samedi 16 août 2008

Mort ou renouveau de la démocratie ?

La Fondation Friedrich Ebert, interdite sous le nazisme et recréée en 1947, est la fondation politique allemande la plus ancienne. Elle a été créée en 1925 selon les dernières volontés politiques du premier Président allemand élu démocratiquement et porte son nom.



La démocratie occidentale aurait un avenir incertain constate Harald Welzer. Ce sociologue observe que la démocratie fondée sur l'État se disloque quand l'État révêle son impuissance. Sauf à repenser la démocratie pour la ré-établir sur des bases nouvelles où la participation des citoyens serait permanente et non plus déléguée, la démocratie ayant cessé d'être attractive et de constituer un modèle, peut mourir. Ci-dessous des extraits de l'article qui vient de paraître dans
Le Monde daté du 15 août 2008, article qui est à lire, relire, méditer et débattre en son entier...


Professeur Harald Welzer, sociologue et historien.

La démocratie occidentale, un avenir incertain, par Harald Welzer

La démocratie semble avoir de moins en moins le vent en poupe, autant sur le plan national qu'international. En tout cas rien n'indique que les pays émergents qui s'adonnent à l'ivresse de la modernisation à outrance veuillent en même temps suivre le modèle social démocratique de l'Ouest, où de plus en plus de gens commencent à se demander s'ils vivent bien dans le meilleur des mondes politiques possibles.

C'est ainsi qu'une étude de la Fondation Friedrich-Ebert a révélé il y a quelques semaines que près d'un Allemand sur trois pense que la démocratie fonctionne mal ; la proportion passe même à 60% parmi les anciens Allemands de l'Est ; et un quart des personnes interrogées ne veut plus rien savoir de "la démocratie telle qu'elle est chez nous". Comme le montre la participation toujours plus faible aux élections ou la baisse du nombre d'adhérents à des partis, ce sont là des jalons qui marquent une tendance de fond : entre le milieu des années 1970 et 1990, l'adhésion formelle à la démocratie en Allemagne s'est toujours située autour de 75%. On a assisté ensuite à un processus d'érosion que les sondages ne sont pas les seuls à enregistrer. En un quart de siècle, les grands partis politiques ont perdu la moitié de leurs membres, alors que la réunification a ramené une palette complète de Länder. Une vraie prouesse !

La perte de confiance dans la démocratie ne se révèle donc pas seulement par l'accroissement de tendances autoritaires; elle se reflète dans le désarroi des élites politiques incapables de prendre la mesure des problèmes posés par l'avenir. Voilà pourquoi le candidat Barack Obama apparaît comme un sauveur, même quand on n'est pas américain.

Le renoncement à la démocratie n'est pas forcément un handicap au développement, il fait même souvent office d'accélérateur dans le processus de modernisation. Quand on voit la subtilité déployée par le gouvernement chinois pour maintenir la confiance dans le système en maniant la carotte et le bâton, il est impossible de penser que ce système puisse capoter au seul critère qu'il n'est pas démocratique. Il pourrait même devenir pour d'autres sociétés un modèle plus attractif que celui de l'Ouest qui, avec son arrogance, donne maintenant l'impression d'être dépassé. Même les fragiles Etats du tiers-monde qui périclitent ou ont déjà périclité ne se portent pas candidats pour reprendre le modèle occidental. Soit ils sont tenus à l'écart de la mondialisation, soit ils en sont les victimes passives.

En perdant sa valeur de modèle, la démocratie occidentale est ainsi soumise à une pression venue de l'extérieur ; il existe d'autres voies vers une modernité que nous ne connaissons pas, et il y a toutes les raisons de penser qu'elles resteront valables aussi longtemps que les problèmes écologiques ne viendront pas mettre aussi à mal ce turbo capitalisme d'un nouveau type. Les perdants de la mondialisation dans les pays occidentaux sont en effet les premiers à sentir qu'il est illusoire de continuer à faire confiance à un Etat national promettant le bien-être pour tous. La dégringolade sociale qui, dans le pays du miracle économique, n'était autrefois le lot que de quelques laissés-pour-compte devient une possibilité que tout le monde peut redouter.

