vendredi 25 mai 2007

Vers une nouvelle radicalité politique

Gauche, extrême gauche, gauche de gauche, ces appellations contiennent, à présent, une part d’ambiguïté qui rend impossible la prise en compte, par l’opinion publique, des contenus politiques qu’elles recouvrent.

Si gauche ne signifie que... ce qui n’est pas à droite, ce n’est plus qu’une négativité sans avenir.

Si extrême gauche signifie refus du capitalisme, sans proposition d’une véritable alternative crédible, ce n’est plus qu’une forme de contestation qui garde sa place dans le champ des luttes sociales, mais qui ne pèse plus guère sur les décisions politiques.

Si gauche de gauche signifie gauche antilibérale (sous entendu : le reste de la gauche ne l’est pas), nous retombons dans la seule négativité, (et de la droite et du capitalisme et du social-libéralisme). Et nous faisons du sur place.

Du rabachage de Lutte ouvrière, au doctrinarisme du Parti des travailleurs, et jusqu’au néo-léninisme subtil de la LCR, il n’y a, à la vérité, que des nostalgies politiques qui s’expriment, des vieilleries!

Du Parti communiste aux Verts, il n’y a que la tentative de garder, ou de trouver, une assise parlementaire, quitte à la devoir au Parti dominant qui les étouffe. Du coup, leur message spécifique devient illisible.

Du réalisme des tendances centristes jusqu’à la fidélité aux idéaux de Jaurès et de Blum, il y a place, au sein du parti socialiste, pour plusieurs partis politiques! Entre la résignation idéologique de ceux qui veulent d’abord gouverner (et on verra après...), et l’entêtement idéologique de ceux qui pensent toujours possible le retour à l’État providence, il y a un gouffre, (par dessus lequel les électeurs socialistes hésitent à sauter!).

La victoire de Nicolas Sarkozy (et c’est bien difficile à admettre!) a l’avantage d’obliger à affronter toutes ces contradictions.

Il ne suffit plus de condamner le PS qui trahit où l’extrème gauche antitoutiste, il faut indiquer les voies non encore parcourues qui peuvent être empruntées avec de bonnes raisons d’espérer qu’elles ne mênent ni à des impasses ni à des catastrophes économiques et sociales.

Le mot gauche est impossible à abandonner pour le moment parce que nous ne sommes pas capables de penser la non-gauche sans risque de récupération par une droite qui s’assume.

Et pourtant, la non-droite, qui n’est pas la gauche traditionnelle, extrême ou pas, devient un réel politique pensable. La droite, en dépit des apparences actuelles, est blessée à mort et il serait plus que dangereux de se définir seulement par rapport à elle. La production conduite par le seul profit est sans avenir. Le temps de la décroissance a commencé, (comprendre le mot non comme une non croissance mais comme une croissance frugale qui tienne exactement compte des ressources existantes au lieu de les brader).

Évidemment les esprits conservateurs, de gauche comme de droite, qui n’ont comme autres repères que les conflits du capital et du travail des siècles passés, sont mal préparés à comprendre que de nouvelles formes de luttes de classes ou d’intérêts sociaux sont apparues et que les luttes de pouvoir ne se situent plus exactement, ou seulement, dans des cadres nationaux.

La radicalité (je n’ai jusqu’à présent pas trouvé d’autres vocable pour me faire comprendre) est un vocable qui n’apparaît pas encore dans le dictionnaire Robert. Au mot radical, il emprunte l’enracinement dans l’histoire, mais il ne se retrouve pas dans l’histoire politique en France, celle des Radicaux qui sont tout sauf définitifs dans leur positionnement politique.

La "radicalité radicale" marque un virage complet, un renoncement total, par rapport à l’existant. Elle est révolutionnaire au sens où l’inversion de la perspective est révolutionnaire comme l’est, étymologiquement, tout retournement. Elle ne vise pas, pour autant, à la prise du pouvoir par la lutte armée, ne fut-ce parce que de tels bouleversements ne sont pas durables et n’atteignent pas l’objectif visé : la dépossession de ceux qui confisquent la richesse à partager entre tous. Changer de maître, expliquait Sartre, ne supprime pas l’esclavage.

La gauche historique a tenté de mener une politique populaire en empruntant trois voies qui se sont avérées être soit inefficaces soient monstrueuses.

La pire a été, des décennies durant, la dictature du parti déguisée en dictature du prolétariat, le collectivisme camouflé en communisme, l’anticapitalisme revendiqué par un capitalisme d’État. Nous n’avons pas fini de payer le prix de cette erreur géante qui a pris fin en 1989, deux cens ans exactement après la révolution française!

La plus ambigüe aura été celle qui a recherché dans le pouvoir d’État et l’instauration de lois justes, les moyens de s’opposer au règne de l’argent, à la domination du capital, à la prééminence de l’économique. L’État-providence, de la Suède jusqu’à la France du Front populaire et de l’après guerre, a dû composer avec les forces qui le circonvenaient, puis a dû céder sous l’effet de la crise énergétique ayant mis fin aux “Trente glorieuses”. La sécurité sociale, comme symbole de la garantie à vie de conditions d’existence décentes, pour tous, s’effondre sous le poids du vieillissement de nos populations, de la démographie mondiale, et surtout de la fragilisation mondiale des nations dont l’interdépendance interdit le maintien d’aires géographiques protégées. Le capitalisme s’est engouffré dans cette béance et s’y installe.

La plus pragmatique mais aussi la plus cynique, la troisième voie, ni dictatoriale, ni étatiste, aura consisté à tenir-le-pouvoir-pour-limiter-les-dégats! Dès qu’il est apparut à François Mitterrand que le pouvoir présidentiel lui même, si fort soit-il, ne permettait pas de conduire, en France, une politique économique différente de celle qui l’emportait en Europe sous l’influence des États-Unis, il a pris le parti de faire une politique d’apparence socialiste et discrétement libérale. Il y fallait un talent fou. Mitterrrand n’en manquait pas; Schroeder non plus; Blair fut l’égal de Thatcher, le bon soldat de Bush mais a séduit jusqu’au bout. Il a prouvé qu’un parti de gauche pouvait faire une politique de droite et être crédible.

Trois voies historiques essayées. Trois échecs. Ou bien la gauche se taille un autre chemin ou bien elle s’épuisera et disparaitra progressivement; mais comme les victimes de l’économie libérales sont, elles, bien vivantes, il va surgir des éléments nouveaux qui vont modifier les pratiques politiques.

J’en vois trois, actuellement, et j’y reviendrai. Qu’il me suffise de les citer :
- la révolution démographique qui n’est ps que numérique et qui est liée à la révolution des âges.
- la révolution technologique qui permet au plus grand nombre d’être informé et acteur.
- la révolution écologique qui résulte de la finitude de la planète et d’une partie de ses ressources.

Toute pensée politique qui ne s’inscrirait pas à l’intérieur de cette triple problématique révolutionnaire est condamnée à rester sans prise sur le réel.

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