lundi 23 avril 2007

Désespoir ou espérance ?

Nous voici en face d’une réalité politique violente : un scrutin historique, tant est massive la participation, vient de réinstaller en France, peut-être pour longtemps,la bipolarisation. Quel que soit le résultat final dans quinze jours, les préoccupations anticapitaliste et écologiste qu’on croyait devenues incontournables compte tenu de l’état actuel connu de la planète et de la souffrance du monde du travail, se trouvent marginalisées.

Le scrutin-piège a parfaitement fonctionné. Les institutions de la cinquième république tiennent bon ! Le vote utile s’est transformé en vote couperet : derrière les deux leaders annoncés qui se situent bien au-delà des 20% (et même au-dessus de 30% pour Sarkozy), les deux outsiders, entre 10 et 20%, sont loin derrière… Quant aux huit options restantes, aucune ne dépasse les 5%.

Nul ne se plaindra de la disparition de la menace Le Pen, mais il convient de ne pas oublier que le candidat de l’UMP a siphoné une partie des voix du FN. Seul François Bayrou semble mettre une limite à ce triomphe des candidats surmédiatisés, avec ses quasi 19%, mais le voici placé, maintenant, à la fois, entre le marteau et l’enclume et donc en pleine contradiction : il ne peut ni abandonner la droite ni la soutenir !

La sanction est bien plus terrifiante pour ceux qu’on a affublé du nom de « petits candidats ». La division des antilibéraux les laisse sans force, éparpillés, réduits à une sous-figuration dramatique. Sauf à dire que nul ne meurt jamais en politique, on voit mal comment pourraient rebondir de sitôt le PT, LO, le PCF et également la LCR même si elle est moins malmenée. Quant à la tentative de José Bové, elle subit apparemment le même sort et ne pèse rien. Les élections législatives s’annoncent donc très douloureuses : n’y a-t-il plus de place, en France, en tout cas dans cette période, pour autre chose que des compléments de la gauche instituée, archi dominée par le PS, à laquelle il faudrait quémander des places ? Mais, osons le dire, même unis, les candidats de la gauche de gauche auraient-ils empêché ce phénomène mécanique majoritaire poussé à son terme : faire du premier tour un galop d’essai du second !

S’agissant des écologistes, la pilule est tout aussi difficile à avaler. Nicolas Hulot semble avoir perdu son pari : l’écologie n’a jamais été au centre de la campagne. Après un résultat calamiteux, la dispersion des Verts semble d’ores et déjà accomplie, y compris si, pour sauver les meubles, on ne met pas le feu à la maison et qu’on n’en chasse personne. Entre les écologistes centristes pro-Bayrou que drague Corinne Lepage, les écologistes « durables » PS-compatibles, et depuis longtemps pro-Royal, qui s’en tiennent à la préservation de l’acquis et, enfin, les écologistes altermondialistes pro-Bové qui cherchent une autre voie, des divergences radicales sont apparues.

Que va-t-il advenir à présent, dans l’immédiat, de la seconde campagne électorale ? La gauche, toutes composantes confondues est, selon les critères traditionnels, exsangue. Elle se situe sous la barre des 40% ! Le candidat de l’UMP, exécré par la moitié des Français, a pourtant en main les cartes pour l’emporter ! Si Ségolène Royal est élue, ce sera donc avec les voix de nombreux électeurs de François Bayrou. La boucle est bouclée : nous aurons le choix entre la droite franche et dure et la gauche droitisée, entre un Bush à la française et un Blair à la royale. Le même système politique qui a engendré la surprise de 2002 : droite contre extrême droite nous a fourni une version soft, américanisée, d’un nouveau faux choix : libéralisme décomplexé contre social-libéralisme résigné. Devrons-nous, de nouveau, courir vers le supposé moindre mal ? Ou assumer autrement ?

J’entends déjà tonner les condamnations. Ceux qui, à gauche de la gauche, se sont eux-mêmes réduits à la portion congrue vont chercher des boucs émissaires et accuser de tous les péchés du monde ceux auxquels ils ont refusé de s’allier. Les écologistes vont entrer dans une période de liquidation des comptes dont nul ne peut prévoir jusqu’où elle peut les mener. Enfin les « gagnants », au PS, vont sommer tous les anti-Sarkozy de les rejoindre, au moins le 6 mai, sous peine de trahison…

