dimanche 13 janvier 2008

Écologie et égologie


Le culte du moi est à peu près aussi compatible avec l'idée de la biodiversité qu'un arbre unique, fut-il géant, qui se prendrait pour la forêt. Voulons nous vivre, immobiles et protégés, sous les ombrages d'un cèdre, ou courir les bois pour y voir vivre et y vivre nous-mêmes la complexité du monde?

Comparaison n'est pas raison, mais il n'empêche que nous voyons, chaque jour davantage, s'opposer deux conceptions de la vie en société. Celle qui, au prétexte de la responsabilisation, laisse à chacun le soin de faire s'épanouir son ego, dans un triomphe, sans complexe, de l'individualisme et celle qui tient compte de la complexité des rapports humains et considère la solidarité comme seule à même d'éviter le sacrifice des malchanceux, des faibles et des opprimés dans un monde limité et fragile.

Chaque approche a sa logique. Ce sont deux philosophies incompatibles.

L'une est réaliste mais cynique : puisqu'il n'est pas possible de rendre tous les hommes heureux, qu'au moins ceux qui peuvent jouir des plaisirs de la vie ne s'en privent pas. Cette tentation, constante et dominante, au cours de l'histoire, n'a été que faiblement bousculée par les idéologies des Lumières. Elle a été confortée par les horreurs des systèmes totalitaires qui ont cru pouvoir contester la primauté de l'égo en... le supprimant (ce qui a conduit à la contradiction suprême : le culte du Chef ou de la personnalité!). Aujourd'hui, cette égolatrie, ce culte du moi, s'est étendu de l'appareil d'État à l'appareil économique : la surconsommation n'en est que la manifestation occidentale, non généralisable, de ce vouloir vivre seulement pour soi, sur une planète qui ne peut plus tout fournir.

L'autre est chargée d'espérance mais bien fragile : puisque le sort de l'humanité tout entière est mis en cause par les activités humaines "égoïstes", qu'au moins nous cessions de ne penser qu'à notre réussite individuelle au risque de nous mettre tous en danger! Cette bonne intention se heurte à des siècles d'habitudes et à la surpuissance des détenteurs du droit à la décision économique. Nous vivons pourtant une période de l'histoire humaine où il y a plus de danger à ne pas changer qu'à changer, mais ce n'est pas encore admis par la majorité des citoyens.

Oui, mais que changer? Et comment passer à une vie collective qui ne soit ni centralisée ni désordonnée? L'écologie nous apprend, certes, que la vie naturelle n'est ni l'une ni l'autre : elle est tout à la fois complexe, multiple et, le plus souvent, harmonieuse. Non sans douleurs et cruautés, mais pas davantage que dans les cultures et pseudos civilisations où les sociétés ne se construisent principalement sur l'écrasement d'une partie des vivants. Dans nos cités sans projet principal autre que celui de perdurer, ce n'est plus le gendarme qui constitue le commencement de la sagesse, mais c'est la peur, la peur que... le ciel ne nous tombe sur la tête. L'angoisse, due aux évolutions climatiques de plus en plus spectaculaires, peut nous mener à réévaluer ce que notre seule raison n'a pas suffi à nous faire admettre.

Deux grandes hérésies, en tout cas, triomphent encore : le culte du moi (ou l'égolatrie du chef) et le culte de la marchandise (ou l'égocentrisme du client). Elles sont liées. La première, l'égolatrie, (une néomonarchie) a pour caricature et symbole l'actuel et mêmes les anciens présidents de la République française. Partout, les autres chefs, petits et grands, s'inspirent de ce modèle : dans les mairies et autres collectivités locales, administrations, associations, entreprises, etc... L'autre, l'égocentrisme (qui est beaucoup plus périlleux encore qu'immoral), prend le nom de croissance quand il s'agit de parler non du développement des humains mais de celui des marchandises, quelles qu'elles soient, dès lors qu'elles fournissent des profits. Telles sont les deux faces de l'égologie.

L'écologie n'est pas la réponse à l'égologie. C'est une pensée autre, qui ne se constitue pas par rapport à l'idéologie individualiste et capitaliste. C'est la pensée d'une autre planète qui n'est plus ailleurs (sur Utopia) mais bel et bien là où nous vivons. L'égologie organise la vie sur une planète qui n'existe déjà plus : celle où l'humanité, fractionnée, pouvait avoir de sorts dissociés. C'est fini. La Terre est définitivement ronde et ceux qui pensent à l'exploiter pour eux-mêmes devront déchanter tot ou tard. À moins qu'ils ne nous emmènent vers la fin de ce monde, notre monde! L'égologie pourrait aller jusque là : "Après moi le déluge" ou, plus exactement : "Tout cela durera bien autant que moi! " ne fut-il pas le propos d'un monarque : Louis XV?

Selon le Petit Robert, "après moi le déluge" est devenu l'expression définissant "la catastrophe postérieure à sa propre mort et dont on se moque". Là se situe, désormais, le principal danger de l'égologie. L'instinct de survie écologique s'opposera-t-il au fatalisme égologique de ceux qui jouissent, seuls, de leur pouvoir, de leur savoir et de leur avoir?

Écologie contre égologie : nous y voici.


Du socialisme imblairable

Tony Blair que ses revenus familiaux (8 millions d'euros par an) mettent à l'abri du besoin a été accueilli avec satisfaction par le Conseil national de l'UMP.

Tony Blair qui, dit-il, "serait démocrate aux USA, est travailliste en Grande Bretagne et, en France, serait probablement ... au gouvernement". Il est présenté comme le futur premier président du Conseil européen! Avec un tel leader, l'amour des Français pour l'Europe ne saurait que croître...

Jean-Pierre Raffarin n'hésite pas à titrer le papier qu'il a donné au journal Le Monde : "Tony Blair - UMP, même combat". " L'ennui est qu'il n'a pas tort! L'opposition des faux socialistes à l'UMP n'est qu'un leurre et ne peut conduire qu'à l'échec répété de la gauche.

De Lang à Valls, d'Attali à Huchon, tous socialistes "raisonnables et décomplexés" qui font partie des admirateurs politiques de Blair, la tentation du retour dans les allées du pouvoir est évidente. Ils n'ont plus d'autre souci que d'attendre le moment, bien venu, où Nicolas Sarkozy lancerait sa nouvelle campagne d'ouvertures. "Des socialistes comme ça, (comme Tony Blair), auraient toute leur place au sein du Gouvernement" confirme Nicolas Sarkozy.

"Un-socialiste-comme-ça" a été défini par Blair lui-même. C'est celui "qui préfère le changement à la résistance" et qui souhaite "un marché de l'emploi plus flexible". Bref, c'est un non empêcheur de gérer en rond les intérêts des puissants. Une petite dose de chrétienté en sus n'est pas inutile, tant il est vrai que le catholicisme auquel Blair vient de se rallier est plutôt du côté de l'Europe papiste -ça aide pour en devenir président-.

Au moment où s'avance le modèle de "flexisécurité" proposé par le MEDEF au cours des négociations sur le marché de l'emploi (c'est-à-dire l'achat-vente du travail, la gestion de l'offre ou de la demande de la chose humaine, ne l'oublions pas!), que Blair, après son erreur mortelle de soutien à Bush, soit un modèle sarkoziste, passe, mais qu'il demeure un personnage politique d'avenir se comprend moins bien. Il est vrai que nous disposons, en France, d'un Blair en jupons, prêt à brader le cœur du passé socialiste, et que n'oppose à Sarkozy que sa volonté de domination.

Blair est l'archétype de ce que le socialisme n'est pas. Un socialiste blairiste est aussi évident qu'une nuit ensoleillée ou un froid brûlant : laissons ces étrangetés se produire aux deux pôles de la planète, là où ne peuvent vivre les hommes.

vendredi 11 janvier 2008

OGM : des scientifiques qui "contestent les doutes"!

Quatorze protestataires, scientifiques membres de la Haute autorité, contestent les «doutes sérieux» sur le maïs MON 810 émis par cette instance.

Quatorze scientifiques membres de la Haute autorité provisoire sur les OGM ont contesté hier les «doutes sérieux» que le président de cette instance, le sénateur de la Manche Jean-François Le Grand, avait évoqués pour résumer l'avis sur le maïs MON 810 de Monsanto. La Haute Autorité a estimé qu'il y a des éléments scientifiques nouveaux montrant que la culture de cette plante OGM présente des risques, ce qui pourrait amener la France à invoquer la clause de sauvegarde et à interdire sa culture.

Dans un communiqué, les quatorze protestataires estiment que « le projet d'avis qu'ils ont rédigé le 9 janvier 2008 sur la dissémination du MON 810 sur le territoire français ne comporte pas les termes de “doutes sérieux”, pas plus qu'il ne qualifie les faits scientifiques nouveaux de “négatifs”», comme l'a déclaré Jean-François Le Grand. Ils se disent «gênés par le décalage entre l'avis tel qu'ils l'ont rédigé et sa transcription». Le communiqué est signé par 12 des 15 membres du comité scientifique et deux membres de la section économique, éthique et sociale.

