samedi 19 mai 2007

L'illusionniste

Nicolas Sarkozy sidère l'opinion publique.
Il est partout.
Il parle de tout.
Il capte tout.
Voilà un homme d'action!
Il court.
Il court, au Bois de Boulogne comme aux six coins de l'hexagone,
si ce n'est pas à Berlin...
Et ses ministres courent, derrière.
Dans l'immédiat, il leur faut gagner largement les élections législatives.
Et il faut donc rassurer.
Mais tout est illusion.

Fillon est un homme d'action (et, dès cet été, les récidivistes ou les délinquants de moins de 18 ans vont s'en apercevoir).
Juppé, ex nouveau député-maire de Bordeaux, est relooké véritable écologiste (mais toujours pro-nucléaire).
Kouchner se voit enfin, oui enfin, reconnu (ce n'est pas lui qui aurait lâché les USA en Irak!).
Une vraie "beurette", Rachida Dati, est garde des Sceaux et rejoint, dès sa nomination, la prison (mais du bon côté des barreaux!).
Le boutefeu Hortefeux, ministre de l'immigration et de l'identité nationale, va sauver la France, qu'on lui a dit noyée sous les flux migratoires.
Avec Mme Bachelot, nous aurons meilleure santé? Cela s'obtient grâce à la Jeunesse,...et au sport. Vive le footing.
Etc.
Car tout est faux symbole et illusion.

Face à cet éblouissant jeu de miroirs, que font les vaincus?
Par quel bout vont-ils prendre ce feu follet qui séduit et qui s'agite, insaisissable?
Que dire pour convaincre que tout ce clinquant n'est qu'apparence?
Que penser de neuf? Où aller à présent?
La gauche n'était-elle donc qu'un désert, traversé par des hommes égarés?
Ceux, et celle-là en particulier, qui parlaient d'autorité hier, auront vite cessé de parler haut...
Et de faire illusion.

Sachons, en effet, que ne fait pas illusion qui veut.
Il y faut des images et des mots.
Il y faut des médias complaisants ou soumis.
Il faut ne pas laisser, à son adversaire, le temps de la réflexion.
Il faut avoir longuement préparé son coup.
On peut tromper tout le peuple une partie du temps,
une partie du peuple tout le temps
mais pas tout le peuple tout le temps
disait Abraham Lincoln.
Eh oui, les illusionnistes n'ont qu'un temps...

Car chassez le naturel -disons le réel-, il revient au galop:
Le triomphe des nantis va vite se trouver mis à l'épreuve
de la situation démographique, énergétique et sociale.
Laisser croire que ceux qui ne sont pas riches ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes,
que le contrôle des médiocres et des délinquants, mal dotés par la nature, nous protégera tous,
que le pouvoir de l'État consiste à ne laisser d'autre pouvoir à l'État que celui de la force de son bras armé au service des riches,
qu'il suffit d'accepter le concept de développement durable pour rendre compatible la nature et le capital,
tout cela, et le reste, ne vont pas résister longtemps à la déferlante des problèmes de la vie pour-de-vrai.
Et donc tout n'aura été qu'illusions.

Mais que les résistants à ce matraquage politico-publicitaire
ne se fassent pas eux-mêmes d'illusion :
face à cet artiste qu'est le chef d'orchestre Sarkozy,
il va falloir changer de partition.
Ce qui a le parfum, le goût, l'apparence, de la gauche
et n'est pas la gauche,
n'est plus disponible.
Sarkozy a osé le voler,
y compris en s'emparant de la figure du jeune communiste résistant fusillé, Guy Moquet,
pour en faire un élément de son décor politique.
Du très grand art, celui du prestidigitateur, mais un art du vide.
L'art du brillant et trompeur illusionniste.

Un autre temps s'est bel et bien ouvert.
Une autre génération, plus jeune,
sans peur et totalement sans vergogne, est à l'œuvre.
Elle veut habilement, et de toute urgence, nous donner à croire que le passé c'est l'avenir.
Illusion des illusions.
Tout n'est qu'illusion, vous dis-je.

jeudi 17 mai 2007

La mort de la démocratie

C'est au moment même où l'Université me décerne le diplôme de docteur en philosophie que toutes mes certitudes vacillent.
L'affirmation de Jacques Derrida selon laquelle La démocratie est un processus inachevé me semble avoir cessé d'être pertinente.
Il y avait à cela une premier obstacle, qu'avait signalé Noam Chomsky : C'est un truisme, mais un truisme sur lequel il faut constamment insister, capitalisme et démocratie sont, en fin de compte, totalement incompatibles (1). Et pourtant, dans le monde entier, et progressivement depuis 1989, le système économique libéral est étroitement associé au système politique démocratique.
Il y aura, à présent, en France, un second obstacle : la validité indubitable d'un scrutin présidentiel qui a confié à un autocrate les destinées du pays.

C'est avec stupeur, effroi mais non sans admiration que j'ai entendu les premiers propos du nouveau Président, Nicolas Sarkozy, lors de son intronisation. En quelques phrases, l'homme s'est emparé, sous nos yeux, de la volonté populaire. Le représentant du peuple s'est, d'un coup, substitué au peuple. Il y était prêt. Il l'a fait avec une grande habileté. Qui ne se retrouverait dans la plupart des phrases prononcées? Tout ce qui va suivre, à commencer par les élections législatives, ne sera donc qu'une suite de conséquences de cette élection structurante.

Mais face à ce coup de force légal, personne ne se dresse et parle. Aucune autorité n'est capable de s'élever contre l'imposture. Nous sommes subjugués par l'audace, l'énergie, l'autorité de ce personnage sous le règne duquel nous allons devoir vivre. Qui du reste protesterait? L'opposition est en ruines pour n'avoir su se définir elle-même face à un redoutable acteur politique qui s'est avancé, sans peur, comme porte-parole d'une droite décomplexée. Les "serviteurs de l'État", tous ceux dont l'avenir et le confort dépendent de leur soumission, ont fait ce qu'il fallait pour que la passation de pouvoir s'effectue dans les meilleures formes possibles.La messe est dite.

