jeudi 20 mars 2008

Chantal Sébire : n'oublions pas ce nom...

Chantal Sébire, cette femme défigurée par une tumeur, à la voix claire, intelligente, est morte hier, après qu'on lui ait refusé, lundi, un suicide assisté.
Les journalistes se sont emparés du "sujet" et nous inondent de commentaires plus ou moins pensés sur l'euthanasie.
Eh bien moi je n'entre pas dans ce faux consensus.
Le droit de chacun à quitter la vie n'est pas un droit légal.
Le suicide est si peu un crime qu'on ne peut jamais punir ceux qui y ont recours (et ne se ratent pas...).
Qu'André Gorz ou Roger Quillot, l'un et l'autre accompagnés de celle qu'ils aimaient, aient choisi leur mort a fait moins écrire.
On en vient à se demander si la presse ne regrette pas que Chantal Sebire ait, un peu tôt, mis fin au débat!
On confond le "tu ne tueras pas" et le "tu ne te tueras pas".
Nos démocraties ont du mal à supporter que quelque chose échappe à l'État de droit.
La loi doit donner des limites à la loi.
Qui ne sait que la légalisation de l'euthanasie peut générer des meurtres en série?
A-t-on oublié l'eugénisme qui a conduit non seulement dans les États criminels comme l'Allemagne nazie, mais au sein d'États parfaitement dignes comme la Suède, à l'élimination d'incurables ou d'handicapés gravement touchés?
Je chante, ici, une chanson à contre-ton. Tant pis. Je l'avoue : j'ai peur de l'homme.
Du massacre des innocents aux chambres à gaz, les pouvoirs se sont donnés les moyens de tuer sans contestation possible.
La mort ne se donne pas. Ne peut se la donner que celui qui renonce à la vie.
Comment? Avec quel soutien? Un livre qui donnait les informations sur les moyens du suicide a été interdit!
On ne peut, à la fois, recommander la possibilité de l'euthanasie et condamner l'existence de tels ouvrages!
En réalité, le débat philosophique est ailleurs : donner à chacun le pouvoir sur soi gêne les politiques de domination.
Passe encore qu'un médecin décide : lui appartient à un Ordre.
Qu'un individu puisse décider de son propre sort... fait désordre.
Tuer ne se règlemente jamais.
Se tuer est mon droit intime bien au-dessus du Droit!
Reste le cas de ceux qui ne sont plus en état de décider pour eux-mêmes.
Ce n'est pas du tout le même sujet, même s'il est, là aussi, question d'euthanasie.
Chantal Sébire ne nous a pas posé ce problème.
Je ne veux pas le mêler à celui de la liberté de mourir.
Car derrière ce corps mutilé il y avait un être libre.

samedi 15 mars 2008

Chiffres-clés, et à défaut de bourrage des urnes, bourrage de crâne!

"Voici les chiffres-clés des élections municipales et cantonales dont le second tour se déroule dimanche, selon le ministère de l'Intérieur:
Des chiffres justes et une analyse partiale, partielle et partisane!
La calcification des concepts de gauche et de droite strictement liés aux partis fausse tout.
Dans les milliers de communes de moins de 3500 habitants beaucoup d'évolutions ne sont pas mesurées.
Les écologistes n'y sont pas même cités.
Les communistes non plus!
Le concept restauré de "divers droite" (qui faisait fureur sous la 4ème République) suffit à compenser les pertes de l'UMP. Etc...
À première vue ces chiffres sont innocents, en fait, ils préconditionnent nos analyses.
Pensez donc à les comparer avec les résultats définitifs, lundi. (pas seulement avec la classification du Ministère de l'Intérieur!) Fouillez dans la presse!

_______

MUNICIPALES

- Le deuxième tour concerne 898 villes (ou secteurs à Paris, Lyon et Marseille) de plus de 3.500 habitants, soit environ le tiers des villes de cette catégorie. Hors secteurs Paris-Lyon-Marseille, 125 communes de plus de 30.000 habitants et 283 entre 9.000 et 30.000 habitants sont concernées.

- 2.412 listes sont en lice (76.974 candidats au total), 49,1% classées à droite, 45,8% à gauche et 2,5% MoDem. 1,7% sont classées autonomistes ou régionalistes, 0,5% Front National et 0,4% extrême-gauche.

- Deux communes verront s'affronter 5 listes (Lens et Carrières-sur-Seine dans les Yvelines). La plus grande proportion des villes de plus de 3.500 habitants connaîtront des triangulaires (423 sur 898), et deux des listes uniques, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et Fosses (Val d'Oise).

- Dans les communes de moins de 3.500 habitants, 388.055 sièges de conseillers municipaux sur 435.718 ont été pourvus au premier tour, soit 89,1%.

- Depuis les municipales de 2001, la droite dirigeait 223 villes de plus de 20.000 habitants et la gauche 178.

77 villes de plus de 30.000 habitants sont restées à gauche dès le premier tour, 59 à droite et 3 au MoDem. 9 ont basculé de droite à gauche et 2 de gauche à droite.

Parmi les 37 villes de plus de 100.000 habitants, la droite en détenait 21 (dont Marseille, Toulouse, Nice, Bordeaux et Strasbourg), la gauche 16 (dont Paris, Lyon, Nantes, Lille, Montpellier et Rennes). La droite a conservé dès le premier tour Bordeaux et Toulon, la gauche Lyon, Nantes, Dijon, Le Mans, Limoges, Besançon et a conquis Rouen.

Le taux d'abstention au premier tour était de 33,46%.

CANTONALES

- 1.015 cantons restent renouvelables.

- 2.135 candidats au total, soit en moyenne 2,1 candidats par canton. Parmi eux, 18,5% de femmes seulement.

- Dans 37 cantons, un seul candidat sera en lice. Le nombre maximum de candidats est de quatre, enregistré dans sept cantons.

- C'est le PS qui présente le plus de candidats (662), devant l'UMP (près de 571) et les "divers-droite" (392).

- Avant le premier tour, la gauche présidait 51 conseils généraux, la droite 50. La gauche espère conquérir jusqu'à 10 départements à la faveur du second tour.

Le taux d'abstention au premier tour s'est élevé à 35,11%."

Source : © 2008 AFP





vendredi 14 mars 2008

Dedans ou dehors?

La victoire annoncée, indispensable et inutile du Parti socialiste et de ses alliés, dans deux jours, tant au niveau communal que départemental donnera à respirer un air plus frais. Pour un temps. Les causes du mal ne seront pas expurgées. La majorité sarkoziste ne renoncera pas à sa politique du désastre.

Il fallait ce coup de frein, mais ce n'est pas un coup d'arrêt. L'opposition n'est pas en résistance mais en attente.

Les choix fondamentaux de PS resteront à faire, lors de son prochain congrès, et ils pourraient surprendre, en positif comme en négatif. La conjoncture internationale, très évolutive, modifiera les choix trop libéraux mais le "retour à gauche" n'est pas à l'ordre du jour. On est déjà en attente de ... l'alternance de 2012!

Les élus locaux des majorités dites de gauche vont donc s'efforcer de tempérer les effets de la politique présidentielle. Qui pèsera le plus? Ceux qui sont dans la majorité de ces majorités (et qui, dès le premier tour, se sont inscrits dans des listes plurielles) ou ceux qui s'étaient présentés en dehors de ces listes, le plus souvent dominées par le PS, (et qui, au second tour, soit ont rallié une liste d'union, soit se sont maintenus ayant franchi la barre des 10% des votants?).

