samedi 2 mai 2015

Le bipartisme british mis à mal

Les Britanniques vont voter le 7 mai.

À ce qu'on en sait, vu de France, il pourrait être fort difficile de constituer une majorité parlementaire, en Grande Bretagne, le 8 mai au matin. Le mode de scrutin, en vigueur depuis très longtemps, simple, brutal, inchangé, fait pour permettre exclusivement l'alternance entre les Tories et le Labour Party, risque de ne pas permettre ce pour quoi il a été créé : instituer une stabilité politique dans le Royaume.

En effet, le scrutin uninominal majoritaire à un seul tour (une spécialité d'Outre-manche) qui conduit à la désignation du candidat ayant obtenu le plus de voix, avec ou sans majorité absolue, pourrait être perturbé quand des formations hier encore "secondaires" font, à présent, émerger des candidats crédibles. 

12 partis sont représentés dans le plus vieux Parlement au monde. Les députés siègeront, en 2015, dans 650 circonscriptions ( 529 en Angleterre, 59 en Ecosse, 40 au pays de Galles et 18 en Irlande du Nord).

Si Conservateurs et Travaillistes obtiennent, selon les sondages, 30 à 35% des voix, et donc le plus grand nombre d'élus, ils n'en vont pas moins rencontrer des obstacles plus nombreux et plus importants que par le passé. Là où le parti écossais (le Scottish National Party) va les dominer, dans une cinquantaine de circonscriptions. Là où le parti antieuropéen (l'UK Independence Party, ou UKIP, vainqueur des dernières élections européennes, à la proportionnelle) peut engranger plusieurs sièges. Là où des partis régionalistes, (au pays de Galle, le Plaid Cymru), et en Irlande (dans les partis issus du conflit nord-irlandais) continuent de faire bonne figure. Voire même, là où des candidats Verts réussissent à proposer une alternative écologique attirante pour une majorité relative d'électeurs... Quant au parti des libéraux-démocrates (centre), jusqu'alors le troisième parti britannique, membre décevant de la coalition au pouvoir, avec le Parti conservateur, on s'attend, bien qu'il soit bien implanté, à ce qu'il régresse.

Si le Sin Fein irlandais maintient sa politique de non participation au Parlement, comme il l'annonce, 323 sièges  et non 326 seraient nécessaires pour constituer une majorité. Ni le parti de David Camerone ni celui d'Ed Miliband n'atteindront ce score. Des tractations peuvent conduire à des surprises : si les libéraux démocrates changent d'alliance ou si les députés écossais font la décision, les travaillistes n'ayant d'autre choix que de les accepter comme partenaires !

En quoi  sommes-nous, en Europe, concernés par cet épisode électoral inédit ? Précisément parce qu'il est inédit : les Britanniques sont à la tournée d'un chemin qui se dirige vers plus d'Europe ou vers plus d'autonomie locale. Quant aux Eurosceptiques qui pèsent sur les  Conservateurs, ils rencontrent un adversaire influent, les Écossais, à la fois européens et autonomistes à défaut de pouvoir être actuellement indépendantistes.

Nous sommes concernés parce que la démocratie à l'américaine avec deux partis ultra dominants est en difficulté. Les dirigeants des pays occidentaux qui compteraient sur le scrutin majoritaire uninominal (en France, à deux tours !) pour maintenir la prééminence des partis ultra libéraux n'ont plus la garantie de garder la maîtrise politique seuls, et pas même par le jeu d'alliances entre partenaires aux choix contradictoires. Il n'est du reste pas certain que le nouveau Parlement ait la durée de vie prévue par la loi électorale : 5 ans...

Nous sommes concernés parce que les démocrates sont confrontés à ce besoin de renouveau institutionnel auquel s'opposent les traditionnalistes : Républicains et démocrates aux USA, Conservateurs et Travaillistes en Grande-Bretagne, et, bien entendu, UMP et PS en France sont des partis attachés à un système bipolaire qui ne satisfait plus les citoyens. La réponse de l'abstention politique volontaire ne peut durer indéfiniment.

L'Allemagne sans roi, ni président-monarque, avec un mode de scrutin largement proportionnel, montre que, sans bouleversement ni instabilité, un État peut fonctionner. Loin de moi la pensée d'être admiratif de l'Allemagne, mais je ne puis nier que ce qui existe de façon durable, doit être pris en considération.

Dès le 8 mai prochain (jour de commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale dont souffrit tant la Grande Bretagne), nous examinerons, avec curiosité, le résultat historique -quel qu'il soit- qui va peser sur l'avenir de l'Europe (non pas de l'Union européenne, mais de toute l'Europe), et j'y reviendrai, ici.




lundi 13 avril 2015

Le PS parti de centre droit

Le parti socialiste n'est plus socialiste.

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Tel le parti travailliste qui, en Grande Bretagne, sous l'effet du "blairisme", cessa d'être travailliste, le PS, en France, est devenu un parti politique soit-disant socio-démocrate mais, en réalité, de centre droit.


Le couple Hollande-Vals aura enterré le parti de Jaurès et Blum.

C'est, désormais, une machine à fabriquer des élus qui rabâchent ce qu'on leur dit d'affirmer mais qui n'ont plus de sensibilité et de convictions proches de celles des "travailleurs", autrement dit des salariés des entreprises et des employés des services publics.

La conséquence en est le reflux des électeurs, hier "de gauche", vers l'abstention massive ou vers la contestation d'extrême droite.

