samedi 25 janvier 2014

Qui est « la première Dame de France » ?

Depuis le passage à l'Élysée de Nicolas Sarkozy, il n'y a plus d'indiscutable « première Dame de France ». Durant son mandat présidentiel, deux femmes ont partagé ses appartements privés et s'y sont succédées. Laquelle aura été, pour les auteurs de manuels d'histoire de France, la « Première Dame » ? La... première ou la seconde ?

À peine parvenu à la tête de l'État, l'hôte actuel du « Château » est passé du statut conjugal -abandonné peu avant son élection-, à celui de concubin – faisant de sa compagne nouvelle une célébrité officielle –, pour parvenir à celui de simple amant – avec une maîtresse qui, elle, se serait bien passé de la célébrité qu'un paparazzi lui a apportée, en même temps que le viol photographique de sa vie privée –.


Le paparazzi, celui par qui le scandale peut arriver...

Dans ce château républicain, le personnel, notamment celui qui est chargé de la sécurité, a vu bien d'autres femmes passer dans les couloirs conduisant vers le lit du Chef de l'État. Au cours même de l'un de ces ébats non conjugaux, un président, un seul, est mort, Félix Faure, en 1899, dans les bras de sa maîtresse, mais d'une congestion... cérébrale (1).

On a pu rire de ces pratiques sexuelles mal cachées qui semblent prouver que le pouvoir politique est inévitablement associé à la croissance de la... libido des monarques, quel que soit le régime constitutionnel. Le pouvoir du roi sur le corps des jolies femmes qui étaient à sa portée était sans partage et nul confesseur n'interdisait, à sa Majesté très catholique, détenteur d'un absolu et divin pouvoir, quelque frasque que ce soit.

Les cinq derniers Présidents de la France sont connus pour avoir eu ou, pour certains des survivants, avoir encore, une vie sentimentale agitée. Parmi les femmes qui ont accompagné, publiquement, les présidents de la cinquième république (auxquelles il faut ajouter l'épouse du dernier président de la quatrième, René Coty), plusieurs ont été pourtant, à notre sens, plus particulièrement, estimées des Français : Germaine Coty (2), « Tante Yvonne » (3), l'épouse du Général, mal connue et influente, Claude Pompidou (4) qui modernisa l'Élysée, et enfin Danielle Mitterrand (5), qui su rester elle-même, pendant et après les septennats de son mari, dans la dignité et l'engagement public.
 
Ce temps-là n'est plus. Il n'y aura vraiment une première dame en France le jour où une femme sera Présidente de la République française (ou Première des Ministres, peut-être, à la manière d'Angela Merkel, la Chancelière, quand on en aura fini avec la Vème République). 

Désormais, on peut être la compagne du Président sans en être l'épouse. « La vie privée » des personnages publics est difficile à protéger dans une société où la chasse à l'image est devenu un sport professionnel. Si les mœurs ont évolué dans une société où jamais la durée de vie des couples n'a été aussi brève et les unions, officielles ou pas, fragiles, il peut rester ce que la pudeur et la dignité continuent d'exprimer : le respect de soi et d'autrui.

La première Dame de France est aussi bien, en une période donnée et pour un temps donné, hors de l'Élysée, la plus appréciée (que ce soit ou non dans la sphère politique, telle Simone Veil) ou la plus respectée (telle Marie Curie, prix Nobel, ou Jacqueline Auriol, première femme pilote d'essai en France, et bru d'un autre président : Vincent Auriol).

Seule Ségolène Royal, si elle avait été élue, aurait pu revendiquer le titre de première Dame de France (6). Celles qu'on a ainsi baptisées (notamment Claude Pompidou et Danielle Mitterrand) ne l'ont jamais accepté. L'époux de Margaret Thatcher ne fut pas davantage le « Premier Monsieur » de Grande-Bretagne et la reine est bien autre chose que la Première dame d'Angleterre car elle est unique en le Royaume, un symbole sans concurrence...

Il serait simple et de bon ton que l'on ne fasse pas jouer aux « toutes proches » du Chef de l'État, ce rôle de belle-à-montrer... Supprimer cette fonction pour laquelle on n'a pas été élue et résultant de la seule élection de son compagnon, ne nuirait à personne. Ou bien alors, réinventons le mariage obligatoire pour le Chef de l'État, comme pour les rois soumis à des obligations politiques mais disposant alors d'un droit absolu à l'infidélité !

L'ancien régime, la monarchie ne pouvant, espérons-nous, être réinstallés, mieux vaut que la compagne, ou le compagnon, du, ou de la, Chef de l'État ne confie aucune fonction particulière à son amant(e) ou à son époux(se)..., - car peuvent venir, prochainement, des jours où le Premier ou la Première personnalité politique au pouvoir sera homosexuel(le) –.

La liberté sexuelle et le respect de la vie privée ont une conséquence : qu'il n'y ait plus motif - et il faut en prendre les moyens médiatiques et institutionnels- à attirer l'attention sur quelque personne que ce soit susceptible de dormir dans le même lit qu'une célébrité politique !