Ma réponse est brutale : s'il faut n'avoir d'autre possibilité que d'approuver une politique sur laquelle on ne pèse pas, mieux vaut être à l'extérieur. Les choix des socialistes ne se discutent pas quand le rapport des forces leur sont favorables. Les écologistes, altermondialistes et autres anti-libéraux ont mieux à faire que de se noyer dans une gestion qui n'est pas la leur. Si, -car cela arrive- un maire, socialiste ou communiste, effectuait des choix qui vont plus loin qu'une simple recherche d'amélioration de l'environnement, un simple accompagnement social des habitants les plus modestes, alors il faut le soutenir, voire coopérer. Reconnaissons que sera exceptionnel. Dans tous les autres cas, il faut garder une totale liberté de parole, à l'intérieur et à l'extérieur des assemblées locales, pour faire progresser des politiques non ambiguës et y associer de plus en plus de citoyens.

jeudi 13 mars 2008

Lazare Ponticelli, le Der des der, le Résistant.

À 110 ans, Lazare Ponticelli, le dernier poilu, est mort.

Il était le dernier, en France, à avoir connu les tranchées, à avoir vécu le traumatisme de la Grande guerre, celle que l’on avait appelée "la der des der". L'événement est considérable. Une page d’histoire vient de se tourner. Il reste sept ou huit survivants de la "Grande" guerre, en Grande Bretagne, aux USA, en Turquie... Le dernier "casque à pointe" est mort en Allemagne, à 107 ans, dans... l'indifférence générale.

Lazare Ponticelli, comme son nom l’indique, est né en Italie. Il arrive en France à l’âge de 9 ans, ne sachant ni lire ni écrire - et ne parlant pas français. Devenu ramoneur, puis livreur de journaux, il s’engage dans la Légion étrangère au début de la guerre. Puis, lorsque l’Italie s’engage à son tour dans la guerre en 1915, il est enrôlé dans l’armée. Il est blessé, démobilisé en 1916. Il revient en France en 1921, où il fonde une entreprise de fumisterie avec son frère. Ce n’est qu’en 1939 qu’il demande, et obtient, la nationalité française. Juste avant la guerre. Il veut alors s’engager, mais on le juge trop vieux pour le service actif. Il choisit alors d’entrer dans la Résistance, en 1942. Dans la résistance, il est resté.

L’Etat lui organisera des obsèques nationales, mais Lazare ne l'avait pas souhaité. Après les avoir refusé, il les avait finalement acceptées, au début de l’année, lorsque Louis de Cazenave, l’avant-dernier poilu, était mort. À 110 ans, il avait fixé ses conditions : “d’accord si c’est dans la dignité. Pas de tapage important, ni de défilé.” Car, disait-il, “je ne pense qu’à tous mes frères d’armes qui sont tombés. C’est à eux que les honneurs reviennent. Je ne suis que leur humble représentant, ayant eu la chance de survivre. Moi je suis passé au travers de la guerre injuste et horrible”.

Oui, c'est un résistant, un travailleur immigré, un homme lucide, un Européen, qui nous quitte et qui fait honneur à la France.

mercredi 12 mars 2008

L'utile et insupportable MoDem

Le MoDem nous donne une leçon de politique. La pire et la meilleure. La pire, parce que se vendre au plus offrant est méprisable. La meilleure, parce que refuser de s'installer dans la bipolarisation n'a jamais été plus utile. On peut donc, avec de faibles scores, peser sur la décision finale, ce qui est, encore une fois, négatif et positif! Négatif, parce que c'est le plus faible qui rafle, sans y avoir droit, une partie de la mise. Positif, parce que le plus faible n'est pas, à tout coup, rejeté dans les ténèbres extérieures.

En politique, tout est dans la signification et parfois la nuance! L'inconvénient majeur du double jeu du MoDem, ce n'est pas qu'il balance entre la gauche et la droite, c'est qu'il balance entre la droite cynique et la fausse gauche. Il n'y a pas, pour lui, de choix de société à effectuer et, par conséquent, tendre vers telle liste ou telle autre, apparemment rivales, hostiles dans les mots et peu dans les faits, ce n'est pas se trahir : libéral on est, libéral on reste.

C'est si vrai que la véritable surprise se trouve là où, une seule fois, le MoDem rejoint une liste à direction communiste, (à Gardanne). La presse y voit un accord contre nature. C'est bien reconnaître que le clivage devrait se situer entre libéraux et anti-libéraux (économiquement parlant). Et pourtant, là où des listes "à gauche de la gauche" ont obtenu des résultats significatifs, nul ne retient leur performance (fut-elle supérieure à celles des listes du MoDem!) puisqu'elles ne cherchent pas à se trouver, coûte que coûte, une place! À Clermont-Ferrand, en Bretagne, et ailleurs, les listes intitulées un peu vite LCR (car pas toujours dominées par le parti trotskiste!), veulent faire exister leur politique sans se rallier ou se vendre. Mais on ne veut considérer que le maire et ses élus! Comme sur un stade de football, ce n'est pas celui qui joue bien qu'on admire mais celui qui marque les buts!

"La tentation MoDem" est présente chez les Verts, jusqu'à y ponctionner des "militants". En Alsace ou à Marseille, on a vu deux ex-secrétaires nationaux des Verts aller bien plus loin que n'allait jadis Antoine Waechter et son ni-ni : ils sont passés au MoDem ou sous son influence. Jean-Luc Benhamias, va vers le PS sur la Canebière sans se désolidariser de son compère Jean-Luc Forget qui, au pied du Capitole, va vers l'UMP. Quant à Yann Wehrling, exclu des Verts, il affirme, dans sa lettre du 11 mars au futur maire PS de Strasbourg, que "la place de l'écologie est au centre" et redit sa disponibilité...

En vérité, il existe, à présent, une grande place vide : elle est toute chaude bien qu'inoccupée! Nul n'en approche parce qu'elle n'offre aucun accueil aux formations traditionnelles de la gauche traditionnelle, réformiste ou radicale. Un nouveau pôle citoyen va se constituer. Je ne sais ni quand ni comment, mais la politique aussi a horreur du vide et la place se remplira. Ce ne sera pas un parti, mais ce sera une force. François Bayrou l'avait senti mais il ne peut, idéologiquement, diriger ses pas vers cet état neuf de la politique. Le PS est, lui, trop installé sur l'aire dont il pense qu'elle lui appartient pour tenter d'aller voir ailleurs. Le PCF, comme la LCR, ont une culture d'organisation qui les encombre et les enferme dans des schémas qu'ils ont beau faire briller sous l'éclat des mots mais qui restent d'un vieux métal intellectuel rongé par une idéologie surannée. Les Verts, enfin, sont tombés dans les marmites du pouvoir et s'agitent dans la sauce, bien incapables de créer de nouveaux plats et de faire une nouvelle cuisine, évidemment pas celle dont sont connues toutes les recettes, mais celle qu'on peut servir à tous : modeste, frugale et savoureuse.

Finalement, il faudra bien remercier Bayrou qui essaie, en vain, de casser l'alternance mais sans avoir à offrir d'alternative! Il faut beaucoup de talent pour savoir offrir quand on n'a strictement rien à donner!

mardi 11 mars 2008

La politique de la charnière

J'entre dans un temps d'analyses. Elles sont indispensables à qui aspire à faire des propositions. Les élections qui sont en cours m'en fournissent l'occasion.

Pour sauver les petites formations politiques rien ne vaut tant que de se faire désirer surtout quand il ne manque aux partis dominants que l'accès à cet étroit espace électoral qui donne sur une majorité absolue!

Car la bipolarisation, tant qu'elle n'est pas complètement réalisée, a besoin de l'absorption des groupuscules. Les listes de la gauche qualifiée d'extrême restent sur la touche, comme on le voit à Toulouse, car elles n'entrent pas suffisamment dans le jeu électoral pour être instrumentalisés. Toutefois, les Verts, le MODEM et le PCF, tous sous la barre des 10%, en moyenne, sauf exceptions très localisées, disposent-ils encore de moyens de pression sans commune mesure avec leur représentativité. Au lieu de la rechercher, cette représentativité, les "petits" partis exercent leur capacité de nuire afin de se faire accepter! Ils y gagnent des sièges. Ils y perdent leur âme. Ils y sacrifient leur raison d'être.

