mardi 29 janvier 2008

L'UNESCO s'engage pour l'écologie

Retirons de cette prise de position, ci-dessous, tous les éléments positifs et ils sont nombreux. Reste que les concepts de croissance et de développement durable, même exposés, comme ici, avec toutes les nuances requises, sont ambigus et devront, à leur tour, être abandonnés. J-P D.

Sauvons l'humanité ! Combinons croissance et développement durable

Par Koïchiro Matsuura, directeur général de l'Unesco.

Nous avons reçu une seule planète en héritage. Mais qu'en avons-nous fait ? La Terre est aujourd'hui un patrimoine en péril, et l'espèce humaine elle-même est en danger.

Avons-nous, même après les derniers résumés du Giec et la conférence de Bali, pris conscience de l'ampleur des défis titanesques que l'humanité va devoir relever, alors que le temps déjà lui fait défaut ? Je n'insisterai pas sur le diagnostic. Changement climatique, désertification, crise mondiale de l'eau, déforestation, dégradation des océans, pollution de l'air, des sols, de l'eau et des mers, érosion accélérée de la biodiversité : hélas, le tableau est connu.

Les conséquences économiques et géopolitiques d'une telle situation commencent seulement à être chiffrées. Notre guerre à la planète risque d'avoir un coût de guerre mondiale, comme l'a rappelé le rapport Stern. Et, au bout de la guerre à la nature, ne risque-t-il pas d'y avoir la guerre tout court, face à la pénurie croissante des énergies fossiles et des ressources naturelles et aux 150 à 200 millions d'écoréfugiés anticipés par les études prospectives ?

Mais ce que nous interprétons comme des problèmes à commencer par le changement climatique ne sont pas tant des problèmes que des symptômes. Le vrai problème, en fait, est celui de la croissance matérielle dans un monde fini, qu'avait déjà posé en 1972 le rapport au Club de Rome «Limits to Growth». Mais, en 1972, nous dit Dennis Meadows, coauteur de ce rapport, «l'humanité était en dessous des limites de la planète, maintenant nous sommes au-dessus» , comme l'attestent les données concernant l'empreinte écologique de l'espèce humaine calculées par l'équipe de Mathis Wackernagel.

En 1972, nous avions atteint 85 % de ces limites. Aujourd'hui la consommation humaine des ressources se situe à environ 125 % du niveau soutenable à long terme.

Alors, peut-on encore sauver l'humanité ? Oui, nous le pouvons, sans pour autant interdire à l'espèce humaine de se développer et de lutter contre la pauvreté. Pour ce faire, nous devons combiner la croissance et le développement durable, au lieu de les opposer.

Mais comment ? Il va nous falloir plus de science, plus de sobriété, moins de matière, plus de concret, et davantage d'éthique et de politique, et non pas moins : et donc un autre contrat, un contrat naturel et une éthique du futur.

Plus de science d'abord. Nombreux sont ceux qui pensent : la technoscience, voilà l'ennemi. Mais la main qui inflige la blessure est aussi celle qui la guérit. Nous ne parviendrons pas à sauver la planète et son hôte, l'espèce humaine, si nous ne construisons pas des «sociétés du savoir», qui accordent la priorité à l'éducation et à la recherche. Face aux défis du développement durable, nous devons renforcer nos capacités d'anticipation et de prospective. Pour sa part, l'Unesco édifie depuis des décennies une base mondiale de connaissances sur l'environnement et le développement durable, alors même que si peu encore avaient conscience du problème ! Dès 1949, l'Unesco a lancé la première étude internationale sur les zones arides ; dès 1970, elle a créé le programme «l'homme et la biosphère» (MAB), et ses programmes scientifiques mondiaux sur les océans et les géosciences sont reconnus comme des ressources uniques. Le Giec a beaucoup puisé dans cette base de connaissances qu'il faut continuer d'enrichir et de compléter à l'avenir.

Plus de sobriété : il va nous falloir inventer des modes de consommation moins dispendieux et plus efficaces. Car avec l'extension croissante des modes de développement et de consommation occidentaux aux économies émergentes du Sud, quel autre choix avons-nous ? Trois ou quatre planètes Terre seraient nécessaires si l'on étendait tels quels à la planète les styles présents de consommation de l'Amérique du Nord.

Moins de matière : il va nous falloir «dématérialiser» l'économie et la croissance. Car peut-on arrêter la croissance ? Probablement pas. Que faire alors ? Il va nous falloir réduire la consommation de ressources naturelles et de matières premières dans chaque unité de production économique, qu'il s'agisse d'énergie, de métaux ou de minerais, d'eau ou de bois. Ce transfert de l'économie vers l'immatériel a déjà commencé, avec la révolution qui remplace les atomes par les bits, et qui est au principe de l'essor des nouvelles technologies et des sociétés du savoir. La «dématérialisation» de l'économie pourrait même favoriser le développement des pays du Sud, si les pays du Nord s'engageaient à dématérialiser un peu plus que les pays du Sud pendant environ cinquante ans.

Mais la plus grande transformation de nos sociétés sera celle de nos attitudes et de nos comportements : comment dématérialiser la production si nous restons matérialistes ? Comment diminuer notre consommation si le consommateur en nous dévore le citoyen ? L'éducation au développement durable sera le levier de cette mutation.

Plus de concret : pour combler le fossé entre utopie et tyrannie du court terme, il faut des projets concrets et réalistes, y compris à l'échelle internationale. Exemple : la biodiversité. Pour préserver les 34 zones écologiques jugées les plus prioritaires, qui ne couvrent que 2,3 % de la surface terrestre du globe mais abritent 50 % des espèces connues de plantes vasculaires et 42 % des mammifères, oiseaux, reptiles et amphibies, il faudrait environ 50 milliards de dollars, soit moins de 0,1 % du PIB mondial.

Un contrat naturel : pour cesser d'être les parasites de la Terre, nous devons accepter de signer un nouveau traité de paix avec la nature. Nous avions le contrat social, qui liait les hommes, il nous faut maintenant nous lier à la nature. L'idée paraîtra étrange à certains, mais elle est une suite logique de la prise de conscience écologique. Si désormais nous protégeons telles espèces, si nous préservons des paysages dans des parcs naturels, c'est que peu à peu nous reconnaissons dans la nature un véritable sujet de droit. La vraie démocratie du futur sera prospective ou ne sera pas : l'éthique du futur, qui exige que nous léguions un monde vivable à nos enfants, saura y jeter un pont entre l'économie et l'écologie, entre la croissance et le développement durable.

Le 28 janvier 2008


http://www.lefigaro.fr:80/debats/2008/01/29/01005-20080129ARTFIG00462-sauvons-l-humanite-combinons-croissance-et-developpement-durable-.php

lundi 28 janvier 2008

La politique au-delà des partis et des États (2ème partie)

La politique est chose trop sérieuse pour la confier aux politiciens. Les sommes colossales qui servent à payer les campagnes électorales (au bout desquelles les questions de fond n'ont pas été posées afin d'éviter une défaite), seraient mieux employées pour assurer la formation civique des citoyens nulle part convenablement assurée.

Laissons de côté les partis dont j'ai dit qu'ils couraient à leur fin mais regardons en quoi les États non plus ne sont pas à même de conduire, à présent, les affaires des hommes. Les grandes questions dont dépend l'avenir de l'humanité sont toutes transnationales et les États-nations ne sont plus en mesure de les traiter.

Quelles sont ces questions que ni les partis ni les États ne peuvent présenter aux citoyens comme étant des priorités vitales?

La première de toutes est d'ordre démographique : si, en 2050, la planète compte 9 milliards d'habitants, il faudra faire cohabiter six fois plus d'êtres humains qu'au XIXe siècle. Sans un partage de l'eau potable, de la production alimentaire, de l'espace de vie disponible et des connaissances scientifiques indispensables pour vivre ensemble, c'est tout simplement impossible. Ce sont la guerre, la famine, l'immigration de masse et la misère généralisée qui limiteront les effectifs de la population humaine terrestre.