Les choix des dirigeants ex-socialistes, actuellement aux "affaires", sont on ne peut plus clairs : on mène une politique systématique de soutien aux entreprises pour, dit-on, relancer l'emploi, contre toute évidence.

Le mensonge (mener la politique qu'on prétend combattre) et la duplicité (s'entendre avec les adversaires de ses propres électeurs), visibles de tous les citoyens, offrent de la politique un visage repoussant.

Le recul de la démocratie (qui n'est plus ni représentative, ni participative, et moins encore délibérative) est général dans tous les lieux d'exercice des responsabilités.

Les enjeux majeurs de nos sociétés sont à peine examinés : les bouleversements climatiques liés à l'activité humaine, le non remplacement suffisant des énergies fossiles par les énergies renouvelables, l'effet des technologies actuelles sur l'insuffisance des propositions d'emploi, l'impossibilité de développer la croissance  dans un monde saturé, les risques majeurs de pollution produisant des effets dévastateur sur la santé...etc.

Le PS gère sa petite boutique et va y connaître une faillite définitive. Le pouvoir ne se garde pas comme un patrimoine familial. La politique n'est pas un métier. Tout n'est pas marchandise. Dans un délai qui peut être bref ou non, la machine va s'enrayer. Déjà elle produit ce qui la détruit : le remplacement, partout (les villes, le Parlement européen, les départements, le Sénat, bientôt sans doute les régions), des élus dits de gauche par des élus vraiment de droite.

Car si la gauche n'est plus, la droite existe. Tout ce qui sert le capital et néglige les travailleurs est "à droite". Cette vielle distinction, qu'on ridiculise aujourd'hui, va retrouver son actualité. Il n'y aura pas de grand soir. ce n'est plus nécessaire. Les idéaux égalitaristes resteront des idéologies. La lutte des classes, ou des dominants et des dominés, n'est pas une doctrine mais une constante historique.

Il suffira d'un événement imprévisible pour que se retourne la table. Un Fukushima rhodanien ou un Tchernobyl armoricain bouleverserait pour longtemps et la France et l'Europe tout entière.

Mieux vaut, évidemment, ne pas compter sur une telle catastrophe. Mais inéluctable est la lente et certaine dégradation des conditions de vie des Européens, entrés en voie de sous-développement, non par erreur mais par saturation et parce que de nouveaux pôles économiques planétaires ont surgi.

Tragique est la résistance des politiciens aveugles ou aveuglés qui se contentent de "faire durer" encore un peu ce qui ne peut que disparaitre sous l'effet de ce que l'occident a produit lui-même. Plus condamnable encore est le renoncement à ce qui vous a fait pour tenter de perdurer : des socialistes sans socialisme, prêts à tout, au risque du suicide, pour essayer de garder les commandes !

Le courage commande de briser les ententes, même celles conclues de vieille date, qui interdisent de penser et d'agir dans le réel. Les écologistes qui acceptent de manger des plats de lentilles pour conserver quelques places, se renient et trahissent. Puissent-ils sombrer avec ceux dont ils attendent un salut provisoire.

Car si le PS est un parti de centre droit, qui les soutient se retrouve placé dans la même zone. Une droite de droite est moins dangereuse qu'une fausse gauche ne fut-ce que parce que c'est la même chose mais avec l'infidélité et la perfidie en plus.

Boileau écrivait "j'appelle un chat un chat et Rolet un fripon". Autrement dit, de nos jours, "appelons un chat un chat et la droite, la droite". Le PS s'y est installé. Il en mourra.

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dimanche 29 mars 2015

Départementales 2015 : attentes, prévisions, enseignements.





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Samedi 28 mars 2015


À l'heure où j'écris ces lignes, je m'étonne de mon intérêt pour un scrutin qui n'en a pas !

1 - Des attentes vaines.

Je n'attends rien d'une élection qui ne peut qu'installer aux commandes d'institutions obsolètes -les départements- des élus qui n'ont, dans leur majorité, nullement le service public à l'esprit, mais la bonne marche du système dans lequel ils sont plongés, dont ils profitent et qu'ils soutiennent d'autant plus.

Et pourtant ces départements sont restés l'outil organisationnel qui permet de financer des services sociaux indispensables à l'équilibre de la société. Du RSA à l'APA, des handicapés et des chômeurs jusqu'aux personnes très âgées, il y a là des urgences et des nécessités qui exigent des ressources sans lesquelles des concitoyens sont livrés à la misère. Comment ne pas attendre que cela perdure !

Mais cela a-t-il, in fine, à voir avec ces élections truquées faites pour installer et notabiliser des personnalités locales qui devront « renvoyer l'ascenseur » aux partis qui les ont implantés là ?

Je n'attends rien d'assemblées départementales dont les directions seront partagées entre les « partis gouvernementaux », ceux-là mêmes qui ont plongé la France dans la défiance et l'impuissance et qui vont regarder siéger des opposants qui n'ont d'autre but que de promouvoir des politiques nationalistes et anti-européennes. Quant aux rescapés (écologistes ou de la gauche résiduelle) qui siégeront encore, ils ne pourront qu'émettre de vaines protestations.

Je n'attends de toute façon rien, et depuis longtemps, de tout mode de scrutin majoritaire à deux tours, par essence antidémocratique quoi que disent les politologues bien en cours.

Que va-t-il alors se passer, demain soir et ensuite, une fois passée la « vague bleue » teintée de brun ? Que retirer de cet épisode politique désastreux ?


2 – Des prévisions à peine risquées.