À y regarder de près, l'effort le plus curieux est celui du MODEM qui, avec moins de 4% des voix, ose tenter de se créer un espace en n'étant ni le supplétif de l'UMP, ni le marche-pied du PS. En remplaçant le ni-ni par le ou-ou, François Bayrou, à ses propres risques et périls à Pau, abandonne le positionnement de l'UDF pour mettre un cale dans l'engrenage de la bipolarisation. Sympathique et ambigu! Ce n'est possible que parce que ce libéral peut s'installer entre deux libéralismes : le social-libéralisme et l'ultra-libéralisme. Si la gauche était anticapitaliste sa marge de manœuvre serait nulle!

L'attitude du PCF est marquée par le localisme traditionnel et à vouloir le liquider trop vite, le PS vient peut-être de faire une faute qui peut se payer cher. En Seine-Saint-Denis, c'est un lieutenant de Fabius, à gauche du PS paraît-il, qui conduit la charge. Le PS, selon ses besoins, flirte ici avec le MODEM, là appelle à la discipline républicaine. Il veut le beurre et l'argent du beurre : les voix de ses alliés, mais aussi peu d'élus non socialistes que possible! Classique mais dangereux en l'occurence. Le PCF sait s'appuyer sur les maires communistes qui peuvent se passer de politique ou plutôt la limiter à "garder" des mairies. Ce sont encore... de bons gestionnaires. Le conservatisme communiste a encore quelques bonnes cartes à jouer.

Quant aux Verts, ce sont des ingénus roués! Ingénus parce qu'ils croient pouvoir agir en s'inféodant à leur puissant allié. Roués parce qu'ils ont appris les règles du jeu de la politique politicienne et savent se contenter du peu qu'on leur laisse. Ils auront donc encore des adjoints au maire de Paris (moins nombreux!) et ils auront aussi des élus majoritaires ou minoritaires éparpillés, çà ou là. Quant à l'écologie, dans tout cela, c'est, au mieux, un discours, au pire, un jus verbal verdâtre, rarement une affirmation courageuse et autonome.

La politique de la charnière, jadis si bien utilisée par les radicaux de gauche, a quelque chose de réjouissant et de dépravé. Elle permet de prendre place là où on n'aurait pu parvenir dans un contexte ultra majoritaire. C'est bien pourquoi les scrutins en partie proportionnels permettent seuls d'apparaître en faisant basculer des coalitions vers le succès. On ne peut regretter que la bipolarisation soit ainsi tempérée : c'est cela qui est réjouissant. Pourtant, on ne peut se satisfaire de cette duperie qui oblige à se trahir pour réussir : c'est cela qui est dépravé!

Le champ politique est inabordable! Ce n'est pas le champ où poussent des variétés politiques anciennes ou nouvelles, grandes et petites, côte à côte! C'est un champ de bataille où les suzerains, selon leurs forces, font, ou pas, appel à des vassaux. Et ne restent sur le terrain que les puissants ou les habiles. Cette pratique médiévale des joutes politiques est dépassée. Ni l'art oratoire, comme sur l'agora, ni l'association populaire des citoyens, comme l'ont recherchée sans réussir, les coopératives et les syndicats à la fin du XIXe siècle, n'ont place dans la mise en spectacle des affrontements électoraux. Tout est marqué par le temps. Créer de nouveaux espaces politiques qui ne sombrent pas dans le culte du passé ni dans la médiatisation médiocre du présent, c'est sans doute la tâche la plus utile à accomplir.

La politique de la charnière est aussi méprisable que la politique de la porte qu'on claque au nez des démocrates. Un citoyen n'est pas un consommateur ou un client. C'est un acteur. Toute organisation politique qui vise à retirer au citoyen ce rôle d'acteur en demandant qu'on le lui délègue détruit la politique. Je persiste à le penser.




lundi 10 mars 2008

Pouvoir et politique

Je constate, non sans trouble, que l'élection tue la politique.
La prise de pouvoir est une dépossession du citoyen.
Rousseau (1) l'avait annoncé.
On n'en a jamais vraiment tiré les leçons.

Le parti aussi tue la politique.
La professionnalisation est une dépossession du citoyen.
Simone Weil (2), la philosophe, l'a démontré.
Même ceux qui l'admettent n'en tirent aucune conséquence.

Le culte de la personnalité tue également la politique.
La substitution du représentant à l'idée détruit la pensée.
Antonio Negri (3) a analysé le pouvoir constituant.
Il m'a appris l'incompatibilité avec le pouvoir constitué.

L'avoir, qu'il soit place ou argent, détruit la politique.
Qui défend son titre ou son or bloque l'éveil du neuf.
Erich Fromm l'affirme : être ou avoir, il faut choisir.
Et c'est un choix dont dépend l'avenir de l'homme.

Enfin, majorité/minorité, approbation/opposition, gauche/droite...
La bipolarisation est l'aboutissement obligé de la démocratie mal pensée.
Ivan Illich (5) voulait que le conflit débouche sur la convivialité.
Les systèmes duels ou duals sont des logiques de guerre.

Je n'entrerai plus en campagne.
Je ne serai plus militant.
Je ne m'inscrirai plus dans une stratégie électorale.
Je ne m'engagerai plus dans un parti.
J'irai au-delà de la gauche.

J'entrerai en politique.
Je serai un citoyen.
Je m'inscrirai dans la réalité du monde entier.
Je m'engagerai dans ma voie.
J'irai prendre la parole et pas le pouvoir.
______________
(1) Voir Le Contrat social (1762).
(2) Voir Note sur la suppression des partis politiques (1943, réédité en 2006)
(3) Voir Le pouvoir constituant (1997).
(4) Voir Être ou avoir, un choix dont dépend l'avenir de l'homme (1976)
(5) Voir La convivialité (1973).

dimanche 9 mars 2008

Municipales et cantonales : des scrutins ambigus.

Aujourd'hui, les Français votent. Les Espagnols aussi.

En Espagne, il s'agit de renouveler le Parlement. En France, il ne s'agit que de désigner les équipes municipales et de renouveler la moitié des Conseils généraux. En réalité, la chose est plus complexe. Il n'est pas d'élection mineure. Il y a toujours une lecture politique à en faire.

Après la chute de crédibilité vertigineuse du Président de la République, on s'attend à une manifestation forte de discrédit dont pourraient avoir à souffrir les candidats de la majorité présidentielle et parlementaire. Pour autant, n'examinons pas que l'aspect de politique nationale de ces scrutins! Les probables bénéficiaires de la "claque" annoncée par les sondages, les socialistes, auraient bien tort de s'en réjouir au point de replonger dans leur attente, plusieurs fois déçue, d'une alternance qui serait inéluctable!

Les Français qui ont surpris tout le monde en choisissant Bouffon imperator, en mai 2007, ne cherchent-ils pas, à tâtons, une voie de sortie, face à la médiocrité dans laquelle s'enfonce le pays? Sarkozy a fait, brièvement, illusion, mais il est en place! La quasi totalité des Conseils régionaux, la majorité des Conseils généraux et la majorité des villes auront beau être, probablement, aux mains d'oppositions à dominante socialiste, le pouvoir central, ainsi le veulent nos institutions, restera à l'Élysée et dans son antenne de l'Hôtel de Matignon.