La seconde est d'ordre écologique : si d'ici 2050, les hommes n'ont pas limité les activités qui engendrent un réchauffement climatique artificiel et rapide, les désastres qui attendent les générations à venir n'auront aucun équivalent au cours des temps historiques, si ce n'est peut-être la peste noire. Nul, riche ou pauvre, n'échappera aux conséquences d'une gestion démente des ressources fossiles non renouvelables.

La troisième est d'ordre social : si nous ne nous en prenons pas aux causes de la "bidonvillisation" de la planète, une déferlante de violences urbaines emportera tout sur son passage et il deviendra inutile de parler de civilisation. 2007 aura été l'année charnière puisque, depuis, il y a plus d'humains en milieu urbain qu'en milieu rural. mais le pire est devant nous : en 2020, sans un changement radical de nos modes de vie, deux milliards d'hommes vivront non plus en ville mais en bidonville. "Si rien ne change, l'humanité future habitera dans des cartons" lance le sociologue américain Mike Davis.

La quatrième est d'ordre générationnel : nous ne nous sommes pas préparés à vivre plus vieux, or un vieillissement considérable de la population humaine s'est effectué en un demi-siècle. C'est vrai sur tous les continents et singulièrement en Asie. Les conséquences matérielles et culturelles du phénomène sont inouïes. La place du travail, la durée des formations, l'image du corps, la conception de la santé, la répartition et la transmission des richesses vont s'en trouver bouleversées.

La cinquième est d'ordre méthodologique : les quatre questions vitales précédentes ne sont pas à traiter autrement qu'ensemble. Non seulement elles sont liées mais elles sont interagissent les unes sur les autres. En Inde, par exemple, qui sera bientôt l'État le plus peuplé du monde (voilà pour la démographie), où le manque d'eau provenant des glaciers en recul dans l'Hymalaya et l'excès d'eau océanique en zone côtière
peuvent s'avérer dévastateurs (voilà pour l'écologie), où, au sein de villes géantes, comme Bombay, la plus grande misère cotoie déjà le luxe sur fond de pollutions gigantesques (voilà pour le social), des foules de vieillards abandonnés survivent très péniblement (voilà pour le générationnel). Et l'Inde n'est ni exceptionnelle ni en régression : c'est, dit-on, un pays émergent en pleine croissance.

Au moment où explose une crise financière qui a de lointains précédents mais pas d'équivalent, l'organisation de la vie sur la planète est à repenser. cela ne peut se faire qu'en une décennie au plus court mais c'est l'urgence des urgences. Une urgence politique. Tout en dépend.

dimanche 27 janvier 2008

La politique au-delà des partis (1ère partie).

La critique des partis politiques rédigée par Simone Weil, dès 1943, imprimée en 1950, n'a pas été republiée, en 2006, tout à fait par hasard (1). "Le totalitarisme est le péché originel des partis" écrit-elle. Selon elle, l'esprit des Lumières, qu'elle appelle "l'esprit de 1789" est "une expression de la volonté générale", telle que l'avait exposée, sans se faire entendre ni comprendre, Jean-Jacques Rousseau, et qui est "bien autre chose que des élections". Que dirait-elle aujourd'hui?

Il semble que reprendre et dépasser la pensée de Simone Weil, sans la trahir, consisterait, avec elle, à reconnaître que, pas plus en 2008 qu'en 1943, "nous n'avons jamais rien connu, qui ressemble, même de loin, à une démocratie", "qu'il n'y a rien de plus confortable que de ne pas penser", "et que les partis restent mauvais dans leur principe".

Affirmer qu'on est favorable à "la suppression générale des partis politiques" ne va pas de soi. Il ne s'agit pas simplement de fonder en raison un choix personnel de non appartenance à une formation politique. Il s'agit de contribuer à la restauration, voire à l'émergence, d'expressions politiques qu'on ne puisse enfermer dans des particularismes et des disciplines sectaires. Bien davantage, la fin des partis politiques ne peut être obtenue qu'à la condition de voir le débat politique s'emparer de la société tout entière.

Je reviendrai sur cette question controversée mais il me semble qu'elle peut, d'ores et déjà, bénéficier d'un éclairage nouveau grâce à la rencontre de l'idéal des Lumières et de l'hospitalité kantienne avec les exigences citoyennes radicales, altermondialistes, nées du constat de plus en plus alarmant qui est fait de l'état de la planète.

Cette situation inédite peut engendrer non pas la négation (ce serait temps perdu), mais le dépassement des partis, obsolètes, inefficaces et accapareurs de la volonté populaire. Il ne faut pas s'évertuer à tuer ce qui meurt.

Rien n'est plus urgent et plus utile, au contraire, que de faire surgir, en positif, une citoyenneté qui ne se laisse plus enfermer dans la représentation, la délégation et la hiérarchie (républicaines ou pas).

Renoncer au pouvoir sur les hommes pour accéder à la possibilité de peser sur les décisions sans compter sur les élections pour y parvenir : voilà ce que, de Jean-Jacques Rousseau à Simone Weil, en allant jusqu'à des philosophes plus contemporains, il est grand temps d'étudier, afin de faire des propositions acceptables par les citoyens du monde.

J'observe que l'Université Paris 8 ne manque pas de philosophes, vivants ou morts, dont les œuvres méritent un examen permanent : d'Alain Badiou à Jacques Rancière, de Jean-François Lyotard à François Chatelet, d'Alain Brossat à René Schérer, d'Antonio Negri à Daniel Ben Saïd, sans oublier bien sûr, Gilles Deleuze inséparable de Félix Guattari. On trouve, chez ces écrivains, des contributions qui donnent de quoi repenser tous les discours convenus sur la démocratie.

Pour ma part, en m'appuyant sur les travaux de ces auteurs, je me retrouve, actuellement, proche du "survivant", le sociologue étatsunien, Mike Davis, qui met en garde contre la dérive économiste nous conduisant tout droit à une planète de bidonvilles. "Si rien ne change, dit-il, l'humanité future habitera dans des cartons". Penser la politique non en terme de partis, d'élections ou de pouvoir mais en terme de contribution à l'expression du "vouloir commun à tout un peuple conforme à la justice" (eut dit Simone Weil), telle sera, si je le peux et en ai encore le temps, ma pré-occupation désormais.

(1) - Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, éditions Climats, distribué par Flammarion, 2006.

jeudi 24 janvier 2008

Quand Attali s'en va croissant.

La Bourse? Cela va mieux. Merci! Plus six (pour cent).
La Société Générale? Cela ne va pas du tout. Moins cinq (milliards).
Le yoyo et le gogo! Un yoyo : pour le CAC 40 qui monte et qui descend. Un gogo: pour qui croira qu'un trader de 31 ans peut effacer des milliards d'euros des comptes de sa Banque, sans qu'on s'en aperçoive.
Le culte de la croissance dévore le monde et nul n'ose contester cet a priori.
316 propositions pour relever la croissance d'1%. Jacques Attali que Politis transforme en Attila, libéralise sans état d'âme. La seule proposition qui mérite l'examen : la fin des départements est déjà refusée. Le reste est une cynique liste de mesures qui forment un tout accablant. Que cet homme ait été conseiller de Mitterrand est instructif. Là où passe cet Attali-là le socialisme ne repousse pas.

mardi 22 janvier 2008

Crise boursière ou crise économico-écologique?

Et si la crise boursière ("sérieuse" dit, doctement, DSK) avait aussi, ou principalement, des causes écologiques?
Et si "la pire crise financière depuis la seconde guerre mondiale" (selon Georges Soros) n'en était qu'à ses débuts?
Et si "la probable récession aux États-Unis" n'expliquait pas tout?
Et si nous vivions "des temps intéressants" comme le reconnaît, sans enthousiasme, Jean-Claude Junker?
Et s'il s'agissait d'un "krach programmé" comme l'annonçait Olivier de Ducla (1) et pas seulement d'une "purge" ou d'une "correction brutale" comme le suggère Christine Lagarde, notre ministre des finances?
Et si, à force de vivre au-dessus de nos moyens, nous avions cassé la tirelire?
Et si commençait une époque où l'on ne pourra plus courir après la croissance?