- L'abstention va croître encore, en changeant un peu de contenu. Des électeurs vont venir à la rescousse pour tenter de limiter le désastre. D'autres vont se détourner d'un vote joué d'avance et qui ne leur offre pas la possibilité de s'exprimer comme ils le désireraient. Les non-votants constitueront bien, même si les politiciens ne veulent pas en tenir compte, le « premier parti de France ».
- Le vote blanc sera un peu plus utilisé. Les électeurs qui sont informés et veulent être présents dans la vie citoyenne se présenteront dans les bureaux de vote et diront leur incapacité de choisir en utilisant un bulletin vierge ou une enveloppe vide. La promotion de cette possibilité d'expression reste d'autant plus à faire que, en France, à la différence d'autres pays, ne veut pas encore considérer ces votes blancs comme des suffrages exprimés.
- Le parti socialiste va perdre la direction de plusieurs dizaines de départements. Il ne doit s'en prendre qu'à lui-même, à l'immense déception éprouvée par ceux qui avaient placés leurs espoirs en un président de la République « de gauche ». Et, surtout, qu'on ne s'en prenne pas à la division des partis de la majorité (comme si PCF, PG, EELV et autres ne devaient qu'être des forces d'appoint dans un système à jamais bi-polarisé). Le PS, parti de centre droit désormais, ne peut plus incarner la gauche et en être le pôle central.
- La « droite républicaine » (comprendre les partis libéraux et ultras libéraux) va remporter un succès historique en ce sens que, pour ce premier scrutin départemental à échelle nationale, elle va couvrir de son influence plus des deux tiers du pays avec l'espoir de rééditer ce succès aux prochaines élections régionales de 2015 et législatives accolées aux présidentielles en 2017. Elle va, pourtant, tôt ou tard, achopper sur la tentation de certains de ses membres de faire alliance, de fait, avec les courants nationalistes.
- Le Front national s'installe partout sans prendre, sauf rares exceptions, la direction de départements. Le succès incontestable de l'extrême droite est, du reste, dû à des causes diverses et parfois contradictoires : la colère contre les politiques anti-sociales dites UMPS, la peur du terrorisme imputé à des islamistes installés en France par l'immigration, le rejet d'une Europe considérée comme hostile aux politiques nationales indépendantes. Des sentiments issus de la droite et de la gauche française se confondent et inspirent, provisoirement, un néo « national-socialisme » qui étend son influence dans les milieux populaires désespérés.
- Les écologistes, non sans appuis là où ils étaient candidats, sont sous représentés. Ils se trouvent acculés à choisir entre une autonomie réelle ou un retour dans une majorité présidentielle qui ne veut que leurs votes. Ce dilemme devra être tranché pour les élections régionales qui leur sont plus favorables. Ou bien ils acceptent les risques de proposer une voie nouvelle (qui ne les mettra pas davantage en marge qu'ils ne l'ont été depuis leur création) ou bien ils seront associés à la politique antiécologiste du gouvernement (et subiront la même déconfiture).
- Le Front de gauche résiste péniblement mais n'est pas anéanti. En son sein, le PCF s'évertue, avec quelques succès modestes, à conserver ses derniers bastions. Le Parti de gauche navigue entre l'écosocialisme et l'espoir de ressusciter d'une gauche réelle. Les contradictions entre pro et anti-nucléaires, pro et anti-productivistes, entre partisans et adversaires de la décroissance ne donnent pas à penser qu'il y a un avenir durable pour ce Front de gauche.
- Restent les tentatives citoyennes non inféodées aux injonctions des partis que révèlent certaines confrontations électorales inattendues. On trouve en région grenobloise ou dans certains milieux ruraux ces candidatures isolées qui ont résisté à la mécanique broyeuse du scrutin majoritaire et de son barrage en-deça de 12,5% des inscrits. On trouve, dans ces cantons, des germes dont on peut espérer qu'ils vont produire des résultats et surtout des disséminations heureuses. La prise en main de la politique par les citoyens eux-mêmes n'en est, là, qu'à ses premières manifestations.

Serait-ce au creux de la vague que se situe l'énergie d'une marée politique prête à déferler ?


3 – Des enseignements déjà à retirer :