J'avais tout cela à l'esprit, en votant ce matin.
Je n'ai pu entrer dans ces schémas tout préparés.
Je récuse la bipolarisation, définitivement.
La France ne peut devenir la pâle copie des USA!
Socialo-Démocrates d'un côté, UMP-Républicains de l'autre!
Nous étions passés, l'an dernier, tout près d'un Sarko-Bush contre une Ségo-
Hillary.
Les votes télécommandés sont sans valeur.
Mon vote a donc été, tout à l'heure, instinctif et inattendu.
La rationalité y a sa place mais pas toute la place!
Je veux échapper au conditionnement.
Je n'ai voté ni pour la vraie droite ni pour cette fausse gauche dont je faisais encore partie, il y a peu.
Je n'ai pas voté autrement que tactiquement. Non sans gêne. Non sans conviction.
Même mon vote, écologiste, pour les cantonales ne sera pas suivi de sa suite logique, dans huit jours.
Je suis entré dans un nouveau temps de pratique politique.
Je veux écrire cela avant de connaître tout résultat, ce soir.
Il est 18 heures.
Je m'expliquerai bientôt de façon plus explicite.


samedi 8 mars 2008

Les femmes premières à subir l'inégalité

L'inégalité caractérise le monde où nous vivons mais ce sont les femmes qui en souffrent le plus.

Les riches détruisent la planète, affirme Hervé Kempf. Sur le site qu'il a créé, et s'agissant de la France, on lit, dans Reporterre (1) : "Sarkozy est un Robin des bois à l’envers qui prend aux pauvres et donne aux riches. Mises bout à bout, les mesures fiscales du président de la République depuis son élection dessinent un tableau d’une limpidité extraordinaire : on augmente les prélèvements sur les pauvres et on allège ceux des riches. Plus extraordinaire encore : ça passe sans réelle protestation de
la gauche. La quoi ?"

Mais laissons, pour le moment, à la veille de ces élections qu'elle va gagner, cette gauche qui n'est plus la gauche et qu'il faudra rebaptiser... Regardons plutôt celles des inégalités qui concernent d'abord les femmes. C'est le jour : le 8 mars. L'Observatoire des inégalités nous y aide. (2)

1 - Dans notre pays, le fait d’avoir un enfant dans les sept premières années de vie active pèse essentiellement sur la situation professionnelle des jeunes femmes. Alors que les hommes en couple restent dans tous les cas pour plus de 90% à temps plein, les femmes ne sont plus que 68 % à travailler à temps complet avec un enfant et seulement 39 % avec plusieurs enfants.

2 - Dans les pays les plus pauvres, seulement 50,4 % des femmes de plus de 15 ans sont alphabétisées. En Asie du Sud, le taux d’alphabétisation atteint 47,7 %. Pour l’ensemble du monde en développement, trois femmes sur dix demeurent analphabètes. A l’inverse, dans les pays riches, la quasi-totalité de la population est alphabétisée.

La situation s’améliore lentement au fil des générations. Le taux d’alphabétisation est de 83 % pour les femmes de 15 à 24 ans pour l’ensemble du monde en développement et 61 % dans les pays les plus pauvres. Mais cela signifie que quatre femmes sur dix ne maîtrisent pas l’écrit et auront des difficultés certaines dans des sociétés de plus en plus urbanisées et où l’écrit joue un rôle croissant.

3 - Symbole du modèle social des années 50, les femmes au foyer sont peu étudiées, bien qu’elles restent toujours très nombreuses. Qui connaît les femmes au foyer ? La littérature scientifique sur les femmes qui n’exercent pas d’emploi rémunéré, c’est un vrai désert. " Les femmes en âge de travailler passant l’essentiel de leur existence au foyer font figure de catégorie résiduelle. Cette prétendue marginalité explique, au moins pour partie, que leur expérience et la recherche de leurs motivations soient largement évacuées des analyses proposées par la littérature sociologique ", écrit Dominique Maison, auteure d’une thèse sur le sujet.

4 - Les progrès des filles dans le domaine de la scolarisation sont nets : elles obtiennent de meilleurs résultats aux évaluations scolaires. Mais elles s’orientent vers des filières aux débouchés moins rémunérateurs.

Une fois dans le monde du travail, on les retrouve en plus grand nombre dans les secteurs où les salaires sont les moins élevés, comme les services domestiques ou la grande distribution. Le salaire masculin, tous temps de travail confondus, est supérieur de 35 % à celui de leurs homologues féminins. Pas moins de 30 % des femmes salariées, contre 6 % des hommes, travaillent à temps partiel, souvent subi. Les postes d’encadrement restent encore le plus souvent réservés aux hommes, un sur quatre est occupé par une femme, même si l’on constate une évolution positive depuis une dizaine d’années. Elles sont aussi plus touchées par le chômage.

On pourrait allonger la liste des discriminations dont les femmes font l'objet!
Ce que je découvre, en vieillissant, c'est le tort inimaginable qui est fait à l'humanité tout entière en plaçant la moitié de la population mondiale sous la domination de l'autre!
Il ne s'agit pas même "d'accorder" plus d'argent et plus de pouvoir(s) aux femmes. Il s'agit uniquement de laisser leur place, sur Terre, aux humains de "l'autre sexe".
La littérature sur le sujet a beau surabonder, rien n'y fait : la culture sexiste domine, et ô combien, partout. L'admiration et les louanges sont des moyens de garder à distance celles dont on ne veut pas qu'elles cessent d'être des beaux objets pour devenir des sujets qui concourent à la détermination des politiques.
Les efforts, timides, qui sont faits dans une partie de l'Europe ne modifient pas la situation sur le fond.

L'écologie politique a aussi à se saisir de cette inégalité radicale : le sexisme est une méconnaissance du monde dans lequel vivent les humains où les rapports, si le mot civilisation a le moindre sens, doivent cesser d'être des rapports de force!

(1) http://www.reporterre.net/
(2) http://www.inegalites.fr/
(3) Dominique Maison, Femmes au foyer. Expériences sociales, Dossier d’étude n° 92, mai 2007, Cnaf. Disponible sur www.cnaf.fr

lundi 3 mars 2008

La démocratie ne se réduit pas au vote

La démocratie sans le vote n'existe pas.
La démocratie réduite au vote non plus.
Que 65% des Russes, -dit-on- aient voté comme le voulait Poutine ne signifie pas que la démocratie soit instaurée en Russie!
Dans les pays capitalistes, partout où l'on donne à choisir entre deux candidats seulement, le vote est, le plus souvent, pipé.
Partout où l'on vote, soit l'on triche, soit l'on manipule.
L'avis du peuple est craint. Soit on le détourne, soit on le prédirige, soit on le corrige.
Aux USA, depuis toujours, il n'y a que deux camps : Républicains et Démocrates, les uns comme les autres attachés à l'économie marchande et à une politique de puissance dominante.
Le modèle dual s'impose partout : soit, comme en Grande-Bretagne, par la mécanique du scrutin majoritaire à un tour, soit comme en France, par le jeu des scrutins majoritaires à deux tours, plus subtils mais tout aussi efficaces : les minorités sont éliminées.
Là où la pluralité n'existe pas ou est canalisée, la démocratie s'efface.
Ne parlons pas de l'Afrique où les manipulations et les violences, enseignées par le colonisateur, n'ont pas été oubliées une fois acquise l'indépendance formelle.
Le vote est, de plus en plus, un alibi ou une méthode de désignation mise au point par les élites des partis au service desquels se placent les spécialistes des médias.
La démocratie d'opinion n'est pas davantage "démocratique". Les sondages, qui pèsent sur l'orientation des actions, font partie des outils politiques à la disposition de ceux qui monopolisent le pouvoir, parfois durant plusieurs générations.
L'aliénation de ceux qui continuent de croire à l'élection comme moyen de changer de politique devient de plus en plus évidente mais, car il y a un mais..., les électeurs aussi s'en rendent compte! Alors, certains biaisent : ils votent non pas pour ce qu'ils pensent mais pour casser les fausses règles du jeu. Le résultat n'est pas décisif mais brouille les cartes.
La démocratie est malade et a cessé d'être attractive parce que l'espoir de peser sur son propre destin grâce à son vote est devenu fragile. Un peuple qui se résigne devient impotent ou... dangereux.
Il est grand temps de revisiter des certitudes qui ont été dévoyées : "le gouvernement du peuple par le peuple" n'est plus qu'une formule creuse dont seuls les naïfs croient encore qu'elle a conservé sens et réalité.
Pour que la démocratie vive, il faut qu'elle renaisse sans cesse. Pour le moment, elle est moribonde et confinée par des professionnels de la manipulation des populations dans des formes complexes et qui peuvent craquer. C'est du moins ce que l'explosion de l'accès à l'information via internet rend possible, mais non probable!

dimanche 2 mars 2008

Pire que la loi du Talion

Après le Liban, Gaza? Et toujours "œil pour œil, dent pour dent"?