Toutes ces questions émergent brutalement de l'océan d'indifférence et de résignation dans lequel nous plongeaient les médias toujours rassurants, toujours aux ordres de leurs financeurs...
À tout vouloir fonder sur l'état de l'économie étatsunienne, on finit par attrapper la grippe dès qu'ils toussent. Et il est des grippes mortelles...
L'Euro recule. Il vaut ce matin moins d' 1,45 dollar. Pour continuer à faire des affaires, mieux vaut calmer cette progression qui conduisait à une trop faible compétitivité face aux Étas-Unis. Mais en est-on encore là? "La croissance sera inéluctablement inférieure en zone euro", sous la barre des 2%, sans doute.
En Asie, deuxième journée de panique boursière, de Tokio à Singapour. En Australie on n'avait pas connu une telle dégringolade (-7,05%) depuis 1997. Bref, à la vitesse d'internet, le monde entier apprend que nous entrons dans une crise économique dont nous maîtrisons mal, -si l'on s'en tient à des explications techniques- et les causes, et les effets, et la suite. C'est une crise politique.
Le capitalisme se porte mal. Il s'alite. Il a si souvent guéri que nul ne songe à s'inquiéter exagérément. Pourtant, s'il se redresse, comme il est probable, car la planète ne peut s'effondrer d'un coup, il cessera d'être triomphant. Sa fragilité est révélée. Ne s'en étonneront que ceux qui confondent la monnaie et le granit.

(1) Olivier de Ducla, Le krach programmé, éditeur : Jean-Cyrille Godefroy (15 mai 2003).
Dès le début de la crise boursière, il avait annoncé en temps réel une terrible chute du CAC 40. Olivier de Ducla, HEC, a fait toute sa carrière comme analyste et courtier des marchés internationaux. Directeur des achats du groupe Lesieur, Il s’est ensuite spécialisé dans l’étude théorique et l’analyse technique des marchés, fondant sa propre société d’analyse, Ducla international. Il était le seul des spécialistes à se déclarer baissier lors de l’enquête annuelle du Figaro économie en janvier 2007. Il explique par quels mécanismes la déroute des indices boursiers dans le monde va entraîner, si on ne fait rien, si les égoïsmes de caste continuent de prévaloir, une crise économique sans précédent. Crise économique, mais aussi morale politique et sociale, car celle de 29 n’aura rien été en comparaison de ce qui nous attend. C’est toute une génération qui sera sacrifiée.

lundi 21 janvier 2008

Le Der des ders

Lazare Ponticelli est le dernier ancien combattant, le seul survivant de la "Grande Guerre" qui fut tout sauf "grande". La "Der des der" a fait, entre 1914 et 1918, neuf millions de morts dans le monde et près de 20 millions de blessés, dont la moitié mutilés. En France et en Allemagne, un soldat mobilisé sur six a été tué. La plupart avaient entre 18 et 25 ans.

Lazare Ponticelli, dont il faut sans cesse répéter le nom pour ne pas l'oublier, cet immigré venu en France à 9 ans, né le 7 décembre 1897, a échappé à l'enfer de Verdun.

Lazare Ponticelli a indiqué à plusieurs reprises qu'il refusait des obsèques nationales, en estimant que "ce serait un affront à ceux qui sont morts avant moi".

Lazare Ponticelli, la dignité faite homme!

jeudi 17 janvier 2008

Le chanoine impudique

Bouffon imperator (1) est devenu chanoine, c'est-à-dire, selon le dictionnaire Le Robert, "dignitaire ecclésiastique, membre du chapitre d'une église cathédrale". Est-il "chanoine titulaire, prébendé (oh!) ou simplement honoraire"? La prébende, précisons-le, est un "revenu fixe accordé à un ecclésiastique (dignitaire d'une cathédrale ou chanoine)", bref c'est un moyen de gagner plus en travaillant à peine plus ...

Mais soyons sérieux. Par où qu'on l'aborde, ce Saint-Nicolas, quasi évêque, est un catholique qui ne saurait être en odeur de sainteté. Qu'il puisse à la fois vivre ce qu'il vit tout en se faisant le défenseur des valeurs chrétiennes a de quoi surprendre! Un catholique intégriste, ou simplement traditionaliste, s'offusquera que ce double divorcé s'affiche à Rome, auprès du Pape, juste après s'être choisi une nouvelle et médiatique maîtresse. Un catholique pratiquant comprendra mal que ce qui est interdit aux humbles soit accordé aux grands par le Pape Benoît XVI, pourtant si attentif à la protection de la doctrine, (la politique aurait-elle ses quartiers réservés dans l'univers pontifical ?). Un catholique simplement exigeant, pour qui l'accueil de l'étranger, le refus de l'argent roi, le partage et l'hospitalité font partie du message évangélique aura quelque peine à accepter la mise en scène télévisuelle de cette rencontre ambiguë.

Le citoyen français, chrétien ou pas, se trouve, lui, une nouvelle fois enfermé dans une contradiction : le Président de la république a des droits et s'en sert, d'une part; mais il en abuse avec une constante effronterie, d'autre part, et il montre au monde entier qu'il se moque totalement des conventions ou des habitudes, les mieux fondées comme les plus infondées, qui sont celles qui accompagnaient, jusqu'à présent, l'exercice du pouvoir. Nicolas Sarkozy, en quelques mois, a réussi a incarner, seul, ce pouvoir qu'il délègue, reprend ou distribue, à son gré. Il est le Maître. Il est le Chef. Il est l'Imperator, le Conducator, le Caudillo et le Leader Maximo tout à la fois. Je n'ose écrire le Führer, le Guide suprême. En tout cas, il est le Prince (attention à la visite en Andorre). Et par-dessus tout, il est le Chanoine.

Trop, c'est trop. Et le culot d'enfer de ce personnage d'opérette à spectacle atteint ses limites. Il est l'impudeur même.

À quand la photo, dans Paris-Match, de Nicolas Sarkozy, à l'Élysée, cigare à la bouche et Carla Bruni sur les genoux, entouré de ses ministres, une coupe de champagne à la main, fêtant l'entrée dans l'année nouvelle, en présence du cardinal de Paris ou du primat des Gaulles venus dire la gratitude des catholiques pour la réinstallation de la fille aînée de l'Église au premier rang de la cour européenne?

lundi 14 janvier 2008

De la doxocratie

La crise de la démocratie dite "représentative" révèle une crise de la démocratie dont on ne sortira pas par des discours sur les "démocraties" dites "participatives", "délibératives", "interactives", "directes" ou autres...

Jacques Julliard parle de doxocratie à propos du règne des sondages, de la "loi de la rue", des modes médiatiques, des doxa (ces pensées dominantes d’un moment), des snobismes quotidiens engendrés par le "système politico médiatico publicitéro marketing".

medium_Castoriadis.jpg

Cornélius Castoriadis ne parlait-il pas des "zappanthropes". À présent, la télévision et l'ordinateur servent de défouloirs au public qui n'est plus citoyen mais voyeur et joueur. La doxocratie conduit-elle au triomphe des populismes (de droite et de gauche), de la médiocratie, bref de la barbarie?

La démocratie d’opinion va-t-elle court-circuiter la démocratie représentative ? On ne peut, tout à la fois affirmer que "la doxocratie c'est l'agora grecque plus internet" et, en même temps, s’inquiéter de voir les politiques professionnels remplacés par des bateleurs et des amuseurs ? C'est pourtant ce que semble faire Jacques Julliard. Il n'y a pas le choix entre la démagogie doxocratique et la démocratie élitiste! La "pensée complexe", comme dit Edgar Morin, ne conduit pas à s'en remettre aux seuls intellectuels pour décider du sort du monde! "La politique de civilisation" qu'on nous a ressortie (d'abord de l'oubli et surtout de son contexte) ne passe pas par la République des élites.

"Célébrer le règne de l’opinion, écrit Alain Duhamel dans Le Point, c’est encourager la religion de l’inconstance, de l’émotion et – trop souvent – de l’ignorance." Le savant et ex député européen, journaliste et constitutionnaliste n'a toujours pas digéré la victoire du non au référendum de 2005.

On sait le rôle qu’ont joué les blogs dans cette victoire. Les politiciens, élites et représentants qui s'estiment qualifiés n'ont jamais accepté la gifle que les Français leur ont appliqué, alors que tous les moyens avaient été rassemblés pour que le vote populaire corresponde à ce que, croyait-on, la sagesse, la raison, le bon sens (que sais-je?) exigeaient sans aucun doute. On y revient donc en 2008, avec le vote parlementaire qui effacera le vote référendaire, le mois prochain : la doxocratie ne passera pas!

