vendredi 25 mars 2011

Mais qu'est-ce donc que l'antisémitisme ?

Loin de moi la pensée que je puisse fournir une nouvelle définition du mot ! Ce qui m'intéresse, à la suite du débat qui a opposé, hier soir, 24 mars, Alain Finkielkraut et, principalement, Alain Badiou, sur FR3, dans le cadre de l'émission de Dominique Taddéi Ce soir ou jamais, c'est l'utilisation politique de ce vocable.
http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/?page=emission&id_rubrique=1355



Alain Badiou et Éric Hazan, (ce dernier directeur des éditions La Fabrique), viennent de sortir un petit livre L'antisémitisme partout, Aujourd'hui en France. Ils y dénoncent une traque de l'antisémitisme qui va jusqu'à s'en prendre aux "mauvais Juifs" coupables de contester la politique israélienne.
http://www.lafabrique.fr/catalogue.php?idArt=556

Alain Finkielkraut est philosophe, professeur à l’école polytechnique, producteur et animateur de l’émission « Répliques » sur France Culture. Sa dernière contribution sur l'antisémitisme se trouve dans le livre : J Call, un appel à la raison des juifs européens, qui vient de paraître chez Liana Lévi (plusieurs intellectuels juifs y demandent que le gouvernement israélien négocie avec les Palestiniens, dans le but de promouvoir une solution acceptable par les deux parties, seule garantie d’un accord durable).
http://www.jcall.eu/?lang=fr

Deux thèses irréductibles s'affrontaient, hier soir :
• Israël est le seul refuge géographique et historique des Juifs; c'est un petit État, fragile, menacé, qui ne peut que lutter pour sa survie. Le soutenir est une obligation absolue pour qui ne veut pas la disparition d'un peuple, d'une culture, d'une tradition religieuse qui ont contribué à faire le monde occidental.
• Israël est un État comme les autres dont la politique peut être critiquée, ce qui ne fait pas de ceux qui s'opposent à son action, notamment à l'encontre des Palestiniens, des antisémites !

La position d'Alain Finkielkraut, habile débatteur, est intenable. Pour lui, la montée de l'antisémitisme en France serait directement liée à la la présence d'opposants à Israël, dans les milieux de la jeunesse d'origine arabe, agressant les Juifs, enfants ou professeurs, qui affirment leur judéité.

La position d'Alain Badiou est inverse. Elle consiste à dire que les jeunes des milieux populaires, où se comptent de nombreux Français, fils et petits fils d'immigrés, sont à l'abandon et rejettent, certes parfois avec maladresse, les agresseurs des Palestiniens, notamment ceux de Gaza, dont ils se sentent solidaires.

Savant dialogue de sourds ?

Voilà qui me conduit à affirmer, avec le peu de courage dont je suis capable, ce que je reproche non aux Juifs dans leur ensemble, mais à un grand nombre d'entre eux qui, selon moi, salissent l'apport fondamental de leur peuple à l'histoire humaine.



Il est quelques repères dont je ne puis me passer :
N'est pas antisémite celui qui affirme que les Arabes sont des Sémites.
N'est pas antisémite celui qui rappelle que Jésus était un Juif.
N'est pas antisémite celui qui note que Marx aussi était un Juif.
N'est pas antisémite celui qui souligne que la Shoah n'excuse pas les fautes actuelles d'Israël.
N'est pas antisémite celui qui soutient le Juif Stéphane Hessel apportant son soutien à Gaza.
N'est pas antisémite celui qui déplore la haine anti-arabe qu'expriment des citoyens israéliens.
N'est pas antisémite celui qui condamne l'élévation d'un mur qui ne protège pas les Israéliens.
N'est pas antisémite celui qui pense qu'Israël se met en danger en s'isolant diplomatiquement.
N'est pas antisémite celui qui dénonce une politique de colonisation sans avenir.
N'est pas antisémite celui qui souffre de voir la misère sans fin des Palestiniens.
N'est pas antisémite celui qui s'angoisse à l'idée qu'Israël détienne le feu atomique.

On pourrait allonger encore, hélas, cette liste, et les erreurs, voire les crimes commis par des Arabes, ne justifient pas une politique qui ne sert pas les intérêts à court, moyen et long terme, ni des Juifs dans leur ensemble, ni d'Israël, en particulier.

L'antisémitisme, c'est ce qui nuit aux Juifs. Mais là il y a débat. C'est un débat dont il faut évacuer toute attitude raciste (ce serait parce que juifs - ou arabes- que les comportements des peuples intéressés seraient ce qu'ils sont !). Non ! C'est un débat politique et philosophique : la Shoah concerne d'abord les Juifs, mais pas qu'eux. Ce crime d'État sans égal a blessé l'humanité dans son entier. Toutefois, il y a deux différences : les descendants des victimes des camps d'extermination peuvent légitimement se sentir plus atteints que les non-Juifs dans leur être même ; ces mêmes descendants ont une connaissance de l'horreur qui rend incompréhensible et terrifiant, pour nous tous les hommes, qu'on puisse sombrer dans des politiques appuyées sur la violence la plus sophistiquée.


Hannah Arendt

Les crispations idéologiques, identitaires et droitières, auxquelles les penseurs juifs les plus célèbres ne nous avaient pas préparés, (des philosophes de l'école de Francfort, à Hannah Arendt en passant par la Française Simone Weil) lèsent un apport dont nous avons encore besoin.

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