«Il s'agit d'un procès d'intention à la limite de la malhonnêteté intellectuelle, proteste Jean-François Le Grand. Le document a été lu mot à mot et a été validé. Le plus grand nombre pensait qu'il y a des interrogations sur les risques du MON 810 de Monsanto. Si on a des interrogations, c'est qu'on doute. Pour moi, c'est la même chose», se défend l'élu qui estime avoir parlé en tant que gestionnaire du risque. «Ce sont des gens qui ne supportent pas d'avoir face à eux des représentants de la société», dénonce-t-il.

Source : Yves Miserey, Le Figaro - 11/01/2008

http://www.lefigaro.fr/sciences/2008/01/11/01008-20080111ARTFIG00290-la-haute-autorite-divisee-apres-l-avis-sur-le-mon-.ph

Politique de civilisation : le mauvais plagiat

C'est devenu une manie politique : voler, telle une pie, ce qui brille dans le nid des autres! Provoquer la gauche en captant les idées qui sont nées dans ses rangs (il arrive qu'il y en ait encore) et, de préférence, en leur faisant dire autre chose que ce qu'elles annoncent. Ainsi en est-il de "la politique de civilisation". Il fallait bien aller voir à la source ce qu'il en était vraiment. Deux infos recueillies sur internet y ont suffi. J-P D.

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La gauche n'a pas hésité à dénoncer un "concept nouveau" qui "ne veut absolument rien dire". Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas inventé l'expression "politique de civilisation". Il n'a fait que l'emprunter à Edgar Morin.

En 1997, Edgar Morin publiait ainsi un livre avec le politologue chevènementiste Sami Naïr, justement titré "une politique de civilisation" (Éditions Arléa). "Ce qu'il nous faut, c'est une politique de civilisation et pas seulement une politique économique ou sociale", reprenait, en 2002, l'économiste Henri Guaino, interrogé par le club séguiniste Appel d'R, rallié à la candidature de Jean-Pierre Chevènement.

Durant la précampagne électorale de 2007, il n'était pas question pour Nicolas Sarkozy de maintenir la "spécificité française", mais, au contraire, de "rompre avec un modèle social français dépassé". Mais c'était avant qu'Henri Guaino ne devienne la plume du candidat puis le conseiller du nouveau président de la République...

Reste à savoir ce que pense Edgar Morin de cette appropriation par Nicolas Sarkozy du concept de "politique de civilisation". Pas sûr, pour le moins, que le président de la République soit prêt à reprendre toutes les idées développées par le sociologue, plus keynésiennes que libérales et aux relents altermondialistes.

"Cette voie nous pouvons nous y avancer en France, et par là espérer la faire adopter en Europe, et faisant de nouveau de la France un exemple, elle nous permettra d'indiquer la voie du salut planétaire", concluait Edgar Morin. Une conclusion reprise en substance et sans complexe, dans ses voeux aux Français, par Nicolas Sarkozy : "Alors, que la France montre la voie ! C'est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d'elle".

D'après la note originellement publiée par Laurent de Boissieu, journaliste politique et auteur des sites france-politique.fr et europe-politique.eu, le 1er janvier au matin. Voir la source.
http://politique.hautetfort.com/archive/2008/01/01/politique-de-civilisation.html



Edgar Morin (Sipa)
Avec cette expression, la "politique de civilisation" prônée par Nicolas Sarkozy dans ses vœux télévisés, le président de la République s'est approprié un concept développé dans un livre d'Edgar Morin, Pour une politique de civilisation (éd. Arléa, 2002). "M. Sarkozy a repris le mot, mais que connaissent-ils de mes thèses, lui ou Henri Guaino ? Est-ce une expression reprise au vol ou une référence à mes idées ? Rien dans le contexte dans lequel il l'emploie ne l'indique", commente d'Edgar Morin dans Le Monde.

"Lorsque j'ai parlé de politique de civilisation, je partais du constat que si notre civilisation occidentale avait produit des bienfaits, elle avait aussi généré des maux qui sont de plus en plus importants", poursuit le sociologue. "Je m'attachais à voir dans quelle mesure on peut remédier à ces maux sans perdre les bienfaits de notre civilisation."

"Je ne peux exclure que M. Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a pas montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe", poursuit Edgar Morin. "Si sa reprise du thème de la 'politique de civilisation' pouvait éveiller l'intérêt, notamment de la gauche, non pour l'expression mais pour le fond, ce ne serait que souhaitable,"poursuit Edgar Morin.

Source : NOUVELOBS.COM | 03.01.2008

Des vœux miteux

Au cours d'une soirée sans humour, sans contenu et sans espoirs, la cérémonie des vœux, à Éragny sur Oise, s'est trouvée engluée dans un juridisme sot, servant à justifier qu'on ne dise rien, pour ne pas contrevenir à la réglementation des campagnes électorales...
J'étais à ma place, au milieu des invités et, fort heureusement, pas sur l'estrade, parmi les élus, entourant la maire, à l'écoute de sa maigre prestation.
Enfermés dans la logique courte de ceux qui n'aspirent qu'à durer et ne savent comment innover, les soi-disant socialistes et leurs alliés regardent passer les trains : le monde change; eux perdurent. C'est le meilleur moyen d'échouer.
Car les adversaires, nullissimes (!), de la municipalité sortante n'ont qu'à surfer sur la vague du rejet. Si vous ne voulez pas d'elle (sous entendu la maire sortante) votez pour moi (sous entendu l'ex maire sortie en 2001!). Quel choix! Si vous ne voulez pas de l'une, votez pour l'autre... Et tous ceux qui ont des idées à faire valoir, qui ont travaillé de leur mieux, que deviennent-ils? Pourquoi faut-il sombrer dans ce mauvais jeu du tout ou rien? Pourquoi s'en tenir à cette ultra personnalisation qui ne reflète pas la conjoncture locale réelle?
Je crains que ces vœux n'aient correspondu à cette phase de paralysie politique au cours de laquelle rien n'est possible parce qu'on ne demande aux électeurs rien d'autre que d'approuver ou condamner, jamais de proposer.
C'est, au moment même où se rouvrent des temps de création, qu'on enferme la démocratie dans une compétition où tout devient prétexte à exhiber la vedette et à fournir le spectacle : exactement le contraire de ce dont le pays a besoin. La cérémonie des vœux, alors, ne pouvait être autre chose que le théâtre d'un soir, avec un grand risque de rater la générale. Ce fut le cas.

Une ontologie qui épouvante

Le crime législatif a été commis cette nuit. La LDH en souligne la nocivité. J'y vois l'amorce d'un régime d'exception qui peut mener là où nous ne voulions pas que Jean-Marie Le Pen nous emmène.

Communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme :


«Rétention de sûreté» : prison à vie sans jugement ?
Le projet de loi « relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental », adopté cette nuit en première lecture par l’Assemblée nationale, constitue une rupture d’une extrême gravité avec les principes fondamentaux de la justice républicaine.
Comme le relève la CNCDH dont la consultation a été une fois encore ignorée, la référence au concept flou de « dangerosité », appréciée par une commission administrative et non pas par une juridiction indépendante au sens de la Cour européenne des droits l’Homme, rompt le lien de causalité entre infraction et privation de liberté.
Si le parlement devait confirmer ce vote initial des députés, la loi française prétendrait désormais punir des personnes, réputées « criminels-nés » irrécupérables, non pour ce qu’elles ont fait mais pour ce qu’elles seraient, à un enfermement indéfini.
La LDH voit dans cette confusion entre maladie mentale et délinquance, entre « dangerosité » et culpabilité, un signe de plus de la dérive qui, loi après loi, s’attaque aux principes et aux valeurs protégés tant par les normes internationales des droits de l’Homme que par la tradition constitutionnelle française.
Paris, le 10 janvier 2008.

Qu'un homme pense que, parmi les autres hommes, il en est qui sont, dans leurs gênes, depuis leur origine, à tout jamais, des criminels : ce n'est qu'une erreur que la science comme la philosophie ne peuvent que récuser définitivement. Qu'un Parlement, dans sa grande majorité, suive cet avis, parce qu'il est celui du Président de la République, au point de mettre dans la loi que ce sont non plus des actes mais des personnes en leur être que les tribunaux doivent juger, c'est insensé et criminel. L'ontologie est la partie de la métaphysique qui s'applique à l'être en tant qu'être, indépendamment de ses déterminations particulières. Ce vote politique et philosophique en dit long sur la perversion extrêmement dangereuse dans laquelle on fait entrer le peuple français!

mardi 8 janvier 2008

J'ai eu politiquement tort

En écrivant, fin décembre :... "Et n'en parlons plus!", j'ai eu politiquement tort. Dans ce bref message que m'avaient inspiré les textes de Brossat et Badiou, j'ai commis l'erreur de lancer : "Tout est dit. Résister, c'est ne pas parler, désormais, en bien ou en mal, de ce personnage qui ridiculise la France". J'étais mieux inspiré en écrivant : "Il faut traiter les questions qui s'imposent à nous et pas celles que Sarkozy nous impose. Oui, il faut tourner la page avant qu'elle ne se tourne d'elle-même ou que les Français ne ferment, brutalement, ce livre et, en même temps, ce chapitre pitoyable de notre histoire".