ABANDONNÉS PAR L'ETAT

Il est aisé de comprendre pourquoi, dans une telle situation, les gens se sentent abandonnés par l'Etat et donc aussi par la démocratie, surtout quand cet Etat ne cesse de prétendre qu'il va veiller au bien-être de tous, alors qu'en réalité il est incapable de faire quelque chose. Raison pour laquelle les personnes à faibles revenus qui réclament des compensations pour la hausse dramatique des prix de l'énergie ne peuvent que se sentir déçues et flouées : aucune démocratie au monde ne peut répondre du fait que les ressources deviennent plus rares et donc plus chères ; si elle veut maintenir la confiance, elle est paradoxalement obligée de dire qu'elle ne peut le faire. Quels seront les effets dévastateurs sur la démocratie si la hausse des prix de l'énergie fait aussi baisser le niveau de vie des classes moyennes ?

Que va-t-il se passer si les petits salaires ne peuvent plus payer leur chauffage ? Et qu'espérer si même la fiction de solidarité sociale ne peut être maintenue parce qu'il est désormais clair que la génération sortante et celle qui a précédé ont vécu sans le moindre scrupule aux frais de celle qui va encore à l'école aujourd'hui ?

Les structures sociales, tout le monde le sait à titre privé, ne sont jamais stables. Elles peuvent très vite se trouver confrontées à des problèmes d'existence et de légitimité ; elles peuvent aussi très bien s'effondrer quand la pression sociale devient trop forte. Il n'en va guère autrement avec les structures sociales de la taille d'un Etat, même si les institutions jouent ici un rôle stabilisateur.

Mais qu'en est-il lorsque les institutions comme les partis, les syndicats, les Eglises, la santé et la Sécurité sociale ont du mal à assurer cette fonction stabilisatrice parce qu'elles sont déjà prises dans un scénario de transformation qu'elles ont du mal à saisir elles-mêmes ? L'histoire du XXe siècle avec ses dictatures folles et ses systèmes totalitaires, avec ses révolutions et ses effondrements, montre qu'on ne peut miser sur la stabilité des rapports sociaux : les choses peuvent bouger assez vite et se soustraire aussi vite à tout contrôle. L'histoire montre aussi que, dans une situation de menace et de pression, les individus peuvent se laisser aller à des comportements et des décisions qu'ils n'auraient pas imaginés, quelque temps auparavant.

Voilà pourquoi il serait bon d'utiliser les inquiétants résultats de l'étude de la Fondation Friedrich-Ebert comme une incitation à réfléchir à la modernisation de notre démocratie. L'intégration c'est la participation et non l'assistance, et elle doit être renforcée par des formes innovantes de démocratie directe, qui englobent aussi des médias comme Internet. Les directives abstraites de l'Union européenne ne peuvent avoir aucun effet identificateur parce que personne ne comprend à quoi elles servent.

C'est en effet le seul moyen pour les individus de s'identifier à un ensemble dont ils sont eux-mêmes partie prenante. En revanche, si l'Etat ne laisse transparaître qu'une volonté d'intégration par un recours à l'assistance qu'il ne peut même pas assurer, il sape les fondements de la démocratie. Et il renonce du même coup au pouvoir d'engagement de ceux qui sont abandonnés en cours de route. Devenant le grand perdant de la mondialisation, l'Etat entraîne aussi la démocratie dans sa perte.


Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses
© Axel Springer

Harald Welzer, sociologue, professeur de psychologie sociale au Centre de recherche sur la mémoire (Essen, Allemagne)

http://www.lemonde.fr:80/opinions/article/2008/08/14/la-democratie-occidentale-un-avenir-incertain-par-harald-welzer_1083677_3232.html

mercredi 13 août 2008

Dany à la hussarde!


