dimanche 4 mars 2012

Vivre et penser avec Albert Camus





"Vivre et penser avec Albert Camus" est le titre de l'émission de France Culture, Répliques, en date du 2 mars 2012, à laquelle Michel Onfray et Maurice Weyembergh, philosophes, furent invités, par Alain Finkielkraut. Je reçois d'un ami proche, Jean-Claude Borrel, auditeur de cette émission, une réaction qui donne à penser :

Dans les dernières secondes de l'émission, Michel Onfray, à deux reprises, va affirmer à propos de la guerre d'Algérie, que tous les historiens s'accordent à penser que cette guerre était « militairement
gagnée ».

Comment, à la veille du 19 mars 2012, a-t-on laissé proférer une telle stupidité ?

J'étais en Kabylie en 1960. Pour « gagner » la guerre, il eût fallu maintenir en place le dispositif militaire (400.000 hommes ) durant quelques décennies. Un poste abandonné et les résistants le reprenaient immédiatement.

Quelques instants avant, le même M. Onfray, après avoir déploré que Louis XVI eût été guillotiné, avait affirmé que le F.L.N. « Robespierriste » était exclusivement mu par le projet de « décapiter ». On ne peut que rester interdit devant autant d'ignorance et d'outrance.

Il semble qu'il parvienne à tenir pour négligeables les conditions de la colonisation, les évènements de Sétif en 1945 (« je vous donne « la paix » pour 10 ans »), les pratiques militaires utilisées pour obtenir cette « victoire », la guillotine fonctionnant sans désemparer, la torture généralisée, les exécutions sommaires, le viol comme arme de guerre... Bref tout ce que Aussaresse et ses disciples ont été enseigner dans les écoles de guerre, tant aux U.S.A. qu'en Amérique latine.

Il apparaît bien ici que M. Onfray utilise Camus ( et Monsieur Maurice Weyembergh l'a suggéré
discrètement à plusieurs reprises ) comme une arme lourde dans le combat qu'il a engagé contre ses
ennemis intimes dont la liste ne cesse de grossir. Il ne fait ni dans la nuance ni dans le détail. Il cogne
avec autant d'arrogance que les idéologues qu'il prétend dénoncer.

La gauche libertaire a du souci à se faire avec son avocat autoproclamé.

Qu'il s'autorise à utiliser la tragédie algérienne avec autant de cynisme et de légèreté (« ...Si De Gaulle avait été camusien … »!) laisse pantois .

Certes, il semble avoir lu les articles de Camus sur la misère en Kabylie. Peut-on lui recommander s'il veut échapper à sa problématique grossière et indigne de lire le « Journal » de Mouloud Ferraoun.
 
À entendre M. Onfray, tant à la radio qu'à la télévision, je ne suis pas sûr qu'il soit en capacité de s'extraire de ses préjugés pour suivre le discours subtil de ce Journal, élaboré au cours d'une guerre où Ferraoun fut partie prenante avec Germaine Tillion et ses amis, avant enfin d'être victime de ceux-là mêmes qui avaient, depuis toujours, exclu le « vivre ensemble » dont avaient rêvé Camus et quelques autres.
 
Ferraoun, fils de pauvre, instituteur, était lui au cœur de la question. Il en a mesuré et décrit tous les
dangers, tous les risques, loin de l'idéologie « carrée » de M. Onfray. À l'écoute de la parole de
Feraoun, nous échappons aux simplismes affligeants et réducteurs. Mais M. Onfray n'a jamais lu non
plus les attendus du Congrès de la Soumam de 1956...

En ce qui concerne l'histoire algérienne, M. Onfray est un ignorant et il se sert d'une manière tout à fait indécente tant de cette histoire, qu'il méconnaît, que de Camus qu'il utilise comme un faire valoir.
 
BORREL Jean-Claude
 
 

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