La conférence de presse de Nicolas Sarkozy, aujourd'hui, me rappelle brutalement qu'on peut bien vouloir cesser de parler de l'homme; on ne pourra éviter de parler de la politique qu'il développe. Et puisque l'arrogance et le sans gêne en font partie, il faudra aussi, hélas, continuer à parler de l'homme qui affiche avec impudence sa solitude superbe, assumée dans l'exercice des pouvoirs qu'il exerce, de droit, ou qu'il s'arroge, de fait.

Comment sortir de la contradiction : "en" parler sans "en" parler? D'abord, en ne réagissant pas, sur le champ, à chaque manifestation du spectacle politique où la vedette continue son one man-show. En ne se laissant pas éblouir par l'éclat de chaque provocation. Les citoyens sont bousculés, mis devants des faits accomplis, matés comme des animaux domestiques ou hypnotisés comme l'oiseau devant le serpent. Il faut que ceux qui ne disposent ni du pouvoir des services de l'État, ni du pouvoirs des mots et des images, échappent à cette fascination. Ensuite, en analysant ce qu'il y a sous l'écaille des mots. L'abandon des 35 heures suffirait à élever le plus haut possible le niveau de l'opposition; il va falloir en convaincre une majorité de français.

Pour qu'un jour, bientôt ou plus tard, en tout cas dès que ce sera possible, on cesse de parler de ce prestidigitateur qui escamote les vraies questions, de cet illusionniste qui trompe les citoyens, il faut s'imposer le travail de démystification devant lequel les politiciens traditionnels ne peuvent que renâcler car Sarkozy fait ce qu'ils aimeraient savoir faire : jeter de la poudre aux yeux...

Résistance et non-violence. (1)

La faiblesse de la violence tient à ce qu’elle n’est pas efficace.
L’État dispose presque toujours de pouvoirs (ceux de la police et de l’armée) supérieurs à ceux des résistants.
Il convient donc de ne pas croire à la possibilité de prendre position dans le court créneau de ce « presque ».
La lutte idéologique doit être totale et c’est une lutte à mort.
La résistance à la doctrine libéralo-étatiste qui l'emporte, actuellement, en France, ne peut se développer que par la multiplication des combats non-violents.
Car il s’agit de combats : il restera une idéologie sur le carreau de l’histoire.
Mais il s’agit de non-violence : les armes à choisir ne sont ni des fusils, ni des gourdins, ni des bombes.
La difficulté du combat non-violent, c’est qu’il est mené par des hommes dont la culture n’est pas comprise. On admire Gandhi ou Martin Luther King. On ne croit pas vraiment que leur action a été décisive.
La résistance à l’idéologie néoconservatrice que Nicolas Sarkozi impulse avec autorité et efficacité oblige à faire un lourd travail qui ne dissocie plus la fin et les moyens. Il ne suffit plus d’avoir raison. Il faut le démontrer par l’action, mais pas en confondant la révolte et la révolution.
La non-violence retourne les perspectives traditionnelles des pouvoirs. Elle engendre donc la révolution sociale et politique. La révolte est, elle, une réaction contre la réaction ; elle est compréhensible (ô combien !) mais elle ne débouche que sur des changements fragiles et temporaires.
Le temps de l’action non-violente est revenu. Il ne consiste plus à mener des actions du type de celles que menèrent le Mahatma (pour l’indépendance contre l’Empire britannique, aux Indes) ou le pasteur noir américain (pour les droits civiques contre le racisme et la ségrégation, aux USA).
Il s’agit d’attaquer, je dis bien d’attaquer, les croyances faussement démocratiques à leur racine : celle, d’une part, de la délégation totale des décisions aux élus, en matière d’organisation des pouvoirs publics, celle, d’autre part, de la religion de la croissance et du progrès en matière de répartition de la richesse économique.
Ces deux mises en questions de croyances destructrices pour l’humanité portent des noms. Il s’agit de la fin des partis (à remplacer par la politisation citoyenne permanente appuyée sur l’informatisation) et de l'essor de la décroissance (à promouvoir comme choix de la sobriété et du partage face à une surproduction indépendante des besoins).
On peut encore définir le contenu de ces actions non-violentes comme une lutte écologique au quotidien, indissociable des luttes sociales visant à établir une justice durable. Les minorités aux pouvoirs, États, entreprises, associations ne peuvent agir pour toutes les populations humaines concernées ; il devient impératif que ces populations elles-mêmes interviennent et se prennent en charge y compris dans le détail de l’organisation économique.

Les philosophes peuvent-ils être croyants ?

Un ami me pose la question suivante qu'il juge néanmoins, et bien à tort, idiote :
"les philosophes, les vrais, pas ceux de salons, peuvent-ils être croyants ?"
Telle est ma réponse.


Non seulement la question n'est pas idiote, mais elle est fondamentale.
Le philosophe ne s'interdit aucune question.
Il ne s'en tiendra donc pas à des vérités qu'on lui demanderait de croire.
Mais qu'est-ce que croire?
Croire est polysémique : admettre? Accepter? Adhérer?
Le croyant est celui qui ne discute plus ce qu'il croit.
Il met ainsi sa foi en danger!
Dire d'une parole qu'elle est sacrée serait la banaliser.
Généraliser un propos en le marquant du sceau de l'indiscutable est faux.
Croire peut aussi avoir un autre sens : faire fond, avoir confiance.
Je crois que tu m'aimes..., alors je te donne ma foi.
Je me fie à toi. Je peux me fiancer. M'unir à toi.
Croire devient alors une question d'amour.
Mais croire quelqu'un et croire en quelqu'un sont deux.
Tenir pour vrai et tenir pour honnête, également.
Tenir pour sûr et tenir pour probable, tout autant!
Pour ma part, je ne crois pas
en Jésus Christ.
Souvent, je crois Jésus Christ.
J'attache valeur à sa parole.
Si une autorité à la quelle le croyant se réfère profère une erreur
alors doit-il la croire?
L'Église a condamné Galilée
et pourtant... la Terre tournait.
Il a fallu Jean-Paul II pour que le Vatican confesse cette faute!
Et le même pape encore, pour qu'on cesse de juger le peuple juif déicide!
La foi est tout autre : c'est le pari fait quand la raison rend les armes,
le choix de vie qu'on décide avant d'avoir pu tout comprendre.
On peut, certes, s'abstenir de faire ce saut dans l'inconnu,
mais en sachant que ce n'est pas plus sûr que demeurer dans le doute.
Le croyant ne croit pas; il sait. Ou croit savoir!
Et se trompe plus que quiconque.
L'homme de foi, au contraire, s'engage en bousculant ses doutes.
Croyants et croyances sont fragiles
et parfois insupportables ou dangereux.
La foi est le propre de l'homme.
Le philosophe n'a donc pas de croyances.
mais il sait la possibilité, la difficulté et les fondements de toute foi.
Il vit alors avec, ou sans, librement.

lundi 7 janvier 2008

Polluer, c'est s'approprier.

Michel Serres l'affirme et le répète plusieurs fois au cours de sa chronique du dimanche soir, sur France-Info :"Polluer, c'est s'approprier". S'approprier l'espace public. S'approprier l'espace public, indûment. Celui qui fume, pue, élève la voix ou même crie, sans tenir compte d'autrui, transforme en espace privé tout l'espace qu'il occupe. Il s'approprie ce qu'il pollue; il rend sale ce qui lui devient propre! Propreté et propriété sont deux.

Chacun est, dès lors, renvoyé à une question simple mais une question de fond : quel espace occupez-vous? Quel espace faites-vous occuper par votre corps? Le tabagisme passif nous aura fourni la triste occasion de vérifier que fumer tue et que fumer en public non seulement pollue mais confisque l'espace à son seul et illusoire profit.

Michel Serres nous conduit plus loin : à Bruxelles, dans le métro, des messages avertissent les porteurs de sac à dos qu'ils doivent porter leur sac à la main pour ne pas risquer de bousculer involontairement, de gifler les autres voyageurs. L'espace qu'on occupe a ses limites dans un cadre de civilisation. Interdire prend alors un sens nouveau : il est bon d'interdire à quelqu'un de prendre la liberté d'interdire aux autres de vivre! Rien à voir avec le "interdit d'interdire" de 1968! Il s'agissait alors d'interdire les interdictions de jouir de son corps, par exemple la culpabilisation de la masturbation. Il ne s'agissait pas d'imposer à autrui son corps et l'espace occupé par son corps!