Dany Cohn-Bendit va-t-il changer de point de vue?

Avec des Verts, mais au-delà des Verts.
Avec José Bové, mais sans oukase sur les institutions européennes.
Avec Nicolas Hulot, mais par Besset interposé...

Cohn-Bendit se voit bien tête de liste régionale en Ile de France.
Avec le CNIR des Verts, en septembre, ou ça passe ou ça casse.
Mamère approuve. Voyney grogne.

Pari risqué pour Dany le Rouge qui a bien pâli.
Mais il s'est écarté de Bayrou.
Mais, président des eurodéputés Verts, il a un pied en Allemagne et un en France.

Il offre un choix donc, un choix politique.
Il vise le franchissement de la barre des 10% en France.
Il parle d'un doublement du nombre des élus passant de 6 à 12.

L'écologie a le vent en poupe.
Cohn-Bendit est un leader médiatique.
Il veut aller au-delà des partis.

Tout cela est bel et bon...
Mais va-t-il ne plus fustiger les Irlandais et autres nonnistes?
Va-t-il mettre en cause le libéralisme économique comme cause du désastre écologique?

Il ne suffit pas d'apostropher Sarkozy sur le Tibet.
Il ne suffit pas de vouloir "fédérer toute l'écologie politique"
Il ne suffit pas d'avoir le soutien de Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé.

Il faudrait sortir des jeux politiciens.
Il faudrait faire du neuf.
Il faudrait faire lien avec les citoyens plutôt qu'avec les élites.

Les Journées d'été des Verts à Toulouse vont en débattre.
Puissent les écolos, pour une fois, ne pas s'enferrer dans leurs joutes vaines.
Et penser l'échéance européenne... au-delà des élections européennes.


http://www.cohn-bendit.de/dcb2006/fe/pub/fr/dany.

mardi 12 août 2008

Du SMIG au SMIC puis au "Revenu de sombre avenir" ou RSA?



Le salaire minimum interprofessionnel garanti, ou SMIG, a été créé par la loi du 11-02-1950.

Le salaire minimum interprofessionnel de croissance, ou SMIC, a remplacé le SMIG, par un simple décret, en date du 2 janvier 1970.

Le revenu de solidarité active, ou RSA est destiné à remplacer le SMIC. L' avant-projet de loi généralisant à l'ensemble du territoire le revenu de solidarité active (RSA), expérimenté dans trente-quatre départements, a été dévoilé, le lundi 11 août 2008, par le quotidien Les Echos.

Que va-t-on encore jeter? Un article d'Agoravox parle de "Revenu de Sombre Avenir"!



Et que disent les mots?

Que plus rien n'est garanti...! Le mot a disparu.
Qu'il n'y a minimum que... s'il y a croissance!

Mais qu'il faudra ne compter, désormais, que sur la "solidarité active" (?).


Car le RSA est un modèle d'ambiguïtés.
Parler de revenu plutôt que de salaire serait positif si c'est un droit à vivre.
Parler de solidarité est également positif, mais il reste à savoir de quelle solidarité il s'agit.
Parler, enfin, de solidarité active signifie-t-il que l'aidé, ou les aidants, ont "à se bouger"?

Le SMIC a été revalorisé de 0,9% pour atteindre 8,71 euros de l'heure, le 01-07-2008, soit un un salaire brut mensuel de 1321 euros pour 35 heures de travail.

Les questions qui se posent avant de passer à la solidarité active sont les suivantes :
- A-t-on droit à un revenu minimum vital quand on ne travaille pas comme salarié?
- Le budget accompagnant la solidarité nationale redéfinie sera-t-il suffisant?
- La critique de l'assistanat ne recouvre-t-elle pas le retour à la charité?
- Peut-on bénéficier du RSA quand on est inemployable et chargé de famille?

