mardi 24 juin 2008

L'Irlande aura-t-elle aidé à faire advenir l'Europe ?



Le 12 juin, j'écrivais ici :
"Si le non l'emporte, alors..., ou bien on chassera ces pelés, ou bien on les fera revoter, ou bien on ne tiendra pas compte de leur vote. Quant à profiter de l'occasion pour proposer une Europe populaire, écologique et sociale, vous n'y pensez pas? Un vrai responsable politique ne se laisse jamais déjuger. La démocratie, en Occident, consiste, désormais, à faire voter comme il faut..."

Douze jours plus tard, sur France-Inter, ce matin, Valéry Giscard d'Estaing est à la manœuvre. En brillant stratège, l'Ex, comme on dit, ramène, en quelques phrases, le débat politique au niveau où les libéraux européens vont, désormais, vouloir le placer :

1 - Les Irlandais n'ont pas voté contre l'Europe mais contre un texte illisible. Ce sont les médias qui n'ont pas fourni les explications nécessaires. Or il n'y a pas de démocratie praticable si les électeurs sont mal informés. Un sondage à la sortie des urnes a révélé l'attachement des Irlandais à l'Europe. Ils veulent renégocier. Renégocions donc. Il faudra ensuite que les Irlandais revotent, mais avec des garanties et des assurances qui leur permettent un vote positif.
2 - 95% des Européens se seront prononcé pour le traité de Lisbonne. Impossible donc d'y renoncer. Le traité de Lisbonne doit être et sera adopté. Impossible, pourtant, de ne pas tenir compte du vote irlandais et peut-être bientôt tchèque, (quitte à ce qu'un statut d'exception permette à ces deux États d'être reliés à l'Europe de façon spécifique, comme c'est déjà le cas avec la Grande-Bretagne, par exemple).
3 - L'Europe ne doit s'occuper que des questions européennes. Chaque État peut légitimement vouloir rester maître chez lui quand il s'agit de questions intérieures. mais ne mélangeons pas tout. Ne varions pas, comme ça nous arrange, en regardant les questions européennes, du seul point de vue national, par exemple en modifiant, en 2005, la Constitution française afin qu'un référendum autorise l'admission d'un nouvel État (notamment la Turquie), pour y renoncer à présent, et seulement trois ans plus tard.

L'habile homme!

Premier temps de la démonstration donc : flattons les Irlandais. Satisfaisons leurs intérêts propres. Ils ne bloqueront plus l'Europe (celle qu'institue le traité de Lisbonne, non simplifié, et fidèle à la Constitution rejetée -VGE le reconnaît-). Aucune autre Europe n'est possible. Ce serait courir après la lune. Ce sera cette Europe là ou pas d'Europe du tout. Fermez le ban. Voici prévenus les Européens antilibéraux. La porte est fermée devant eux et rien ne peut l'ouvrir.

Second temps : noyons les hésitants et les hostiles sous le nombre. La démographie au secours de la démocratie : le frein irlandais sera relâché ou cassera, sous le poids de la pression de la représentation populaire européenne. L'argument est plus vicieux mais fragile car les représentants des peuples peuvent n'être pas fidèles à la volonté des peuples. Cependant, pour tout démocrate, deux difficultés subsistent : d'une part, un non ne fonde pas une politique même s'il permet d'en rechercher une autre; d'autre part, les intérêts populaires ne sont pas exempts, eux-aussi, d'égoïsmes nationaux. La condamnation du référendum en son principe (surtout quand son résultat gêne!) est inadmissible. Toutefois, placer la vérité au cœur du référendum n'est pas moins suspecte (tout dépend de l'honnêteté de la question posée).

Troisième temps : L'Europe est, aujourd'hui, une délégation de pouvoirs des États dans des domaines circonscrits et rien d'autre. Laisser s'exprimer une volonté populaire européenne peut conduire là où les États-nations ne veulent pas aller : à une Europe décentralisée et régionalisée mais unifiée. Or, cette Europe là est non seulement écartée par les gouvernements qui règnent sur le continent, mais elle n'est préparée par aucun mouvement politique en capacité d'entrainer les Européens dans cette nouvelle concitoyenneté.

VGE et consorts jouent donc sur du velours. Il est, en Europe, des refus qui sont porteurs d'espoirs mais qui sont loin encore d'être annonciateurs d'une Europe écologique et sociale dynamique et cohérente. L'avenir se trouve, dès lors, à la merci de ceux qui s'enkystent dans un maintien des acquis et qui usent toutes les résistances au moyen de la nécessité de fonctionner, à 27, sans désordre majeur!

Reste que les évolutions économiques et écologiques planétaires n'offrent pas à l'Europe conservatrice beaucoup plus de chance de réussite qu'à cette Europe en gestation qui est à naître mais dont nul ne sait quand. Prenons le temps qu'il faut pour préparer cette venue au monde que tant de concitoyens attendent et désirent, même sans savoir bien encore comment la faire advenir.

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