Non! Cette expression, "œil pour œil, dent pour dent", provient de la "Loi du Talion", (du latin talis « tel » : telle la faute, tel le châtiment), qui apparaît en 1730 avant JC dans le code d'Hammourabi, alors roi de Babylone. Cette loi incitait à la vengeance individuelle, à condition que la peine soit identique au crime commis.

On retrouve aussi cette formule dans l'Ancien Testament : "Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure" (Exode, 21,23-25). Et dans le Lévitique : "Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu'il soit, il sera mis à mort. S'il frappe à mort un animal, il le remplacera - vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un compatriote, on lui fera ce qu'il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; on provoquera chez lui la même infirmité qu'il a provoqué chez l'autre" (9,17-22). Plus loin, le même Lévitique prône néanmoins la réconciliation : "Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune" (19, 18).

Dans la Torah se retrouve la terrible parole de la Genèse :" Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé" (9, 6) Mais, contrairement au Code d'Hammourabi, la Torah indique que "les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères : chacun sera mis à mort pour son propre péché" (Deutéronome, 24,16).

Par contre, dans le Nouveau Testament, Jésus s'oppose à cette notion de peine ou de souffrance égale à celle endurée : "Vous avez appris qu'il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. A qui te demande, donne; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos" (Matthieu 5,38-42).

On est loin, aujourd'hui, de la non-violence de Jésus, dont on ne dira jamais assez qu'elle n'est pas un laisser-faire mais une agression de l'amour, un refus, une résistance, qu'aucune violence ne fait plier.
On est loin aussi de la loi du Talion!
On est dans la vengeance multipliée et, comme le dit la formule grossière, plutôt dans : "pour un œil les deux yeux, pour une dent, toute la gueule".

Israël se condamne lui-même. Et de multiples fois.
Il ne respecte pas l'Ancien Testament: la riposte n'est pas proportionnée à l'agression subie.
Il n'est pas seulement haï de ses voisins; il s'en fait haïr tant et plus, or aucun État, si puissant soit-il, ne peut vivre durablement dans un environnement hostile.
Il crée, (c'est un comble!), les conditions de l'émergence d'un nouvel antisémitisme.

André Glucksmann signa, en 1999 – avec Romain Goupil, Claude Lanzmann et Bernard-Henri Lévy, – un appel déclarant : "Nous condamnons, bien entendu, le terrorisme, mais on ne chasse pas le terroriste en bombardant les civils". Il faut dire que c'était un appel... sur la Tchétchénie!(1) Deux poids, deux mesures.

Nous ne sommes jamais sortis de ce "deux poids, deux mesures" : Les Palestiniens ont tiré une quarantaine de missiles contre Israël, blessant trois civils, dont deux enfants, dans la ville d'Ashkélon (sud), distante de 10 km de la bande de Gaza; au moins 60 Palestiniens ont été tués et plus de 150 blessés, hier, par la riposte israélienne.(3)

Nous rentrons, de nouveau, dans la guerre à Gaza. Israêl a plusieurs revanches à prendre : celle de la guerre perdue du Liban face au Hezbollah, celle de la domination du Hamas sur Gaza avec le symbole du franchissement de la frontière égyptienne, celle de l'échec de sa politique de collaboration avec le Fatah de Mahmoud Abbas. Il lui faut retrouver une autorité politique perdue, fut-ce au prix du sang.

En septembre 2006, le Monde diplomatique faisait paraître un article de Dominique Duval intitulé "Dix yeux pour un seul œil". Voici le retour, dans l'actualité, d'une affreuse formule. Israël fait bien pire que d'appliquer la loi du Talion : il se donne le droit de vie et de mort sur tout Palestinien. Ce faisant, il ne se protège pas et ne lutte pas contre le terrorisme : il lui donne des armes symboliques bien plus efficaces encore que les armes physiques.

(1) Le Figaro, 15 novembre 1999.
(2) http://www.monde-diplomatique.fr/2006/09/VIDAL/13958
(3) Source : ouest-france.fr/ 2 mars 2008.

samedi 1 mars 2008

Après nous le déluge?

C'est le titre d'un livre stimulant paru en 2006 (1). C'est aussi une invitation à choisir entre : continuer sans s'inquiéter de la suite et changer de vie pour qu'il y ait une suite.

Pendant ce temps la France éternelle se réjouit : l'armée de l'Air américaine a déclaré, vendredi 29 février, avoir choisi l'américain Northrop Grumman et l'européen EADS pour un contrat d'environ 35 milliards de dollars (23 milliards d'euros) de fourniture de 179 avions ravitailleurs, aux dépens de Boeing, qui était largement favori. Ce programme est la première étape d'un plan sur plusieurs décennies pour remplacer plus de 500 avions KC-135 utilisés pour notamment pour ravitailler des avions de combat. (2)

Tout est dit : le progrès, c'est de faire des avions. La croissance : c'est de remporter un contrat mirobolant quel qu'en soit le contenu. L'emploi, c'est travailler pour ceux qui payent et si c'est pour l'armée américaine, peu importe.

Ce que déplorent les syndicats, c'est que AEDS créera des emplois aux USA plus qu'en France. Qu'il s'agisse de donner des moyens supplémentaires à la première puissance militaire mondiale dont on voit la déplorable action en Irak ne fait pas question.

Nous restons à l'intérieur d'un système de pensée qui est sans avenir. Sont prononcés avec une égale conviction, et se juxtaposent, des discours enflammés et incompatibles. Parfois se sont les mêmes ténors politiques qui les lancent dans l'opinion qui, bien sûr, s'y perd, et ne sait plus où va le monde!

Lester R. Brown, fondateur du World Watch Institute, "l'un des 100 penseurs les plus influents de la planète, estime le Washington Post, affirme que le terrorisme constitue une menace réelle mais qui n'est pas, "et de loin, l'une des menaces principales de ce début de XXIe siècle". "Une instabilité politique sans précédent" peut surgir, dit-il, "des principales menaces que sont la croissance démographique, le changement climatique, la pauvreté, la raréfaction de l'eau, le renchérissement du pétrole et une éventuelle hausse des prix des denrées alimentaires". (3) En sommes-nous, tout comme lui, convaincus?

On ne peut tout faire à la fois! Où sont les urgences? En 1942, les USA ont bouleversé leur économie pour entrer en guerre face à un péril mondial, le nazisme. En 2008, si nous ne sortons pas des économies de guerre pour faire face à un nouveau péril mondial : la catastrophe écologique planétaire, tous nos projets économiques et politiques seront voués à l'échec. En clair, nous sommes "au seuil d'un nouveau monde" et c'est "au rythme de la préparation d'une guerre" qu'il s'agit de mettre en chantier la remise en état de la planète! "Sans restauration des écosystèmes du vivant, il n'y aura pas de progrès social". Penser la politique au niveau des seuls mandats électoraux revient à s'enfermer dans la recherche de victoires éphémères et sans efficacité réelle. Penser l'économie au niveau de la conquêtes de marchés est devenu une gigantesque duperie?

Le déluge qui peut nous submerger ne tombe pas du ciel! C'est dans nos contradictions, notre imprévoyance et notre enfermement intellectuel que nous nous noyons!

(1) Jean-Marie Pelt et Gilles Éric Séralini, Après nous le déluge?, Flammarion-Fayard, 2006.

(2) Source Agence Reuters : http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-34525462@7-37,0.html

(3) Lester R. Brown, Le plan B; Pour un pacte écologique mondial, Calmann-Lévy, 2006.

vendredi 29 février 2008

Contribution au débat municipal du 9 mars 2008

L'excessive personnalisation de la campagne des élections municipales, n'est ni saine ni juste.