"La démocratie, dit encore Chomsky, est dans une large mesure, une imposture lorsque le système industriel est contrôlé par une forme quelconque d'élite autocratique, qu'il s'agisse de propriétaires, de gestionnaires, de technocrates, d'un parti d'avant garde, d'une bureaucratie d'État ou de tout ce que vous voulez (2).

Toutes ces formes de dépossession des citoyens de leur pouvoir politique sont convoquées par le nouvel Élu. Cet homme se trouve au carrefour d'événements, de mouvances politiques, de lourds et lents processus médiatiques qui lui permettent de faire fructifier son savoir faire. Le voici adoubé.

Avant que le peuple ne s'éveille et découvre qu'il vit un cauchemar, il va se passer du temps. Sauf incident imprévisible ou événements internationaux graves, Nicolas Sarkozy va connaître une longue période d'affirmation de sa personnalité autoritaire. Il sera sur tous les fronts. Il va casser les repères, s'entourer de zélateurs aux ordres, d'où qu'ils viennent, se constituer une cour de personnages influents et puissants. La démocratie n'a rien à faire la-dedans.

Sauf que se trouve brutalement reposée la question de la pertinence du vote majoritaire dans les institutions de la République française. Un système politique dont on ne peut sortir, qu'on ne peut changer est un système pervers. Nous étions au bord de la VIe République. Nous revoici plongé dans une présidentialisation plus accentuée que jamais. Les modestes seront bientôt flattés pour mieux détourner leur vote; mais il n'auront jamais plus la parole.

Ce qui est grave en la circonstance, ce n'est pas qu'
un leader de la droite dure ait réussi à s'imposer, c'est que l'on doive douter de la possibilité de changer et les institutions et les relations entre citoyens au moyen du vote. Jamais, depuis 1965, une telle participation populaire n'avait été enregistrée à l'occasion d'un vote. Qui va oser, maintenant, en discuter la validité? Sauf à contester la légitimité du processus électoral lui-même, sauf à douter de la démocratie elle-même, c'est impossible.

Et voilà pourquoi la démocratie exige de s'interroger sur la démocratie en ses formes et ses principes. En ses formes, car l'absence de proportionnelle et la présidentialisation du régime interdisent la polyvalence politique et renvoient aux temps monarchiques; en ses principes parce que, si la démocratie est la loi du nombre, elle cesse d'être la quête d'une vérité commune, elle est une guerre que remporte un clan sur un ou plusieurs autres.

La démocratie est morte dès que la puissance de l'argent et des médias atteint la capacité de façonner l'opinion. La démocratie est morte dès que le choix des citoyens est détournable. La démocratie est morte quand les dés sont pipés et que, quel que soit l'élu, la politique reste, pour une large part, la même.

Ceux qui ne votent pas, soit parce qu'ils n'en ont pas le droit, soit parce qu'ils n'ont pas vu l'intérêt de s'inscrire, soit parce qu'il se sont abstenus, qui vivent dans le même pays, représentent une population qui serait susceptible de modifier le résultat d'un scrutin mais qui serait, tout autant, sensible au chant des sirènes médiatiques, s'ils votaient.

Nous vivons des temps de complexités. Découvrir que la démocratie est une compétition où seuls peuvent l'emporter, comme en sport désormais, les professionnels, les entraînés, les riches et les dopés oblige soit à se résigner et à tenter d'user des armes de l'adversaire, soit, au contraire, à changer totalement de perspective et à pratiquer une autre écosophie, comme disait Guattari, une autre philosophie politique. C'est la démocratie représentative qui est morte, comme est mort le sport qu'encourageait Coubertin. Il faut inventer une nouvelle démocratie populaire, n'ayant rien à voir avec ce que l'URSS nous a fait connaître, celle où le pouvoir loin de se concentrer, se partage et où les moins bien pourvus puissent se faire entendre.

Autant dire que cette démocratie nouveau style, s'il s'agit encore de démocratie, même si elle ne manque pas de références intellectuelles, ne saurait ressembler ni à ce que nous avons connu dans le passé, au XXe siècle, ni à ce que nous voyons s'installer sous nos yeux : une fausse République plus que jamais assise sur sur le pouvoir des marchés, des médias et de la force armée. L'État, qui a cessé d'être une providence dans une société de croissance, reste l'outil par lequel le peuple est placé sous la domination des élites et ceux qui veulent désétatiser l'économie se gardent bien de pousser à renoncer à aucune des fonctions régaliennes, celles que l'État royal a transmises à l'État républicain.

La démocratie est morte. Vive la démocratie. Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ne fut jamais qu'un slogan constitutionnel. On ne l'a jamais compris que s'inscrivant dans le cadre de la représentation. Au moment où cette représentation pourraitt considérablement s'élargir et cela jusqu'à supprimer tout cumul de mandat (en attendant mieux : les partages de responsabilités tournantes dans les institutions, les entreprises, les associations de toutes natures), ne voilà-t-il pas qu'en France, au contraire, on rechute dans l'ornière du pouvoir personnel?

Dès que la démocratie cesse d'être un partage du pouvoir dans le temps et dans l'espace, elle se contredit et meurt. Un temps viendra pour la re-suciter.

______

(1) Noam Chomsky, Quel rôle pour l'État?, éd. Écosociété, Montréal, traduit de l'américain par Louis de Bellefeuille, 2005, p.32.
(2) Noam Chomsky, p. 19.

mercredi 9 mai 2007

Qui va trop vite à la soupe ne peut que se brûler!

