ne crois pas à la responsabilité collective. La responsabilité est toujours individuelle. » Cette pétition de principe incarne l’essence même de la politique de droite, ce qui après tout ne surprendra personne et relève du droit le plus strict de l’homme-Sarkozy, qui n’a jamais prétendu, contrairement à son prédécesseur Chirac, jouer aux hommes de gauche. Mais en matière écologique, le rétrécissement du champ de la responsabilité aux seuls individus est une contradiction dans les termes. L’écologie est par essence le lieu d’une responsabilité collective parce que le destin qu’elle engage est lui-même collectif ; parce que les effets des comportements individuels sont dérisoires par rapport à ceux de nos choix collectifs ; surtout, même si l’idée peut sembler abstraite ou difficile, parce que notre capacité à donner des droits aux absents, et notamment à cette humanité future qui est le sujet même du développement durable, repose entièrement sur une extension du principe de souveraineté à plus que nous-mêmes. Nier que la responsabilité collective existe, c’est nier l’existence d’un destin commun et d’une capacité à agir en commun. S’en remettre à la seule responsabilité individuelle, c’est accepter par avance la stratégie du passager clandestin, où prime le calcul des intérêts de court terme. C’est en ce sens qu’on peut affirmer sans grand risque d’être démenti, si les mots ont encore un sens, que le sarkozysme est tout ce qu’on veut sauf une écologie. Il ne s’est rien passé le 5 octobre dernier.

(1) Visitez La Forge.
http://la-forge.info
Publié par biosphere.ouvaton.org

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