Non, il ne s'agit pas seulement de choisir à Éragny sur Oise, où je réside, entre deux personnes : Dominique Gillot et Muriel De Coster, mais entre plusieurs politiques, et puisque les électeurs auront à choisir entre trois listes, la plus élémentaire démocratie aurait exigé qu’on plaçât, fut-ce formellement, les candidatures sur le même plan.

Car il s’agit, en effet, d'un scrutin de listes. À la différence de ce qui se pratique dans quelques autres pays d'Europe, le maire, en France, n'est pas élu directement. Il est élu par les conseillers municipaux, après le scrutin. Ce n’est pas eux qui dépendent de lui mais l’inverse.

Le maire, donc, n'existe pas seul. Il est indissociable de l'équipe qui l'a choisi comme animateur et porte-parole. Parler de la seule tête de liste et de son équipe contient deux erreurs : c’est un peu vite oublier que la tête de liste est dans cette équipe ; c’est considérer que les colistiers appartiennent à leur porte-parole, ce qui est inexact.

Ces évidences sont masquées, à la fois, par la médiatisation qui fait d'une élection un "match" avec ses vedettes, par la présidentialisation de nos institutions qui fait, en France, du premier des élus un chef, mais aussi par le culte des personnalités, auquel certains d'entre les militants politiques succombent, au risque d'enfermer leurs responsables dans un rôle de gourous!

La dignité du maire et de tous les autres conseillers municipaux, y compris ceux de l'opposition, exige qu'on s'écarte de cette mise en spectacle, de cette personnalisation d'une confrontation où le débat perd largement de son intérêt. Enfin, au XXIe siècle, la revalorisation de la politique dont nous avons tant besoin, suppose que nous partagions effectivement les responsabilités au lieu de tout mettre sur les épaules d'un seul ou d'une seule.

L'élargissement progressif aux citoyens des dispositifs de décision comme le souhaitent, de plus en plus, les habitants de nos communes, supposent que l'équipe municipale soit décentralisée. Les citoyens en sont de plus en plus conscients, mais, hélas, nous en sommes loin.

mardi 26 février 2008

Questions autour d'un vol "vert"?

"Les écolos britanniques ont accueilli froidement le premier vol commercial «vert» initié par Virgin dimanche. Il carburait, pour 20 % de l’un de ses quatre réservoirs, à l’huile de coco et de babassu. Selon le Mouvement pour le développement mondial (WDM), cette initiative ne serait qu’un «coup de pub avec de dangereuses conséquences pour la planète». Accusés d’entraîner la déforestation et de menacer l’agriculture de subsistance dans les pays du Sud, les biocarburants seraient une mauvaise réponse à la question climatique. Pis, si tous les vols britanniques utilisaient ces carburants, souligne WDM, la réduction des émissions ainsi obtenue serait annulée en un an, par la simple augmentation du trafic. Selon Kenneth Richter, des Amis de la Terre, «si Virgin voulait sérieusement réduire l’impact de l’industrie aéronautique, il soutiendrait la campagne pour inclure l’aviation dans les objectifs gouvernementaux de réduction des émissions de CO2». Le gouvernement s’est engagé à réduire ses émissions de 60 % d’ici à 2050, mais refuse d’inclure l’aviation dans ses calculs."(1)

Nous traversons une phase de manipulation de l'opinion publique! Au lieu de poser les questions difficiles, on cherche à convaincre les citoyens qu'on va tout changer en ne changeant rien. Quitte à mettre beaucoup d'argent dans ces opérations publicitaires!

Oui ou non, faudra-t-il, à tous prix, réduire les émissions de gaz à effet de serre, dans les 40 ans qui viennent? Oui ou non, faut-il commencer tout de suite? Oui ou non, faut-il réduire progressivement, mais dès à présent, l'usage des carburants fabriqués à partir des énergies fossiles (pétrole et... uranium!). Oui ou non, l'aviation est-elle concernée par ces limites tracées autour de l'industrie aéronautique? Oui ou non, les biocarburants constituent-ils une réponse acceptable au remplacement du pétrole ou cela ne règle-t-il rien? Oui ou non, la flambée des prix alimentaires, qui apparaît, est-elle liée à cette double cause : la diminution des espaces agricoles réservées à l'alimentation, d'une part, et l'augmentation
inéluctable du prix du pétrole dont les compagnies maîtrisent la croissance sans risque immédiat pour elles-mêmes, d'autre part? Oui ou non, une croissance économique indéfinie, sans contenu ni limites, n'interdit-elle pas, désormais, une autre croissance : celle du bien être de l'humanité? Oui ou non, pouvons-nous engager une modification des procès culturels permettant de supporter la fin des fausses évidences, afin de vivre le XXIe siècle sur des fondements tout autres, où le savoir et l'équité permettraient de vivre plus sobrement mais avec plus de plaisir?

Quel exemple que ce "vol vert"! Si remplacer le kérosène par l'huile de coco conduit à diminuer les ressources vitales des humains et aggrave la pollution par la suppression, comme en Indonésie, de forêts entières, l'économie de marché (de dupes?) a-t-elle encore un sens? Impossible de dire : nous ne savions pas! Si nous acceptons cet abandon, autant laisser aller l'humanité jusqu'à l'épuisement de ses ressources, elle n'en souffrira pas davantage mais achèvera, à coup sûr, sa course historique avec l'illusion d'avoir pu prolonger un mode de vie qui la condamne! Jamais la formule cynique "après moi le déluge" ( plus exactement : "tout cela durera bien autant que moi", de Louis, dit le Bien-Aimé!) n'aura trouvé un emploi plus justifié.

(1) Source : http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/312182.FR.php

lundi 25 février 2008

Écologie et politique argentine

Montrer les dégâts produits par l'appât du gain et soutenir les victimes des désastres écologiques ne plaît pas à tout le monde! Yann Arthus-Bertrand en fait les frais. Une nouvelle mise en évidence de la complémentarité entre les luttes populaires et l'action écologique. Exemplaire.

Bloqués dans leur hôtel depuis cinq jours et interdits de sortie du territoire argentin, le photographe Yann Arthus-Bertrand et son équipe de dix personnes sont en attente de leur comparution devant un juge à Puerto-Iguazu, petite ville touristique du nord-est de l'Argentine, après que trois plaintes ont été déposées à leur encontre.

Ils ont été arrêtés mercredi à l'aéroport de la ville de Posadas, après un tournage sur les problèmes suscités par le barrage hydroélectrique de Yacyreta, un ouvrage qualifié de « monument de la corruption » par l'ancien président argentin Carlos Menem et très critiqué pour ses conséquences écologiques désastreuses.


Yann Arthus-Bertrand affirme qu'il s'agit d'un coup monté qui vise à bloquer le tournage réalisé ces derniers jours sur un sujet très sensible : le barrage de Yacyreta, situé sur le Rio Parata.

"Nous sommes venus, dit-il, travailler en Argentine pour l'émission de France2, Vu du ciel, inspirée du livre de Fred Pearce sur la mort des grands fleuves. Au départ, les relations avec l'agence de tourisme qui nous suivait durant le voyage étaient excellentes. Tout a basculé à Posadas, lors du tournage sur le barrage, après une série d'interviews très fortes auprès des derniers habitants du village d'El Brete. L'eau doit encore monter de cinq mètres mais ils ne veulent pas quitter leurs maisons. Ces gens résistent depuis plus de dix ans, malgré les pressions. En racontant leur histoire, ils hurlaient, ils pleuraient... Le soir même, en rentrant à l'hôtel, l'agence nous a réclamé de lui verser l'intégralité du voyage en liquide...


Vu l'importance des sommes nécessaires à un tournage, il n'est pas question pour nous de nous déplacer avec une valise de billets. Un versement bancaire depuis la France était prévu. Au début, nous avons pensé qu'il y avait un malentendu, que le virement n'avait peut-être pas été effectué.