Quelles informations nous tombent dessus, ces dernières heures?
De deux sources au moins j'apprends, à mon tour, que toutes les exigences récentes des Verts sont, d'ores et déjà, réduites en cendres.
Aucune velléité de résistance donc? Ils plient par peur de casser?
L'effet Sarko commence à se faire sentir : ce n'est plus un karcher, c'est un lance-flammes!
On veut sauver les rares meubles du feu qui embrase toute la gauche et qui enflamme donc "La Chocolaterie", le local des Verts!
Quand le feu est à la maison, il arrive, dans la panique, qu'on oublie où se trouve le point d'eau.
Mais l'eau n'est pas chez le voisin PS; elle est dans le propre jardin des écologistes, dans la rue toute proche, dans le ciel s'il pleut...
Si le CNIR, l'organe directeur des Verts, s'aplatit, s'il repasse par la case PS pour sauver trois sièges, pour moi qui venait de réadhérer, croyant avoir l'obligation morale de rejoindre ceux qui luttent encore pour la survie de l'écologie politique, ce sera bien, cette fois, la démission pure et simple, immédiate, avant les législatives, pas la non-réadhésion. On n'abandonne pas un bateau menacé de couler, sauf pour tenter de sauver sa peau s'il est déjà envoyé par le fond. Je laisserai ma cotisation à ceux qui auront à solder le passé.
Sur ces bases, -mais je veux espérer encore, une dernière fois, que ce n'est qu'un cauchemar de plus-, je vais me retirer de ce combat impossible à mener, puisque nous sommes couchés, et donc empêchés d'agir.
Ce matin, j'ai distribué, à la gare d'Éragny-Neuville, un tract Vert invitant à une conférence sur les OGM, à Vauréal. En voyant les réactions des voyageurs, (aimables, sans hostilité mais sans intérêt), je me demandais : "est-ce bien cela qu'ils attendent de nous?"
Cet après-midi, je m'interroge encore : mais que cherche-t-on encore à sauver alors qu'il n'y a plus rien à perdre?
Le sauve qui peut de quelques uns entrainerait la perte de tous.
Ayons au moins l'orgueil d'être nous-mêmes!
S'il faut disparaitre que ce soit debout!
Sommes-nous en charge de voler, piteusement, au secours d'un vaincu qui n'a besoin que de nos maigres voix, pour sa propre survie?
Voulons-nous rebondir, reconstituer, refonder, repartir, retrouver nos fondamentaux ou continuer sur la voie qui nous a marginalisés?
J'attends des informations différentes, sinon...
... dans cette hypothèse d'une alliance sans âme et sans projet, "les Verts" sont morts en tant que force politique.
Je m'écarterai, alors, définitivement, de leur cadavre.
Non sans pouvoir éviter la douleur d'un deuil qui s'annonce plus que pénible.

mardi 8 mai 2007

La fin de mai 1968?

À la veille du 1er mai, Nicolas Sarkozy annonçait son intention d’en finir avec mai 1968. Retour donc à l’ordre, la discipline, l’obéissance, le mérite, le travail, le respect de l’autorité...

Dans le mouvement qui, en 1968, a entrainé, pendant des semaines, la France tout entière vers de nouveaux temps, il y a eu sans doute, mélangés, du neuf et des scories. Le tri entre les apports réels et les emballements passagers s’est fait au fil des ans. On ne reviendra pas sur les transformations sociales qui ont abouti à un bouleversement des mœurs. De Gaulle lui-même, dont l’autorité avait, en juin 1968, permis de balayer “la chienlit”, n’avait pu résister longtemps à cette modification des mentalités.

La restauration annoncée du pouvoir des forts ne va pas se faire sans résistances. Le petit Bush à la française ne conquerra pas l’opinion longtemps en usant des thèmes faussement rassurants du retour à un âge d’or (comprendre l’époque sans alternance, quand la contestation était bien délimitée, confiée à un autre parti de l’ordre, le PCF, servant d’exutoire à la colère populaire, mais en aucun cas capable d’accéder aux responsabilités gouvernementales).

Nicolas Sarkozy est le dernier et fort rempart des tenants d’une société dont ne subsiste que le squelette. Les Français tiennent à leurs repères, aux formes, mais ils vivent dans le réel aussi. Ou bien, le 6 mai, ces formes devaient être maintenues, pour un temps, faute de repères nouveaux identifiables, ou bien ces formes devaient exploser parce que le monde n’est plus celui que nous avons connu, et alors Ségolène Royal aurait été l’instrument de ce changement, qu’au fond elle ne voulait pas, et auquel elle n’aurait pu s’opposer.

N’était-ce qu’un rêve? Je ne le crois pas. L’univers dans lequel circule Nicolas Sarkozy n’est pas celui où vivent la majorité des hommes. Sa sortie sur mai 1968 en est une illustration frappante. La société qu’il nous propose n’est pas assez complexe et répartit les vérités et les erreurs avec trop d’arrogance pour n’être pas fragile.

Non seulement on n’effacera pas mai 1968 de nos livres d’histoire, mais on continuera d’en explorer les motivations pendant longtemps encore. On n’a pas tout compris de cette explosion sociale que les organisations syndicales n’avaient pu ni prévoir ni contrôler.

Je regarde avec consternation, mais aussi beaucoup de curiosité, cet épisode de la vie politique française : il pourrait bien en sortir tout autre chose que ce que les discours de tous les candidats, y compris le vainqueur, ont annoncé.

vendredi 4 mai 2007

J'entre en résistance

Ségolène Royal l'emporterait-elle, in extremis, dimanche, que je ne changerais rien à ce texte.


J'entre en résistance.

Mais que veut ce pays?
Il s'est cassé en deux :
la France de ceux qui auront réalisé le cumul électoral de leurs désirs de s'enrichir,
la France de ceux qui n'aspirent qu'à mieux vivre et sont désormais dans la sous-France.

Je demeure dans cette France là, la petite, l'humiliée.
Non que je sois, dans mon quotidien, en difficulté
mais parce la vie n'a pour moi aucun sens
si la solidarité a des bornes.

Au moment où Bush commence à perdre pied,
alors qu'Olmert est poussé vers la sortie,
quand Blair annonce son départ,
cependant que Berlusconi échoue à chasser Prodi,
tandis que Zapaterro tient bon en Espagne,
pendant que Merkel évite de trop droitiser l'Allemagne,
nous allons probablement nous offrir un néo conservateur?

Nous pouvions bien donner des leçons aux USA
tancer leur impérialisme agressif,
ou vanter notre modèle social!

La stupéfaction et la honte s'abattent sur nous.
Stupéfaction devant cet imprévu.
Honte de n'avoir rien vu venir.

