Avant propos : long silence que rien n'excuse, sinon la sidération...
L'état du monde m'ébranle.
La mise à mort des évidences anticapitalistes me stupéfait.
Je veux croire que les bouleversements de tous ordres qui apparaissent annoncent un renouveau.
Mais je ne le pense que pour me remotiver.
En réalité je ne peux que constater l'étendue des souffrances.
Je ne peux qu'observer l'ampleur des désespérances.
C'est dur de l'admettre.
Mais c'est ainsi...
Que faire alors ?
Rien d'autre que de persister à penser, écrire, agir avec les plus démunis, dans l'attente de nouvelles Lumières.
En ce jour, ce qui me submerge et m'accable, c'est le refus généralisé de considérer nos sœurs humaines comme nos semblables. Sous toutes les formes, ce déni prend la forme d'une banalisation de la violence sexiste. Sourde ou extrême cette violence est un viol de l'humanité tout entière.
J'en appelle donc à une réflexion qui a commencé il y a bien longtemps mais qui, en vérité, est très loin d'avoir suffisamment avancé.
Moi qui suis membre de la Ligue des droits de l'Homme ne peut qu'inviter ses membres à se ré-interroger à ce propos.
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La
Ligue des Droits de l'Homme (dont le sigle « LDH »
nous est devenu si familier), cette « vieille dame »
admirable, restée très active, qui n'a jamais cessé d'agir contre
les discriminations et pour le respect des droits humains, porte un
titre, désormais, devenu ambigu.
On
ne modifie pourtant pas sans peine une appellation historique.
Human
Rights Watch1
(HRW), une ONG internationale de défense et de protection
des droits humains, plus récente, n'use pas de l'expression droits
« de l'homme ». On peut s'interroger, en effet, sur l'emploi, à
présent, de cette locution : « Droits de l'homme » qui
se peut comprendre comme limitée aux droits de la partie masculine de
l'humanité. Nous n'avons pas, dans notre langue, comme en anglais, la
distinction entre man et human ("a man is a male human").
http://www.catherinebeaunez.net/?Dessins&id_mot=29
L'absence
totale de référence à la sororité, l'équivalent féminin
de la fraternité, est devenue insupportable. Le mot est, du
reste, presque ignoré en France. Les Droits de l'homme ont beau
être, en principe, les droits de tous les êtres humains, encore
faut-il le faire, d'emblée, entendre. La liberté, l'égalité et
la "fraternité-sororité" sont, en ce siècle, comme au cours des
précédents, des nominatifs (en langue française pourtant féminins) qui
s'appliquent mal au sort des femmes, partout sur la planète. Elles
n'y sont, le plus souvent, ni libres de leur sort, ni égales en
dignité et responsabilité, ni nos sœurs toutes respectées et aimées
dans la vie civile.
Le
viol reste banalisé. Là où il y a conflit, c'est le droit du guerrier. Il est l'expression
la plus odieuse de la domination masculine. Il ne se passe pas de
jour sans que les médias rapportent des crimes sexistes sur tous les
continents. Non, il n'est plus concevable de taire que le premier des
droits de l'homme qui soit violé est le droit des femmes.
Il
est grand temps, dans le pays de la Révolution française, de reconnaître l'apport
spécifique, historique, non pris en compte,
d'Olympe de Gouge pour la conquête des droits humains, des droits politiques des femmes2.
La France était et est restée en retard dans la reconnaissance des
droits des femmes : souvenons-nous toujours que la suppression
de l’incapacité juridique de la femme mariée ne date que de 1938,
que
le
droit
de vote et d’éligibilité pour les femmes, de 1944. Observons, de
nos jours, le niveau encore très inégal des rémunérations entre
employées et employés. Constatons qu'en France même la violence
conjugale tue une femme tous les trois jours ! Libérer l'humanité de la violence constante faite aux femmes : il n'est d'autres causes qui doivent précéder celle-ci car elle les englobe toutes.
Comment
manifester, au sein de la LDH comme ailleurs, cette priorité qui permet de faire
valoir, explicitement, les droits féminins autant que masculins dont
manque l'espèce humaine tout entière ?
Il
aura été essayé (vainement!) de proposer de nouvelles
appellations, ou trop lourdes ou trop vagues ou trop ambigües elles
aussi. Utiliser d'autres locutions : la « Ligue des droits
humains », ou la « Ligue des droits de l'humanité »
ou « la Ligue des droits des hommes et des femmes » tout
comme la « Ligue des droits de l'homme et de la femme »
ne passe pas. Elles n'ont ni la brièveté, ni la force de l'usage de
la « Ligue des droits de l'Homme ».
En
pareille occurrence, alors qu'il faudrait apporter une
modification radicale à un titre trop allusif, sans qu'on en puisse actuellement rien changer,
que faire ?
Ligue,
dans son acception positive, signifie alliance, entente, accord. En
sous titre, donc, ne pourrait-on faire apparaître le sens complet de
cette entente, de cet accord de citoyennes et de citoyens, pour qui
considérer les droits de tous les êtres humains, non identiques mais
semblables, est un enjeu sans aucun équivalent ?
Ce
serait bien le moins ! Pourquoi ne pas essayer, par exemple :
Ligue des droits de
l'Homme
l'alliance
des citoyennes et des citoyens
1
- Human Rights Watch a reçu en 2008, le prix
des droits de l'homme des Nations unies et, en 1997, le prix
Nobel de la paix en tant que membre de la Campagne
internationale pour l'interdiction des mines antipersonneL.
2
- La « Déclaration des droits de
la femme et de la citoyenne » est
présentée à l’Assemblée nationale le 28 octobre 1791. La
Convention la rejettera. Olympe de Gouge fut guillotinée en 1793.