Deux conceptions de la vie en société s'affrontent : l'une qui fait du travail (salarié) la clef d'accès à toute aide publique; l'autre qui donne droit à tout citoyen d'avoir accès à un revenu de base permettant de survivre. Pour tous ceux que la vie a meurtri au point qu'il n'aient plus de place sur le "marché du travail", le RSA, déjà loin de ce qu'en avait imaginé son promoteur, Martin Hirsch, risque bien de mériter son appellation détournée : le Revenu de sombre avenir!

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=43164

lundi 11 août 2008

Quand il est mort le poète...

... le monde entier n'a pas chanté!
Image:Mahmood darwish.jpg
Mahmoud Darwich (1941-2008)

Et pourtant, la poésie du poète palestinien, elle, chante, et nous parle!



Si nous le voulons
  • Nous serons un peuple,
    si nous le voulons, lorsque nous saurons que nous ne sommes pas des anges
    et que le mal n'est pas l'apanage des autres.

  • Nous serons un peuple
    lorsque nous ne dirons pas une prière d'actions de grâce à la patrie sacrée
    chaque fois que le pauvre aura trouvé de quoi diner.

  • Nous serons un peuple
    lorsque nous insulterons le sultan et le chambellan du sultan,
    sans être jugés.

  • Nous serons un peuple
    lorsque le poète pourra faire une description érotique
    du ventre de la danseuse.

  • Nous serons un peuple
    lorsque nous oublierons ce que nous dit la tribu...,
    que l'individu s'attachera aux petits détails.

  • Nous serons un peuple
    lorsque l'écrivain regardera les étoiles sans dire :
    notre patrie est encore plus élevée...et plus belle !

  • Nous serons un peuple l
    orsque la police des mœurs protègera la prostituée et la femme adultère
    contre les bastonnades dans les rues.

  • Nous serons un peuple
    lorsque le Palestinien ne se souviendra de son drapeau que sur les stades,
    dans les concours de beauté et lors des commémorations de la Nakba. Seulement.

  • Nous serons un peuple
    lorsque le chanteur sera autorisé à psalmodier un verset de la Sourate du Rahmân
    dans un mariage mixte.

  • Nous serons un peuple
    lorsque nous respecterons la justesse
    et que nous respecterons l'erreur.

  • © Actes Sud, traduit par Elias Sanbar.
http://www.oasisfle.com/culture_oasisfle/litterature_palestinienne.htm#Mahmoud%20DARWICH
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mahmoud_Darwich

mercredi 6 août 2008

Une blessure de la civilisation jamais guérie



Hiroshima et Nagasaki, 1945
Statue du parc de la paix à Nagasaki.

6 août 1945 : le jour anniversaire de l'effacement d'une ville entière, Hiroshima, sous le feu nucléaire. Et, comme si ce crime d'État, car c'en est un, n'avait pas suffi, trois jours plus tard, à Nagasaki, on a recommencé pour être sûr de briser toute résistance nippone.

Nous n'en sommes jamais sortis. La Bombe, bien qu'elle n'ait pas été réutilisée, depuis 63 ans, n'en reste pas moins une épouvantable épée de Damoclès au-dessus de nos têtes et, s'il s'en fallut de peu, en 1962, qu'elle ravage le monde, elle reste présente dans les arsenaux et risque de devenir l'arme terroriste géante, au XXIe siècle.

On ne peut vivre vraiment, vivre ce qui s'appelle vivre, sous cette menace! Rien de ce qu'écrivit Camus après l'explosion n'est devenu invalide! Les Jeûneurs qui, à Paris, cette année, comme ils l'avaient fait à Taverny, auparavant, qui disent, chaque année, un non radical à cette inversion de la civilisation, ont raison. Fussent-ils dix. Seraient-ils deux...

"On nous apprend, écrivait Albert Camus, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. /.../

Qu'on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d'Hiroshima et par l'effet de l'intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale, où les grandes puissances n'auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État."

