lundi 9 septembre 2013

Laïcité : la diversité est universelle

Tel est le texte de la charte de la laïcité, rendu public ce jour, 9 septembre, texte convenu, timide, "irréprochable", aux formulations bien connues, mais sans grande portée, hélas...


La République est laïque. La Nation confie à l'École la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République.

1. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi, sur l'ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances.

2. La République laïque organise la séparation des religions et de l'État. L'État est neutre à l'égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n'y a pas de religion d'État.

3. La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression de ses convictions, dans le respect de celles d'autrui et dans les limites de l'ordre public.

4. La laïcité permet l'exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l'égalité et la fraternité de tous dans le souci de l'intérêt général.

5. La République assure dans les établissements scolaires le respect de chacun de ces principes.

6. La laïcité de l'École offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l'apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix.

7. La laïcité assure aux élèves l'accès à une culture commune et partagée.

8. La laïcité permet l'exercice de la liberté d'expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l'École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions.

9. La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l'égalité entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l'autre.

10. Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte à la connaissance des parents d'élèves.

11. Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l'exercice de leurs fonctions.

12. Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l'ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu'à l'étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n'est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme.

13. Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l'École de la République.

14. Dans les établissements scolaires publics, les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, sont respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.

15. Par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement.





Tout est (presque) dit, sauf que :
     - à la différence de ce qui a été vécu, pensé, écrit, et adopté, en 1905, il ne s'agit plus de s'en prendre au cléricalisme catholique, c'est-à-dire à la domination de l'Église sur les institutions et la vie politique, en France. L'Église, devenue minoritaire, s'accommode fort bien, désormais, de la laïcité dès lors qu'elle est respectée.
      - nous ne vivons plus à une époque où s'opposaient des universalismes monistes, c'est-à-dire la propension à réaliser l'unité des peuples par l'évangélisation ou les valeurs de la république appuyées sur la science. La Terre n'est plus un immense pays de mission. La science est modeste et les savants ne prétendent plus être seuls à chercher la vérité.
       - une nouveauté majeure est apparue : la seconde religion des Français est, à présent, l'Islam. Avec lui, plusieurs apports modifient le vécu social français : les musulmans sont visibles dans l'espace public par leurs vêtements ; ils ont des exigences alimentaires qui modifient le commerce et la restauration collective ; ils portent l'expression de leur foi y compris au sein de leurs lieux de travail... Bref la religion, avec eux, cesse d'être une pure affaire privée.
         - La laïcité de l'État est peu sourcilleuse et les responsables politiques hésitent moins à se mêler à des autorités religieuses non seulement au cours de cérémonies protocolaires, mais pour tenter d'influencer les secteurs de l'opinion influents que constituent les chrétiens, les musulmans et les Juifs.
          - La confusion perdure entre neutralité et agnosticisme : la neutralité est le refus de marquer des préférences pour attribuer des fonctions ou pour exprimer ses propres choix dans l'exercice de ses responsabilités publiques ; l'agnosticisme est l'affirmation d'un doute permanent quant aux choix religieux et c'est donc différent de la laïcité qui accepte la juxtaposition de la diversité des pensées.
          - L'unité de la nation ne peut plus se concevoir dans l'abstention religieuse ou dans l'affirmation d'une morale républicaine : l'universalité des droits de l'homme a cessé de se penser dans le cadre des idéologies occidentales.
         - Les cléricalismes (c'est-à-dire les recherches de la prise de pouvoirs par les religions) ont changé de mode d'action. Des prosélytismes nouveaux sont apparus qui, appuyés sur des médias puissants, bien financés, s'en prennent à la liberté de pensée par soi-même.
           - Une laïcité nouvelle est à promouvoir. Elle est le respect actif non de ce que pense autrui mais de son droit absolu à penser différemment de soi. C'est désormais une conséquence de la reconnaissance de la diversité humaine. La France va devoir accepter en son sein, comme la plupart des sociétés européennes, l'existence de minorités culturelles et donc modifier sa constitution.

Voila ce que sous-tend la remise en avant d'une problématique insuffisamment repensée et qui mériterait un débat tout autre que celui auquel on assiste. Il ne s'agit pas, en effet, de redire ce qui va de soi mais d'examiner ce qui ne va plus de soi, tout en réaffirmant pourquoi la laïcité reste une valeur qui ne vieillira pas si, et seulement si, elle met en pratique le caractère universel de notre diversité.


"Il est urgent de préciser la règle du jeu", affirme Dominique Baudis, Défenseur des droits (autorité administrative de médiation entre les citoyens et l'État). Il veut saisir le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative de France, pour obtenir des "clarifications nécessaires" sur l'application du principe de laïcité. C'est bien sur les mises en œuvre du principe de laïcité, garant de la liberté de conscience que les réflexions doivent porter.

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