Un autre exemple,
trivial mais révélateur, est fourni par le chroniqueur : il en est qui pissent dans les piscines, persuadés qu'ils sont de rester impunis! Ils s'approprient un espace en eau et le polluent sans vergogne. Ils n'ont même pas l'excuse de l'animal qui marque son territoire par son urine et ses déjections. Ils se croient seuls au monde et ce monde, donc, peut leur appartenir; ils le possèdent; ils en sont propriétaires. Polluer, c'est s'approprier.

Le tabac aura aussi pollué gravement les relations humaines. En plus de l'agression des corps, il a banalisé le mépris d'autrui, justifié l'égocentrisme, affaibli le sentiment citoyen et donné l'habitude de se comporter en propriétaire d'un domaine, élargi à l'environnement qu'on modifie en l'enfumant sans se poser de questions. L'interdiction de polluer par le tabac, c'est le refus de laisser
impunément "voler l'air", qui est vital! L'argument resservira.

Si la pollution est une appropriation indue -et je le crois-, il faudra bien, en effet, s'interroger sur une nouvelle approche du droit de propriété. L'écologie comprise comme une prise de conscience de nos limites planétaires nous l'impose.
Face à une société devenue individualiste, financiarisée et cynique, actuellement triomphante, et dont surgit le caractère obsolète, le choc avec un monde libertaire et antilibéral mais où la liberté d'être soi-même ne subirait pas les effets des libertés que s'accordent les propriétaires, s'annonce explosive.



http://www.france-info.com/spip.php?article59586&theme=81&sous_theme=173

dimanche 6 janvier 2008

De l'écologie du comportement politique local

• Les "militants" se noient dans le temps.
• L'action citoyenne est confondue avec le culte du chef.
• Le conseiller municipal approuve et n'agit pas.
• L'élu se montre et démontre mais n'anime pas la vie publique.

Derrière ces quatre affirmations se cache une critique politique résumée, - c'était hier...-, par la formule qui a fait fiasco : "faisons de la politique autrement". Oui, car : autrement-que-quoi?

Autrement qu'en se laissant dévorer par la "réunionnite", cette passion, cette exigence qui ne laissent plus le temps de lire, d'écrire, donc de penser. Qui ne vit pas une écologie du temps, qui ne gère pas ses rythmes de vie, cesse d'être efficace.

Autrement qu'en se laissant dévorer par les culte et service du leader en capacité de briguer un pouvoir et qui invite constamment à "penser comme", comme lui, ou elle... Qui ne vit pas une écologie de l'autonomie est nécessairement dominé et cesse d'être libre dans son action.

Autrement qu'en se laissant dévorer par la discipline de vote et de parti qui transforme un honnête homme en machine à voter, fonctionne sur la confiance et multiplie les votes d'acceptation de dossiers qu'on connaît à peine. Qui ne vit pas une écologie de la rigueur intellectuelle cesse d'être lucide dans ses analyses.

Autrement qu'en se laissant dévorer par ses dossiers, absorbé qu'on est dans les lieux de pouvoir, au contact des mêmes connaissances (collègues, personnel administratif, relations partisanes). Qui ne vit pas une écologie de la relation humaine, au contact des citoyens, cesse de les représenter véritablement.

Écologie, dans ces quatre domaines, garde le même sens : trier l'essentiel de l'accessoire, se limiter en s'acceptant dominé par le temps, observer et écouter la vie de tout habitant de sa cité, penser le local avec le global en se sachant membre d'un tout et non l'expression de ce tout. L'écologie, en politique, est une humilité en actes, une révolution efficace, modeste, non-violente et permanente face à la conception centralisée, militante-militaire, violente et autoritaire de la conquête du pouvoir telle que nous la voyons partout mise en œuvre.

samedi 5 janvier 2008

La transparence opaque

La transparence, souligne, aujourd'hui, 5 janvier, le journaliste Ivan Levaï, dans sa chronique hebdomadaire de France-Inter est une belle justification de la "people-isation" de la politique. Puisqu'il faut se montrer pour avoir un destin public, eh bien : montrons-nous, exposons-nous, exhibons-nous, déshabillons-nous... À chacun la possibilité de montrer ce qu'il veut de son intimité; ce choix devient une nouvelle forme de la politique. Pourtant, la pudeur ne consiste pas à masquer son corps mais à préserver son quant à soi, ce qui nous est propre et doit le rester. Qui est transparent risque de ne pas exister : on voit à travers lui, son vide.

Je me suis toujours défié du mot transparence. Curieux mot qui sert à cacher ce que l'on prétend vouloir montrer à tout le monde. On prend à témoin l'opinion qu'on ne lui dissimule rien alors que c'est faux ou pire : impossible. Ainsi en est-il de "la transparence de gestion" dans les finances communales. Il ne peut y avoir transparence pour au moins trois raisons : la complexité qu'aucune pédagogie du verbe ne peut surmonter, la rivalité politique qui interdit d'ouvrir à l'opposition la compréhension totale de ses intentions, et enfin l'opacité qui accompagne toute activité de construction publique d'un projet qu'on ne veut pas voir sabordé avant même qu'il soit achevé.

On confond transparence et honnêteté, loyauté, effort de vérité. Ce n'est pas la transparence du contenant qui compte, c'est la substance du contenu. Et accèder à ce contenu ne va pas de soi! De l'extérieur, au travers de la vitre, quand on a tiré les rideaux, on peut voir ce qui meuble l'espace privé et quels sont ceux qui y circulent. Aux Pays-Bas, cette large ouverture des fenêtres sur la rue fait partie de la civilisation locale. Ce n'est pas une transparence. On n'entre pas chez autrui comme dans un moulin et la "vie intérieure" n'est pas révélée ou dévoilée...

La transparence n'est pas en soi une valeur. C'est, au mieux, un avertissement lancé aux citoyens : on cherche à ne rien cacher de qui ne doit pas l'être mais cela n'empêche pas de cacher ce qui doit l'être. Prétendre à une transparence totale serait un mensonge. La transparence, invoquée, a tout propos comme une qualité politique, est un concept opaque.

Et puis, se vouloir transparent, n'est-ce pas s'afficher comme transpercé par la lumière, incapable d'en capter les rayons et donc privé de la possibilité de réfléchir la vérité, de réfléchir tout simplement, parce qu'on interdit au public de douter de la sincérité des informations fournies?

De quelqu'un qui est vide de pensée, qu'on voit de moins en moins, et qui, comme une vitre, brille parfois mais ne retient rien, on dit qu'il est transparent. Méfions-nous de la transparence, c'est un vocable ambigu, parfois une indécence bien plus grave que la nudité que chasse la paparazzi : ce peut être une tromperie intellectuelle, une faute contre l'esprit, une inversion de la perspective qui interdit de voir loin en satisfaisant, parmi les citoyens, les innombrables benêts qui ont la vue courte.

vendredi 4 janvier 2008

Une bonne année : 2008 privée de Dakar!

Pas de Paris-Dakar en 2008. Fini les "500 connards sur la ligne de départ", comme chantait, je crois, Renaud? Pas sûr! "Le choix de la sécurité" constitue-t-il le bon argument? Al-Qaïda a bon dos. Les 4 touristes français assassinés le 24 décembre, l'ont-ils été par des islamistes ou des brigands du désert? Le Dakar a tué avant qu'on ne l'annule! Plus de 50 morts depuis le début de l'épreuve dont 8 enfants. Mais on ne peut seulement compter les morts.

"Pour une fois que la parano anti-terroriste sert à quelque chose" s'exclame un médecin belge!. Sur le fond, en effet, c'est le culte de l'automobile, de la vitesse célébrée au milieu de pays misérables traversés sans vergogne, qui faisait question. Puisse le prix du baril, en 2009, avoir atteint des sommets rendant difficile la relance de cette "épreuve" qui n'a rien de sportif et qui est dévoreuse d'hommes.

Le maire et le conseil municipal...

Le maire et le conseil municipal... (l'expression est devenue banale et sert depuis des décennies) vont nous inviter à leurs "vœux à la population". Si l'expression est effectivement banale, elle n'en est pas moins fausse et ambiguë! Le maire (ou la maire) ne feraient-ils donc pas partie du Conseil municipal?

Dans notre pays républicain où le chef est roi, chaque maire a une cour et règne. L'ultra présidentialisation du régime n'a rien arrangé. Les cérémonies annuelles et leurs petits fours fournissent l'occasion de renouer avec la liturgie : "la laudation, nous rappelle le dictionnaire, est une partie de l'office qui se chante après matines et qui est principalement composé de psaumes de louanges". L'officiant est nécessairement le maire lui-même qui fait, à de très rares exceptions près, une description élogieuse de sa propre action. Autour de lui, les servants se congratulent...

Il y a quelque chose de ridicule et d'anti-démocratique dans ce spectacle politique. Le discours n'est plus un compte-rendu; il devient un panégyrique à peine camouflé, parfois un dythyrambe. Toutes les communes, pour un soir, apparaissent comme des paradis où les compliments pleuvent et où les difficultés sont vaincues d'avance.

