mardi 2 décembre 2008

Cessons d'être des moutons.



Un énergumène, un philosophe-forain, un holibrius, cet Alain Guyard que Daniel Mermet a fait découvrir au cours de son émission quotidienne, sur France-Inter, : là-bas si j'y suis (1).

Un philosophe dérange. Alain Guyard dérange. Il ne se prend pas pour un penseur. Il se contente de faire penser. Sur son site Diogène consultants (2), il rappelle que le philosophe grec, dans son tonneau, se riait de Platon : "comment peut-il être philosophe s'il ne dérange personne?" Il se dit un passeur d'idées, car contrairement à ce que nous racontent tous les contempteurs des idéologies, sans idées on ne pense pas et, quand on ne pense plus, on est un mouton qu'on peut conduire soit à l'abattoir soit au gouffre.

Alain Guyard soutient que le philosophie peut être populaire. connaître les idées des philosophes aide à comprendre dans quel monde on vit.

Il est très actuel de savoir que deux Anglais, Jonathan Hobbes et Adam Smith fondent encore les discours des tenants du libéralisme. Tous deux considèrent que l'homme est, par nature, violent et pêcheur. Pour que la richesse soit accessible, il faut soit contenir par la force cette violence naturelle des hommes, et c'est le rôle de l'État, substitut du Dieu Tout-puissant (ainsi pense Hobbes), ou bien il faut laisser faire cette violence en attendant que "la main invisible" de Dieu mette de l'ordre dans ce chaos (ainsi pense Smith).

Si l'homme est un loup pour l'homme, comme le disait Plaute, repris par Hobbes, alors il faut que le Léviathan du pouvoir exerce son autorité et oppose la violence légitime de l'État à la violence illégitime des masses. Première philosophie fondatrice du libéralisme : l'économie de marché est protégée par un État policier fort et fait bon ménage avec lui, comme la Chine et la France sarkozienne le démontrent.

S'il n'y a en l'homme qu'égoïsme et intérêt, laissons faire ces pulsions et ces désirs qui finiront par s'autoréguler en interagissant les uns sur les autres. La main invisible des marchés organise et apaise, finalement, les inévitables conflits. Seconde philosophie fondatrice du libéralisme : l'économie de marché trouve seule, in fine, son point d'équilibre. La fin de l'État est programmée. De Reagan à Thatcher, de Blair à Bush, on a vu cettte politique à l'œuvre, et... ses contradictions.

Alain Guyard oppose à ces deux philosophes qui continuent d'influencer les tenants du capitalisme, l'anthropologue Marcel Mauss qui, au début du XXe siècle, constata que le don et contredon était plus utilisé encore, sur Terre que le donnant/donnant. Le système marchand n'est pas universel. L'homme n'est pas, par nature, mauvais et incapable d'échange. Il peut, sans le secours d'une autorité supérieure, divine ou transférée au pouvoir de chefs, faire fonctionner une économie où donner, recevoir et rendre s'entrelacent dans une activité sociale complexe et vivante.

L'homme n'est pas un mouton. Ce n'est pas un loup non plus. C'est un animal politique qui pense et n'est pas conditionné par sa nature. Le propre de la nature de l'homme, c'est qu'il n'est pas prisonnier de prêts à penser quels qu'ils soient. Entre le tout individu et le tout État, il y une gamme de possibles dont, eut dit Mauss, la coopérative. Au moment où s'effondrent les postulats libéraux, et après qu'aient implosé les systèmes étatistes, il est grand temps de confier l'initiative du mieux vivre à des démocraties économiques de participation remplissant, progressivement, les vides que les démocraties représentatives avaient laissé béants.

(1) http://www.la-bas.org/
(2) http://www.diogeneconsultants.com


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