On l’avait vue aussi se manifester face au CPE. Voté tout ce qu’il y a plus de régulièrement par le Parlement, le projet de loi du gouvernement a été retoqué par l’opinion, guidée par la rue. La doxocratie serait donc la chienlit, comme disait De Gaulle, le règne de la populace, le triomphe de la rue! Même conduite par des intellectuels, une telle analyse est un peu courte.

La doxocratie est la pire et la meilleure des choses! La pire, si c'est la manipulation de l'opinion publique, via les media par les institutions (dites "républicaines" mais en fait "césaro monarchistes") telles que le régime présidentiel les structure. La foule n'est plus le peuple! La meilleure, quand les électeurs ne supportent plus la démocratie qui leur donne la parole les jours d’élection, pour mieux la reprendre dés le lendemain, et quand la représentation nationale constate qu'elle n'est finalement que la représentation et que c'est le peuple qui décide.

La doxa est une opinion toute faite. La dictature de l'opinion est désastreuse. Soit! Mais qui façonne cette opinion, qui fragilise la culture, qui tente de conditionner les citoyens afin de les mettre au pas ou simplement de diriger leurs pas vers des objectifs prédéterminés? L'explosion d'opinionS multiples sur la toile est la conséquence directe de la promotion de la pensée unique.

Prenons donc la doxocratie pour ce qu'elle est : une manifestation, appuyée par des technologies nouvelles, d'une recherche de démocratie qui n'est pas la démocratie. Mais comme la démocratie instituée n'est plus à même de satisfaire l'élan démocratique, puisqu'il n'y a plus de projet d'avenir auquel les citoyens puissent se fier, nous traversons une dangereuse période de doute. Quiconque penserait qu'il suffit de maintenir ce qui a fonctionné au cours des deux siècles écoulés pour franchir cette passe risque de lourdes déceptions.

La démocratie n'est pas limitée à la "civilisation" occidentale libérale, capitaliste et élitiste. Si elle l'était, elle serait condamnée.

dimanche 13 janvier 2008

Écologie et égologie


Le culte du moi est à peu près aussi compatible avec l'idée de la biodiversité qu'un arbre unique, fut-il géant, qui se prendrait pour la forêt. Voulons nous vivre, immobiles et protégés, sous les ombrages d'un cèdre, ou courir les bois pour y voir vivre et y vivre nous-mêmes la complexité du monde?

Comparaison n'est pas raison, mais il n'empêche que nous voyons, chaque jour davantage, s'opposer deux conceptions de la vie en société. Celle qui, au prétexte de la responsabilisation, laisse à chacun le soin de faire s'épanouir son ego, dans un triomphe, sans complexe, de l'individualisme et celle qui tient compte de la complexité des rapports humains et considère la solidarité comme seule à même d'éviter le sacrifice des malchanceux, des faibles et des opprimés dans un monde limité et fragile.

Chaque approche a sa logique. Ce sont deux philosophies incompatibles.

L'une est réaliste mais cynique : puisqu'il n'est pas possible de rendre tous les hommes heureux, qu'au moins ceux qui peuvent jouir des plaisirs de la vie ne s'en privent pas. Cette tentation, constante et dominante, au cours de l'histoire, n'a été que faiblement bousculée par les idéologies des Lumières. Elle a été confortée par les horreurs des systèmes totalitaires qui ont cru pouvoir contester la primauté de l'égo en... le supprimant (ce qui a conduit à la contradiction suprême : le culte du Chef ou de la personnalité!). Aujourd'hui, cette égolatrie, ce culte du moi, s'est étendu de l'appareil d'État à l'appareil économique : la surconsommation n'en est que la manifestation occidentale, non généralisable, de ce vouloir vivre seulement pour soi, sur une planète qui ne peut plus tout fournir.

L'autre est chargée d'espérance mais bien fragile : puisque le sort de l'humanité tout entière est mis en cause par les activités humaines "égoïstes", qu'au moins nous cessions de ne penser qu'à notre réussite individuelle au risque de nous mettre tous en danger! Cette bonne intention se heurte à des siècles d'habitudes et à la surpuissance des détenteurs du droit à la décision économique. Nous vivons pourtant une période de l'histoire humaine où il y a plus de danger à ne pas changer qu'à changer, mais ce n'est pas encore admis par la majorité des citoyens.

Oui, mais que changer? Et comment passer à une vie collective qui ne soit ni centralisée ni désordonnée? L'écologie nous apprend, certes, que la vie naturelle n'est ni l'une ni l'autre : elle est tout à la fois complexe, multiple et, le plus souvent, harmonieuse. Non sans douleurs et cruautés, mais pas davantage que dans les cultures et pseudos civilisations où les sociétés ne se construisent principalement sur l'écrasement d'une partie des vivants. Dans nos cités sans projet principal autre que celui de perdurer, ce n'est plus le gendarme qui constitue le commencement de la sagesse, mais c'est la peur, la peur que... le ciel ne nous tombe sur la tête. L'angoisse, due aux évolutions climatiques de plus en plus spectaculaires, peut nous mener à réévaluer ce que notre seule raison n'a pas suffi à nous faire admettre.

Deux grandes hérésies, en tout cas, triomphent encore : le culte du moi (ou l'égolatrie du chef) et le culte de la marchandise (ou l'égocentrisme du client). Elles sont liées. La première, l'égolatrie, (une néomonarchie) a pour caricature et symbole l'actuel et mêmes les anciens présidents de la République française. Partout, les autres chefs, petits et grands, s'inspirent de ce modèle : dans les mairies et autres collectivités locales, administrations, associations, entreprises, etc... L'autre, l'égocentrisme (qui est beaucoup plus périlleux encore qu'immoral), prend le nom de croissance quand il s'agit de parler non du développement des humains mais de celui des marchandises, quelles qu'elles soient, dès lors qu'elles fournissent des profits. Telles sont les deux faces de l'égologie.

L'écologie n'est pas la réponse à l'égologie. C'est une pensée autre, qui ne se constitue pas par rapport à l'idéologie individualiste et capitaliste. C'est la pensée d'une autre planète qui n'est plus ailleurs (sur Utopia) mais bel et bien là où nous vivons. L'égologie organise la vie sur une planète qui n'existe déjà plus : celle où l'humanité, fractionnée, pouvait avoir de sorts dissociés. C'est fini. La Terre est définitivement ronde et ceux qui pensent à l'exploiter pour eux-mêmes devront déchanter tot ou tard. À moins qu'ils ne nous emmènent vers la fin de ce monde, notre monde! L'égologie pourrait aller jusque là : "Après moi le déluge" ou, plus exactement : "Tout cela durera bien autant que moi! " ne fut-il pas le propos d'un monarque : Louis XV?

Selon le Petit Robert, "après moi le déluge" est devenu l'expression définissant "la catastrophe postérieure à sa propre mort et dont on se moque". Là se situe, désormais, le principal danger de l'égologie. L'instinct de survie écologique s'opposera-t-il au fatalisme égologique de ceux qui jouissent, seuls, de leur pouvoir, de leur savoir et de leur avoir?

Écologie contre égologie : nous y voici.


Du socialisme imblairable

Tony Blair que ses revenus familiaux (8 millions d'euros par an) mettent à l'abri du besoin a été accueilli avec satisfaction par le Conseil national de l'UMP.

Tony Blair qui, dit-il, "serait démocrate aux USA, est travailliste en Grande Bretagne et, en France, serait probablement ... au gouvernement". Il est présenté comme le futur premier président du Conseil européen! Avec un tel leader, l'amour des Français pour l'Europe ne saurait que croître...

Jean-Pierre Raffarin n'hésite pas à titrer le papier qu'il a donné au journal Le Monde : "Tony Blair - UMP, même combat". " L'ennui est qu'il n'a pas tort! L'opposition des faux socialistes à l'UMP n'est qu'un leurre et ne peut conduire qu'à l'échec répété de la gauche.