Les maires, en leurs fiefs, restent souvent des seigneurs, des féodaux. Les adjoints sont les vassaux, Le personnel de mairie compose l'armée qui va à pied, les piétons, la piétaille qui doit obéir et réussir, car il y va du succès du prince, du duc, du comte ou du baron, selon la taille de la cité.

N'en voulons pas trop aux maires. Ils sont ce que nous les faisons, des autocrates que la législation installe dans "l'exercice solitaire du pouvoir". Le chef de cabinet, créature du maire, dispose souvent de plus de pouvoirs que le Premier adjoint. Les collaborateurs (comprendre les élites fidèles) pèsent davantage que le Bureau municipal où s'enregistrent et s'organisent des décisions prises ailleurs.

Historiquement, la fonction de maire a précédé la création des Conseils municipaux. Il fut un temps où élire le Conseil municipal ne signifiait pas désigner le maire! Formellement, certes, le maire reste encore élu par le Conseil municipal, mais c'est sans surprise et tout s'est joué avant. Pire, une fois élu, selon la loi, le maire ne dépend plus guère du Conseil et il faut qu'il ait tué père et mère pour être menacé de destitution. Si son budget n'était pas voté, on ne changerait pas de maire en le remplaçant par un autre conseiller, on revoterait.

Voilà tout ce que contient l'expression "le maire et le conseil municipal". Le maire existe à part du Conseil. Il est et n'est pas membre du Conseil municipal. C'est un être hybride, une créature bicéphale, soudée au corps municipal mais distincte de lui! Cette monstruosité démocratique a été parfaitement admise en France, le pays aux 36000 communes, là où chaque maire est autant pater familias, qu'entrepreneur, juge de paix ou maître des cérémonies.

Un temps viendra où l'on cessera de ne regarder que la tête, où on comprendra qu'aucune tête ne vit hors du corps. La démocratie balbutiante qui est la nôtre, où le pouvoir ne se répartit pas mais se concentre, ne pouvait faire l'économie de cette contradiction : l'élu monarque. Il faut croire que nous ne savons pas encore comment diriger ensemble! Alors on délègue (en fait on abandonne) à un seul, qui est aidé d'alliés et comparses mais pas d'égaux, le soin de représenter le peuple en sa diversité! Les maires qui auront siégé trente ans ou plus à la tête de leur commune auront démontré par l'absurde l'impossibilité de la cogestion municipale en France.

Un Conseil municipal ressemble à une assemblée de grenouilles qui coassent autour du roi. Comment s'étonner, dès lors, que, comme le dit La Fontaine, après Ésope, qu'en "se lassant de l'état démocratique" toutes ces braves grenouilles se fassent souvent manger leurs velléités d'être et d'agir en acteurs politiques?

mercredi 2 janvier 2008

La machine à broyer les "céréales sur pattes".

Je ne sais si je dois dire que je hais ce monde que j'aime ou que j'aime ce monde haïssable.
Un monde à vomir de peur et de honte où l'on rencontre encore le plaisir et la beauté! Un seul exemple me suffit à comprendre que la Planète est tout entière transformée en usine à tuer, à ruiner, à dominer.

Dans quel monde vivons-nous, en effet, qui veut nous faire croire que nous devons abattre, au Brésil, onze millions de poulets par jour, pour satisfaire les besoins alimentaires d'immenses populations un peu partout sur la Terre? L'entreprise géante, française, bretonne, sise à Chateaulin (29550), portant le nom de... Doux, se charge d'incuber, nourrir, trier, abattre, conditionner, transporter, par containers entiers, ces volatiles à courte vie dont on fait commerce, à bas coût, mais aussi au prix de conditions de vie pour le personnel employé qui sont innommables. "Est-ce ainsi que les hommes vivent?" dit la chanson; mais s'il était indispensable à l'homme de vivre ainsi, cela ne vaudrait pas la peine de vivre!

Ce monde mondialisé n'est pas le mien. Je loue les concepteurs des émissions de Thalassa d'avoir su montrer, sans avoir à démontrer, que le système dans lequel sont enfermés les marins de commerce n'est rien d'autre qu'une machine déshumanisante que les intéressés ne peuvent refuser mais que nous, nous pouvons refuser.

La mondialisation capitaliste est un monstre pire que Veau d'Or de la Bible qu'on adore jusqu'à en perdre sa raison d'être. Elle banalise l'horreur. Parmi les mythes religieux, Gog et Magog annonçaient la pire violence, celle de l'Antéchrist. Dans les trois religions du Livre, on en trouve trace. S'il est un sens à donner à ce mythe, aujourd'hui, c'est qu'il y a toujours la possibilité de penser et de réaliser pire que ce qui a été connu. La domination absolue de toutes les activités humaines "rentables" par les puissances financières rend la vie invivable.

Et pourtant même sur la cendre, les fleurs finissent par repousser! Qu'il serait simple de s'en tenir à refuser l'inhumanité triomphante. Chaque enfant qui rit déchire le voile noir dont on ne cesse d'entourer la planète. C'est ainsi.

Le directeur de l'entreprise Doux parle des poussins, poules et poulets comme de "céréales sur pattes" qu'il faut semer, protéger des pollutions et moissonner finalement, sans souffrance grâce à la mécanisation rapide du couteau industriel. Car "une fois qu'on a rempli le tuyau, il faut le vider" dit encore ce beau et fringuant responsable, noir de peau, au verbe choisi et soucieux de l'emploi de milliers d'acteurs, en Bretagne comme au Brésil et sans doute ailleurs.

Le meilleur des mondes, celui d'Aldous Huxley, n'est plus à inventer. Il est là. Ce n'est pas le mien même si j'y vis. Si aucun autre monde n'était possible, mieux vaudrait en finir au plus vite. Mais il est toujours possible à l'homme de penser et donc d'agir autrement. Non seulement je veux le croire, mais je le crois.

mardi 1 janvier 2008

Historique : le début de la fin du tabagisme

Entre 3 000 et 5 000 personnes meurent chaque année du tabagisme passif.

Depuis ce matin, tous les cafés et restaurants français sont devenus des zones «non-fumeurs» à l'exception des rares établissements qui ont aménagé un fumoir clos et ventilé. Les contrôles ne débuteront que demain.

Cette bonne décision d'un mauvais gouvernement doit être saluée sans hésiter.

La ville de Berlin et le Portugal abandonnent aussi la cigarette aujourd'hui. Les Pays-Bas prendront le relais dans six mois mais la majorité des cafés-restaurants y sont déjà non-fumeurs.

Jusqu'au dernier moment, les anti-prohibition auront fait entendre leur voix, parfois au sein même du gouvernement. Hier, André Santini, secrétaire d'État chargé de la Fonction publique et grand amateur de cigares, s'est ainsi tourné vers le chef de l'État pour réclamer « d'autres solutions» que l'interdiction.

Le président de la Confédération des buralistes, René Le Pape, qui a toujours combattu le décret, a lui aussi exprimé sa « déception ». « Nicolas Sarkozy, qui fume le cigare à l'Élysée, n'a pas tenu ses promesses de campagne , a-t-il dénoncé. »

Argument fumeux...

1er janvier 2008 : fin du tabagisme?


  • Entre 3 000 et 5 000 personnes meurent chaque année du tabagisme passif.
  • Depuis ce matin, tous les cafés et restaurants français sont donc devenus des zones « non-fumeurs » à l'exception des rares établissements qui ont aménagé un fumoir clos et ventilé. En pratique, les contrôles ne débuteront que demain i.

    Jusqu'au dernier moment, les anti-prohibition auront en tout cas fait entendre leur voix, parfois au sein même du gouvernement. Hier, André Santini, secrétaire d'État chargé de la Fonction publique et grand amateur de cigares, s'est ainsi tourné vers le chef de l'État pour réclamer « d'autres solutions» que l'interdiction. «En province, les cafés fumeurs des bourgades de campagne sont les derniers lieux de convivialité», a-t-il souligné.

    Le président de la Confédération des buralistes, René Le Pape, qui a toujours combattu le décret, a lui aussi exprimé sa « déception ». « Nicolas Sarkozy, qui fume le cigare à l'Élysée, n'a pas tenu ses promesses de campagne , a-t-il dénoncé. »

    «Vous verrez, a prédit hier Xavier Bertrand, comme c'est le cas aujourd'hui pour les avions et les cinémas, on aura du mal à imaginer dans dix ans qu'on fumait en France dans les restaurants."


lundi 31 décembre 2007

Chypre grecque ou Chypre turque?

Chypre et Malte, un peu plus d'un million d'habitants à elles deux, entrent lundi à minuit dans la zone euro. Chypre, à 22h00 GMT, et Malte, une heure plus tard, deviennent les 14e et 15e pays de la zone euro, un bloc qui passera à 318.000 millions d'habitants, dans l'attente d'une éventuelle intégration de la Slovaquie en janvier 2009. L'Euro et l'Europe se structurent. Et que vont devenir les Chypriotes turcs? Que pèsera leur livre?