- Les forts sont faibles. Ni le PS, ni l'UMP, ni le FN ne sont en réalité dominants. Les rapports de force réels seront mieux révélés par les élections régionales, à condition qu'on observe la réalité électorale du pays en tenant compte de toutes ses composantes dont font partie, à présent, les abstentionnistes et les votes blancs (et non nuls!).
- La droite, sous toutes ses formes, est un conservatisme incapable de faire face à des idées neuves. C'est une confiscation de moyens humains, intellectuels et techniques considérables pour maintenir, coûte que coûte le pouvoir des détenteurs du capital. Elle est par essence antidémocratique parce qu'elle fait passer les intérêts des élites avant les besoins de tous... Cette évidence, fort ancienne, est de nouveau sous nos yeux. Qui se vante d'être à droite (auparavant on n'osait plus) est soit inconscient soit cynique. Il faudra donner un nouveau nom à ce puissant courant de pensée qui a une réalité prégnante mais qui n'a plus de position, de topologie, dans le champ politique. La place, dans l'enceinte parlementaire n'est plus à même de rendre compte de l'emprise idéologique des dominants.
- La gauche disparaît dès qu'elle n'est plus que l'opposition, du reste formelle, à la droite ! L'abandon de ce qui la caractérisait strictement (le soutien du monde du travail face au capitalisme, des salariés face aux entreprises) l'a privée de sa substance intellectuelle. La priorité de l'État ne la caractérise plus non plus, dès lors que l'État est devenu soutien et serviteur des entreprises privées. Ce n'était pas, du reste, une valeur sûre si l'on considère les malheurs engendrés par les centralisations abusives ou pire : la dictature du prolétariat. Quand il n'y a plus de gauche, dès qu'elle est conquise par l'idéologie libérale, il n'y a plus non plus de droite, stricto sensu. Les répartitions des forces idéologiques ne s'expriment plus par des mots trop datés, appartenant à des contextes historiques dépassés. Mais ce qui demeure c'est, tout comme hier, une « lutte des classes », certes actualisée, mais qui oppose toujours les intérêts entre dominants et dominés, patrons et salariés, riches et pauvres, exploiteurs et exploités : ce que la différenciation gauche/droite n'exprime plus.
- L'écologie n'influence pas fondamentalement la vie politique. Pourtant, dans les années à venir elle sera déterminante. Non pas par les partis écologistes qui n'échappent pas au système, mais à cause des questions écologistes qui envahissent, chaque jour davantage, nos vies quotidiennes (réchauffement climatique, pollutions, énergies à renouveler, déchets nucléaires...). Vont surgir des événements toujours plus révélateurs de la responsabilité majeure de l'homme et de son mode de vie sur la détérioration spectaculaire de notre environnement. Au-delà des consultations électorales, l'opinion publique va progressivement découvrir la vérité cachée. Cette prise de conscience retardée, (comme l'a été, par la volonté d'États et d'entreprises pollueuses, la reconnaissance de la responsabilité humaine dans l'accélération du réchauffement planétaire), débouchera sur la mise en cause radicale du système économico-politique. Ce n'est qu'une question de temps.
- « République » devient un concept qui souffre d'ambiguïtés. Aux USA, le parti républicain est un parti conservateur, libéral, autoritaire. C'est dit-on, l'intention de Nicolas Sarkozy de transformer l'UMP en parti « républicain ». Pauvre République ! La res publica, la chose publique, c'est, tout à la fois, l'égalité des citoyens, l'abandon de toute monarchie ou autocratie, la priorité à l'intérêt général, le respect de la volonté populaire, le développement et le renforcement des services publics, la laïcité conçue comme la non intervention de l'État dans les choix religieux ou non religieux. C'est aussi la devise républicaine : « liberté, égalité, fraternité », trop oubliée, qui reste à mettre en œuvre avec toujours plus de vigilance, de conviction et de patience. Démocratie et République sont indissociables. Le contenu même de la démocratie est fourni par la République et quand la démocratie se porte mal -c'est le cas actuellement-, la République, à son tour, souffre et ses valeurs sont négligées voire déformées. Ceux qui s'affirment bruyamment républicains ne sont pas les amis de la République quand ils veulent toujours plus d'élites, de pouvoir centralisé, de repli identitaire, de privatisations... Défendre la République, c'est refuser qu'on en déforme le visage en la travestissant en marionnette politicienne, en lui faisant dire autre chose que ce que dit le sens et l'histoire du mot qu'elle magnifie.
- Le dégoût de la politique est fondé : c'est le résultat d'une pratique inexcusable. Tout se passe comme si avait été voulu, préparé, organisé la perte d'intérêt pour la chose publique, pour la République. Les citoyens ont été placé en état de résignation, d'impuissance, de découragement. Ils ont subi un formatage mental qui utilise toutes les ressources et tous les arts du conditionnement commercial. Publicité et propagande obéissent aux mêmes techniques de lavage de cerveaux. Plus encore, il est devenu possible de modifier les jugements et les préférences des citoyens à leur insu, de façon subliminale. Ce pouvoir sur les esprits est la plus grande menace pesant sur la démocratie car il rend inopérante l'expression de la volonté populaire. C'est pourquoi l'action politique est de plus en plus culturelle : il ne s'agit plus d'abord de choisir ses représentants. Préalablement, il s'agit de savoir quelle société nous voulons et comment y vivre en paix et en harmonie. La politique est morte, vive la politique ! Retrouver le goût de la politique n'est possible que si l'on redevient maître de son destin, de ses choix, de sa pensée.

Telles sont, à cette veille d'une élection non fondamentale mais éclairante, l'observation et l'analyse que j'effectue. Elle ne me conduit pas vers l'abandon mais, je l'espère, comme beaucoup d'autres Français, vers la lucidité. Sans cette lucidité, rien de neuf ne peut surgir.

jeudi 1 janvier 2015

2015 : rendre possible l'impossible.


Les vœux que je forme sont, actuellement, impossible à satisfaire.
Pourquoi, cependant, ne pas les exprimer ?

Je souhaite que les vœux ne soient pas sélectifs et que chaque humain soit concerné.
J'attends que les riches soient moins riches et les pauvres moins pauvres.
Je refuse donc de croire que le capitalisme soit éternel.

Je souhaite que la conférence de 2015 sur le réchauffement climatique soit un succès.
Mais cette lutte vitale pour l'espèce humaine nous concerne tous.
Je refuse donc de croire que les chefs d'État puissent, seuls, écarter ce danger planétaire.

Je souhaite que les êtres humains cessent de rechercher le plus au lieu du mieux.
Plus fort, plus grand, plus heureux, plus méritant, plus opulent..., sont des leurres.
Je refuse donc l'inégalité constitutive des sociétés qui asservit les vivants.

Je souhaite que les femmes cessent d'être la proie des hommes.
Que la langue française fasse place à l'humanité féminine : homme n'est pas masculin.
Je refuse donc toute domination des humains mâles sur les humains femelles.

