jeudi 7 juin 2007

Vers un nouvel ailleurs des écologistes.

Succès pour l'écologie, échec pour les écologistes ? L'élection présidentielle a permis de beaucoup parler de l'écologie, mais c’est le candidat le moins écologiste qui est devenu le Président de la République française !

Et maintenant? Comme, désormais, tout est lié aux risques considérables d’un réchauffement climatique non maîtrisé et au déficit des ressources énergétiques non renouvelables, l’urgence écologique va donc rester au cœur du débat politique. La signature du Pacte écologique de Nicolas Hulot avait traduit cette reconnaissance d’une évidence économique et politique, mais elle n’a nullement permis d'extraire la pensée politique de l'impasse intellectuelle et des fausses logiques qui nous ont conduits là où nous en sommes ?

Certains choix écologiques seront sans doute, un peu mieux pris en compte car on ne peut plus faire autrement. Même aux USA, dans certains États, on évolue. Pourtant, il n’est pas encore question de voir les dirigeants français remettre en cause ces choix nucléaires que, pourtant déplorent la majorité de nos concitoyens des autres pays d'Europe. De même, le moratoire sur les cultures OGM n'est point envisagé, en dépit du principe de précaution inscrit, à présent, dans la charte de l'Environnement de notre Constitution.

Une idée-force s’est imposée en France, avec bien du retard : nous ne pouvons plus vivre en nous en tenant à une conception quantitive de l'économie, en mesurant le dynamisme de nos sociétés à l'aide du seul comparatif de leurs PNB. Prendre exactement en compte nos ressources et nos moyens, impose de faire appel à d'autres critères. Économiser et écologiser iront désormais de pair. Pourtant, rapidement, apparaitrons les limites de la recherche de nouvelles sources de profit liées à l'exploitation du gisement d'activités regroupées autour du thème rebattu du « développement durable » (locution fourre-tout qui fait d'autant plus consensus qu'on peut y loger des concepts différents, voire opposés!).

Certes, il va bien falloir, dans les prochaines années, travailler sur l'isolation progressive des logements et bâtiments, la fourniture d'eau chaude domestique par panneaux solaires, la production d'électricité photovoltaïque, l’installation de puits canadien de type géothermique, voire l’installation de parcs d’éoliennes et la production de carburants propres. Et tout cela fournira des contrats juteux aux entreprises. Mais dès qu’il va s’agir d’évoquer la diminution du transport automobile, la réduction du transport aérien, la limitation de l'usage des pesticides, le contrôle accentué des industries chimiques polluantes, ou l'amélioration rapide des transports publics en nombre et en qualité, alors là, on risque de retomber dans le discours convenu qui en appelle à la science, au progrès, aux évolutions technologiques pour reporter à plus tard les décisions qui seraient à prendre, pourtant, courageusement, dès à présent !

L'écologie est entrée dans le champ économique. Il ne faut donc pas s'étonner que l'adaptabilité du capitalisme et sa capacité à mettre en œuvre tout ce qui peut produire des richesses, le conduisent à l'exploitation du filon. Mais toute cette récupération ne peut aller sans exacerbation des contradictions! La première étant qu'on ne peut, à la fois, gérer, sans se donner de limites, un monde qui est limité. La seconde, non moins délicate, étant que le renouvellement des ressources exploitables s'effectue à des échelles de temps qui excluent le court terme et donc le profit immédiat.

Le productivisme (qu’on appelle encore croissance, ce mot qui garde encore pour sens : produire pour produire, et le plus possible, afin de satisfaire les besoins de la société humaine), constitue une idéologie qui a ravagé la gauche comme la droite. On sait pourtant, de mieux en mieux, qu’on peut produire plus tout en aggravant la misère du monde, ne fut-ce que parce qu’on a toujours besoin de moins d’emploi, d'heures travaillées, pour obtenir plus de marchandises. Le slogan sarkoziste « travailler plus pour gagner plus », qui a fait florès, repose sur une illusion géante : d’une part parce que cela conduit à réduire le travail humain au travail salarié (ce que chaque activité ménagère permet de nier) mais aussi parce qu’en augmentant le nombre d’heures de travail, tout en diminuant la rétribution de chaque heure travaillée, on peut abaisser le coût total du travail et donc restreindre les rémunérations. La décroissance, concept dont on ne peut déjà plus empêcher l’examen, ne signifie pas recul de la production mais choix motivé de la production ; elle ne signifie pas renoncement à tout développement mais réorientation sélective du développement vers la satisfaction des besoins essentiels de l’humanité.