Avec 800.000 habitants pour Chypre et 400.000 pour Malte, les deux îles de Méditerranée, anciennes possessions britanniques, indépendantes depuis les années 1960, font figure de petits poucets. A Chypre, où mêmes les deux bases britanniques de Dhekelia et Episkopi-Akrotiri (255 km2) passent à l'euro, la dernière semaine a en outre été marquée par une ruée sur la nouvelle monnaie, entraînant d'importantes queues dans les banques de la capitale Nicosie. L'événement est hautement politique: c'est la véritable indépendance par rapport à la Grande Bretagne qui commence.

Le tourisme, secteur clé de l'économie de l'île -la troisième de Méditerranée par la taille-, attire de nombreux Européens qui n'auront plus à payer des frais de change. L'arrivée de l'euro est toutefois perçue avec inquiétude par les populations, qui craignent une hausse des prix, comme dans d'autres pays. Selon des sondages récents effectués pour l'UE, près de 70% des Chypriotes estiment que l'euro engendrera une hausse de l'inflation (actuellement de 3%).
Dans les deux cas, la monnaie "sortante" est plus "forte": un euro équivaut à 0,429300 lire, la monnaie de Malte depuis 1986, et 0,585274 livre chypriote. D'un point de vue pratique, à Chypre, les livres pourront être utilisées jusqu'à fin janvier. Mais, selon des analystes, elles auront majoritairement disparu de la circulation sous 15 jours. Lors de mon voyage à Nicosie, j'avais découvert un pays riche. Ces îles en Europe font désormais partie de notre ère de vie mais qu'en sera-t-il quand l'avion sera moins utilisé?

31 décembre 2007

dimanche 30 décembre 2007

2008 : vers le quarantième anniversaire de la rupture politique

Guy Philippon est un Vert encore vert. Il est passé du PSU aux écologistes sans jamais trahir ni se trahir. Que ces quelques phrases de son blog accompagnent l'une de mes entrées dans l'année 2008. Il a écrit le jeudi 22 novembre 2007 :

" 1968 : des feux de rupture sur la planète entière

Incendies de 1968 sur tous les continents dans la même année ! Pourquoi cette concentration étonnante sur une année qui ne peut pas être due au hasard?

En France, on a traité les premiers révoltés « d’enragés » ! La rage est la plus contagieuse des maladies. Les idées circulent, les informations circulent. C’est le début de la « mondialisation ». Mais cette mondialisation de la contestation des modèles dominants, c’est l’horreur pour Sarkozy et ses amis ; d’où sa haine pour Mai 68. Ces ruptures de 68 ne sont pas ses ruptures à lui ! Elles ont eu des conséquences fondamentales sur les décennies suivantes, depuis le domaine des mœurs jusqu’à celui de la politique mondiale avec la dislocation du bloc soviétique, les forums sociaux mondiaux en lutte contre le libéralisme dominant, etc. Incendies de 1968 : causes diverses, mais partout rôle important des étudiants et des luttes contre l’autoritarisme dominant dans la société comme dans la vie politique. C’est valable aussi bien dans le monde communiste que dans le monde capitaliste. En France se rajoute le ras-le-bol de l’étouffoir gaulliste. Ne serait-ce pas, au moins en partie, ce rejet des « autorités politiques, économiques, religieuses » qui explique la haine des Sarkozys?"

jeudi 27 décembre 2007

L’humanitaire doit-il se taire ?

Huit ans de travaux forcés pour les six Français de L’Arche de Zoé. « Ce stupide amour collectif qu’il faut nommer l’humanitarisme » (Balzac) est-il responsable de l’action désastreuse sanctionnée par cette parodie de justice tchadienne ? La confusion dans les mots entraîne toujours vers l’erreur. Humanisme, humanitarisme, Droits de l’Homme, droits humains, «droit de l’hommisme», humanité, tout est mêlé… !

L’humanisme est une philosophie parmi d’autres. «L’existentialisme est un humanisme» disait Sartre.

L’humanitarisme est, dit le dictionnaire Robert, péjoratif. C’est un ensemble de « conceptions utopiques et dangereuses ».

Les Droits de l’Homme, depuis 1789, sont indissociables des droits du citoyen. C’est un rappel politique du caractère universel des droits de chaque homme face aux pouvoirs ? La Déclaration de 1948, écrite plus d’un siècle et demi après, sous le choc de la seconde guerre mondiale, est bien qualifiée d' «universelle».

Les droits humains sont, plus modestement, et face aux grands principes, ce que tout être humain peut revendiquer, avec ou sans l’appui des États. D’aucuns pensent que cette humilité est plus efficace que ne peut l’être une Déclaration mal respectée par les États de l’ONU.

Les « droits de l’hommisme » constituent une formule plus que péjorative ! Elle sert à ridiculiser et à fustiger les discours pompeux, sans rapport réel avec les conflits où sont mis en cause les droits humains.

Je relève, une fois encore, que chaque fois qu’apparaît le suffixe isme, l’esprit de système rend le vocable qui le porte restrictif, car la valeur magnifiée estompe toutes celles qui l’entourent et qui en sont, pourtant, indissociables. Mais l’homme est-il une valeur, la valeur ou un complexe de valeurs ? On ne peut le mettre en système ! L’homme a des droits ; ils sont communs à toute l’humanité ; ils sont universels ; c’est communément admis; mais il y a différentes conceptions de l’homme et point une seule. Dès lors il y a « des » humanismes et la totalité de l’homme planétaire ne saurait être inscrite dans ses droits !

Parler de l’homme et de l’humanité plutôt que de tous les dérivés qu’on a tirés de ces noms me semble une bonne discipline de pensée. L’homme-personne et l’humanité-espèce sont-ils au cœur de nos analyses ? Liberté, propriété, égalité, présents dans la déclaration de 1789, sont des droits qu’on a extrapolés jusqu’à les détourner de leur sens premier. La définition de l’homme reste et restera objet de débats. Dès lors, les Droits de l’homme, non seulement ne sont pas figés mais ne sauraient jamais être complets.

Humanitaire, que mot soit adjectivé ou nominalisé, est un vocable très ambigu. Pourquoi l’activité humaine serait-elle partagée entre ce qui regarde l’homme et ce qui ne le regarde pas? Qu’est-ce qu’une activité humaine non humanitaire? Pourquoi existerait-il une ère d’activités spécifique où l’on se pré-occupe des hommes en souffrance, de sorte que l’on puisse déléguer à des professionnels le soin de lutter contre le malheur ? Et puis, surtout, comment séparer l’action humaine de l’action politique ? Agir indépendamment des États, passe ! Agir sans juger des causes des tragédies qu’on rencontre. Impossible ! Alors, pour ne pas nuire, se taire ?

Les ONG ont ceci d’équivoque qu’elles refusent de se substituer aux États tout en s’y substituant. On le leur pardonne, à cause de leur utilité, mais il y a là, au cœur de leur action, un germe mortel de mensonge qui peut se révéler très pervers. La Croix Rouge est caractéristique de ce double jeu avec les pouvoirs. L’humanitaire devient alors une action diplomatique, une politique sans politique. Humanitaire et se taire riment bien ensemble… Et, quand n’a pas appris à se taire, on peut ou bien errer ou bien être contraint de se taire. S’ils rentrent en France les condamnés de l’Arche de Zoé seront invités à se taire. Sinon, on les fera taire.

mardi 25 décembre 2007

Noël 2007

Ce 25 décembre 2007, si j’avais quelque titre encore à me dire chrétien, en vérité, je devrais dire ceci…

Depuis le début de l’ère chrétienne, en tout lieu où a été prêché l’Évangile, au cœur du massage qui est parvenu jusqu’à nous, se trouvaient logées trois exigences que l’Église n’a jamais vraiment prises en compte : la non-violence, le non-avoir et le non-pouvoir.

La non-violence, selon Jésus, ne consiste pas seulement à tendre la joue gauche quand on est frappé sur la joue droite ! Elle signifie que tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Autrement dit jamais la force n’est dans le meurtre. La paix n’est pas la non guerre et l’amour auquel sont appelés les hommes ne souffre pas l’exception de la domination par les armes.

Le non-avoir, selon le Christ, ne consiste nullement à gérer son bien avec honnêteté. Il signifie : « vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ». Autrement dit, sans la sobriété, il n’est pas de partage possible entre les hommes. C’est la pauvreté qui protège de la misère. La paix est dans la justice et l’amour auquel sont appelés les hommes ne souffre pas l’exception de la domination par l’argent.

Le non-pouvoir, selon le Fils de l’Homme , ne consiste pas à refuser les honneurs et les privilèges seulement ! Il consiste à refuser de fonder la société humaine sur une quelconque hiérarchie entre frères humains. L’homme ne vit pas que de pain et satisfaire les besoins de l’humanité ne suffirait pas. La paix n’est pas dans la soumission à des chefs et l’amour auquel sont appelés les hommes ne souffre pas l’exception de la domination par des élites.