Je souhaite que l'histoire ne soit pas, à jamais, une logique de force.
Les armes toujours plus puissantes, sophistiquées et monstrueuses ne protègent, in fine, rien.
Je refuse donc l'arme nucléaire, qui concentre les horreurs dont sont capables les hommes.

Je souhaite une rupture dans le devenir des civilisations : continuer, c'est échouer !
L'histoire des humains n'est pas faite que de victoires, de règnes et d'hégémonies.
Je refuse donc que soit appelées chimères ce que réalisent les créateurs modestes.

Enfin, je souhaite que les mots venus en l'esprit des hommes soient mis en œuvre.
« Liberté, égalité, fraternité », ou « tu ne tueras pas » ou « aimez-vous les uns les autres ».
Je refuse donc de céder à la soumission et à la résignation : l'utopie seule est réaliste.

Les vœux pieux ne le sont pas; ils sont mensonges.
Croyons à ce que nous espérons et engageons y nos vies.

lundi 22 décembre 2014

Le droit ne suffit pas.


L'invocation du droit est devenu une incantation.
Les défenseurs des droits de l'homme s'y réfèrent constamment.
Malheureusement les mots lancés, qu'ils soient écrits ou criés, cèdent devant les faits.
Sous nos yeux, la discrimination s'étend et s'étale au rythme de la richesse.

Moins de pauvreté statistique ne peut freiner l'augmentation de la misère.
Car l'écart entre les plus riches et les plus pauvres est devenu abyssal.
Toujours plus d'humains sur terre exigerait toujours plus de partage.
Mais il n'en est rien et c'est la cause première de l'extension de la violence.

Le droit religieux du Décalogue biblique est passé sous silence ou ridiculisé.
L'absolu du « Tu ne tueras pas » est désormais obsolète et prête à sourire.
Il est même des droits assassins : la charia en est un.
Le droit de la République, lui-même, est, soit violé soit détourné.

Les Droits de l'Homme ne sont nulle part prioritaires.
Les États font reposer leur légitimité sur la force.
L'élitocratie, la ploutocratie, l'oligarchie occupent la République.
La res publica, la « chose publique » est passée sous le joug du privé.

Il ne suffit pas de changer des lois pour constituer un État de droit.
Le droit peut être « la raison du plus fort » comme le dit la Fable de La Fontaine.
Le droit sans droiture, sans vertu, est la justification des puissants.
Le droit, s'il n'est que l'affaire de juristes s'éloigne de la justice.

Les religions monothéistes, en créant l'absolu des dogmes, ont justifié l'implacable.
Leur droit est une soumission à une volonté qu'elles disent être celle de Dieu.
Le droit n'est pas sacré et n'est que ce qu'impose l'homme à l'homme.
Les sociétés d'obéissance, tôt ou tard, deviennent meurtrières.

Pour qu'existe une société de droit doit régner l'équilibre.
Les régimes dits démocratiques produisent un droit de plus en plus inégalitaire !
II est vain d'« aimer son prochain comme soi-même » s'il n'est son semblable.
Non identiques mais équivalents dans notre être, nous avons tous droit à une parité effective .

La fraternité, qui n'est pas un droit, peut seule cimenter les droits véritables.
Une loi n'est pas bonne parce que c'est la loi.
L'accumulation de lois vaines et vite abolies détourne du droit.
Le seul droit qu'on peut aimer est celui qui résulte du débat citoyen.

Il est désespérant de devoir rabâcher ce que nous savons depuis des siècles.
Rabelais, La Boétie, Montaigne, La Fontaine, Rousseau, Hugo sont nos phares.
En France, ils ont tracé un chemin dont on s'est sciemment détourné.
On y a vu la voie de l'anarchie alors qu'il s'agissait de la voie de l'autonomie.

À présent, le droit est non ce qui libère mais ce qui oblige, il a perdu son sens.
On en est si loin que le droit est devenu la forme donnée à un ordre haïssable.
C'est pourquoi le droit ne suffit plus : il est la lettre qu'a déserté l'esprit.
Il est « l'organisation des pouvoirs publics » au lieu d'être la charte de l'en commun.

On a figé la démocratie dans des processus électoraux qui la ruinent.
Sans projet pour la cité, choisir les élus qui légifèrent n'est plus crédible.
Tant que le plus fort, le plus riche et le plus puissant dominent, le droit est leur droit.
Les Déclarations générales et généreuses, universelles, alors deviennent creuses.

Une loi n'est pas bonne parce que c'est la loi.
L'accumulation de lois vaines et vite abolies détourne du droit.
L'unique droit qu'on peut aimer est celui qui résulte du débat citoyen.
La fraternité, qui n'est pas un droit, peut seule cimenter les droits véritables.

Et il n'est pire dictature que celle des textes morts.
Sans la spiritualité de penseurs libres rien de neuf ne peut jaillir.
Or, les Terriens ont besoin de croire en autre chose que ce qui les contraint.
Il faut oser sortir de la religion du droit qui ne vaut pas mieux que les autres.

Quand les traditions sont l'interdiction du changement, elles trahissent.
Quand les sachants prostituent leur savoir pour conserver leur rôle, ils trahissent.
Quand les citoyens confient la politique à des professionnels, ils se trahissent.
Quand les économies dévorent, aliènent, gaspillent et gavent, elles nous trahissent.

