Ce texte dit, à la fois, pourquoi un accord entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon était possible et impossible, à la date du 17 février 2017. Il faut le verser aux archives politiques de ce qui fut "la gauche". Aller "jusqu'au bout du changement" supposait des ruptures que Benoît Hamon ne pouvait faire sans cesser d'être le candidat du PS. Sorti en tête de la primaire organisée par son parti, il lui était impossible de rompre, fut-ce par honnêteté, avec les siens qui ne voulaient ni de lui ni de ses idées. L'échec aura été et restera celui du PS.
Si Hamon le pense, il n'est pas en position pour le dire et Mélenchon, en le poussant dans ses retranchements, l'aura mis en difficulté non par volonté politique, mais parce que il n'a cessé de démontrer que le PS est mort, enfermé ou pas dans un "corbillard" qui, pour le malheur de la France, roule encore...
Jean-Pierre Dacheux
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Le 17 février 2017
Bonjour Benoît,
J’ai proposé la fin de la semaine prochaine compte tenu des rudes obligations de mon calendrier. Tu avais dit que tu me contacterais des ton investiture. Mais tu n’en as pas eu le temps.
Il en
résultait un harcèlement de questions exclusivement sur ce thème
de la part des médias et il devenait difficile de s’épargner le
ridicule d’une situation qui semblait bloquée. Or, elle ne l’est
pas de mon fait. J’ai rencontré avec grand plaisir Yannick Jadot à
Strasbourg et je te verrai de même. Demain nous allons échanger une
première fois, de vive voix.
Pour
faciliter notre échange, je voudrais résumer ici ce que j’ai dit
sur le sujet à Strasbourg et au cours de divers entretiens.
Ton
investiture a exprimé un net désaveu de la politique du
quinquennat. Non seulement du point de vue de ton programme mais
aussi du fait de la rude sanction qu’a subi le premier ministre
emblématique de cette période qu’est Manuel Valls. À présent tu
proposes une convergence de nos forces dans les élections
présidentielles et législatives. Je ne crois pas un instant
qu’elles puissent s’ajouter sans que de très sérieuses
garanties ait été données. Au contraire des accords d’appareils
pourraient bien hélas démoraliser et désorganiser ce qui a été
rassemblé de part et d’autres.
Voyons ce
que nous pouvons faire d’utile. Nous sommes bien d’accord que la
présidentielle et les législatives sont étroitement liées. Dans
ces conditions parlons-nous avec sérieux, sincérité et loyauté à
l’égard de notre peuple pour éclairer la décision et le choix
qu’il va faire.
Tu as dit
que tu ne faisais aucun préalable même de ta propre candidature.
C’est une attitude positive. Mais tu as aussi déclaré qu’en
toute hypothèse il y aura un bulletin de vote à ton nom le 23 avril
prochain. Que devons-nous retenir ? Nous proposes-tu une candidature
unique à l’élection présidentielle ?
En toute
hypothèse il s’agit d’être prêt à convaincre à entrainer et
à gouverner. Cela nécessite confiance et cohérence. Sans que cela
soit attaché à ta personne ni à ton talent il est évident que
dans les sondages ta candidature reste à un niveau extrêmement bas
par rapport aux scores traditionnels du PS. C’est cela le bilan de
ce quinquennat. Le PS dont tu es le candidat n’est plus en mesure
de fédérer les français. Tout est à reconstruire dans notre pays.
Veux-tu t’atteler à cette tache ? Un accord à l’ancienne ne le
pourra jamais. D’autant que le quinquennat de François Hollande a
montré quel usage un candidat du PS pouvait faire de ses engagements
les plus solennels. Je te fais de bon cœur crédit de ta bonne foi.
Mais nous ne pouvons avoir la naïveté de te croire sur parole alors
même que tu es et reste le candidat d’un parti et d’élus
majoritairement hostiles à l’orientation que tu défends. Il est
donc légitime et honnête que nous te demandions des garanties
politiques précises sur ton engagement à rompre avec le quinquennat
et son bilan. Comment sans cela parler de quoi que ce soit avec
confiance ?