« Le royaume de Dieu est à ceux qui ressemblent aux enfants » dit Jésus. Et il insiste : « Je vous le dis, en vérité : qui ne recevra pas, comme un petit enfant, le royaume de Dieu n'y entrera point. » Ni les coups, ni l’argent, ni les titres ne feront d’un enfant un homme ou une femme. Chaque enfant joue. Un enfant qui n’a pas assez joué ne sait rien du royaume de Dieu, c’est-à-dire de l’univers où le mot bonheur garde sens. Tout enfant est dépendant. Seul l’amour de ses parents lui permet de vivre. «Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère…» disait la chanson !

Noël pouvait signifier tout cela à la fois : non à la violence, non à la misère, non au pouvoir de l’homme sur l’homme. Jésus enfant en a été le témoin. L’enfant de la crèche a échappé au massacre des Innocents ; mais il est resté à la merci des soldats qui le traquaient. Marie n’a trouvé aucune auberge où accoucher ; et dans la bergerie où elle a trouvé refuge, elle est pauvre parmi les pauvres. Le roi Hérode craint le pouvoir du futur et imaginaire «Roi des Juifs», et le fait rechercher ; de même, les Grands Prêtres et les Romains qui le tueront quelque trente ans plus tard, à Jérusalem.

Sans moyens d’agir (par les armes), sans moyens de détenir (par la propriété) et sans moyens de régir (par la loi), le Christ ne dispose que de sa parole, la seule force qui puisse et va changer le monde. « Mon royaume n’est pas de ce monde » s’exclame-t-il. Cela n’a jamais voulu dire : mon royaume est dans le ciel ! Du reste le Royaume de Dieu n’est pas un royaume. C’est la société des hommes vivants et morts, avec ou sans roi. C’est notre histoire tout entière. Une histoire qui souffre atrocement des trois dominations : par la violence, l’argent et les puissants.

Noël est devenu une utopie dévoyée. La fête de Noël est célébrée par des foules qui oublient la violence faite à ceux qui sont privés de tout, par des citoyens-clients qui dépensent leur avoir et consomment dans la frénésie pour oublier leurs angoisses, par des célébrités qui étalent leurs fastes et leurs frasques avec ostentation, en oubliant le regard de ceux qui les voient s’exhiber devant eux, superbes et méprisants.

Accueillir l’utopie évangélique, qui est négation d’un tel monde où devient rare l’amour actif, devient fort dangereux. C’est pourtant le seul choix qui reste ouvert à l’homme véridique, que rien, pas même la menace de mort, la privation d’argent et l’inaccessibilité aux plus brillantes fonctions, n’empêche de réussir sa vie. « Ne pas dominer » ne deviendrait-il pas alors le maître mot ? N’être, ne pas se sentir, ou ne pas vouloir devenir supérieur à autrui : là est, peut-être, l’ascèse joyeuse, l’ambition véritable, la seule gloire qui vaille. Avec ou sans religion.

Oui, mais Dieu justement, me diront les « fidèles »? Et l’au-delà ? Et l’âme ? Et le péché ? Dieu ? S’il est, il est amour et nous voilà revenu au problème précédent, c’est-à-dire à ce que dit l’apôtre Jacques , ou Paul de Tarse , ou même Augustin d’Hippone qui affirment, chacun à sa manière : sans amour il n’y a… rien. Rien qui vaille ! Ne pas aimer est a-thée, plus encore si l’on « croit » en Dieu. L’au-delà ? Il n’a rien avoir avec un autre monde ; le nôtre est insondable, immense et bien plus que complexe ; il est déjà au-delà de l’espace et du temps tels que nous les avions pensés. Pourquoi s’y interdire l’espoir d’une vie meilleure qui nous conduirait au-delà… de nos vies brutalisées. L’âme ? Elle est ce que chacune des personnes vivantes porte au plus profond d’elle-même, son je, et c’est autant impénétrable qu’unique. Tout autre essai de définition constitue une extrapolation imprudente, philosophiquement. Quant au péché, c’est un mot-piège qui décrit les insuffisances et les crimes des humains, et culpabilise les fautifs alors que le « ne jugez point » devrait dire notre incapacité à sonder les reins et les cœurs. Les actes qui blessent gravement l’humanité ont des ressorts qui sont impossibles à mesurer et aucune confession n’en peut mesurer la gravité, ni en effacer l’erreur.

Noël, c’est la lucidité et la sérénité de retour, au moment où rejaillit la lumière dans notre hémisphère nord. C’est, par avance, parier sur l’au-delà du froid, l’au-delà de la nuit, l’au-delà de l’impuissance, l’au-delà du désespoir. À qui serait devenue impossible cette foi en la vie, en l’amour, en la solidarité, en la réussite de tous et de chacun, il resterait bien sûr, les cadeaux et la table du réveillon, dérisoire mais touchant sursaut de qui veut, en dépit de toutes ses ignorances, croire en « quelque chose » de bon et d’heureux, fut-ce un seul soir…

Le réveillon est le moment où l’on n’accepte de ne pas dormir pour rester ensemble. Réveillons-nous donc ! Mais pour ouvrir les yeux, pas pour ignorer une réalité qui, de toute façon, nous submergera. 2008 s’avance avec son cortège d’épreuves et d’espérances. Ceux qui ont choisi de fonder leur temps de vie sur le partage vont entrer dans un combat plein de risques. Agir par la seule force de la pensée et de l’amour est une gageure. Mais la violence, la richesse et la puissance ne cessent d’échouer. L’histoire de l’humanité et les événements de ce début de siècle le démontrent abondamment. Ou bien les hommes emprunteront une autre voie, ou bien ils quitteront la scène planétaire. À qui laisse, après lui, des êtres qui constituent de nouvelles générations, il ne reste plus qu’à passer du conte de Noël à la parole de Noël, celle qui peut encore donner à croire que la paix, la fraternité et la parité sociale ont un avenir.

dimanche 23 décembre 2007

... Et n'en parlons plus!

Après avoir lu Alain Badiou et Alain Brossat, tous deux professeurs de philosophie à l'université Paris 8, qui, l'un comme l'autre, ont écrit, chez le même éditeur, Lignes, un pamphlet politique virulent et lucide (1) concernant Nicolas Sarkozy, qu'y a-t-il encore à dire, concernant ce fantoche qui encombre notre espace politique?
Rien.
Tout est dit.
Il faut s'efforcer de vivre, de penser et d'agir sans se laisser prendre aux pièges de mots et de décisions qui seront vite obsolètes. Résister, c'est ne pas parler, désormais, en bien ou en mal, de ce personnage qui ridiculise la France. Il faut traiter les questions qui s'imposent à nous et pas celles que Sarkozy nous impose.
Oui, il faut tourner la page avant qu'elle ne se tourne d'elle-même ou que les Français ne ferment, brutalement, ce livre et, en même temps,ce chapitre pitoyable de notre histoire.
(1) Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom, éditions Lignes, 2007.
Alain Brossat,
Bouffon imperator, éditions Lignes, 2008.

jeudi 20 décembre 2007

Le chanoine impudique.

"Bouffon imperator" est devenu aujourd'hui, selon le dictionnaire Le Robert : "dignitaire ecclésiastique, membre du chapitre d'une église cathédrale, collégiale, ou de certaines basiliques". Est-il "Chanoine titulaire, prébendé (oh!) ou honoraire"? La prébende, précisons-le, est un "Revenu fixe accordé à un ecclésiastique (dignitaire d'une cathédrale ou chanoine)" précise encore le dictionnaire, bref c'est un moyen de gagner plus en travaillant plus (un peu)...

Mais soyons sérieux. Par où qu'on l'aborde, Saint Nicolas, quasi évêque, est un catholique qui ne saurait pourtant être en odeur de sainteté. Qu'il puisse à la fois vivre ce qu'il vit tout en se faisant le défenseur des valeurs chrétiennes a de quoi surprendre! Un catholique intégriste, ou simplement traditionaliste, s'offusquera que ce double divorcé s'affiche à Rome, auprès du Pape, juste après s'être choisi une nouvelle et médiatique maîtresse. Un catholique pratiquant comprendra mal que ce qui est interdit aux humbles soit accordé aux grands par le Pape Benoît XVI, pourtant si attentif à la protection de la doctrine, (la politique aurait-elle ses quartiers réservés dans l'univers pontifical)? Un catholique simplement exigeant, pour qui l'accueil de l'étranger, le refus de l'argent roi, le partage et l'hospitalité font partie du message évangélique aura quelque peine à accepter la mise en scène télévisuelle de cette rencontre ambiguë.

Le citoyen français, chrétien ou pas, se trouve, une nouvelle fois enfermé dans une contradiction : le Président de la république a des droits et s'en sert, d'une part; mais il en abuse avec effronterie, d'autre part, et montre au monde entier qu'il se moque totalement des conventions ou des habitudes, les mieux fondées comme les plus infondées, qui sont celles qui accompagnaient jusqu'à présent, l'exercice du pouvoir. Nicolas Sarkozy, en quelques mois, a réussi a incarner, seul, ce pouvoir qu'il délègue, reprend ou distribue, à son gré. Il est le Maître. Il est le Chef. Il est l'Imperator, le Conducator, le Caudillo et le Leader Maximo tout à la fois. Je n'ose écrire le Führer, le Guide suprème. En tout cas, il est le Prince (attention à la visite en Andorre). Et par-dessus tout, il est le Chanoine.