Non, tout ne va pas droit dans notre société occidentalisée et mondialisée.
Le droit non plus ne va pas droit dès qu'il régule les dérégulations.
Il est deux droits : celui de nos choix communs de vie et celui des maîtres de ce temps.
L'un est souple, adaptable, modifiable mais l'autre est intransigeant et violent.

Dans « l'Ancien Régime », le droit dépendait du pouvoir divin du Roi.
Le Prince avait droit de vie et de mort sur ses sujets.
Nous avions cru échapper à cet ordre fatal par des révolutions populaires.
Le retour de monarques, escortés de leur cohorte de valets, s'est effectué en douceur.
Dis moi où la loi se fonde sur la violence et je te dirai où meurt le droit.
Plus, observe où la mort donnée est banale et tu sauras quel droit triomphe.
Le droit aura plus tué que protégé.
Tous les dictateurs se justifient par le rappel du droit qu'ils instaurent.

Il nous faut cesser de prendre le moyen pour la fin !
Aucun droit républicain ou religieux n'a de caractère absolu.
S'en remettre à un droit n'assure plus la paix civile.
Imposer des lois transforme les hommes en esclaves.

Si les droits de l'homme ne sont pas les droits des humains, ils sont vains.
Le droit n'est que la forme de la règle et pas la règle elle-même.
Le droit est plus qu'un texte : c'est une entente et un accord qui engagent.
C'est la quête d'une vérité impossible à figer.

Qui ne professe pas la foi considérée comme vraie serait un mécréant !
Je le suis donc en affirmant que la foi de toutes les idéologies totalitaires détruit l'humanité.
Penser droit, c'est penser libre et pas penser comme.
Ne cherchons plus la voie droite, unique et indiscutable : elle fait errer.

lundi 15 décembre 2014

N'élisons plus le Président de la République


« Personne ne proposera la suppression de la fonction de Président de la République ou tout au moins sa dépossession de tout pouvoir hors celui de représentation. Seule une crise nous l'imposera... »
Thomas Legrand (éditorialiste à France-Inter)

Les portraits officiels des présidents de la Vème République

Élire le Président de la République au suffrage universel direct est devenu une addiction politique. Les citoyens, actuellement, ne sauraient s'en priver. C'est le scrutin le plus fréquenté, le plus structurant, le plus déterminant : la concentration du pouvoir entre les mains du Chef de l'État est la caractéristique principale du régime néo-monarchiste qui s'est imposé en France depuis 1965.

Charles De Gaulle a voulu, dès 1946, en le revendiquant au cours de son célèbre discours de Bayeux, que l'exécutif domine le législatif de façon totale et irréversible. Après sa traversée du désert et son repli à Colombey-les-Deux-Églises, une fois revenu au pouvoir en 1958, il a préparé méthodiquement l'institutionnalisation de sa légitimité.

Car il n'a jamais été douteux, pour « le Général », qu'il avait, par deux fois, sauvé la France (en 1944, avec les Alliés, au terme de la seconde guerre mondiale, en 1962, en mettant fin à la guerre d'Algérie). Le référendum modifiant la Constitution de 1958 n'a donc pas tardé : dès lors, le Président de la République française serait élu au suffrage universel. Élu pour sept ans en 1958, par le Parlement, De Gaulle pensait être élu facilement par tous les Français, en 1965, mais le résultat, limitant son succès à 55% des suffrages exprimés, avait constitué le premier avertissement sur le risque de voir le régime gaulliste, incapable de se maintenir au niveau escompté, se banaliser puis se pervertir.

On a trop oublié que Charles De Gaulle n'est pas allé au bout de son mandat (1965-1972) et a démissionné, en 1969, après son premier et unique échec électoral référendaire. Il a, ainsi, sauvé son image historique en respectant sa propre conception du pouvoir fondé sur un accord direct entre le peuple et le Chef de l'État. Les successeurs du Général-Président n'ont pas eu la même pudeur, la même interprétation de la Constitution et n'ont pas quitté l'Élysée quand ils ont été désavoué par les citoyens français. François Mitterrand a même inventé « la cohabitation » en (1986-1988 et 1993-1995) et Jacques Chirac l'a suivi (1997-2002).

Le raccourcissement de la durée du mandat, passée du sept à cinq ans, n'a pas simplifié la vie politique française. Ce qui est en cause (mettre un terme, enfin, à l'exception gaullienne) n'a pu s'effectuer et, contrairement à ce qu'est l'organisation des pouvoirs publics dans la totalité des démocraties européennes, la Constitution de 1958, mainte fois modifiée mais jamais sur l'essentiel, continue de priver le Parlement de son rôle principal : désigner ceux qui gouvernent et contrôler la politique mise en œuvre par l'exécutif. L'autorité du Gouvernement français non seulement n'y gagne rien mais, après les désastreux mandats de Sarkozy et de Hollande, elle s'est affaissée, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre pays. La 5ème République a trouvé ses limites.

Comment mettre fin à ce qui obstinément perdure ? Comment imposer aux partis, (au-dessus desquels De gaulle prétendait se situer ?) de cesser de monopoliser la représentation nationale au point d'enfermer le pays dans un bipartisme ou des coalitions éphémères (dominées, à droite, par l'UNR, devenue RPR, devenu UMP, à droite ou par le Parti socialiste, à gauche) ? À ce jeu politique pervers, il n'est que des perdants. Le mode de scrutin uninominal à deux tours, une spécialité électorale hexagonale, a installé un dualisme qui personnalise la politique. L'élection présidentielle concentre tous les travers de ce système électoral où le choix d'une vedette passe avant le choix d'une politique.

