mardi 27 décembre 2011

Du jeu pervers de l'élection présidentielle



Il n'y a rien de plus confortable que de ne pas penser (Simone Weil)

Sortirons-nous un jour, en France, de cette opération électorale (hélas, majeure !) qui détourne et contourne les choix des Français ? L'élection présidentielle a fait son temps mais nous allons encore la subir...

Comment faire élire celui dont les électeurs majoritairement souhaitent l'échec ? la méthode a déjà fonctionné plusieurs fois...

Trois candidats espèrent, actuellement, l'emporter : Sarkozy, Hollande, et même Bayrou.

Quatre candidats peuvent se retrouver au second tour : les mêmes, plus Marine Le Pen.

Deux candidats pèseront indirectement sur le résultat, en atteignant ou en dépassant 5% des suffrages exprimés : Mélenchon et Joly.

Plus que jamais; en 2012, la course aux 500 parrainages sera difficile pour les "petits candidats". Les grands partis verrouillent -nous dit-on-, les élus, et surtout les maires, nombreux, dont certains pourraient, "par esprit républicain", parrainer un candidat qu'ils ne soutiennent pas. Il n'empêche que l'intérêt de susciter des candidatures rivales subsiste.

S'il se trouvait que Marine Le Pen n'obtienne pas les 500 signatures qui lui sont indispensables (son père ne les avait obtenues que de justesse, en 2007), cela pourrait avoir des raisons contradictoires ! Permettre un charivari FN pour mieux condamner "le système UMPS"; récupérer des voix de la droite dure, grâce à la frange de de l'UMP dite de la droite soit-disant "populaire" ; interdire un accès éventuel bien qu'improbable, au second tour de la candidate FN... Un délicat problème n'en surgirait pas moins : qu'un parti pesant plus de 10% des voix ne trouve pas assez de soutiens lui permettant de présenter son candidat passerait pour un déni de démocratie. La règle des 500 signatures n'est, du reste, qu'un outil supplémentaire dans la panoplie de bipolarisation de l'élection présidentielle.

Mécaniquement, ceux qui s'affirment à gauche peuvent être majoritaires et être absents du second tour, donc éliminés. C'est l'un des meilleurs espoirs de Sarkozy.

Statistiquement, plus les électeurs sont âgés, plus ils votent conservateurs. C'est la raison pour laquelle les encouragements du gouvernement à s'inscrire sur les listes électorales sont si timides ! Les nouveaux électeurs, en effet, sont hostiles au président sortant...



L'élection de 2007 avait vu un record de participation. Après le traumatisme de 2002 (Jospin ne pensait qu'au second tour et avait, pour cela, perdu l'élection), les électeurs voulaient du neuf. Ils en ont eu...! Cette fois, la participation, tout en restant forte, pourrait être moindre car le désenchantement des Français est sans égal.

La donne est simple par conséquent : l'électorat est captif et le choix unique qui intéresse les médias se limite au choix entre "le centre gauche et le "centre droit", (les outsiders, comme on dit en langage sportif, devant non seulement se retrouver affaiblis mais rapidement mis sur la touche).

Politiquement Sarkozy est battu : il a gravement déçu et son bilan est très mauvais. Mathématiquement, il n'a pas perdu si son adversaire est Marine Le Pen, portée par la vague nationaliste et les déconvenues liées à "la crise" ; il n'a pas perdu si son adversaire est François Hollande, poussé à la faute, dans la dernière ligne droite, en lui faisant dire une chose et son contraire (tout doit changer ; rien ne peut changer) ; il n'a pas perdu si son adversaire est François Bayrou, sans "troupes", sans appui populaire et ne pouvant compter que sur "l'antisarkozisme".

Cette mécanique peut-elle s'enrayer ? Il n'y a pas d'élection sans une part de surprise. De Gaulle en ballotage en 1965 ! La gauche absente, déjà, en 1969 ! Giscard d'Estaing plutôt qu'un candidat gaulliste en 1974 ! Mitterrand élu et réélu sans peine, en 1981 et 1988 ! Chirac devant Balladur en 1995 ! Chirac encore devant... Le Pen, en 2002 ! Sarkozy aisément élu face à une candidate socialiste dont le parti est pourtant le mieux implanté en France, en 2007...

On observera que, hormis Mitterrand candidat quatre fois et l'ayant emporté deux fois, le candidat socialiste, que ce soit Jospin ou Royal, n'a pas constitué une véritable menace pour le candidat de la mouvance RPR - UMP. Que peut-il se produire, en 2012, qui change sensiblement le rapport des forces ?



La règle du vote utile va-t-elle jouer ? Tous les résignés de la Ve République, "à gauche", restent marqués par le syndrome de 2002 : tout plutôt qu'un nouveau Le Pen au second tour !

Le besoin d'un renouveau d'une gauche ayant confondu alternative et alternance, va-t-il, en l'absence possible de candidats de Lutte ouvrière, du NPA ou du Parti des travailleurs, gonfler le score du candidat du Front de Gauche au point de devenir indispensable au candidat socialiste, tant au second tour que pour les législatives qui suivront ?

L'influence du vote écologiste n'est-elle pas, actuellement, sous estimée et les 5% de Noël Mamère, en 2002, ne seront-ils pas dépassés par Éva Joly qui dispose, après Fukushima et grâce à la prise de conscience des jeunes générations, d'un matelas de voix potentiel qui peut s'avérer plus important que prévu ?

Restent deux incertitudes encore : celles de l'ampleur de l'abstention (à cause des "écœurés de la politique") et celle de l'importance des votes non exprimés, blancs et nuls donc, hélas mélangés, (à cause du refus de la donne politique et du mode de scrutin lui-même).

Cette complexité, reflétant la variété et le scepticisme de l'opinion publique, est volontairement annihilée par un type d'élection bipolaire qui, stricto sensu, n'a pas un caractère démocratique puisque les votes sont ou captifs ou limités dans leur expression.

Imaginons une loi électorale qui ne retiennent, au second tour, que les trois premiers, ou les candidats ayant obtenus plus de 20% des suffrages, ou qui accorde une prime de 5 ou 10% au candidat en tête, sans éliminer les candidats ayant eux-mêmes atteint des scores égaux ou supérieurs à 5 ou 10% ! Et l'on peut en rajouter y compris dans l'absurde... Toutes les conditions de la réussite s'en trouveraient modifiées. Jospin eut, par exemple, été élu en 2002.

L'élection présidentielle repose, mais nous nous refusons à l'admettre, sur une règle du jeu perverse. Elle transforme le régime démocratique en régime monarchique. Elle n'est mise en œuvre dans aucun autre pays d'Europe. Elle peut conduire à des contradictions (modestement appelées : cohabitation)... Elle trompe, depuis longtemps, le pays qui pense que l'élection du Chef de l'État au suffrage universel ne peut qu'être démocratique !

L'année 2012 sera-t-elle celle d'une innovation, inconnue depuis que la durée du mandat présidentiel a été ramené à 5 ans : une majorité présidentielle et une majorité parlementaire différentes ? Rien ne l'interdit sinon l'appel véhément du vainqueur à la cohérence politique.

Oui, décidément, la Ve République a besoin de plus que d'un lifting ! Elle ne correspond plus à ce qu'une République française doit être dans un ensemble politique européen politiquement élargi et influent. Nous allons vivre, sans doute, la dernière des élections de type néo-gaullien, fondée sur une analyse obsolète et erronée des rapports politiques en France.

Dans cette attente, il nous sera offert de participer, de nouveau, au jeu pervers de l'élection présidentielle...


Un mauvais souvenir : Sarkozy était bel et bien légitime !

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