Extrait de l'éditorial du journal Combat, le 8 août 1945 à relire, en entier, à l'adresse ci-dessous.

http://www.matisse.lettres.free.fr/artdeblamer/tcombat.htm

mardi 5 août 2008

Pour en finir avec l'antisémitisme!


Siné serait antisémite. Soljenitsyne l'était, paraît-il... C'est le débat du mois : qui est antisémite?

Un débat, très tendu, s'est donc ouvert entre ceux qui voient dans la critique politique des Israéliens et la critique de la judéité un lien évident, et ceux qui estiment, au contraire, que la libre critique d'Israël ne saurait être associée à l'antijudaïsme.

Car il y a, visiblement, antisémitisme et antisémitisme!

"L'antisémitisme (originellement écrit anti-sémitisme) est le nom donné à la discrimination, l'hostilité ou les préjugés à l'encontre des Juifs", propose Wikipedia.

Wikipedia tente de distinguer racisme et hétérophobie (qui désignerait le refus agressif d’autrui dont le racisme ne ne serait qu’un cas particulier) et la définit comme : «Le refus d’autrui au nom de n’importe quelle différence». Dans Ce que je crois, (éd. Fasquelle, Paris, 1985), Albert Memmi, écrivain franco-tunisien de culture juive, définit, au contraire, le racisme comme une hétérophobie. Je le suis, sur ce plan.

On parle constamment de racisme et d'antisémitisme. J'ai toujours pensé que, ce disant, on commettait une erreur! L'antisémitisme fait partie du racisme; c'est l'un des racismes; il n'est pas un racisme à part. Évidemment chaque racisme est particulier, a une histoire, mais le vocable couvrant (racisme) rassemble tous les racismes sans exception. Depuis que les idéologies de la race ont volé en éclat par impossibilité scientifique de définir une race, le racisme n'a plus qu'un contenu essentiellement culturel : c'est bien un rejet d'autrui faussement justifié par des considérations multiples. Et l'antisémitisme est, quelles qu'en soient les raisons, la haine du juif et j'admets que l'une de ces raisons soit produite par la politique.

Selon la CICAD (Coordination Intercommunautaire Contre l'Antisémitisme et la Diffamation), «le terme "antisémitisme" a été inventé, dans un pamphlet publié en 1879, par le journaliste allemand Wilhelm Marr, fondateur de la Ligue antisémite, consacrant ainsi l'entrée du terme antisémitisme (Antisemitismus) dans le vocabulaire politique.
Source : http://www.cicad.org/

Toujours selon la CICAD, que cite l'Encyclopédie de l'Agora, le terme "antisémitisme"a toujours été appliqué aux Juifs, pour caractériser la haine à leur égard. Il n’a jamais qualifié l’hostilité à l’égard d’un autre peuple, et équivaut donc à "judéophobie" ou "haine des Juifs".
Source : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Antisemitisme.

Produite directement par les idéologies nationalistes et racistes en pleine expansion à la fin du XIXe siècle, cette expression nouvelle de la haine contre les juifs n'est cependant pas sans liens avec ce que Hannah Arendt désigne, dans la Préface de Sur l'antisémitisme, par « haine religieuse du Juif » (religious Jew-hatred) qu'on appelle aujourd'hui « antijudaisme », hostilité repérable dès l'Antiquité, qui va se prolonger et s'amplifier, au Moyen Âge, dans l'Occident chrétien, et finalement perdurer jusqu'au XXe siècle.
Voir : Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, Sur l'antisémitisme (vol. 1) Seuil, 2005.
http://www.evene.fr/livres/livre/hannah-arendt-les-origines-du-totalitarisme-sur-l-antisemitisme-9194.php

