dimanche 27 janvier 2008

La politique au-delà des partis (1ère partie).

La critique des partis politiques rédigée par Simone Weil, dès 1943, imprimée en 1950, n'a pas été republiée, en 2006, tout à fait par hasard (1). "Le totalitarisme est le péché originel des partis" écrit-elle. Selon elle, l'esprit des Lumières, qu'elle appelle "l'esprit de 1789" est "une expression de la volonté générale", telle que l'avait exposée, sans se faire entendre ni comprendre, Jean-Jacques Rousseau, et qui est "bien autre chose que des élections". Que dirait-elle aujourd'hui?

Il semble que reprendre et dépasser la pensée de Simone Weil, sans la trahir, consisterait, avec elle, à reconnaître que, pas plus en 2008 qu'en 1943, "nous n'avons jamais rien connu, qui ressemble, même de loin, à une démocratie", "qu'il n'y a rien de plus confortable que de ne pas penser", "et que les partis restent mauvais dans leur principe".

Affirmer qu'on est favorable à "la suppression générale des partis politiques" ne va pas de soi. Il ne s'agit pas simplement de fonder en raison un choix personnel de non appartenance à une formation politique. Il s'agit de contribuer à la restauration, voire à l'émergence, d'expressions politiques qu'on ne puisse enfermer dans des particularismes et des disciplines sectaires. Bien davantage, la fin des partis politiques ne peut être obtenue qu'à la condition de voir le débat politique s'emparer de la société tout entière.

Je reviendrai sur cette question controversée mais il me semble qu'elle peut, d'ores et déjà, bénéficier d'un éclairage nouveau grâce à la rencontre de l'idéal des Lumières et de l'hospitalité kantienne avec les exigences citoyennes radicales, altermondialistes, nées du constat de plus en plus alarmant qui est fait de l'état de la planète.

Cette situation inédite peut engendrer non pas la négation (ce serait temps perdu), mais le dépassement des partis, obsolètes, inefficaces et accapareurs de la volonté populaire. Il ne faut pas s'évertuer à tuer ce qui meurt.

Rien n'est plus urgent et plus utile, au contraire, que de faire surgir, en positif, une citoyenneté qui ne se laisse plus enfermer dans la représentation, la délégation et la hiérarchie (républicaines ou pas).

Renoncer au pouvoir sur les hommes pour accéder à la possibilité de peser sur les décisions sans compter sur les élections pour y parvenir : voilà ce que, de Jean-Jacques Rousseau à Simone Weil, en allant jusqu'à des philosophes plus contemporains, il est grand temps d'étudier, afin de faire des propositions acceptables par les citoyens du monde.

J'observe que l'Université Paris 8 ne manque pas de philosophes, vivants ou morts, dont les œuvres méritent un examen permanent : d'Alain Badiou à Jacques Rancière, de Jean-François Lyotard à François Chatelet, d'Alain Brossat à René Schérer, d'Antonio Negri à Daniel Ben Saïd, sans oublier bien sûr, Gilles Deleuze inséparable de Félix Guattari. On trouve, chez ces écrivains, des contributions qui donnent de quoi repenser tous les discours convenus sur la démocratie.

Pour ma part, en m'appuyant sur les travaux de ces auteurs, je me retrouve, actuellement, proche du "survivant", le sociologue étatsunien, Mike Davis, qui met en garde contre la dérive économiste nous conduisant tout droit à une planète de bidonvilles. "Si rien ne change, dit-il, l'humanité future habitera dans des cartons". Penser la politique non en terme de partis, d'élections ou de pouvoir mais en terme de contribution à l'expression du "vouloir commun à tout un peuple conforme à la justice" (eut dit Simone Weil), telle sera, si je le peux et en ai encore le temps, ma pré-occupation désormais.

(1) - Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, éditions Climats, distribué par Flammarion, 2006.

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