Hier, Sarkozy annonçait que, d'ici deux jours,
commencerait le début de la fin de l'époque ouverte en mai 1968.
C'est le discours sans complexe de la plus vieillotte réaction.

Hier, symboliquement, je me suis rendu à Paris
assister à la présentation du livre de Serge Portelli :
Nicolas Sarkozy, une république sous haute surveillance.
C'était dans l'espace de la librairie Résistances.

Car, pour ma part, je n'attends pas le soir du second tour
pour dire que j'entre en résistance.

Il va falloir du temps et de la peine,
de la pensée et de l'action,
pour simplement empêcher la régression.

Mais les problèmes occultés vont ressurgir,
au premier rang desquels le désastre écologique
avec le traitement des causes humaines du réchauffement climatique
avec l'obligation de renoncer vite à une croissance indéterminée.

La France se confie donc à un gourou au pire moment.
Elle a succombé à ses peurs.
Échapperait-elle, au dernier moment, à cette épreuve,
que les questions les plus radicales n'en seraient pas moins posées.

Car les effets de cette tentation ou de cet abandon, ultra-libéraux, vont être considérables.
Seul aspect positif : tout est remis à plat.

La gauche, qui ne sait plus ce qu'elle est, est à repenser.
Le socialisme, qui ne sait plus où il est, va entrer dans ses contradictions.
La gauche de la gauche va devoir renoncer à son sectarisme ou mourir.
Les écologistes vont devoir se refonder dans ce contexte!

L'anti ne suffit plus. Il faut proposer l'autre.
L'antilibéralisme n'est qu'une posture justifiée de refus.
L'altermondialisme est une dimension planétaire d'une offre nouvelle.

Peut-on avec les législatives limiter les dégâts?
C'est notre devoir d'essayer, mais je ne le crois pas possible.
Les causes de l'échec des présidentielles ne sont pas dissipées.

Le PCF mâche sa rancœur et cherche à sauver ses quelques meubles.
La LCR croit qu'elle s'en sort un peu mieux et veut donc rester ce qu'elle est, voire nous attirer vers elle.
Les Verts sont déconfits et subiront le contrechoc des probables bouleversements internes au PS.
Les collectifs Bové méditent encore l'écart entre leur dynamisme et leur résultat.

La sagesse exigerait l'alliance sans conditions de tous ces partenaires.
Cela ne se fera qu'exceptionnellement et sans doute, là où c'est possible, sans succès parlementaire.

Les trois pôles de ce qu'on persiste à appeler la gauche sont orientés vers des buts divergents.
Vers la fin de la domination capitaliste.
Vers l'affirmation d'une social-démocratie européenne visant à corriger les excès du libéralisme.
Vers la création d''un centre gauche démocrate alliant, comme en Italie, socialisme et démocratie chrétienne.
À quoi s'ajoutent les ambiguïtés de ceux qui visent ces objectifs, incompatibles, tout à la fois...

Oui, j'entre en résistance, y compris à l'encontre de ceux qui croient savoir ce qu'il faut faire.
L'urgence est de nous remettre en question, pas de proposer des solutions intenables.
Je n'abandonnerais personne ni les Verts ni le Collectif de Cergy : en ce moment, ce serait lâcheté.
Mais ma contribution se limitera à l'apport de ma réflexion.

Dans ce pays que j'ai mal compris, il me faut bien le reconnaître,
je ne puis plus que rester moi-même.
J'entre en résistance.

Vendredi 4 mai 2007

jeudi 3 mai 2007

La fin de mai 1968 ?

À la veille du 1er mai, Nicolas Sarkozy annonçait son intention d’en finir avec mai 1968. Retour donc à l’ordre, la discipline, l’obéissance, le mérite, le travail, le respect de l’autorité...

Dans le mouvement qui a entraîné pendant des semaines la France tout entière vers de nouveaux temps, il y a eu sans doute, mélangés, du neuf et des scories.
Le tri entre les apports réels et les emballements passagers s’est fait au fil des ans. On ne reviendra pas sur les transformations sociales qui ont abouti à un bouleversement des mœurs. De Gaulle lui-même, dont l’autorité avait, en juin 1968, permis de balayer “la chienlit”, n’avait pu résister longtemps à cette modification des mentalités.

La restauration du pouvoir des forts ne va pas se faire sans résistances. Le petit Bush à la française ne conquerra pas l’opinion longtemps en usant des thèmes faussement rassurants du retour à l’âge d’or (comprendre : quand la contestation était délimitée, confiée à un autre parti de l’ordre, le PCF, servant d’exhutoire à la colère populaire, et en aucun cas capable d’accéder aux responsabilités nationales).

Nicolas Sarkozy est le dernier rempart des tenants d’une société dont ne subsiste que le squelette. Les Français tiennent à leurs repères, aux formes mais ils vivent dans le réél aussi. Ou bien, le 6 mai, ces formes vont être maintenues, pour un temps, faute de repères nouveaux identifiables, ou bien ces formes vont exploser parce que le monde n’est plus celui que nous avons connu, et alors Ségolène Royal sera l’instrument de ce changement, qu’au fond elle ne veut pas, et auquel elle ne pourra s’opposer.

N’est-ce qu’un rêve? Je ne le crois pas. L’univers dans lequel circule Nicolas Sarkozy n’est pas celui où vivent la majorité des hommes. Sa sortie sur mai 1968 en est une illustration frappante. La société qu’il nous propose n’est pas assez complexe et classe les vérités et les erreurs avec trop d’arrogance pour n’être pas fragile.

Non seulement on n’effacera pas mai 1968 de nos livres d’histoire, mais on continuera d’en explorer les motivations pendant longtemps encore. On n’a pas tout compris de cette explosion sociale que les organisations syndicales n’avaient pu ni prévoir nicontrôler.

Je regarde avec consternation mais aussi beaucoup de curiosité cet épisode de la vie politique française : il pourrait bien en sortir tout autre chose que ce que les discours de tous les candidats ont annoncé.

Le duel politique est un spectacle obscène.