La confusion entre antijuif, antisémite, antisioniste et antiisraélien ne sera pas levée de si tôt! Les repères de bon sens ne peuvent, hélas, suffire à surmonter les hostilités! J'appelle repères de bon sens toutes les nuances que les mots induisent : un Juif est un homme de confession religieuse; on peut ne pas partager cette foi mais rien n'autorise à rejeter un homme à cause de sa conception du monde, sa foi, son appartenance à une communauté. Un Sémite est un homme "né de Sem, fils de Noé", selon la Bible, un habitant de la terre d'Asie occidentale;
il parle l'une des langues dites sémitiques (l'hébreu, l'arabe, l'araméen, le babylonien, l'assyrien, et l'amharique). Les Arabes, Juifs, ou Éthiopiens sont donc des Sémites qu'on ne saurait rejeter à cause de cette origine. Un sioniste est un Juif qui a fait le choix politique de lutter pour l'établissement, puis le maintien, d'un État juif en Palestine; on peut combattre cette orientation mais pas au point d'en faire un crime, d'autant qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, la recherche d'une terre de la part de ce peuple discriminé, puis proche de l'anéantissement, n'était pas sans fondements! Enfin un Israélien, juif ou pas, est un citoyen de l'État d'Israël; comment lui dénier cette citoyenneté?

Et pourtant, tout n'est pas dit!

Le Juif, s'il s'accorde des droits historiques du fait du caractère sacré et exclusif qu'il prétend s'être vu accorder par la religion, si ce n'est par Dieu lui-même, ne saurait vivre en paix avec ses voisins! La notion de peuple élu ne contient-elle pas le rejet des non-élus, au premier rang desquels ceux qui vivent sur des territoires convoités! Les colonies de peuplement sont, à cet égard, de véritables moyens de conquêtes, et qui ne vont pas sans usage de la violence! Je récuse donc cette conception religieuse dominatrice, juive ou pas, où qu'elle se manifeste sur la planète, et qui fonde la culture, ou soi-disant telle, sur le particularisme religieux.

Le Sémite qui se refuserait à partager un passé ethnique avec des Sémites qui ont effectué d'autres parcours historiques que le sien, est un ignorant dangereux! Musulmans et Juifs qui ne veulent pas entendre parler de cette origine commune se renient eux-mêmes et se ferment les portes de l'avenir!

Le Sioniste, quand il devient un nationaliste borné, qui ne voit plus que chaque homme a droit à une patrie et ne se soucie que de la sienne, s'enferme dans le cercle de la violence perpétuelle. Il s'installe alors dans un état de guerre qui, décennie après décennie, en dépit de l'incommensurable et hyperviolente injustice subie, sous l'Allemagne nazie,
par le peuple juif, finit par amoindrir aujourd'hui, jusqu'à la légitimité que lui reconnaissent les nations, au sein de l'ONU.

L'Israélien est, comme tout autre citoyen en ce monde, l'approbateur ou le désapprobateur de la politique conduite par son gouvernement. Or, à l'égard des peuples voisins, Palestiniens et Libanais notamment, Israël n'est pas sans reproches et s'appuie, outranciérement, sur la force et sur le soutien diplomatique (ou technico-militaire) des USA. Être, en certaines circonstances, hostile à la politique d'Israël, comme on peut l'être vis à vis d'autres États dont on récuse les grands choix, n'est pas être anti-Israélien! C'est peut-être même opter pour la survie d'Israël qui ne supportera pas, indéfiniment, un déséquilibre démographique qui ne cesse de s'alourdir à son détriment!

Et l'Hébreu? L'Hébreu fait partie de l'un des peuples sémitiques. Il parle une langue qui n'est pas que liturgique et qui nourrit principalement la pensée des Israéliens. Peuple hébreu et langue hébraïque composent le fond culturel des Juifs vivant sur notre planète.

Alors où est l'antisémitisme véritable? Est-il dans le cœur, la pensée et la bouche de ceux pour qui le peuple juif dépasse et de loin, dans l'espace et dans le temps, l'actuel peuple d'Israël? N'est-il pas plutôt dans l'action de ceux qui font exécrer le peuple juif par leurs intransigeances, leur culte de la puissance, et leur agressivité constante à l'encontre de quiconque émet des réserves ou des désapprobations vis à vis de Juifs d'Israël ou d'ailleurs?