De Gaulle incarnait, lui, une politique, critiquable, à bien des égards très dangereuse (en particulier sur le plan du nucléaire civil et molitaire), mais il dirigeait la France selon ses idées, qu'il ne dissimulait pas. Plus besoin, aujourd'hui, de députés-godillots pour marcher sur les pas et au pas du Chef de l'État : la concommittence de l'élection présidentielle et des élections législatives, qui se suivent de peu, fait dépendre la majorité parlementaire de la majorité présidentielle. De godillots qu'ils étaient, voici les Parlementaires devenus de simples exécutants dont l'initiative se réduit à accompagner, si possible intelligemment, la volonté d'un Gouvernement lui-même soumis au Président. Ce que peuvent les Parlements des États partenaires européens, nos voisins, le Parlement français ne le peut pas. La forte et stable Chancelière allemande, élue par le Parlement de son pays à la tête de coalitions, n'est pas sous les ordres du Président et n'est pas issue d'une majorité électorale binaire. Elle n'en gouverne pas moins, et avec quelle autorité !

Le pire, dans nos institutions (et il aura fallu bien du temps avant de le reconnaître!), est que le second tour de l'élection présidentielle se limite à deux candidats, ceux qui sont parvenus en tête au premier tour ! On pourrait imaginer que, pour garantir à l'élu une solide majorité, on accepte, par exemple, que seuls puissent être candidats les trois ou (très rarement) les quatre candidats ayant atteint un score supérieur à 18% des votants. On pourrait aussi envisager que tel candidat arrivé en seconde position (voire en première!) se retire au profit d'un candidat placé en troisième position. Dans ces hypothèses, Lionel Jospin eut pu être élu en 2002. Que, par suite du délitement de la société politique, soit survenue l'obligation légale d'opposer Jean-Marie Le Pen au seul Jacques Chirac (dans ces conditions élu, en dépit de son score calamiteux!) aura marqué la fin d'une modalité de scrutin qui a fait son temps mais qu'on ne sait encore comment l'abandonner.

Saurons-nous, d'ici 2017, rectifier une règle du jeu électoral non seulement faussée mais, à présent, périlleuse pour la démocratie elle-même ? Les concepts totalement intégrés à notre pensée ( et inscrits sous les mots « droite » et « gauche » ou « démocratie républicaine ») ont beaucoup souffert et menacent de perdre encore de leur substance résiduelle s'ils ne sont bientôt profondément rénovés.

Le Président de la République n'a plus, aujourd'hui, ni l'aura ni la légitimité autre que celles qu'imposent les institutions. Elles-mêmes sont devenues fragiles dans un contexte européen qui allie le meilleur, (le nécessaire élargissement de la sphère de responsabilité débordant les États-nations,) et le pire, (la domination du politique par l'économique). Pour sortir de l'impasse de la présidentialisation, il est plusieurs voies mais aucune n'est sans danger.

La première est celle de la continuation et de l'élargissement de la grêve des urnes que manifeste une abstention battant déjà tous les records (et son extension probable à l'élection présidentielle). Un tel rejet citoyen ne peut déboucher que sur une issue imprévisible : soit le désintérêt (et la soumission à l'élitocratie ou l'oligarchie), soit la dictature de l'opinion ( mais orientée par les sondages et médiatisations), soit le refus populaire (s'exprimant par les voies de manifestations, de pétitions ou d'événements massifs inattendus).

La seconde est celle de la réforme institutionnelle par la voie d'une Constituante préparant un texte majeur à soumettre au pays par référendum.

La troisième est celle de l'impasse dans laquelle nous sommes entrés ! L'impuissance et les contradictions des gouvernements successifs, annonçant une politique et en faisant une autre, cherchant désespérément une croissance qui n'est plus au rendez-vous, poussant au travail des citoyens de plus en plus privés d'emploi, additionnant les professions de foi européanistes et nationalistes, recherchant des réformes qui n'en sont pas si ce n'est pour satisfaire les possédants..., tout conduit à l'immobilisme et à l'incapacité de penser autrement. La société politique s'englue et s'avère incapable de faire mieux que de continuer à cheminer dans l'échec.

Il en est de la politique institutionnelle comme de la lutte contre le changement climatique. On sait à présent quelle est la responsabilité humaine. On sait même où agir. Mais on ne sait comment commencer à agir car ce serait remettre en cause des décennies de pratiques industrielles et commerciales qui dominent nos sociétés. La « déprésidentialisation » est, de même, parmi les urgences politiques, une nécessité qu'en France, nous ne savons aborder, car le mythe du sauveur de la nation nous imbibe et nous paralyse. Le mythe présidentiel bouche l'horizon politique. Nous savons où ne pas aller mais sans savoir où aller !

«  Attendons donc l'affrontement et le tumulte » écrit, à la fin de son livre, Thomas Legrand.1 « Écosocialisme ou barbarie » interroge Serge Latouche2 non sans annoncer, à son tour, que « nous nous orientons très probablement vers un chaos incroyable... ». Mieux vaudrait, plus positivement, une prise de conscience collective à laquelle chaque citoyen pourrait travailler, mais nul n'est maître des évolutions complexes en cette période de mutation historique, lente autant que radicale.


1 - Thomas Legrand, Arrêtons d'élire des présidents, Paris, éditions Stock, novembre 2014, p. 130.
2 - Serge Latouche, Renverser nos manières de penser, Paris, éditions Mille-et-une- nuits, novembre 2014, p. 43.

jeudi 11 décembre 2014

Droits des femmes et droits de l'homme.