Trop, c'est trop. Et le culot d'enfer de ce personnage d'opérette à spectacle atteint ses limites. Il est l'impudeur même.

À quand la photo, dans Paris-Match, de Nicolas Sarkozy, à l'Élysée, cigare à la main et Carla Bruni sur les genoux, entouré de ses ministres, une coupe de champagne à la main, fêtant l'entrée dans l'année nouvelle, en présence du cardinal de Paris ou du primat des Gaulles venus dire la gratitude des catholiques pour la réinstallation de la fille ainée de l'Église au premier rang de la cour européenne?

mardi 18 décembre 2007

La décroissance n'est pas la non croissance, mais l'anti-croissance

La décroissance n'est pas la non croissance, c'est l'anti-croissance! Décroissance est un mot provocateur qui révèle que le culte de la croissance débouche sur la mise à sac de la planète tout entière. La décroissance est un solde à établir entre le plus de croissance utile et le moins de croissance nuisible, en sachant bien que, désormais le moins l'emporte sur le plus! N'acheter que ce qui est nécessaire est insupportable en économie de marché quand le marché est nourri par les sollicitations énormes et souvent mensongères de la publicité! La décroissance, c'est la sobriété.

Si tous les hommes vivaient sobrement, il y aurait un plus de vie matérielle convenable pour la majorité des hommes et moins de déperdition d'énergie, de matières premières et d'alimentation pour les autres. S'il fallait, et ce n'est même pas indispensable, que tous les humains mangent, en moyenne, afin que personne ne meure plus de faim ou de malnutrition, un peu moins que ne le peuvent la majorité des seuls habitants des pays occidentaux, cela vaudrait grandement la peine! La décroissance n'exige même pas cela. Elle est simplement l'ardente obligation de ne plus rien gaspiller et de cesser d'augmenter, puis de réduire la production de ce qui n'a pas besoin d'être consommé. La difficulté ne serait pas de ne pas pas produire l'inutile; la difficulté est idéologique : changer de logique pour en finir avec le mythe trop bien installé de la croissance. La décroissance va devenir la condition du mieux être général mais il faudra sans doute encore bien des drames avant qu'on s'y résolve!

"Une charge démesurée"

Les Rroms roumains qui vivent en France dans la précarité (mais moins quand même que s'ils étaient restés en Roumanie...) constitueraient, quand ils sont sans emploi, "une charge démesurée" pour les services sociaux de notre pays. À présent, l'argument suffit à fonder l'obligation d'avoir à quitter le territoire français (OQTF), au bout de trois mois de
présence. En fait, la charge financière est proportionnelle au nombre de ces étrangers sans ressources qui fréquentent les hôpitaux pour se soigner, y accoucher ou se faire vacciner. Pour une population de quelques milliers de personnes, la charge n'est donc point aussi démesurée qu'il est dit. Ce qui est démesuré, c'est de recourir à des moyens de transports importants, y compris l'avion, pour reconduire chez eux, des familles qui n'effectuent de "départs volontaires" que contraints et forcés. Ce qui devient exorbitant, c'est de payer des fonctionnaires de police ou de l'ANAEM pour "accompagner" les Roumains jusqu'à l'entrée de la Roumanie. Les quelques centaines d'euros "offerts" aux familles pour qu'elles puissent rentrer dans leur ville ou village ne sont pas pris en compte dans le calcul de la charge démesurée... À vrai dire, on ne songe qu'à "faire du nombre", c'est à dire à renvoyer loin de nos frontières des indigents dont on veut se débarrasser quitte à le payer, cette fois, très cher.

lundi 17 décembre 2007

Extimité

C’est, paraît-il, Jacques Lacan qui a lancé le mot : « extimité », c'est-à-dire l’intimité extériorisée. Nicolas Sarkozy a remplacé Cécilia par Carla. On s'en foutrait s'il ne fallait pas qu'on le sache! Or, il nous impose de le savoir! Un homme public ne peut pas cacher sa vie privée, semble-t-il... Le Président de la République l'expose donc. Point d'hypocrisie, certes, mais mépris du peuple sans aucun doute. Un bras d'honneur est fait à l'ensemble des citoyens. "Je vis comme je le veux et vous emmerde!" J'ai tous les droits et c'est comme ça... Le Roi Soleil multipliait les bâtards et nul ne pouvait rien en dire. Retour au temps de la Cour de Versailles : un bon confesseur suffit à effacer les frasques. Un bon journaliste devrait pouvoir remplacer un curé! Peu après la Saint Nicolas, on nous apprend simplement que notre puissant monarque s'est choisi une nouvelle belle. Il n'y a pas six mois, les élans tendres du nouveau Président à l'égard de son ex femme, émouvait les gazetiers. Il va falloir s'habituer à une nouvelle star du showbiz politique qui sait chanter et conquérir tous les publics. Ce spectacle me lève le cœur. Il donne à penser que le pouvoir permet tout, y compris de coucher avec qui l'on veut. J'avoue que la discrétion des prédécesseurs de Sarkozy me convenait mieux. Je pouvais critiquer les cavalcades des coureurs de jupon qu'ils soient princes ou qu'ils soient roturiers. Là, je dois accepter que l'État incarné soit cynique y compris dans l'intimité. Cette philosophie des rapports humains m'est insupportable. Alain Brossat va la décrire, en son prochain livre, intitulé Bouffon impérator. J'y avais vu l'annonce d'un pamphlet politique. Je crains qu'il ne s'agisse de tout autre chose : la description d'une impudeur bien pire que celle de exhibitionnistes, l'impudeur de l'âme. Si les Français se font une raison, eh bien, eux aussi donneront d'eux-mêmes, à nouveau, l'image de ces veaux que Charles de Gaulle stigmatisait. Ils acceptent tout, supportent tout et en redemandent? Je ne crois pas. Le pays ne peut courir, à un tel rythme, vers le néant de ses espoirs en laissant un seul homme ne tenir compte que de lui-même.

vendredi 14 décembre 2007

Décolonisation sans repentance

Repentance signifie, pour Le Robert, "souvenir douloureux" et "regret de ses fautes". Décolonisation signifie, pour le même Robert, "cessation pour un pays de l'état de colonie; processus par lequel une colonie devient indépendante"; et encore : "libération de groupes humains ou de secteurs socioéconomiques tenus dans un état de dépendance, de subordination".

Décolonisation sans repentance voudrait donc dire : fin de la colonie mais sans "regret de ses fautes", sans "souvenir douloureux", sans reconnaissance de l'importance de la "libération", de la nécessité de "l'indépendance", de l'injustice de la "subordination"! Les colonisateurs passeraient aux oubliettes de l'histoire, mais sans jugement. Dans cet état d'esprit, on déplore sans accuser. On tourne la page sans avoir à assumer de responsabilité.

Un grand pays ne se déjuge pas, nous dit-on. Avouer ses crimes le déshonorerait-il? Surement pas. Ce qui prolonge la décolonisation, et continue à lui faire porter les fruits les plus amers, c'est qu'on ne la déracine pas. Refuser de la mettre au ban de l'histoire de l'humanité, c'est continuer à vouloir que la puissance des riches s'impose. Et si elle ne l'emporte plus par les armes, par l'administration, ou par la religion elle y parvient toujours par l'argent. Ainsi, les peuples, hier sous domination, souvent, le restent.

La colonisation des esprits (mais aussi celle des richesses matérielles) n'a pas cessé. Ce n'est pas seulement de repentance qu'il faudrait parler, mais de rupture, de vraie rupture, de rupture sincère avec des pratiques et des idéaux qui, loin d'être obsolètes, sont restés actifs dans la pensée de bien des dirigeants occidentaux.

Éloge de la minorité

Qui vit dans la majorité s'y avachit.
Les majorités sont structurellement conservatrices.
Les majorités sont construites pour durer.

Les minorités luttent pour exister.
Les minorités sont en perpétuelle recherche de développement.
Les minorités peuvent entrer dans des majorités changeantes.

Une majorité devrait n'être constituée que de minorités associées.
Une telle majorité n'existerait que par le débat.
Une majorité monolithe et massive devient, tôt ou tard, dictatoriale.

Un idéal démocratique voudrait que pour que s'épanouissent les sociétés, elles ne comptent que des minorités.
Car ils n'est pas bon que les minorités s'enferment dans leur statut de minorité irresponsable.
Parce qu'il n'est pas bon que des majorités soient sans contestation réelle "aux affaires".

Une opposition qui n'est que de mots est inutile.
Une opposition qui n'est jamais, et en rien, associée aux décisions se crispe et devient systématiquement négative.
Il n'y a de démocratie réelle et de majorité que grâce aux minorités actives qui s'unissent.

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