Je suis de ceux qui ne supportent pas les relents d'antisémitisme dont des catholiques ont pu se faire les diffuseurs en parlant de "déicide". Je suis de ceux qui pensent qu'un homme vaut un homme et que chaque Juif (comme chaque Tsigane) exterminé dans les camps, dans les bois d'Allemagne ou d'Europe, entre 1933 et 1945, est l'un de mes frères assassinés. Je suis de ceux dont la lecture de Primo Levi à changé la compréhension du monde. Mais il m'est tout à fait insupportable de constater que mes appréciations politiques puissent me valoir d'être considéré comme antisémite.

Mais il y a plus grave encore, selon moi! Ceux qui instrumentalisent la Shoah la trahissent, quand ils ne la salissent pas! Les fils et filles de victimes du nazisme qui, sur plusieurs générations, depuis 1945, ont souffert et souffrent encore du crime d'État appelé génocide, dont ils sont les survivants blessés à jamais, (mais, pour partie, nous avec eux, comme appartenant à cette humanité-là, dont nous sommes, et qui compte tant de bourreaux et de martyrs!), ces fils et ces filles ne sont pas protégés contre les erreurs. Et ils en commettent! Ils ne sont pas à l'abri de l'injustice. Et ils y sombrent. Ils ne sont pas exempts de tentations violentes en paroles et en actes. Et ils y succombent. Non, les Justes ne sont pas tous du côté des Juifs et le prétendre est impie dirait un Juif lettré. Seuls les ignorants et les sectaires pourront donc dire le contraire.

En fin de compte, ce qui s'avère le plus troublant, le plus douloureux, c'est que ceux qui ont l'expérience historique et culturelle de l'un des plus grands désastres qu'ait connus l'humanité, perdent le sens de l'universel! Pourquoi accusent-ils ceux qui attendent d'eux qu'ils combattent, encore plus que d'autres, la violence collective? Et pourtant, ils savent ce qu'elle est, cette violence! Pourquoi couvrent-ils du mot de terrorisme toutes les luttes armées -toute guerre est odieuse, certes!-. Et pourtant, ils ont, eux aussi, porté ce nom d'infamie, ce vocable de "terroristes".

Oui, s'il est un peuple qui pourrait tenter d'échapper à ce que tant de nations ont commis, comme meurtres et crimes de masse, c'est bien ces Juifs, dont beaucoup se sont implantés en Israël, et dont on a du mal à penser qu'ils puissent commettre ce qu'ils commettent, sous les yeux du monde entier! Ceux qui se nient et renient en ne respectant pas leur propre passé et agissent en ne comptant plus que sur
la supériorité de leur armement, à ceux-là nous avons envie de crier : "non! pas vous!"

S'il fallait, enfin, que, par souci de défense, Israël encourage ses alliés à user de la force nucléaire, en Iran, ou s'il devait s'ouvrir un conflit dans lequel Israël utiliserait cette même force, (dont tout le monde sait qu'il est doté), alors c'en serait fini de toute dignité internationale, de tout avenir de paix dans la région. Que les États qui reprochent à un État islamiste de se procurer des moyens civils et militaires, inséparables les uns des autres, tout en en disposant eux-mêmes, ne se rendent plus compte de leurs contradictions en dit long sur la cécité politique qui interdit de voir venir l'horreur.

Le comble de l'antisémitisme, finalement, c'est de penser que le peuple d'Israël n'aura pas le génie d'échapper à cette civilisation de la mort, la mort distribuée au hasard. On ne combat pas le terrorisme par la terreur. Et si de l'affirmer doit ma valoir le qualificatif d'antisémite, j'en supporterai l'injure, au nom de mon rejet viscéral de l'antisémitisme. De quoi me plaindrais-je? Tant de Juifs ont subi bien pire.

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