La FAO vient d’annoncer que l’agriculture biologique est en mesure de satisfaire tous les besoins alimentaires des 7 milliards d’êtres humains que nous serons bientôt. Les discours sur la production agricole intensive, pour sauver de la famine les populations des pays dits « en voie de développement », étaient et restent donc des discours mensongers. Dans la même fausse logique, si l’on utilise de trop grandes surfaces de terres arables pour produire du colza, de la canne à sucre ou du manioc, afin de remplacer l’essence de nos voitures par de l’éthanol, on va affamer les habitants de pays entiers, notamment sous les Tropiques! Si nul ne fait la critique écologique et politique des fausses solutions économiques, tant celles d’hier que celles que mitonnent de pseudo experts, alors là, oui, il y a motif à avoir peur, y compris peur des violences que cette injustice planétaire massive va engendrer. Aux écologistes de faire connaître l'étendue des périls! C'est là leur première tâche politique.

L’écologie n’est pas d’abord une théorie, c’est une pratique à mettre en œuvre dans notre quotidien. Il n’y a pas d’écologie sans écologistes. Encore faut-il que ces écologistes sachent apporter leur contribution à la redéfinition des valeurs d’une gauche qui ne sait plus ce qu’elle est. La gauche a raté le virage qui pouvait la redynamiser, et les Verts, en son sein, n’ont pas réussi à faire passer le message simple suivant : il n’y a pas plus de gauche sans écologie que d’écologie politique ailleurs qu’à gauche.

Soyons précis : il existe trois visages de la gauche (ce qui la rend méconnaissable) : la gauche de type blairiste, socialo-libérale, de centre gauche, ouverte au centre tout court, la gauche de gouvernement, à la française, aux idéaux devenus flous, unie autour d’un PS restant l'axe d’une majorité plurielle allant de PCF au MDC, au MRG et aux Verts, enfin, la gauche altermondialiste, riche de sa diversité, mais faible de par son histoire, juxtaposant trois variétés de trotskismes, mêlant différents courants antilibéraux et minoritaires dans leurs partis respectifs, ou, de plus en plus souvent, sans parti du tout. Ségolène Royal pour n’avoir pas choisi entre le premier et le second type de gauche (et en voulant faire se rallier à elle, in fine, y compris les altermondialistes) a sans doute perdu son élection pour n'avoir pas su ou pu échapper à la confusion engendrée par ce méli-mêlo.

Les Verts ont, de leur côté, été victimes de cette incapacité à surmonter les ambiguïtés de la gauche (lesquelles se réfléchissaient en leur sein). Les écolos dits « environnementalistes », ne faisant pas du rapport droite-gauche, un schisme structurant, sont soit restés dans leur « ni droite-ni gauche » (comme Antoine Waechter) soit passés au Parti démocrate, (où certains ont rejoint François Bayrou, comme Corine Lepage et Jean-Luc Benhamias). Les écolos nostalgiques de la gauche plurielle, convaincus que rien n’est possible sans une entente étroite avec le PS, même au terme de débats serrés, ont encore la maîtrise de ce qui reste de l’appareil des Verts et se retrouvent autour de Dominique Voynet, de Noël Mamère, voire d’Yves Cochet. Enfin, les écolos altermondialistes ou "alterékolos", qui ont soutenu José Bové, se regroupent autant à l’extérieur qu’à l’intérieur des Verts, dans les associations, et se caractérisent par leur refus de rendre l’écologie soluble dans le social-libéralisme comme dans le libéralisme.

Reconstituer la gauche ou les Verts revient donc finalement au même. Il s’agit de savoir si s’ouvre le temps (ou un temps) pendant lequel prime « l’union de toutes les bonnes volontés de droite comme de gauche », vues les urgences écologistes -première hypothèse- ? Ou bien il s'agit de savoir si s’est ouvert le temps d’une acceptation de la bipolarisation politique, en France : droite modérée contre gauche modérée, incluant chacune une dimension écologiste, dans un contexte institutionnel pour longtemps encore présidentiel -seconde hypothèse-. Ou bien il s'agit de savoir, enfin, si les temps qui s’annoncent sont, au contraire, des temps de transformation sociale majeurs, où la radicalité des choix, sous l’influence des contraintes écologistes, ne peut qu’engendrer des conflits politiques importants entre ceux qui supportent et ceux qui ne supportent plus les écarts des conditions de vie d’un bout à l’autre de la planète, -troisième hypothèse-.

Sous cet éclairage, on doit envisager comme probable l’éclatement d’une gauche de plus en plus disparate. Ni unie, ni plurielle, ni durable, la gauche est faite, actuellement, de gauches incompatibles. En dépit de leurs accords multiples sur le fond des dossiers, les Verts, pris dans ce maelström, ne peuvent, à leur tour, que se distinguer ou se séparer les uns des autres, leurs divergences, stratégiques autant que tactiques, étant insurmontables.

Pour ma part, considérant qu’être, ou ne pas être, membre d’un parti politique, n'a plus rien d'’essentiel je me positionne, aisément, sans m'inscrire dans des conflictualités boutiquières inutiles, parmi les altermondialistes. Ma rupture avec la gauche de gouvernement et les Verts, du moins tels qu’ils fonctionnent actuellement, est donc, cette fois, devenue inéluctable. Il ne m'est pas possible de savoir quand et comment, mais je sais déjà qu'il me sera donné de m'impliquer dans un nouvel ailleurs politique.

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