jeudi 22 décembre 2011

Faire de Noël une révolution



Brice Parain (1917-1971)

"Chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi". (Jean-Paul Sartre).
"Les mots sont des pistolets chargés". (Brice Parain).

Brice Parain (1), philosophe aujourd'hui oublié, interviewé par le Monde, le 2 août 1969, affirmait : "La nouveauté, c'est la mort de Dieu et l'émancipation de l'esprit hors de l'emprise cléricale. Mais cela ne suffit pas à créer un monde nouveau. La révolution russe a tenté aussi de fonder un monde nouveau. C'était un formidable événement, dont j'ai été le contemporain : j'avais 20 ans en 1917. J'y ai cru. La Russie a voulu devenir une grande puissance industrielle, et elle y est parvenue. Je ne crois pas que l'on puisse échapper aujourd'hui à la civilisation industrielle et à la crise qui en est issue. Si on veut transformer ce monde, il faut le penser. Il est radicalement différent de tous les autres". (2)

La nouvelle survenue de Noël nous laisse dans les mêmes impasses que par le passé. Contrairement à ce que dit Brice Parain, Dieu, hélas, n'est pas mort ! Car Dieu n'est que ce qu'en disent les hommes, c'est-à-dire une caricature de ce que peut être Dieu, s'il est.

Que deux milliards d'êtres humains célèbrent la naissance "du petit Jésus" ne fait pas renaître Dieu en sa crèche ! On peut même constater que tout ce pour quoi Jésus a été crucifié triomphe jusqu'en son église : l'amour ou l'acceptation complice (c'est tout comme...) de l'argent, du pouvoir et de la violence.

Pour transformer le monde il faut user des mots qui, comme le voulut Vaclav Havel, donnent du pouvoir aux sans pouvoir (3). Le monde réel appartient au pauvre, au sans parti, au non violent. Tout discours religieux qui ne commence pas par dire cela est, de fait irréligieux et désespérant.

Vaclav Havel, le "sans parti engagé"

Le piège des mots, béant devant nous, est tendu par des communicants qui nous font accroire ce qui sera contredit sous peu ! La politique est ainsi salie par des professionnels qui affirment ce qu'ils ne pensent pas.

Trions parmi les mots ! Pesons les. Pénétrons les !

L'austérité, pour ne prendre que celui là est-il : sévérité, dureté, rigidité ?
S'accompagne-t-elle d'abstinence, de mortifications, d'ascèse, de pénitence, tous mots proches, à connotation religieuse, utilisés dans le langage monastique de ceux qui croient encore que le malheur vient du péché individuel !

L'austérité est-elle vue comme une rigueur ou une sobriété ? Car l'une contredit l'autre ! La rigueur accable ; la sobriété libère.

Dégainons les mots. Non pour tuer mais pour vivre. Prenons parti, librement, pour ne pas prendre le parti d'un parti, pour ne pas sombrer dans le parti pris. Soyons solidaires des modestes qui ne sont pas sans richesse, des illettrés qui ne sont pas sans culture, de tous "les sans" qui ne sont pas sans pouvoir.


Ne désespérons pas le Père Noël...

L'espérance de Noël n'est pas dans les bondieuseries et les cadeaux, ou, alors, faisons-nous cadeau de bonheurs simples. Et reprenons le refrain d'Aragon, cela vaut plus qu'un cantique :

Qui parle du bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues
Terre terre voici ses rades inconnues


Accostons à cette Terre, la nôtre ! Réenchantons le monde. C'est peut-être une chance ultime.
Ne fêtons pas Noël ! Faisons de Noël la fête du partage. Osons la joie.



(1) Intellectuel discret, grand ami d'Albert Camus, il s'engagera aux côtés de Robert Antelme et d'André Breton, entre autres, au sein de la revue Le 14 Juillet contre le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958. Il a dirigé le tome 1 de L'Histoire de la philosophie dans l'Encyclopédie de la Pléiade.
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Brice_Parain
(2) http://www.cafe.edu/genres/e-intpar.htm
(3) Vaclav Havel, Le Pouvoir des sans-pouvoir, essai, 1978.


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