De Lang à Valls, d'Attali à Huchon, tous socialistes "raisonnables et décomplexés" qui font partie des admirateurs politiques de Blair, la tentation du retour dans les allées du pouvoir est évidente. Ils n'ont plus d'autre souci que d'attendre le moment, bien venu, où Nicolas Sarkozy lancerait sa nouvelle campagne d'ouvertures. "Des socialistes comme ça, (comme Tony Blair), auraient toute leur place au sein du Gouvernement" confirme Nicolas Sarkozy.

"Un-socialiste-comme-ça" a été défini par Blair lui-même. C'est celui "qui préfère le changement à la résistance" et qui souhaite "un marché de l'emploi plus flexible". Bref, c'est un non empêcheur de gérer en rond les intérêts des puissants. Une petite dose de chrétienté en sus n'est pas inutile, tant il est vrai que le catholicisme auquel Blair vient de se rallier est plutôt du côté de l'Europe papiste -ça aide pour en devenir président-.

Au moment où s'avance le modèle de "flexisécurité" proposé par le MEDEF au cours des négociations sur le marché de l'emploi (c'est-à-dire l'achat-vente du travail, la gestion de l'offre ou de la demande de la chose humaine, ne l'oublions pas!), que Blair, après son erreur mortelle de soutien à Bush, soit un modèle sarkoziste, passe, mais qu'il demeure un personnage politique d'avenir se comprend moins bien. Il est vrai que nous disposons, en France, d'un Blair en jupons, prêt à brader le cœur du passé socialiste, et que n'oppose à Sarkozy que sa volonté de domination.

Blair est l'archétype de ce que le socialisme n'est pas. Un socialiste blairiste est aussi évident qu'une nuit ensoleillée ou un froid brûlant : laissons ces étrangetés se produire aux deux pôles de la planète, là où ne peuvent vivre les hommes.

vendredi 11 janvier 2008

OGM : des scientifiques qui "contestent les doutes"!

Quatorze protestataires, scientifiques membres de la Haute autorité, contestent les «doutes sérieux» sur le maïs MON 810 émis par cette instance.

Quatorze scientifiques membres de la Haute autorité provisoire sur les OGM ont contesté hier les «doutes sérieux» que le président de cette instance, le sénateur de la Manche Jean-François Le Grand, avait évoqués pour résumer l'avis sur le maïs MON 810 de Monsanto. La Haute Autorité a estimé qu'il y a des éléments scientifiques nouveaux montrant que la culture de cette plante OGM présente des risques, ce qui pourrait amener la France à invoquer la clause de sauvegarde et à interdire sa culture.

Dans un communiqué, les quatorze protestataires estiment que « le projet d'avis qu'ils ont rédigé le 9 janvier 2008 sur la dissémination du MON 810 sur le territoire français ne comporte pas les termes de “doutes sérieux”, pas plus qu'il ne qualifie les faits scientifiques nouveaux de “négatifs”», comme l'a déclaré Jean-François Le Grand. Ils se disent «gênés par le décalage entre l'avis tel qu'ils l'ont rédigé et sa transcription». Le communiqué est signé par 12 des 15 membres du comité scientifique et deux membres de la section économique, éthique et sociale.

«Il s'agit d'un procès d'intention à la limite de la malhonnêteté intellectuelle, proteste Jean-François Le Grand. Le document a été lu mot à mot et a été validé. Le plus grand nombre pensait qu'il y a des interrogations sur les risques du MON 810 de Monsanto. Si on a des interrogations, c'est qu'on doute. Pour moi, c'est la même chose», se défend l'élu qui estime avoir parlé en tant que gestionnaire du risque. «Ce sont des gens qui ne supportent pas d'avoir face à eux des représentants de la société», dénonce-t-il.

Source : Yves Miserey, Le Figaro - 11/01/2008

http://www.lefigaro.fr/sciences/2008/01/11/01008-20080111ARTFIG00290-la-haute-autorite-divisee-apres-l-avis-sur-le-mon-.ph

Politique de civilisation : le mauvais plagiat

C'est devenu une manie politique : voler, telle une pie, ce qui brille dans le nid des autres! Provoquer la gauche en captant les idées qui sont nées dans ses rangs (il arrive qu'il y en ait encore) et, de préférence, en leur faisant dire autre chose que ce qu'elles annoncent. Ainsi en est-il de "la politique de civilisation". Il fallait bien aller voir à la source ce qu'il en était vraiment. Deux infos recueillies sur internet y ont suffi. J-P D.

fc4d8b454c504a6e3ef2b4fdb1989f60.jpg

La gauche n'a pas hésité à dénoncer un "concept nouveau" qui "ne veut absolument rien dire". Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas inventé l'expression "politique de civilisation". Il n'a fait que l'emprunter à Edgar Morin.

En 1997, Edgar Morin publiait ainsi un livre avec le politologue chevènementiste Sami Naïr, justement titré "une politique de civilisation" (Éditions Arléa). "Ce qu'il nous faut, c'est une politique de civilisation et pas seulement une politique économique ou sociale", reprenait, en 2002, l'économiste Henri Guaino, interrogé par le club séguiniste Appel d'R, rallié à la candidature de Jean-Pierre Chevènement.

Durant la précampagne électorale de 2007, il n'était pas question pour Nicolas Sarkozy de maintenir la "spécificité française", mais, au contraire, de "rompre avec un modèle social français dépassé". Mais c'était avant qu'Henri Guaino ne devienne la plume du candidat puis le conseiller du nouveau président de la République...

Reste à savoir ce que pense Edgar Morin de cette appropriation par Nicolas Sarkozy du concept de "politique de civilisation". Pas sûr, pour le moins, que le président de la République soit prêt à reprendre toutes les idées développées par le sociologue, plus keynésiennes que libérales et aux relents altermondialistes.

"Cette voie nous pouvons nous y avancer en France, et par là espérer la faire adopter en Europe, et faisant de nouveau de la France un exemple, elle nous permettra d'indiquer la voie du salut planétaire", concluait Edgar Morin. Une conclusion reprise en substance et sans complexe, dans ses voeux aux Français, par Nicolas Sarkozy : "Alors, que la France montre la voie ! C'est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d'elle".

D'après la note originellement publiée par Laurent de Boissieu, journaliste politique et auteur des sites france-politique.fr et europe-politique.eu, le 1er janvier au matin. Voir la source.
http://politique.hautetfort.com/archive/2008/01/01/politique-de-civilisation.html



Edgar Morin (Sipa)
Avec cette expression, la "politique de civilisation" prônée par Nicolas Sarkozy dans ses vœux télévisés, le président de la République s'est approprié un concept développé dans un livre d'Edgar Morin, Pour une politique de civilisation (éd. Arléa, 2002). "M. Sarkozy a repris le mot, mais que connaissent-ils de mes thèses, lui ou Henri Guaino ? Est-ce une expression reprise au vol ou une référence à mes idées ? Rien dans le contexte dans lequel il l'emploie ne l'indique", commente d'Edgar Morin dans Le Monde.

"Lorsque j'ai parlé de politique de civilisation, je partais du constat que si notre civilisation occidentale avait produit des bienfaits, elle avait aussi généré des maux qui sont de plus en plus importants", poursuit le sociologue. "Je m'attachais à voir dans quelle mesure on peut remédier à ces maux sans perdre les bienfaits de notre civilisation."

"Je ne peux exclure que M. Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a pas montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe", poursuit Edgar Morin. "Si sa reprise du thème de la 'politique de civilisation' pouvait éveiller l'intérêt, notamment de la gauche, non pour l'expression mais pour le fond, ce ne serait que souhaitable,"poursuit Edgar Morin.