La
première garantie concerne le périmètre de la convergence. Nous ne
voulons aucun accord ni à la présidentielle ni aux législatives
avec Emmanuel Macron et son mouvement. Pour nous, ce que l’on
connaît du programme d’Emmanuel Macron est purement et simplement
la poursuite ou le durcissement de la politique mise en œuvre par
François Hollande
La
seconde garantie concerne ta propre volonté d’assumer la rupture
avec la politique du quinquennat et donc l’engagement clair à en
abolir les mesures emblématique c’est-à-dire essentiellement la
loi El Khomri, le CICE et l’état d’urgence permanent. Cela
se traduira par la mise à l’écart des prochaines élections
notamment des ministres du gouvernement qui a imposé cette «
loi-travail » à coup de 49/3.
Mais nous
croyons qu’à la rupture doit s’ajouter une volonté positive
d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de notre pays. Notre
programme comporte 357 mesures. Nous le mettons à la disposition de
la discussion. Mais nous croyons que l’essentiel de l’esprit
qu’il incarne, en lien avec les enseignements de l’alter
mondialisme est à la base du contrat à nouer avec notre peuple.
Compte tenu de ce que nous t’avons entendu dire nous croyons
qu’il t’est possible de t’avancer largement vers ces positions
quitte à ce que ceux qui te combattront de toute façon dans ton
parti prennent leur distance !
Garantie
de tourner la page de la monarchie présidentielle avec la
convocation d’une assemblée constituante dans les trois premiers
mois de la nouvelle mandature.
Garantie
d’ouvrir le chapitre d’un cycle vertueux du partage de la
richesse. Je suppose que nous sommes d’accord sur
l’augmentation du SMIG et des minima sociaux. Mais il faut ouvrir
de nouveaux horizons de progrès social avec l’échelle des
salaires et limitée de un à vingt et l’instauration de la
sécurité sociale intégrale, et au minimum le retour aux 35 heures
réelle comme à la retraite à 60 ans avec 40 annuités.
Garantie
du changement de la matrice productive du pays avec la sortie du
nucléaire et le passage au cent pour cent d’énergies
renouvelables.
Garantie
de récupération de l’autonomie économique de notre pays avec
l’annonce du retrait de la signature de la France de l’accord
CETA et organisation de la consultation du peuple sur cet accord.
Arrêt immédiat de l’application des directives européennes
mettant en cause les services publics de notre pays et passage au
plan B en cas d’échec des discussions avec nos partenaires
européens pour mettre fin à la politique des traités budgétaires
et des semestres européens.
Garantie
de l’indépendance de notre pays vis-à-vis de l’OTAN avec la
sortie de cette alliance militaire et le retour à une politique pour
la paix et de désarmement dans le monde.
En
t’adressant ces lignes j’ai le sentiment de répondre à une
exigence de sérieux et de sincérité dans les relations politiques.
Comme la majorité de notre peuple je n’ai plus aucune confiance
dans les accords d’appareils entre partis politiques. Le mouvement
« la France insoumise » s’est constitué sur un programme et une
candidature qui le porte. Rien d’autre. Cela nous suffit amplement
pour vouloir en convaincre le grand nombre. Mais s’il existe une
possibilité que la trame essentielle de ce qui nous a regroupés
puisse aussi fédérer des partis politiques de la gauche
traditionnelle, je suis prêt à consulter les 250 000 personnes qui
se sont personnellement engagées à mes côtés sur la proposition
qui leur serait faite.
Mais je veux
dire directement et franchement que je ne saurai composer avec les
engagements que j’ai pris, ni faire confiance à la parole du
candidat du PS sans garantie ferme et solide de sa part.
Avec
l’espoir de t’en convaincre,
Bien
amicalement
Jean Luc
Mélenchon
Source : AFP