Je suis, décidément, hors de ce monde politique-là. Après la douche reçue hier, autant se sécher. Je veux prendre du recul, analyser, tâcher de comprendre sans condamner personne, sous peine de m’interdire de saisir ce qu’il y a de neuf dans la situation. Les erreurs et les fautes des uns ou des autres n’expliquent pas tout et ne suffisent pas à rendre compte du nouveau paysage. Nous n’aurons pas le temps, d’ici la fin du printemps, de mesurer toutes les conséquences de ce cataclysme -car c’en est un- mais le pire serait de baisser les bras, de confondre la photo immense, précise, instantanée, du paysage électoral, avec la réalité physique du paysage lui-même. Trois autres photos, prises dans 15 jours et en juin, mais prises sous de nouveaux angles, vont compléter notre information. Autour de José Bové, nous avons risqué la solution : écologie+antilibéralisme+unité quand même ; il le fallait, je crois. Nous avons perdu ; c’est un fait. Toute expression autre que celle du pré-choix entre candidats visant le second tour était inaudible. Est-ce à dire, pour autant que nous avions tort ? Je ne le pense pas! Je resterai solidaire de José Bové longtemps encore. Tout commence puisque ne se sont pas effacées, le soir du vote, les raisons de sa candidature : ce qu’il pense, je continue de le penser.

Dans l’immédiat, pour faire barrage au flux du lepénosarkozisme, je peux me servir de n’importe quel objet politique, fut-il creux à l’intérieur. Je ne veux suivre personne. Je fais ce que je veux : je voterai donc Ségolène Royal.

Le 23 avril, entre 7 heures et 8 heures du matin.

jeudi 5 avril 2007

Pour un vote vraiment utile

À droite, le vote utile, c’est simplement choisir son camp, car chacun des trois prétendants principaux, Sarkozy, Le Pen et Bayrou aspire à être présent au second tour.

À gauche, le vote utile serait-il donc de ne voter que pour l’unique candidat capable de figurer au second tour ? C’est un calcul à courte vue !

À vouloir enfermer les électeurs dans un choix de second tour au lieu de laisser voter chacun selon ses convictions , on risque d’aboutir au résultat inverse de celui que l’on recherche !

Ceux qui craignent le renouvellement du cataclysme de 2002 et le retour d’un duel droite-extrême droite (un Sarkozy-Le Pen à la place d’un Chirac-Le Pen) sont victimes de la propagande médiatique ! Parce que Sarkozy assèche déjà une partie du vote Le Pen, parce que Le Pen est loin derrière Bayrou, parce ce que Le Pen, à 79 ans, n’est plus en position de créer de nouveau la surprise, parce que le PS a déjà récupéré deux candidats de 2002 : Chévénement et Taubira, parce qu’enfin la sanction du PS au gouvernement n’est plus d’actualité dès lors qu’il est dans l’opposition.

Ceux qui appellent à voter Ségolène Royal tout de suite, pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, n’oublient qu’une chose : c’est que la gauche ne pèse, actuellement qu’entre 35% et 40% des voix et si les électeurs pouvant faire la décision n’ont pu trouver l’occasion de dire leurs préférences le 22 avril, ils feront cruellement défaut le 6 mai.

La gauche sociale-libérale, sur la base de son programme, blairiste, parfois nationaliste et souvent trop personnalisé, ne peut faire le plein des voix utiles pour vaincre Sarkozy.

Voter utile c’est donc apporter des voix qui pèseront, ensuite, en juin, aux Législatives pour composer un Parlement qui ne soit pas bipolaire : UMP/PS. Si la composante écologiste, sociale, démocratique, (donc : antilibérale, féministe, anti-raciste, altermondialiste) devient assez forte, alors coup double et la gauche pourra l’emporter aux Présidentielles et se présenter mieux unie aux Législatives.

Ce sera une gauche comprenant de nouvelles forces, apparues d’ici le premier tour, constituées par ceux et celles qui veulent qu’on ne se paie plus de mots avec l’écologie ! Ce sera une gauche qui exige qu’on cesse de tout sacrifier aux marchés, qui réclame des institutions prévoyant un renforcement du Parlement et la proportionnelle, qui demande une vraie parité et le non-cumul des mandats et la fin de la chasse au faciès. Enfin, ce sera une gauche ayant obtenu une politique d’ouverture sur l’Europe et le monde entier à la hauteur des exigences du XXIe siècle…

Voter utile, ce n’est pas voter sous la contrainte et par défaut. C’est voter pour ce qu’on pense.

Voter utile, ce n’est pas voter faute de mieux. C’est voter pour ce qu’on estime le meilleur.

Voter utile, ce n’est pas rester enfermé dans un duel. C’est oser faire valoir ce qu’on veut.

La candidature écologiste et antilibérale de José Bové se situe dans cette perspective.

Parmi les votes vraiment utiles à gauche, c’est pour nous le meilleur choix.

Osons voter José Bové.