Source : NOUVELOBS.COM | 03.01.2008

Des vœux miteux

Au cours d'une soirée sans humour, sans contenu et sans espoirs, la cérémonie des vœux, à Éragny sur Oise, s'est trouvée engluée dans un juridisme sot, servant à justifier qu'on ne dise rien, pour ne pas contrevenir à la réglementation des campagnes électorales...
J'étais à ma place, au milieu des invités et, fort heureusement, pas sur l'estrade, parmi les élus, entourant la maire, à l'écoute de sa maigre prestation.
Enfermés dans la logique courte de ceux qui n'aspirent qu'à durer et ne savent comment innover, les soi-disant socialistes et leurs alliés regardent passer les trains : le monde change; eux perdurent. C'est le meilleur moyen d'échouer.
Car les adversaires, nullissimes (!), de la municipalité sortante n'ont qu'à surfer sur la vague du rejet. Si vous ne voulez pas d'elle (sous entendu la maire sortante) votez pour moi (sous entendu l'ex maire sortie en 2001!). Quel choix! Si vous ne voulez pas de l'une, votez pour l'autre... Et tous ceux qui ont des idées à faire valoir, qui ont travaillé de leur mieux, que deviennent-ils? Pourquoi faut-il sombrer dans ce mauvais jeu du tout ou rien? Pourquoi s'en tenir à cette ultra personnalisation qui ne reflète pas la conjoncture locale réelle?
Je crains que ces vœux n'aient correspondu à cette phase de paralysie politique au cours de laquelle rien n'est possible parce qu'on ne demande aux électeurs rien d'autre que d'approuver ou condamner, jamais de proposer.
C'est, au moment même où se rouvrent des temps de création, qu'on enferme la démocratie dans une compétition où tout devient prétexte à exhiber la vedette et à fournir le spectacle : exactement le contraire de ce dont le pays a besoin. La cérémonie des vœux, alors, ne pouvait être autre chose que le théâtre d'un soir, avec un grand risque de rater la générale. Ce fut le cas.

Une ontologie qui épouvante

Le crime législatif a été commis cette nuit. La LDH en souligne la nocivité. J'y vois l'amorce d'un régime d'exception qui peut mener là où nous ne voulions pas que Jean-Marie Le Pen nous emmène.

Communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme :


«Rétention de sûreté» : prison à vie sans jugement ?
Le projet de loi « relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental », adopté cette nuit en première lecture par l’Assemblée nationale, constitue une rupture d’une extrême gravité avec les principes fondamentaux de la justice républicaine.
Comme le relève la CNCDH dont la consultation a été une fois encore ignorée, la référence au concept flou de « dangerosité », appréciée par une commission administrative et non pas par une juridiction indépendante au sens de la Cour européenne des droits l’Homme, rompt le lien de causalité entre infraction et privation de liberté.
Si le parlement devait confirmer ce vote initial des députés, la loi française prétendrait désormais punir des personnes, réputées « criminels-nés » irrécupérables, non pour ce qu’elles ont fait mais pour ce qu’elles seraient, à un enfermement indéfini.
La LDH voit dans cette confusion entre maladie mentale et délinquance, entre « dangerosité » et culpabilité, un signe de plus de la dérive qui, loi après loi, s’attaque aux principes et aux valeurs protégés tant par les normes internationales des droits de l’Homme que par la tradition constitutionnelle française.
Paris, le 10 janvier 2008.

Qu'un homme pense que, parmi les autres hommes, il en est qui sont, dans leurs gênes, depuis leur origine, à tout jamais, des criminels : ce n'est qu'une erreur que la science comme la philosophie ne peuvent que récuser définitivement. Qu'un Parlement, dans sa grande majorité, suive cet avis, parce qu'il est celui du Président de la République, au point de mettre dans la loi que ce sont non plus des actes mais des personnes en leur être que les tribunaux doivent juger, c'est insensé et criminel. L'ontologie est la partie de la métaphysique qui s'applique à l'être en tant qu'être, indépendamment de ses déterminations particulières. Ce vote politique et philosophique en dit long sur la perversion extrêmement dangereuse dans laquelle on fait entrer le peuple français!

mardi 8 janvier 2008

J'ai eu politiquement tort

En écrivant, fin décembre :... "Et n'en parlons plus!", j'ai eu politiquement tort. Dans ce bref message que m'avaient inspiré les textes de Brossat et Badiou, j'ai commis l'erreur de lancer : "Tout est dit. Résister, c'est ne pas parler, désormais, en bien ou en mal, de ce personnage qui ridiculise la France". J'étais mieux inspiré en écrivant : "Il faut traiter les questions qui s'imposent à nous et pas celles que Sarkozy nous impose. Oui, il faut tourner la page avant qu'elle ne se tourne d'elle-même ou que les Français ne ferment, brutalement, ce livre et, en même temps, ce chapitre pitoyable de notre histoire".

La conférence de presse de Nicolas Sarkozy, aujourd'hui, me rappelle brutalement qu'on peut bien vouloir cesser de parler de l'homme; on ne pourra éviter de parler de la politique qu'il développe. Et puisque l'arrogance et le sans gêne en font partie, il faudra aussi, hélas, continuer à parler de l'homme qui affiche avec impudence sa solitude superbe, assumée dans l'exercice des pouvoirs qu'il exerce, de droit, ou qu'il s'arroge, de fait.

Comment sortir de la contradiction : "en" parler sans "en" parler? D'abord, en ne réagissant pas, sur le champ, à chaque manifestation du spectacle politique où la vedette continue son one man-show. En ne se laissant pas éblouir par l'éclat de chaque provocation. Les citoyens sont bousculés, mis devants des faits accomplis, matés comme des animaux domestiques ou hypnotisés comme l'oiseau devant le serpent. Il faut que ceux qui ne disposent ni du pouvoir des services de l'État, ni du pouvoirs des mots et des images, échappent à cette fascination. Ensuite, en analysant ce qu'il y a sous l'écaille des mots. L'abandon des 35 heures suffirait à élever le plus haut possible le niveau de l'opposition; il va falloir en convaincre une majorité de français.

Pour qu'un jour, bientôt ou plus tard, en tout cas dès que ce sera possible, on cesse de parler de ce prestidigitateur qui escamote les vraies questions, de cet illusionniste qui trompe les citoyens, il faut s'imposer le travail de démystification devant lequel les politiciens traditionnels ne peuvent que renâcler car Sarkozy fait ce qu'ils aimeraient savoir faire : jeter de la poudre aux yeux...

Résistance et non-violence. (1)

La faiblesse de la violence tient à ce qu’elle n’est pas efficace.
L’État dispose presque toujours de pouvoirs (ceux de la police et de l’armée) supérieurs à ceux des résistants.
Il convient donc de ne pas croire à la possibilité de prendre position dans le court créneau de ce « presque ».
La lutte idéologique doit être totale et c’est une lutte à mort.
La résistance à la doctrine libéralo-étatiste qui l'emporte, actuellement, en France, ne peut se développer que par la multiplication des combats non-violents.
Car il s’agit de combats : il restera une idéologie sur le carreau de l’histoire.
Mais il s’agit de non-violence : les armes à choisir ne sont ni des fusils, ni des gourdins, ni des bombes.
La difficulté du combat non-violent, c’est qu’il est mené par des hommes dont la culture n’est pas comprise. On admire Gandhi ou Martin Luther King. On ne croit pas vraiment que leur action a été décisive.
La résistance à l’idéologie néoconservatrice que Nicolas Sarkozi impulse avec autorité et efficacité oblige à faire un lourd travail qui ne dissocie plus la fin et les moyens. Il ne suffit plus d’avoir raison. Il faut le démontrer par l’action, mais pas en confondant la révolte et la révolution.
La non-violence retourne les perspectives traditionnelles des pouvoirs. Elle engendre donc la révolution sociale et politique. La révolte est, elle, une réaction contre la réaction ; elle est compréhensible (ô combien !) mais elle ne débouche que sur des changements fragiles et temporaires.
Le temps de l’action non-violente est revenu. Il ne consiste plus à mener des actions du type de celles que menèrent le Mahatma (pour l’indépendance contre l’Empire britannique, aux Indes) ou le pasteur noir américain (pour les droits civiques contre le racisme et la ségrégation, aux USA).
Il s’agit d’attaquer, je dis bien d’attaquer, les croyances faussement démocratiques à leur racine : celle, d’une part, de la délégation totale des décisions aux élus, en matière d’organisation des pouvoirs publics, celle, d’autre part, de la religion de la croissance et du progrès en matière de répartition de la richesse économique.
Ces deux mises en questions de croyances destructrices pour l’humanité portent des noms. Il s’agit de la fin des partis (à remplacer par la politisation citoyenne permanente appuyée sur l’informatisation) et de l'essor de la décroissance (à promouvoir comme choix de la sobriété et du partage face à une surproduction indépendante des besoins).
On peut encore définir le contenu de ces actions non-violentes comme une lutte écologique au quotidien, indissociable des luttes sociales visant à établir une justice durable. Les minorités aux pouvoirs, États, entreprises, associations ne peuvent agir pour toutes les populations humaines concernées ; il devient impératif que ces populations elles-mêmes interviennent et se prennent en charge y compris dans le détail de l’organisation économique.