La politique spectacle est l'horreur même.
Ce soir, 2 mai 2007,
je ne vais pas regarder le duel Sarko-Ségo.
Car c'est un duel, fort cruel!
Or la politique n'est pas un match.
Ce n'est pas une compétition.
C'est bien plus que ça!.
Il s'agit de la vie des hommes.
Pourquoi s"en aller voir qui sera le plus fort?
Serions-nous dans les tribunes d'un stade?
À moins que ce ne soit dans des arènes.
Des gladiateurs s'y tuent avec des mots.
Quel spectacle!
D'un côté le libéral liberticide,
de l'autre la diva populiste.
Je m'approche du soir de ma vie
et observe avec dégoût ces mœurs triviales.
Je sais sombrer dans la solitude
car ce qui me révulse passionne les foules...
Quand je vais voter, dimanche,
pour le moindre mal,
ce moment faussement palpitant
appartiendra déjà au passé.
On recherchera encore quelle aura été "la" phrase qui a fait mouche,
on continuera de substituer la médiatisation à la politique.
Et moi de m'interroger sur ce qu'est la démocratie...
Si elle est ça, comment y voir un bien pour le peuple.
Cette élection présidentielle exceptionnelle
aura été exceptionnellement dévastatrice.
De valeurs,
d'espérances,
de pratiques.
Nicolas Sarkozy perdrait-il qu'il n'en aurait pas moins réussi à briser un élan.
Cette France qui s'est révélée à travers lui ne me concerne pas.
Le pays est cassé.
Les idées de Le Pen se sont insinuées partout.
Une ère Busch est possible.
La peur entre en force en nos esprits.
Le menteur habile arrive à ses fins.
S'il est battu, ce sera de peu.
La vérité n'est pas dans le nombre.
La menace, si.
Les enjeux vitaux de ce monde sont oubliés.
La moitié de la France se livre à un terrible jeu pervers ;
tout faire rentrer dans l'ordre,
un ordre qui génère un désordre brutal.
N'avoir su donner l'espoir au peuple
au risque de le voir se donner au Dictateur masqué,
est la plus lourde des fautes possibles
que vont porter sur eux tous ceux qui ont parlé d'une gauche imaginaire
que les citoyens ne reconnaissent plus.
Je vais essayer de cacher, dans le sommeil,
l'angoisse qui m'étreins depuis plusieurs jours.
Je marche dans la nuit
sans savoir si je suis encore sur un chemin praticable.
Ma seule certitude, c'est qu'il faut marcher
au risque de la chute et de la douleur.
Et qui va souffrir le plus
sinon ceux qui souffrent déjà?
Il n'est pas de nuit qui ne prenne fin,
mais je suis tout à la fois las et plein de colère.
Que le repos me reconstitue,
Non, je n'irai pas me mêler aux voyeurs, ce soir.
Je refuse le jeu obscène de la conquête personnelle du pouvoir.

lundi 23 avril 2007

Désespoir ou espérance ?

Nous voici en face d’une réalité politique violente : un scrutin historique, tant est massive la participation, vient de réinstaller en France, peut-être pour longtemps,la bipolarisation. Quel que soit le résultat final dans quinze jours, les préoccupations anticapitaliste et écologiste qu’on croyait devenues incontournables compte tenu de l’état actuel connu de la planète et de la souffrance du monde du travail, se trouvent marginalisées.

Le scrutin-piège a parfaitement fonctionné. Les institutions de la cinquième république tiennent bon ! Le vote utile s’est transformé en vote couperet : derrière les deux leaders annoncés qui se situent bien au-delà des 20% (et même au-dessus de 30% pour Sarkozy), les deux outsiders, entre 10 et 20%, sont loin derrière… Quant aux huit options restantes, aucune ne dépasse les 5%.

Nul ne se plaindra de la disparition de la menace Le Pen, mais il convient de ne pas oublier que le candidat de l’UMP a siphoné une partie des voix du FN. Seul François Bayrou semble mettre une limite à ce triomphe des candidats surmédiatisés, avec ses quasi 19%, mais le voici placé, maintenant, à la fois, entre le marteau et l’enclume et donc en pleine contradiction : il ne peut ni abandonner la droite ni la soutenir !

La sanction est bien plus terrifiante pour ceux qu’on a affublé du nom de « petits candidats ». La division des antilibéraux les laisse sans force, éparpillés, réduits à une sous-figuration dramatique. Sauf à dire que nul ne meurt jamais en politique, on voit mal comment pourraient rebondir de sitôt le PT, LO, le PCF et également la LCR même si elle est moins malmenée. Quant à la tentative de José Bové, elle subit apparemment le même sort et ne pèse rien. Les élections législatives s’annoncent donc très douloureuses : n’y a-t-il plus de place, en France, en tout cas dans cette période, pour autre chose que des compléments de la gauche instituée, archi dominée par le PS, à laquelle il faudrait quémander des places ? Mais, osons le dire, même unis, les candidats de la gauche de gauche auraient-ils empêché ce phénomène mécanique majoritaire poussé à son terme : faire du premier tour un galop d’essai du second !

S’agissant des écologistes, la pilule est tout aussi difficile à avaler. Nicolas Hulot semble avoir perdu son pari : l’écologie n’a jamais été au centre de la campagne. Après un résultat calamiteux, la dispersion des Verts semble d’ores et déjà accomplie, y compris si, pour sauver les meubles, on ne met pas le feu à la maison et qu’on n’en chasse personne. Entre les écologistes centristes pro-Bayrou que drague Corinne Lepage, les écologistes « durables » PS-compatibles, et depuis longtemps pro-Royal, qui s’en tiennent à la préservation de l’acquis et, enfin, les écologistes altermondialistes pro-Bové qui cherchent une autre voie, des divergences radicales sont apparues.

Que va-t-il advenir à présent, dans l’immédiat, de la seconde campagne électorale ? La gauche, toutes composantes confondues est, selon les critères traditionnels, exsangue. Elle se situe sous la barre des 40% ! Le candidat de l’UMP, exécré par la moitié des Français, a pourtant en main les cartes pour l’emporter ! Si Ségolène Royal est élue, ce sera donc avec les voix de nombreux électeurs de François Bayrou. La boucle est bouclée : nous aurons le choix entre la droite franche et dure et la gauche droitisée, entre un Bush à la française et un Blair à la royale. Le même système politique qui a engendré la surprise de 2002 : droite contre extrême droite nous a fourni une version soft, américanisée, d’un nouveau faux choix : libéralisme décomplexé contre social-libéralisme résigné. Devrons-nous, de nouveau, courir vers le supposé moindre mal ? Ou assumer autrement ?