Le matin, nous avions encore tourné dans le village d'El Brete. Une fois terminé, nous allions à l'aéroport pour poursuivre notre voyage vers le sud, toujours organisé par la même agence de voyage qui, entre-temps, avait reçu la confirmation du transfert bancaire. Là, les accompagnateurs sont devenus très nerveux... Dix minutes plus tard, une quinzaine de policiers ont débarqué, nous ont arrêtés et conduit au commissariat, où la plainte nous a été notifiée. Dans la soirée, nous avons été transférés ici, à Puerto Iguazu, ce que je n'interprète que comme un moyen d'éviter toute mobilisation en notre faveur. Les ONG locales qui se battent au côté des expulsés du barrage attendaient beaucoup de notre venue. Pour elles, la volonté des autorités est claire : nous interdire de parler du scandale du barrage et des milliers de déplacés. L'hélicoptère qui devait filmer le barrage a été interdit de vol et cloué au sol. En fait, nous étions suivis par la police dès l'arrivée dans le village d'El Brete. Et encore le lendemain matin.

Le juge d'Iguazu nous a entendus une première fois jeudi et libérés sous caution avec interdiction de quitter la ville. Nous n'avons même pas pu être confrontés à la personne qui nous accuse ! Vendredi, nous avons appris avec stupeur qu'un garde-forestier d'un parc naturel où l'équipe avait travaillé et un chef de l'ethnie guarani également rencontré lors du tournage avaient eux aussi porté plainte. Nous sommes tombés des nues ! Sans doute des pressions ont-elles été exercées sur ces gens. Les interviews s'étaient pourtant très bien passées. Il n'était en rien question d'argent.

Deux avocats nous assistent, l'ambassade de France nous soutient. Il nous faut bien sûr respecter la loi argentine. Mais pour ceux qui voudraient nous faire taire, c'est raté : nous ne donnerons pas nos cassettes !"

Source : http://www.leparisien.fr/home/info/faitsdivers/articles.htm?articleid=296083953

dimanche 24 février 2008

"Casse toi, pauvre con"!

Ce n'est pas un propos de bar ou de cage d'escalier, c'est une parole présidentielle que rapporte l'AFP (1). Il n'y aurait pas de quoi s'offusquer si c'était le premier dérapage mais, après bien des sorties de la route des bons usages, et cela bien avant son élection, le Président de tous les Français apparaît décidément incontrôlable (y compris par lui-même) et adopte un comportement qui n'a plus rien de spontané. C'est donc un trait de caractère. Le personnage devient inquiétant. Les Français le sentent.

La sanction des sondages (38% d'opinions favorables seulement moins d'un an après mai 2007) n'est ni suffisante ni réjouissante. D'abord, parce que cela excite l'irritation du bonhomme qui fut toujours très attentif aux sondages, et risque de lui faire commettre d'autres impairs bien plus graves, ensuite parce que ce n'est pas sa politique qui est sanctionnée, dès lors que François Fillon obtient, lui, 58% d'opinions favorables, (+ 19%, et cela en quelques mois!). Sans doute les sondés veulent-ils montrer qu'entre l'indignité de l'un et la discrétion de l'autre, le choix est vite fait, mais il n'en reste pas moins et, c'est l'essentiel, que s'accumulent des nuages lourds de menaces au sein desquels le lien entre les risques considérables de la politique ultralibérale et les dangers d'une politique provocatrice et vulgaire, ne peut encore être fait.

De là à ce que les Français renvoient la vilaine formule : "Casse-toi alors, pauvre con", à la tête de celui qui les discréditent, il n'y a peut-être qu'un pas, de toute façon bien difficile à franchir. Mais..., on ne joue pas avec l'honneur d'un peuple. Et quand celui qui les représente est sans honneur, tout peut arriver!

PARIS (AFP) — La visite de Nicolas Sarkozy au Salon de l'agriculture samedi matin a été marquée par un échange d'invectives entre un visiteur et le président, séquence filmée qui a été diffusée dans la soirée sur le site Le Parisien.fr.
Très entouré, souriant, le chef de l'Etat prenait un bain de foule et serrait des mains quand un visiteur d'un certain âge et portant des lunettes lui a lancé: "ah non, touche-moi pas".
"Casse-toi, alors", a répondu M. Sarkozy.
"Tu me salis", a enchaîné le badaud.
"Casse-toi alors, pauvre con", a répliqué le président.




vendredi 22 février 2008

Écologica

Écologica (1) est un livre, le dernier signé d'André Gorz, qu'il a conçu avant de mettre fin à ses jours en septembre 2007.

Il s'agit d'un testament politique me semble-t-il. Ce document est le bienvenu quelque temps avant que ne soit commémoré, vilipendé ou déformé le message de mai 1968, lors des inévitables commémorations accompagnant le tout prochain 40e anniversaire.

Sartre, Illich, Jean-Marie Vincent, Dorine et... les hackers sont les points d'appui choisis par Gorz pour tenter d'expliquer comment s'était construite sa pensée. Sartre, pour l'émergence du sujet politique : "le sujet est toujours un mauvais sujet, rebelle au pouvoir et à la règle, à la société comme appareil total" formulait le philosophe. Illich, pour le choix des seules techniques conviviales, celles qui accroissent l'autonomie du sujet. Jean- Marie Vincent pour le dépassement du marxisme vulgaire qui conduit à penser que "le socialisme ne vaut pas mieux que le capitalisme s'il ne change pas d'outils". Dorine, sa compagne "sans qui rien ne serait". Et le hacker (auquel fait inévitablement penser Jérôme Kerviel, le trader de la Société générale...), ce "dissident du capitalisme numérique"...

"La sortie du capitalisme a déjà commencé" affirme André Gorz, non que le prolétariat soit de retour (il a dit "adieu au prolétariat") mais parce que l'idéologie du travail qui a sous-tendu la doctrine capitaliste (ainsi que bien des messages de syndicalistes marxistes ou pas) est à bout de course. L'appel à "travailler plus" ressemble à un chant du cygne qui se fait d'autant mieux entendre qu'il est lancé comme un défi au réel.

De plus en plus de production est devenu possible avec de moins en moins d'heures travaillées dans les sociétés hautement développées. Et si l'on devait, un jour, retrouver un plein emploi, ce serait nécessairement en continuant à réduire le temps d'emploi rémunéré ou en diminuant davantage le coût de l'heure de travail payée. On ne gagnera plus d'argent, désormais, qu'en vivant moins bien.

On a connu le "produire plus pour gagner plus et mieux satisfaire les besoins humains". On sait ce qu'il en est advenu. Le "travailler plus pour gagner plus" n'en est qu'une variante cynique qui a déjà cessé d'éblouir les dupés qui l'avaient crue.

L'écologie politique, dès lors, ne peut que reprendre, approfondir et radicaliser la critique du capitalisme. La prise de conscience mondiale qui conduit à une pseudo découverte de la menace que subit l'espèce humaine et tout le vivant planétaire, (car il y a bien longtemps que le danger s'annonçait) peut soit être détournée, pour quelque temps, vers le capitalisme vert, c'est-à-dire le détournement du profit vers les inévitables adaptations à effectuer pour survivre, soit conduire à des bouleversements historiques dont nous n'avons aucun modèle préétabli et par conséquent aucune possibilité de les prévoir avec certitude.

Il y a grande urgence mais il n'y a pas de solution connue à cette nécessité du dépassement du capitalisme. Urgence parce que le système implose comme a implosé le système soviétique. Vide politique parce que tous les acquis démocratiques qui ont accompagné le capitalisme depuis un peu plus de deux siècles sont en crise. Nous entrons dans une période fascinante et périlleuse dont, en 1968, nous n'aurions pu rêver : les sept milliards d'humains disposent des moyens de subvenir à tous leurs besoins à conditions de les diminuer de tout ce qui leur a été présenté comme des besoins et n'en étaient pas.