Les philosophes peuvent-ils être croyants ?

Un ami me pose la question suivante qu'il juge néanmoins, et bien à tort, idiote :
"les philosophes, les vrais, pas ceux de salons, peuvent-ils être croyants ?"
Telle est ma réponse.


Non seulement la question n'est pas idiote, mais elle est fondamentale.
Le philosophe ne s'interdit aucune question.
Il ne s'en tiendra donc pas à des vérités qu'on lui demanderait de croire.
Mais qu'est-ce que croire?
Croire est polysémique : admettre? Accepter? Adhérer?
Le croyant est celui qui ne discute plus ce qu'il croit.
Il met ainsi sa foi en danger!
Dire d'une parole qu'elle est sacrée serait la banaliser.
Généraliser un propos en le marquant du sceau de l'indiscutable est faux.
Croire peut aussi avoir un autre sens : faire fond, avoir confiance.
Je crois que tu m'aimes..., alors je te donne ma foi.
Je me fie à toi. Je peux me fiancer. M'unir à toi.
Croire devient alors une question d'amour.
Mais croire quelqu'un et croire en quelqu'un sont deux.
Tenir pour vrai et tenir pour honnête, également.
Tenir pour sûr et tenir pour probable, tout autant!
Pour ma part, je ne crois pas
en Jésus Christ.
Souvent, je crois Jésus Christ.
J'attache valeur à sa parole.
Si une autorité à la quelle le croyant se réfère profère une erreur
alors doit-il la croire?
L'Église a condamné Galilée
et pourtant... la Terre tournait.
Il a fallu Jean-Paul II pour que le Vatican confesse cette faute!
Et le même pape encore, pour qu'on cesse de juger le peuple juif déicide!
La foi est tout autre : c'est le pari fait quand la raison rend les armes,
le choix de vie qu'on décide avant d'avoir pu tout comprendre.
On peut, certes, s'abstenir de faire ce saut dans l'inconnu,
mais en sachant que ce n'est pas plus sûr que demeurer dans le doute.
Le croyant ne croit pas; il sait. Ou croit savoir!
Et se trompe plus que quiconque.
L'homme de foi, au contraire, s'engage en bousculant ses doutes.
Croyants et croyances sont fragiles
et parfois insupportables ou dangereux.
La foi est le propre de l'homme.
Le philosophe n'a donc pas de croyances.
mais il sait la possibilité, la difficulté et les fondements de toute foi.
Il vit alors avec, ou sans, librement.

lundi 7 janvier 2008

Polluer, c'est s'approprier.

Michel Serres l'affirme et le répète plusieurs fois au cours de sa chronique du dimanche soir, sur France-Info :"Polluer, c'est s'approprier". S'approprier l'espace public. S'approprier l'espace public, indûment. Celui qui fume, pue, élève la voix ou même crie, sans tenir compte d'autrui, transforme en espace privé tout l'espace qu'il occupe. Il s'approprie ce qu'il pollue; il rend sale ce qui lui devient propre! Propreté et propriété sont deux.

Chacun est, dès lors, renvoyé à une question simple mais une question de fond : quel espace occupez-vous? Quel espace faites-vous occuper par votre corps? Le tabagisme passif nous aura fourni la triste occasion de vérifier que fumer tue et que fumer en public non seulement pollue mais confisque l'espace à son seul et illusoire profit.

Michel Serres nous conduit plus loin : à Bruxelles, dans le métro, des messages avertissent les porteurs de sac à dos qu'ils doivent porter leur sac à la main pour ne pas risquer de bousculer involontairement, de gifler les autres voyageurs. L'espace qu'on occupe a ses limites dans un cadre de civilisation. Interdire prend alors un sens nouveau : il est bon d'interdire à quelqu'un de prendre la liberté d'interdire aux autres de vivre! Rien à voir avec le "interdit d'interdire" de 1968! Il s'agissait alors d'interdire les interdictions de jouir de son corps, par exemple la culpabilisation de la masturbation. Il ne s'agissait pas d'imposer à autrui son corps et l'espace occupé par son corps!

Un autre exemple,
trivial mais révélateur, est fourni par le chroniqueur : il en est qui pissent dans les piscines, persuadés qu'ils sont de rester impunis! Ils s'approprient un espace en eau et le polluent sans vergogne. Ils n'ont même pas l'excuse de l'animal qui marque son territoire par son urine et ses déjections. Ils se croient seuls au monde et ce monde, donc, peut leur appartenir; ils le possèdent; ils en sont propriétaires. Polluer, c'est s'approprier.

Le tabac aura aussi pollué gravement les relations humaines. En plus de l'agression des corps, il a banalisé le mépris d'autrui, justifié l'égocentrisme, affaibli le sentiment citoyen et donné l'habitude de se comporter en propriétaire d'un domaine, élargi à l'environnement qu'on modifie en l'enfumant sans se poser de questions. L'interdiction de polluer par le tabac, c'est le refus de laisser
impunément "voler l'air", qui est vital! L'argument resservira.

Si la pollution est une appropriation indue -et je le crois-, il faudra bien, en effet, s'interroger sur une nouvelle approche du droit de propriété. L'écologie comprise comme une prise de conscience de nos limites planétaires nous l'impose.
Face à une société devenue individualiste, financiarisée et cynique, actuellement triomphante, et dont surgit le caractère obsolète, le choc avec un monde libertaire et antilibéral mais où la liberté d'être soi-même ne subirait pas les effets des libertés que s'accordent les propriétaires, s'annonce explosive.



http://www.france-info.com/spip.php?article59586&theme=81&sous_theme=173

dimanche 6 janvier 2008

De l'écologie du comportement politique local

• Les "militants" se noient dans le temps.
• L'action citoyenne est confondue avec le culte du chef.
• Le conseiller municipal approuve et n'agit pas.
• L'élu se montre et démontre mais n'anime pas la vie publique.

Derrière ces quatre affirmations se cache une critique politique résumée, - c'était hier...-, par la formule qui a fait fiasco : "faisons de la politique autrement". Oui, car : autrement-que-quoi?

Autrement qu'en se laissant dévorer par la "réunionnite", cette passion, cette exigence qui ne laissent plus le temps de lire, d'écrire, donc de penser. Qui ne vit pas une écologie du temps, qui ne gère pas ses rythmes de vie, cesse d'être efficace.

Autrement qu'en se laissant dévorer par les culte et service du leader en capacité de briguer un pouvoir et qui invite constamment à "penser comme", comme lui, ou elle... Qui ne vit pas une écologie de l'autonomie est nécessairement dominé et cesse d'être libre dans son action.

Autrement qu'en se laissant dévorer par la discipline de vote et de parti qui transforme un honnête homme en machine à voter, fonctionne sur la confiance et multiplie les votes d'acceptation de dossiers qu'on connaît à peine. Qui ne vit pas une écologie de la rigueur intellectuelle cesse d'être lucide dans ses analyses.

Autrement qu'en se laissant dévorer par ses dossiers, absorbé qu'on est dans les lieux de pouvoir, au contact des mêmes connaissances (collègues, personnel administratif, relations partisanes). Qui ne vit pas une écologie de la relation humaine, au contact des citoyens, cesse de les représenter véritablement.