J’entends déjà tonner les condamnations. Ceux qui, à gauche de la gauche, se sont eux-mêmes réduits à la portion congrue vont chercher des boucs émissaires et accuser de tous les péchés du monde ceux auxquels ils ont refusé de s’allier. Les écologistes vont entrer dans une période de liquidation des comptes dont nul ne peut prévoir jusqu’où elle peut les mener. Enfin les « gagnants », au PS, vont sommer tous les anti-Sarkozy de les rejoindre, au moins le 6 mai, sous peine de trahison…

Je suis, décidément, hors de ce monde politique-là. Après la douche reçue hier, autant se sécher. Je veux prendre du recul, analyser, tâcher de comprendre sans condamner personne, sous peine de m’interdire de saisir ce qu’il y a de neuf dans la situation. Les erreurs et les fautes des uns ou des autres n’expliquent pas tout et ne suffisent pas à rendre compte du nouveau paysage. Nous n’aurons pas le temps, d’ici la fin du printemps, de mesurer toutes les conséquences de ce cataclysme -car c’en est un- mais le pire serait de baisser les bras, de confondre la photo immense, précise, instantanée, du paysage électoral, avec la réalité physique du paysage lui-même. Trois autres photos, prises dans 15 jours et en juin, mais prises sous de nouveaux angles, vont compléter notre information. Autour de José Bové, nous avons risqué la solution : écologie+antilibéralisme+unité quand même ; il le fallait, je crois. Nous avons perdu ; c’est un fait. Toute expression autre que celle du pré-choix entre candidats visant le second tour était inaudible. Est-ce à dire, pour autant que nous avions tort ? Je ne le pense pas! Je resterai solidaire de José Bové longtemps encore. Tout commence puisque ne se sont pas effacées, le soir du vote, les raisons de sa candidature : ce qu’il pense, je continue de le penser.

Dans l’immédiat, pour faire barrage au flux du lepénosarkozisme, je peux me servir de n’importe quel objet politique, fut-il creux à l’intérieur. Je ne veux suivre personne. Je fais ce que je veux : je voterai donc Ségolène Royal.

Le 23 avril, entre 7 heures et 8 heures du matin.

jeudi 5 avril 2007

Pour un vote vraiment utile

À droite, le vote utile, c’est simplement choisir son camp, car chacun des trois prétendants principaux, Sarkozy, Le Pen et Bayrou aspire à être présent au second tour.

À gauche, le vote utile serait-il donc de ne voter que pour l’unique candidat capable de figurer au second tour ? C’est un calcul à courte vue !

À vouloir enfermer les électeurs dans un choix de second tour au lieu de laisser voter chacun selon ses convictions , on risque d’aboutir au résultat inverse de celui que l’on recherche !

Ceux qui craignent le renouvellement du cataclysme de 2002 et le retour d’un duel droite-extrême droite (un Sarkozy-Le Pen à la place d’un Chirac-Le Pen) sont victimes de la propagande médiatique ! Parce que Sarkozy assèche déjà une partie du vote Le Pen, parce que Le Pen est loin derrière Bayrou, parce ce que Le Pen, à 79 ans, n’est plus en position de créer de nouveau la surprise, parce que le PS a déjà récupéré deux candidats de 2002 : Chévénement et Taubira, parce qu’enfin la sanction du PS au gouvernement n’est plus d’actualité dès lors qu’il est dans l’opposition.

Ceux qui appellent à voter Ségolène Royal tout de suite, pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, n’oublient qu’une chose : c’est que la gauche ne pèse, actuellement qu’entre 35% et 40% des voix et si les électeurs pouvant faire la décision n’ont pu trouver l’occasion de dire leurs préférences le 22 avril, ils feront cruellement défaut le 6 mai.

La gauche sociale-libérale, sur la base de son programme, blairiste, parfois nationaliste et souvent trop personnalisé, ne peut faire le plein des voix utiles pour vaincre Sarkozy.

Voter utile c’est donc apporter des voix qui pèseront, ensuite, en juin, aux Législatives pour composer un Parlement qui ne soit pas bipolaire : UMP/PS. Si la composante écologiste, sociale, démocratique, (donc : antilibérale, féministe, anti-raciste, altermondialiste) devient assez forte, alors coup double et la gauche pourra l’emporter aux Présidentielles et se présenter mieux unie aux Législatives.

Ce sera une gauche comprenant de nouvelles forces, apparues d’ici le premier tour, constituées par ceux et celles qui veulent qu’on ne se paie plus de mots avec l’écologie ! Ce sera une gauche qui exige qu’on cesse de tout sacrifier aux marchés, qui réclame des institutions prévoyant un renforcement du Parlement et la proportionnelle, qui demande une vraie parité et le non-cumul des mandats et la fin de la chasse au faciès. Enfin, ce sera une gauche ayant obtenu une politique d’ouverture sur l’Europe et le monde entier à la hauteur des exigences du XXIe siècle…

Voter utile, ce n’est pas voter sous la contrainte et par défaut. C’est voter pour ce qu’on pense.

Voter utile, ce n’est pas voter faute de mieux. C’est voter pour ce qu’on estime le meilleur.

Voter utile, ce n’est pas rester enfermé dans un duel. C’est oser faire valoir ce qu’on veut.

La candidature écologiste et antilibérale de José Bové se situe dans cette perspective.

Parmi les votes vraiment utiles à gauche, c’est pour nous le meilleur choix.

Osons voter José Bové.

Vous avez dit "unitaires"?