Vous avez dit "unitaires"?

Unitaire est le vocable le plus galvaudé qui soit. Il ne signifie pas "unis". Il signifie "qui veut être unis". En politique, et notamment parmi les citoyens qui se disent "anti-libéraux" ou "à gauche de la gauche", unitaire veut dire "qui cherche un nouvel espace d'expression politique". Qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas membres d'un parti politique, ces unitaires considèrent qu'il est temps d'aller au-delà des partis politiques ou, au moins, de concevoir l'organisation et le fonctionnement des partis politiques de façon nouvelle.

La forme militante et quasi militaire des partis, avec leur doctrine unique, l'obéissance de leurs membres, leur structuration hiérarchique, ne donne plus satisfaction et n'offre plus suffisamment d'occasions de réussite. Le réel est complexe et les doctrines n'en rendent plus compte de façon convaincante. La soumission aux règles dites démocratiques (comprendre : qu'on fait imposer par une majorité) déçoit les adhérents qui désirent conserver leur liberté de penser. Le culte du chef ou même l'adulation de la vedette apartiennent soit à une histoire révolue soit à un individualisme forcené contre lequel, précisément, les anti-libéraux se dressent.

Unitaire est donc devenu un vocable qui appelle à une nouvelle forme d'unité dans la diversité. Inutile, désormais, de penser tous de la même manière pour être proches. Inutile de marcher du même pas pour avancer ensemble. Inutile de se réclamer du même leader pour se trouver rassemblés. Reste à inventer sinon les structures du moins les formes qui permettent d'exprimer cette unité anticonformiste! L'histoire politique n'a pas encore offert de modèle d'unité qui ne se contente pas de fédérer des opposants, de regrouper des partisans, ou de souder des militants. Créer des réseaux citoyens qui aient d'autres objectifs que d'imposer leur vérité, de renforcer leur chapelle ou de porter au pouvoir leurs élites, constitue une tâche non seulement difficile mais jusqu'ici non aboutie.

Pari impossible? Sûrement pas, et pour des raisons qui dépassent la volonté individuelle des acteurs du politique. En effet, le besoin d'unité n'est plus mesurable en terme d'identité. Dans identité, il y a "identique". Chercher ce que des hommes ont en commun s'est souvent perverti en recherche de ce qui les fait uniques, de ce qui les posent grâce à ce qui leur est propre et donc de ce qui les oppose aux autres (qui ne sont pas nés là, ou qui ne parlent pas cette langue là, ou qui ne se réclament pas de cette religion là...). Le temps du monde métis a commencé et le métissage, au XXIe siècle, n'est plus seulement question de couleur de peau et de mélanges des cultures, c'est le résultat de la proximité des hommes vivant de plus en plus nombreux sur une planète étroite et close. L'unité ne peut plus être l'unicité. Cette découverte imprègne la pensée des hommes de façon claire ou confuse, mais elle s'impose, jour après jour.

Unitaire, donc, signifie qui veut l'unité des citoyens acteurs d'une reconnaissance de l'unité de la planère. Les citoyens unitaires sont, qu'ils le disent ou pas, des altermondialistes, des citoyens du monde, des internationalistes. Ils reçoivent la constatation des différences non comme un risque mais comme une chance. Bien entendu toutes les pensées et toutes les mœurs ne se valent pas et il ne s'agit pas de niveler toues les valeurs! Il s'agit surtout de ne pas s'emparer de notre conception de l'universel pour tenter de l'imposer à tous les peuples de la Terre, ni même, pour commencer, à nos voisins ou à nos concitoyens français ou européens...

Il m'apparaît qu'il faut être présent là où cette conscience s'éveille. C'est pourquoi les Collectifs pour des candidatures unitaires font un travail qui va peser dans la vie politique, en France, mais aussi ailleurs, là où les limites territoriales sont de plus en plus considérées comme des compartimentages de la population au lieu d'être des repères pour mieux penser la diversité humaine! Les frontières matérielles ou psychologiques font obstacle à la créativité. Il est temps de les transformer, de barrières qu'elles étaient en balises de la différence mais également en signaux des apports possibles de connaissances nouvelles.

Les unitaires sont des des constructeurs d'une unité non uniformisante. Ce qu'ils bâtissent dépasse de loin ce que le mot contient actuellement et qui ne va guère plus loin que l'aspiration à l'unité des forces qui rendent possible un autre monde! Passer de ce désir puissamment utopique à des constructions plurielles, multiples, modestes et efficaces demandera du temps. Les citoyens unitaires s'installent dans le monde qui vient. Ils le savent. Cela les console de l'impuissance dans laquelle les installés réussissent provisoirement à les maintenir.

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