mardi 18 septembre 2007

Agir en politique

"Moins de discours, plus d'action" nous répète-t-on!
Le mot action est frappé d'ambiguïté. L'action n'est pas la gestion. L'action n'est pas l'agitation. L'action, en politique, est un combat culturel. Il s'agit de travailler à changer les esprits donc à modifier les comportements.
Quand l'actuel président de la République a mené campagne, il a agi en mettant en cause des concepts, et en proposant d'autres. Et il a gagné. Si le contenu de sa politique est détestable, il peut, à présent, la mettre en œuvre parce qu'il a convaincu.
L'action en politique ne consiste pas à appliquer un programme. Elle consiste à obtenir l'agrément et la participation des citoyens.
De telles orientations valent pour toute action publique qu'elle soit celle d'un parti, d'un syndicat, d'une association, d'un collectif ou de citoyens isolés.
Quand les ouvriers de l'entreprise LIP, dans les années 1970, ont mené une lutte qui a fait date et dont on continue à explorer les ressorts, ils avaient été longuement préparés par la réflexion politique commune qu'une équipe animait. Charles Piaget rappelle encore, aujourd'hui, que ce qui compte et ce qui est efficace, c'est de faire bouger ce qui se passe dans les têtes. Rien, sinon, n'est possible.
"Penser pour agir" est plus qu'une formule; c'est une méthode. Il n'est pas question seulement de réfléchir avant d'agir, il faut conduire un travail intellectuel qui s'applique à des réalités perpétuellement mouvantes. Il s'agit de penser dans le présent.
On ne cesse d'en appeler au respect des fondamentaux. Là encore, on se leurre. Il n'existe pas de corpus de pensée préétabli auquel il suffirait de se référer pour ne pas errer! Dans "fondamentaux", il y a l'idée de fondement. Au reste, ce nominatif, ("fondamentaux") qui n'existe qu'au pluriel n'a pas de place dans les dictionnaires. En politique, ou bien on considère que ce qui fait socle, la base, la fondation, est solide et l'on peut s'appuyer dessus, ou bien au contraire, on constate que rien ne peut désormais se construire sur des fondations fragiles qui ne peuvent plus supporter un projet d'avenir. Et dans ce cas, bien loin de respecter ce passé de normes, de règles et de principes, il va falloir re-construire, et pas par-dessus le soubassement mais en réédifiant les assises d'un projet social ambitieux. Cela s'appelle la révolution. Pas la violence et la turbulence mais la transformation en profondeur de nos références sociales, un renversement des perspectives bien plus qu'un renversement du pouvoir.
L'action en politique prend du temps. Ce qui se passe brusquement, brutalement, est soit une illusion soit une révolution qui n'est pas durable! Pour conquérir, non des territoires mais des espaces de vie, et sans la force des armes, il faut gagner les esprits et pas pour quelque temps, pour des années, ou pour toujours. Ainsi, à quoi sert d'abolir, par la loi, la peine de mort s'il ne devient pas littéralement "impensable" qu'un homme enlève la vie à un autre homme au nom de la société? Pourquoi, encore, parler de parité entre les hommes et les femmes tant que le droit plie devant les usages qui placent toujours le mâle en première place, dans l'entreprise, au parlement, dans la famille ou dans la rue?
Le slogan "changer la vie" était porté par des militants qui n'avaient envie que de changer la tête de l'État, pas leur propre tête. On sait ce qu'il en est advenu! Penser autrement la vie pour la changer n'est pas l'affaire d'une élite, constituée de politiciens, de philosophes et de juristes; c'est l'affaire du peuple. Et le peuple c'est la collectivité qui pense, pas la foule qui s'attroupe.
L'action politique consiste à penser avec le peuple et au sein du peuple, en se sachant partie du peuple. Dès qu'on échappe à cette condition, par repli sur soi, orgueil intellectuel, réussite sociale ou enfermement dans les dossiers, on cesse d'agir en politique. On remue du vent.

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