Unitaire est le vocable le plus galvaudé qui soit. Il ne signifie pas "unis". Il signifie "qui veut être unis". En politique, et notamment parmi les citoyens qui se disent "anti-libéraux" ou "à gauche de la gauche", unitaire veut dire "qui cherche un nouvel espace d'expression politique". Qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas membres d'un parti politique, ces unitaires considèrent qu'il est temps d'aller au-delà des partis politiques ou, au moins, de concevoir l'organisation et le fonctionnement des partis politiques de façon nouvelle.

La forme militante et quasi militaire des partis, avec leur doctrine unique, l'obéissance de leurs membres, leur structuration hiérarchique, ne donne plus satisfaction et n'offre plus suffisamment d'occasions de réussite. Le réel est complexe et les doctrines n'en rendent plus compte de façon convaincante. La soumission aux règles dites démocratiques (comprendre : qu'on fait imposer par une majorité) déçoit les adhérents qui désirent conserver leur liberté de penser. Le culte du chef ou même l'adulation de la vedette apartiennent soit à une histoire révolue soit à un individualisme forcené contre lequel, précisément, les anti-libéraux se dressent.

Unitaire est donc devenu un vocable qui appelle à une nouvelle forme d'unité dans la diversité. Inutile, désormais, de penser tous de la même manière pour être proches. Inutile de marcher du même pas pour avancer ensemble. Inutile de se réclamer du même leader pour se trouver rassemblés. Reste à inventer sinon les structures du moins les formes qui permettent d'exprimer cette unité anticonformiste! L'histoire politique n'a pas encore offert de modèle d'unité qui ne se contente pas de fédérer des opposants, de regrouper des partisans, ou de souder des militants. Créer des réseaux citoyens qui aient d'autres objectifs que d'imposer leur vérité, de renforcer leur chapelle ou de porter au pouvoir leurs élites, constitue une tâche non seulement difficile mais jusqu'ici non aboutie.

Pari impossible? Sûrement pas, et pour des raisons qui dépassent la volonté individuelle des acteurs du politique. En effet, le besoin d'unité n'est plus mesurable en terme d'identité. Dans identité, il y a "identique". Chercher ce que des hommes ont en commun s'est souvent perverti en recherche de ce qui les fait uniques, de ce qui les posent grâce à ce qui leur est propre et donc de ce qui les oppose aux autres (qui ne sont pas nés là, ou qui ne parlent pas cette langue là, ou qui ne se réclament pas de cette religion là...). Le temps du monde métis a commencé et le métissage, au XXIe siècle, n'est plus seulement question de couleur de peau et de mélanges des cultures, c'est le résultat de la proximité des hommes vivant de plus en plus nombreux sur une planète étroite et close. L'unité ne peut plus être l'unicité. Cette découverte imprègne la pensée des hommes de façon claire ou confuse, mais elle s'impose, jour après jour.

Unitaire, donc, signifie qui veut l'unité des citoyens acteurs d'une reconnaissance de l'unité de la planère. Les citoyens unitaires sont, qu'ils le disent ou pas, des altermondialistes, des citoyens du monde, des internationalistes. Ils reçoivent la constatation des différences non comme un risque mais comme une chance. Bien entendu toutes les pensées et toutes les mœurs ne se valent pas et il ne s'agit pas de niveler toues les valeurs! Il s'agit surtout de ne pas s'emparer de notre conception de l'universel pour tenter de l'imposer à tous les peuples de la Terre, ni même, pour commencer, à nos voisins ou à nos concitoyens français ou européens...

Il m'apparaît qu'il faut être présent là où cette conscience s'éveille. C'est pourquoi les Collectifs pour des candidatures unitaires font un travail qui va peser dans la vie politique, en France, mais aussi ailleurs, là où les limites territoriales sont de plus en plus considérées comme des compartimentages de la population au lieu d'être des repères pour mieux penser la diversité humaine! Les frontières matérielles ou psychologiques font obstacle à la créativité. Il est temps de les transformer, de barrières qu'elles étaient en balises de la différence mais également en signaux des apports possibles de connaissances nouvelles.

Les unitaires sont des des constructeurs d'une unité non uniformisante. Ce qu'ils bâtissent dépasse de loin ce que le mot contient actuellement et qui ne va guère plus loin que l'aspiration à l'unité des forces qui rendent possible un autre monde! Passer de ce désir puissamment utopique à des constructions plurielles, multiples, modestes et efficaces demandera du temps. Les citoyens unitaires s'installent dans le monde qui vient. Ils le savent. Cela les console de l'impuissance dans laquelle les installés réussissent provisoirement à les maintenir.

mercredi 28 mars 2007

De l'urgence écologique


Nicolas Hulot parle d’urgence. Dominique Voynet de Révolution. José Bové d’insurrection.

Quel que soit le mot qu’on utilise pour désigner la manifestation d’un retournement radical de la donne politique, compte tenu des bouleversements qui apparaissent dans le paysage planétaire, il ne peut s’agir que d’une transformation totale de notre approche de la citoyenneté.

Cet engagement non-violent et cependant intensif vise à faire face à une situation très dangereuse que révèle la gravité des conséquences de l’effet de serre mais que l’amplitude des évolutions démographiques rend tout autant explosive !

Le capitalisme, considéré comme l’appropriation des moyens de production et d’échange, et qui a résisté à un collectivisme qui ne fut jamais qu’un capitalisme d’État, a résisté victorieusement au faux socialisme soviétique, mais apparaît à présent comme incapable de surmonter ses propres contradictions. Il court donc à sa propre perte.

Entre le tout privé et le tout État, il n’y a, actuellement, pas grand chose. La responsabilisation des citoyens pouvant intervenir dans la sphère politique et dans le domaine économique tout à la fois ne s’improvise pas. Elle résulte d’une formation qui n’est guère fournie dans l’univers scolaire et universitaire. Seuls les réseaux militants, les cellules citoyennes sont à même de concourir à cette formation.

Et, de toutes les formations, la plus indispensable est celle qui associe le politique, l’économique et le social dans un même effort de recherche des moyens de faire face aux urgences écologiques, du local au global. La réflexion sur ce qu’est la démocratie pratiquée, le travail utile et la production du nécessaire ne fait que re-commencer. La démocratie est plus que le vote. Le travail plus que l’emploi. La production autre chose que la croissance indéfinie.