Écologie, dans ces quatre domaines, garde le même sens : trier l'essentiel de l'accessoire, se limiter en s'acceptant dominé par le temps, observer et écouter la vie de tout habitant de sa cité, penser le local avec le global en se sachant membre d'un tout et non l'expression de ce tout. L'écologie, en politique, est une humilité en actes, une révolution efficace, modeste, non-violente et permanente face à la conception centralisée, militante-militaire, violente et autoritaire de la conquête du pouvoir telle que nous la voyons partout mise en œuvre.

samedi 5 janvier 2008

La transparence opaque

La transparence, souligne, aujourd'hui, 5 janvier, le journaliste Ivan Levaï, dans sa chronique hebdomadaire de France-Inter est une belle justification de la "people-isation" de la politique. Puisqu'il faut se montrer pour avoir un destin public, eh bien : montrons-nous, exposons-nous, exhibons-nous, déshabillons-nous... À chacun la possibilité de montrer ce qu'il veut de son intimité; ce choix devient une nouvelle forme de la politique. Pourtant, la pudeur ne consiste pas à masquer son corps mais à préserver son quant à soi, ce qui nous est propre et doit le rester. Qui est transparent risque de ne pas exister : on voit à travers lui, son vide.

Je me suis toujours défié du mot transparence. Curieux mot qui sert à cacher ce que l'on prétend vouloir montrer à tout le monde. On prend à témoin l'opinion qu'on ne lui dissimule rien alors que c'est faux ou pire : impossible. Ainsi en est-il de "la transparence de gestion" dans les finances communales. Il ne peut y avoir transparence pour au moins trois raisons : la complexité qu'aucune pédagogie du verbe ne peut surmonter, la rivalité politique qui interdit d'ouvrir à l'opposition la compréhension totale de ses intentions, et enfin l'opacité qui accompagne toute activité de construction publique d'un projet qu'on ne veut pas voir sabordé avant même qu'il soit achevé.

On confond transparence et honnêteté, loyauté, effort de vérité. Ce n'est pas la transparence du contenant qui compte, c'est la substance du contenu. Et accèder à ce contenu ne va pas de soi! De l'extérieur, au travers de la vitre, quand on a tiré les rideaux, on peut voir ce qui meuble l'espace privé et quels sont ceux qui y circulent. Aux Pays-Bas, cette large ouverture des fenêtres sur la rue fait partie de la civilisation locale. Ce n'est pas une transparence. On n'entre pas chez autrui comme dans un moulin et la "vie intérieure" n'est pas révélée ou dévoilée...

La transparence n'est pas en soi une valeur. C'est, au mieux, un avertissement lancé aux citoyens : on cherche à ne rien cacher de qui ne doit pas l'être mais cela n'empêche pas de cacher ce qui doit l'être. Prétendre à une transparence totale serait un mensonge. La transparence, invoquée, a tout propos comme une qualité politique, est un concept opaque.

Et puis, se vouloir transparent, n'est-ce pas s'afficher comme transpercé par la lumière, incapable d'en capter les rayons et donc privé de la possibilité de réfléchir la vérité, de réfléchir tout simplement, parce qu'on interdit au public de douter de la sincérité des informations fournies?

De quelqu'un qui est vide de pensée, qu'on voit de moins en moins, et qui, comme une vitre, brille parfois mais ne retient rien, on dit qu'il est transparent. Méfions-nous de la transparence, c'est un vocable ambigu, parfois une indécence bien plus grave que la nudité que chasse la paparazzi : ce peut être une tromperie intellectuelle, une faute contre l'esprit, une inversion de la perspective qui interdit de voir loin en satisfaisant, parmi les citoyens, les innombrables benêts qui ont la vue courte.

vendredi 4 janvier 2008

Une bonne année : 2008 privée de Dakar!

Pas de Paris-Dakar en 2008. Fini les "500 connards sur la ligne de départ", comme chantait, je crois, Renaud? Pas sûr! "Le choix de la sécurité" constitue-t-il le bon argument? Al-Qaïda a bon dos. Les 4 touristes français assassinés le 24 décembre, l'ont-ils été par des islamistes ou des brigands du désert? Le Dakar a tué avant qu'on ne l'annule! Plus de 50 morts depuis le début de l'épreuve dont 8 enfants. Mais on ne peut seulement compter les morts.

"Pour une fois que la parano anti-terroriste sert à quelque chose" s'exclame un médecin belge!. Sur le fond, en effet, c'est le culte de l'automobile, de la vitesse célébrée au milieu de pays misérables traversés sans vergogne, qui faisait question. Puisse le prix du baril, en 2009, avoir atteint des sommets rendant difficile la relance de cette "épreuve" qui n'a rien de sportif et qui est dévoreuse d'hommes.

Le maire et le conseil municipal...

Le maire et le conseil municipal... (l'expression est devenue banale et sert depuis des décennies) vont nous inviter à leurs "vœux à la population". Si l'expression est effectivement banale, elle n'en est pas moins fausse et ambiguë! Le maire (ou la maire) ne feraient-ils donc pas partie du Conseil municipal?

Dans notre pays républicain où le chef est roi, chaque maire a une cour et règne. L'ultra présidentialisation du régime n'a rien arrangé. Les cérémonies annuelles et leurs petits fours fournissent l'occasion de renouer avec la liturgie : "la laudation, nous rappelle le dictionnaire, est une partie de l'office qui se chante après matines et qui est principalement composé de psaumes de louanges". L'officiant est nécessairement le maire lui-même qui fait, à de très rares exceptions près, une description élogieuse de sa propre action. Autour de lui, les servants se congratulent...

Il y a quelque chose de ridicule et d'anti-démocratique dans ce spectacle politique. Le discours n'est plus un compte-rendu; il devient un panégyrique à peine camouflé, parfois un dythyrambe. Toutes les communes, pour un soir, apparaissent comme des paradis où les compliments pleuvent et où les difficultés sont vaincues d'avance.

Les maires, en leurs fiefs, restent souvent des seigneurs, des féodaux. Les adjoints sont les vassaux, Le personnel de mairie compose l'armée qui va à pied, les piétons, la piétaille qui doit obéir et réussir, car il y va du succès du prince, du duc, du comte ou du baron, selon la taille de la cité.

N'en voulons pas trop aux maires. Ils sont ce que nous les faisons, des autocrates que la législation installe dans "l'exercice solitaire du pouvoir". Le chef de cabinet, créature du maire, dispose souvent de plus de pouvoirs que le Premier adjoint. Les collaborateurs (comprendre les élites fidèles) pèsent davantage que le Bureau municipal où s'enregistrent et s'organisent des décisions prises ailleurs.

Historiquement, la fonction de maire a précédé la création des Conseils municipaux. Il fut un temps où élire le Conseil municipal ne signifiait pas désigner le maire! Formellement, certes, le maire reste encore élu par le Conseil municipal, mais c'est sans surprise et tout s'est joué avant. Pire, une fois élu, selon la loi, le maire ne dépend plus guère du Conseil et il faut qu'il ait tué père et mère pour être menacé de destitution. Si son budget n'était pas voté, on ne changerait pas de maire en le remplaçant par un autre conseiller, on revoterait.

Voilà tout ce que contient l'expression "le maire et le conseil municipal". Le maire existe à part du Conseil. Il est et n'est pas membre du Conseil municipal. C'est un être hybride, une créature bicéphale, soudée au corps municipal mais distincte de lui! Cette monstruosité démocratique a été parfaitement admise en France, le pays aux 36000 communes, là où chaque maire est autant pater familias, qu'entrepreneur, juge de paix ou maître des cérémonies.

Un temps viendra où l'on cessera de ne regarder que la tête, où on comprendra qu'aucune tête ne vit hors du corps. La démocratie balbutiante qui est la nôtre, où le pouvoir ne se répartit pas mais se concentre, ne pouvait faire l'économie de cette contradiction : l'élu monarque. Il faut croire que nous ne savons pas encore comment diriger ensemble! Alors on délègue (en fait on abandonne) à un seul, qui est aidé d'alliés et comparses mais pas d'égaux, le soin de représenter le peuple en sa diversité! Les maires qui auront siégé trente ans ou plus à la tête de leur commune auront démontré par l'absurde l'impossibilité de la cogestion municipale en France.

Un Conseil municipal ressemble à une assemblée de grenouilles qui coassent autour du roi. Comment s'étonner, dès lors, que, comme le dit La Fontaine, après Ésope, qu'en "se lassant de l'état démocratique" toutes ces braves grenouilles se fassent souvent manger leurs velléités d'être et d'agir en acteurs politiques?

Archives du blog

Résistances et romanitude

Résistances et Changements

Recherche Google : rrom OR tsigane