jeudi 27 décembre 2007

L’humanitaire doit-il se taire ?

Huit ans de travaux forcés pour les six Français de L’Arche de Zoé. « Ce stupide amour collectif qu’il faut nommer l’humanitarisme » (Balzac) est-il responsable de l’action désastreuse sanctionnée par cette parodie de justice tchadienne ? La confusion dans les mots entraîne toujours vers l’erreur. Humanisme, humanitarisme, Droits de l’Homme, droits humains, «droit de l’hommisme», humanité, tout est mêlé… !

L’humanisme est une philosophie parmi d’autres. «L’existentialisme est un humanisme» disait Sartre.

L’humanitarisme est, dit le dictionnaire Robert, péjoratif. C’est un ensemble de « conceptions utopiques et dangereuses ».

Les Droits de l’Homme, depuis 1789, sont indissociables des droits du citoyen. C’est un rappel politique du caractère universel des droits de chaque homme face aux pouvoirs ? La Déclaration de 1948, écrite plus d’un siècle et demi après, sous le choc de la seconde guerre mondiale, est bien qualifiée d' «universelle».

Les droits humains sont, plus modestement, et face aux grands principes, ce que tout être humain peut revendiquer, avec ou sans l’appui des États. D’aucuns pensent que cette humilité est plus efficace que ne peut l’être une Déclaration mal respectée par les États de l’ONU.

Les « droits de l’hommisme » constituent une formule plus que péjorative ! Elle sert à ridiculiser et à fustiger les discours pompeux, sans rapport réel avec les conflits où sont mis en cause les droits humains.

Je relève, une fois encore, que chaque fois qu’apparaît le suffixe isme, l’esprit de système rend le vocable qui le porte restrictif, car la valeur magnifiée estompe toutes celles qui l’entourent et qui en sont, pourtant, indissociables. Mais l’homme est-il une valeur, la valeur ou un complexe de valeurs ? On ne peut le mettre en système ! L’homme a des droits ; ils sont communs à toute l’humanité ; ils sont universels ; c’est communément admis; mais il y a différentes conceptions de l’homme et point une seule. Dès lors il y a « des » humanismes et la totalité de l’homme planétaire ne saurait être inscrite dans ses droits !

Parler de l’homme et de l’humanité plutôt que de tous les dérivés qu’on a tirés de ces noms me semble une bonne discipline de pensée. L’homme-personne et l’humanité-espèce sont-ils au cœur de nos analyses ? Liberté, propriété, égalité, présents dans la déclaration de 1789, sont des droits qu’on a extrapolés jusqu’à les détourner de leur sens premier. La définition de l’homme reste et restera objet de débats. Dès lors, les Droits de l’homme, non seulement ne sont pas figés mais ne sauraient jamais être complets.

Humanitaire, que mot soit adjectivé ou nominalisé, est un vocable très ambigu. Pourquoi l’activité humaine serait-elle partagée entre ce qui regarde l’homme et ce qui ne le regarde pas? Qu’est-ce qu’une activité humaine non humanitaire? Pourquoi existerait-il une ère d’activités spécifique où l’on se pré-occupe des hommes en souffrance, de sorte que l’on puisse déléguer à des professionnels le soin de lutter contre le malheur ? Et puis, surtout, comment séparer l’action humaine de l’action politique ? Agir indépendamment des États, passe ! Agir sans juger des causes des tragédies qu’on rencontre. Impossible ! Alors, pour ne pas nuire, se taire ?

Les ONG ont ceci d’équivoque qu’elles refusent de se substituer aux États tout en s’y substituant. On le leur pardonne, à cause de leur utilité, mais il y a là, au cœur de leur action, un germe mortel de mensonge qui peut se révéler très pervers. La Croix Rouge est caractéristique de ce double jeu avec les pouvoirs. L’humanitaire devient alors une action diplomatique, une politique sans politique. Humanitaire et se taire riment bien ensemble… Et, quand n’a pas appris à se taire, on peut ou bien errer ou bien être contraint de se taire. S’ils rentrent en France les condamnés de l’Arche de Zoé seront invités à se taire. Sinon, on les fera taire.

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