Le danger est qu’il va falloir apprendre à marcher en marchant. L’entrée dans un nouveau monde avant d’être préparé à faire face à ses périls est tout à la fois angoissante et indispensable. Attendre est plus risqué que de se préparer avant d’agir. L’urgence écologique est là : il faut sortir des vieux schémas avant même que d’avoir su quoi y substituer ! Comme l’enfant qui apprend à marcher ou à faire de la bicyclette, pour ne pas chuter, il faut accepter de se mettre en déséquilibre afin d’avancer.

Il y a bien urgence, révolution et nécessaire insurrection devant le politiquement correct, les fausses évidences de tous ceux qui ne peuvent oser sortir de la doctrine prémâchée que diffusent les libéraux pur jus autant que les socialo-libéraux. Autrement dit, les partisans du laisser faire comme les partisans de règles minimales acceptent un jeu social et économique qui ne fonctionne que pour les nantis et les tricheurs. Le prix à payer pour les humains est devenu trop lourd. Ce ne sont pas les règles qu’il faut supprimer ou changer, c’est le jeu tel qu’il est organisé par ceux qui, depuis deux siècles, gagnent tout le temps. La cartes sont redistribuées et elles ne portent plus les mêmes images ? Nous sommes entrés dans un autre temps. Fin de la partie.

L’affrontement du réel est rude. C’est ce que Al Gore, Hubert Teeves, Jean-Marie Pelt, Nicolas Hulot et tant d’autres essaient, à tâtons, de faire comprendre. Et comme souvent, l’opinion réagit, dans ses profondeurs, mieux que les élites enfermées dans des savoir tout faits et considérés comme indiscutables ! Ce n’est pas des élections qui peuvent suffirent à transformer les pratiques, à déplacer les repères, à ouvrir l’avenir, mais l’élection peut être l’occasion d’une prise de conscience si profonde qu’il ne soit plus jamais possible de revenir en arrière. L’inscription massive sur les listes électorales de nouveaux électeurs est le signe de la recherche d’une voie nouvelle. Bien entendu, les structures traditionnelles ont cherché à bloquer la possibilité de sortir du cadre électoral habituel. Il semble que, cette fois, il va se passer quelque chose d’inattendu. Jamais une mobilisation n’a débouché sur le statu quo. Il s’agit donc d’être dans le flux qui inonde l’espace politique pour comprendre ce qui se prépare et n’est pas encore défini. Ce blog est pour moi le lieu où effectuer, comme tant d’autres citoyens, ce travail d’observation, de recherche et de propositions.

Il y a urgence. Elle est écologique parce qu’elle est la recherche d’un difficile équilibre relationnel entre des groupes humains ayant à gérer les richesses naturelles ou produites qui permettent de vivre. Beaucoup de connaissances sont remises à plat. C’est une période inquiétante qui débute, mais qui peut être passionnante. L’humanité joue son destin. Quiconque arrive sur terre connaît ce sort merveilleux et tragique ? Cette fois, ce sont les hommes tous ensemble qui font face aux conditions de leur survie.

Politique et démographie : le changement d’ère…

Les bouleversements survenus dans l’histoire humaine en un seul siècle dépassent nos capacités d’entendement. Au début du XXe siècle, la population de notre planète dépassait le milliard et demi d’habitants, mais il a fallu attendre les années 1950 pour compter deux milliards et demi de Terriens . Nous voici, en 2007, à plus de six milliards et demi d’êtres humains appelés à vivre ensemble . En 2030, nous serons 8 milliards et en 2050 sans doute 9 milliards. Ensuite, les démographes estiment qu’une décrue devrait s’annoncer.

Il est vital pour l’espèce humaine de mieux comprendre ce phénomène qui nous était inconnu jusqu’au milieu du siècle dernier. Qui aurait cru que l’Inde allait devenir, dans vingt ans, le pays le plus peuplé avec 1,6 milliard d’habitants, passant devant la Chine avec ses 1,5 milliard de ressortissants ?

D’autres rapports humains vont s’installer, et la mondialisation dont nous pensions qu’elle ne pouvait qu’être dominée par les États-Unis d’Amérique va se présenter d’une façon qui ne nous a jamais été avancée jusqu’ici ! Nous n’avions pas prévu une régression aussi forte des populations européennes (hormis, actuellement la France et l’Irlande), l’augmentation des effectifs en Afrique (au-delà du milliard de personnes) et la montée de la population en Amérique du Nord (de l’ordre de 300 à 400 millions d’États-Uniens, mais avec une inexorable progression de l’apport hispanique). À cela s’ajoutent le recul extraordinaire de la population russe (à raison d’un million de moins par an), le risque de disparition pure et simple de l’Allemagne, à terme, (en dépit de ses actuels 82 millions d’habitants) si elle continuait à perdre plus de vies qu’elle n’en crée, le risque moindre mais réel d’une fonte brutale des populations espagnole et italienne, un recul démographique inattendu au Maghreb… Tous nos savoirs ou plutôt nos idées reçues sur la répartition de la présence humaine sur Terre sont à rectifier.

Autre erreur sur laquelle nous avons vécu : la terre ne peut nourrir une aussi importante population ! C’est faux ! Et les hommes savent comment nourrir plus de dix milliards de bouches ! Cependant, si c’est possible, ce n’est pas possible en offrant à toutes les populations le modèle de vie qui est celui des Occidentaux ! Un autre monde s’annonce et nulle politique ne pourra empêcher les immigrations, le métissage des familles, un tout nouvel usage des moyens de transports, le développement massif des énergies renouvelables, un changement alimentaire conduisant à une diminution de la consommation des protides animales au profit des protides végétales. Nous n’échapperons pas à la nécessité d’une organisation beaucoup plus poussée des aides à la personne, et il nous faudra bien prendre en compte les exigences écologiques les plus fortes (notamment en ce qui concerne la gestion des ressources en eau et des ressources alimentaires : poisson, riz et autres céréales, ainsi que la lutte contre les causes de l’effet de serre…).

Tout se passe comme si, sous la pression démographique, les Terriens n’avaient plus le choix : il leur faut s’adapter ou disparaître.

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