Contre toute attente historique, l'économie de l'immatériel, comme le démontre André Gorz, limite le travail humain et tend à la gratuité. Le capitalisme n'en peut sortir indemne. Nous n'avons donc le choix qu'entre la lente, progressive et complexe mise en œuvre de la convivialité qu'aura pensée (mais non vue!) Illich, et... rien.

Le temps critique et contradictoire de l'espoir et du désordre a commencé.

(1) André Gorz, Écologica, Galilée, Paris, 2008.

mercredi 20 février 2008

Le pire des mondes possibles

En ce mois de février, à Bruxelles, j'ai vivement ressenti que nous aurions toutes les raisons de désespérer : la misère s'accroît et cotoie les insouciants qui jouissent des possibilités de consommer sans entrave. Sur la Grand'Place, superbe, les visiteurs d'un jour, bruyants, filmaient, flashaient avec ostentation et impudeur. Il n'y a plus d'autre souci pour ces clients du marché du tourisme que de "faire" une ville, c'est à dire de l'avoir sur les tablettes de ses voyages, preuves photographiques à l'appui...

Mais là n'est pas le plus angoissant. Dans le quartier où se juxtaposent les immenses édifices européens, celui de la Commission, celui du Conseil des Ministres, avec, un peu à l'écart, le Parlement, on sent de façon quasi charnelle que les 30 000 fonctionnaires ici (au moins!) sont payés à traiter des problèmes vitaux par dessus la tête de ceux qui ont à les vivre. Le sens du Traité de Lisbonne surgit d'un coup : le monde du savoir et du pouvoir est, là, bien installé, au service de l'avoir. Les innombrables modestes subiront les décisions et, démocratie ou pas, n'y pourront rien.

Depuis moins d'un demi-siècle, "le pire des mondes possibles"(1), comme le dénomme Mike Davis, sociologue américain, s'est étalé partout à la surface de la Terre. Toute organisation internationale, toute puissance militaire se sont avérées incapables de s'opposer à la progression de la misère. Plus de 200 000 bidonvilles sur la planète, (dont Bombay est la capitale mondiale avec 10 à 12 millions de squatters vivant en taudis) regroupent d'immenses populations, de Mexico et Caracas en Amérique du Sud, du Caire au Cap en Afrique, de Gaza et Bagdad jusqu'à Bombay en Asie...! S'il est une preuve et une seule de l'échec violent du néo-libéralisme, elle est là : plus passent les années et plus le monde se coupe en deux avec une minorité de nantis croissant moins vite que la majorité des miséreux. On peut ne pas le voir et ne pas le savoir mais la réalité s'impose : "une humanité de trop" impossible à intégrer dans le système économique et social dominant tend à devenir démographiquement majoritaire.

Face à ce désordre géant deux voies et deux seules sont ouvertes : celle de la contrainte physique des superpauvres des mégavilles et celle du renoncement à la croissance des richesses réservées aux favorisés. "Ce n'est pas à cause de la pauvreté urbaine que les bidonville existent mais à cause de la richesse urbaine" affirme Gita Verma (2). Produire pour produire ne peut satisfaire les besoins puisqu'il faudrait produire non ce qui surabonde et qui se vend mais ce qui manque et qui ne peut s'acheter!

L'Europe tourne le dos à la réalité du monde. Les États Unis l'affrontent par la force. Les États émergents copient les recettes qui ont réussi aux pays industrialisés et ne sont pas reproductibles. L'impasse économique et politique est totale.

Quand tous les motifs de la désespérance se trouvent réunis, qu'y opposer sinon une espérance active et opiniâtre ultime défi au pire des mondes possibles. L'espérance des "partageux" des "utopistes" et des "résistants"...

(1) Mike Davis, Le pire des mondes possibles, édition La Découverte/Poche, Paris, 2007.
(2) Gita Verma, Slumming India, London, 2003.

jeudi 14 février 2008

Si le futur roi d'Angleterre s'en mêle...!

Le jour du "Jugement dernier" se rapproche, selon le prince Charles! Halte au catastrophisme mais oui à la plus extrême vigilance. Rien n'est écrit mais oui, nous sommes en danger. JPD

BRUXELLES (Source vérifiée)

Le prince Charles, connu pour son activisme en faveur de l'environnement, a appelé jeudi l'Europe à faire encore davantage pour lutter contre le réchauffement climatique, prévenant que l'heure du "Jugement dernier" se rapprochait dangereusement.

"L'horloge du jour du Jugement dernier pour le changement climatique avance toujours plus vite vers les douze coups de minuit. Nous n'agissons tout simplement pas assez vite" pour faire face au défi du réchauffement, a affirmé l'héritier de la couronne dans un discours devant le Parlement européen à Bruxelles.

Si le monde ne prend pas la mesure des défis à venir, "le résultat sera une catastrophe pour tout le monde", a-t-il mis en garde.

"La banquise au pôle Nord fond si rapidement que certains scientifiques prévoient qu'elle disparaîtra complètement l'été dans sept ans", s'est-il inquiété. "Le simple fait qu'un tel événement soit concevable constitue un nouvel appel à se ressaisir, alors que nous progressons tels des somnambules vers le bord du gouffre", a ajouté le prince Charles.

Il a notamment plaidé pour associer plus étroitement le secteur privé aux efforts des pouvoirs publics et des ONG dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Il a salué les récentes propositions de la Commission européenne pour parvenir à l'objectif d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE de 20% par rapport à leurs niveaux de 1990 d'ici à 2020 et, sur cette même période, de porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation.

Mais il a estimé qu'il faudrait aller "bien plus loin". Et il a invité l'Europe à intensifier ses efforts pour convaincre les Etats-Unis et les grands pays émergents de s'associer plus nettement aux efforts sur le climat.

L'UE doit oeuvrer à "forger un dialogue réellement efficace avec la Chine, l'Inde et les Etats-Unis, qui reconnaisse clairement les implications du changement climatique en termes de sécurité" pour la planète, a-t-il dit.

Bruxelles (Source vérifiée)

mercredi 6 février 2008

Rupture

Je doute encore de ce que je vais écrire, et pourtant, je ne doute pas que l'écrire cessera de me faire douter.

Je ne veux pas de l'Europe qu'on me prépare ni pour moi, ni pour ma descendance. Passer du fascisme au stalinisme, puis de ces totalitarismes assassins au capitalisme triomphant ne contient aucun germe d'espoir. Ceux qui le veulent, l'acceptent ou n'y font pas face sont des traîtres à la cause humaine. Je n'ai plus rien à faire avec eux.

Ce qui s'est passé à Versailles, lundi passé, 4 février, contient toute la désespérance politique : pour n'avoir pas le pire, on accepte le moins mauvais (voilà pour l'acceptation du vote par le parlement du traité de Lisbonne -incertain devant le peuple, assuré devant les assemblées-); pour éviter le vote passionnel des Français et leur censure possible du pouvoir, on les empêche de voter (voilà pour l'acceptation par les "représentants" du peuple d'une mission que leurs mandants ont été jugés incapables de remplir!).

Que le référendum soit un outil dangereux pouvant tourner au plébiscite. C'est vrai. Que les électeurs ne soient pas en mesure d'examiner les conséquences d'une organisation des pouvoirs publics assez importante pour qu'on doive modifier la constitution avant d'en saisir les parlementaires. C'est faux.

Il y a donc eu forfaiture : le crime politique qui ne se pardonne pas. Je peux pardonner à des hommes qui se trompent. Je ne pardonne pas l'erreur elle-même, et une une erreur de ce calibre! J'en ai fini à jamais avec les socialistes et les écolologistes qui ont préféré un réalisme imaginaire à la résistance démocratique.

Je me découvre entier et donc, sans doute, criticable pour cela, mais l'avenir jugera. Et sans tarder...

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