Avant propos : long silence que rien n'excuse, sinon la sidération...
L'état du monde m'ébranle.
La mise à mort des évidences anticapitalistes me stupéfait.
Je veux croire que les bouleversements de tous ordres qui apparaissent annoncent un renouveau.
Mais je ne le pense que pour me remotiver.
En réalité je ne peux que constater l'étendue des souffrances.
Je ne peux qu'observer l'ampleur des désespérances.
C'est dur de l'admettre.
Mais c'est ainsi...
Que faire alors ? 
Rien d'autre que de persister à penser, écrire, agir avec les plus démunis, dans l'attente de nouvelles Lumières.

En ce jour, ce qui me submerge et m'accable, c'est le refus généralisé de considérer nos sœurs humaines comme nos semblables. Sous toutes les formes, ce déni prend la forme d'une banalisation de la violence sexiste. Sourde ou extrême cette violence est un viol de l'humanité tout entière.
J'en appelle donc à une réflexion qui a commencé il y a bien longtemps mais qui, en vérité, est très loin d'avoir suffisamment avancé.
Moi qui suis membre de la Ligue des droits de l'Homme ne peut qu'inviter ses membres à se ré-interroger à ce propos.
______

La Ligue des Droits de l'Homme (dont le sigle « LDH » nous est devenu si familier), cette « vieille dame » admirable, restée très active, qui n'a jamais cessé d'agir contre les discriminations et pour le respect des droits humains, porte un titre, désormais, devenu ambigu.



On ne modifie pourtant pas sans peine une appellation historique.



Human Rights Watch1 (HRW), une ONG internationale de défense et de protection des droits humains, plus récente, n'use pas de l'expression droits « de l'homme ». On peut s'interroger, en effet, sur l'emploi, à présent, de cette locution : « Droits de l'homme » qui se peut comprendre comme limitée aux droits de la partie masculine de l'humanité. Nous n'avons pas, dans notre langue, comme en anglais, la distinction entre man et human ("a man is a male human").

DUDH

http://www.catherinebeaunez.net/?Dessins&id_mot=29



L'absence totale de référence à la sororité, l'équivalent féminin de la fraternité, est devenue insupportable. Le mot est, du reste, presque ignoré en France. Les Droits de l'homme ont beau être, en principe, les droits de tous les êtres humains, encore faut-il le faire, d'emblée, entendre. La liberté, l'égalité et la "fraternité-sororité" sont, en ce siècle, comme au cours des précédents, des nominatifs (en langue française pourtant féminins) qui s'appliquent mal au sort des femmes, partout sur la planète. Elles n'y sont, le plus souvent, ni libres de leur sort, ni égales en dignité et responsabilité, ni nos sœurs toutes respectées et aimées dans la vie civile.



Le viol reste banalisé. Là où il y a conflit, c'est le droit du guerrier. Il est l'expression la plus odieuse de la domination masculine. Il ne se passe pas de jour sans que les médias rapportent des crimes sexistes sur tous les continents. Non, il n'est plus concevable de taire que le premier des droits de l'homme qui soit violé est le droit des femmes.



Il est grand temps, dans le pays de la Révolution française, de reconnaître l'apport spécifique, historique, non pris en compte, d'Olympe de Gouge pour la conquête des droits humains, des droits politiques des femmes2. La France était et est restée en retard dans la reconnaissance des droits des femmes : souvenons-nous toujours que la suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée ne date que de 1938, que le droit de vote et d’éligibilité pour les femmes, de 1944. Observons, de nos jours, le niveau encore très inégal des rémunérations entre employées et employés. Constatons qu'en France même la violence conjugale tue une femme tous les trois jours ! Libérer l'humanité de la violence constante faite aux femmes : il n'est d'autres causes qui doivent précéder celle-ci car elle les englobe toutes.



Comment manifester, au sein de la LDH comme ailleurs, cette priorité qui permet de faire valoir, explicitement, les droits féminins autant que masculins dont manque l'espèce humaine tout entière ?



Il aura été essayé (vainement!) de proposer de nouvelles appellations, ou trop lourdes ou trop vagues ou trop ambigües elles aussi. Utiliser d'autres locutions : la « Ligue des droits humains », ou la « Ligue des droits de l'humanité » ou « la Ligue des droits des hommes et des femmes » tout comme la « Ligue des droits de l'homme et de la femme » ne passe pas. Elles n'ont ni la brièveté, ni la force de l'usage de la « Ligue des droits de l'Homme ».



En pareille occurrence, alors qu'il faudrait apporter une modification radicale à un titre trop allusif, sans qu'on en puisse actuellement rien changer, que faire ?



Ligue, dans son acception positive, signifie alliance, entente, accord. En sous titre, donc, ne pourrait-on faire apparaître le sens complet de cette entente, de cet accord de citoyennes et de citoyens, pour qui considérer les droits de tous les êtres humains, non identiques mais semblables, est un enjeu sans aucun équivalent ?



Ce serait bien le moins ! Pourquoi ne pas essayer, par exemple :



Ligue des droits de l'Homme

l'alliance des citoyennes et des citoyens

pour le respect et la promotion de tous les droits humains.





Malala Prix Nobel de la paix.


1 - Human Rights Watch a reçu en 2008, le prix des droits de l'homme des Nations unies et, en 1997, le prix Nobel de la paix en tant que membre de la Campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonneL.


2 -  La « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » est présentée à l’Assemblée nationale le 28 octobre 1791. La Convention la rejettera. Olympe de Gouge fut guillotinée en 1793.

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