Le 26 janvier 2014.- Suite et pas fin : le soir du jour où a été écrit ce texte, François Hollande (le citoyen et non le président !) fait savoir à l'AFP que sa liaison avec Mme Trierweiler est terminée. Le voici... célibataire, ce qui ne veut pas dire solitaire. Le Pape n'ayant pu lui donner aucun conseil, on doit retenir de cet épisode, où le public et le privé se sont enchevêtrés, qu'il n'y a plus et qu'il n'y aura probablement plus jamais de "Première dame de France" non élue par les Français.

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 Et le film de la vie continue de se dérouler...

1 L'anecdote tragico-comique fut ainsi rapportée : "Le président a-t-il encore sa connaissance ?" demande le curé venu porter l'extrême-onction au président mourant. "Non, monsieur l'abbé, elle est partie par une porte dérobée", lui répond-on...Cf. http://www.linternaute.com/histoire/magazine/magazine/dossier/vie-privee-presidents/felix-faure.shtm
2 Germaine Coty, née Germaine Alice Corblet (1886-1955), décédée au château de Rambouillet qui eut des obsèques quasiment nationales.
3 Consulter : Yvonne de Gaulle de Frédérique Neau-Dufour, Fayard, 590 p, 27 €.
Yvonne De Gaulle, née Vendroux, (1900-1979), plaida en faveur de la contraception auprès de son mari, hésitant voire réticent sur le sujet. Paradoxalement, Lucien Neuwirth, promoteur de la pilule, n'eut pas de meilleur soutien que cette femme d'un autre temps que la naissance de sa fille (trisomique) avait amenée à évoluer sans renier ses principes.
4 Claude Pompidou, née Cahour, (1912-2007) déclarait déjà, en 1970, lorsque l'on lui demandait ce qui lui manque le plus depuis qu'elle est Première dame de France : « Être libre, pouvoir me promener dans les rues lorsque j'en ai envie. Faire des courses comme autrefois, entrer au hasard dans un cinéma ». Surnommant le Palais « la maison du malheur », elle n'y remettra, après le décès de son époux, le 2 avril 1974, plus jamais les pieds.
5 Danielle Mitterrand (1924-2011), née Gouze, fut une ancienne résistante et une personnalité engagée dans le monde associatif. Elle a créé la fondation France-Liberté, qu'elle a présidée jusqu'à sa mort. « Je ne suis pas une potiche », disait-elle. Celle qui préférait se faire nommer « l'épouse du président de la République » que « première dame de France » a eu son bureau personnel au palais présidentiel, mais habita toujours au 22 rue de Bièvre.

mercredi 15 janvier 2014

De l'offre et de la demande politiques

Inutile d'invoquer, à mots couverts, Jean-Baptiste Say (1767-1832) et donc ses idées passées, dépassées, comme le fit  François Hollande, hier, 14 janvier 2014, depuis son palais de l'Élysée !

 "JBS", ce protestant (Dieu sait ce que le capitalisme doit au protestantisme !), républicain, girondin, proche de Mirabeau, très brillant intellectuel (2), qui fit affaire sous l'Empire, industriel du coton très lié à l'esclavage (1), est la référence française d'une pensée libérale assumée. Il soutint que l'économie se fondait sur la propriété privée, la libre concurrence et le rôle limité de l'État, ce que ses successeurs entrepreneurs n'ont cessé d'approuver depuis. Dans le même temps, il écrivit aussi, et là est apparue la contradiction innée entre le libéralisme et l'écologie : « Les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques » !


Cette perspective conduit à favoriser l'offre et non la demande. Autrement dit la production commande. Le consommateur achète ce qu'on lui offre. La satisfaction des besoins passe après la satisfaction des désirs que l'entrepreneur suscite. Le client n'est roi que s'il paie bien, cher et souvent. Sans croissance, il n'est pas d'économie durable. Le gouvernement vient de verser dans cette doctrine rétrograde et pourtant non encore éculée, puisqu'elle fonctionne.

Il est acquis, semble-t-il, dans les sphères où circulent les dirigeants officiels ou clandestins, que le socialisme est incompatible avec la démocratie capitaliste. Quel que soit le socialisme, il porterait atteinte à la liberté d'entreprendre et déboucherait sur une dictature franche, ou larvée, qui nuirait aux démocraties en place ou en construction. Les "socio-démocrates" qui ne s'avouent pas encore socio-libéraux, mais ça ne saurait tarder, conduiront donc des politiques économiques s'inspirant de Jean-Baptiste Say... Après Shroeder et Blair en voici, avec Hollande, la version française. Le patronat se réjouit. Ce que Sarkozy n'avait pas totalement réussi, Hollande va le faire. Il s'assure, ainsi, les soutiens nécessaires (bien que non suffisants) à sa réélection.

Les écologistes de parti, en avalant une couleuvre de plus, risquent de s'étouffer car le contenu de cette couleuvre c'est, tout simplement, l'abandon, de leur conviction fondamentale (l'inverse de celle de J-B Say) selon laquelle les richesses naturelles sont épuisables. Ils devront donc, tôt ou tard, accepter les OGM, le gaz de schiste, le maintien de l'industrie nucléaire, la poursuite de la production d'armements, la reconquête néocoloniale de marchés africains, la privatisation poursuivie des services publics, etc...

Il n'est, dès lors, plus question, pour qui conteste le système économique prédateur, où la demande est principalement produite par une offre publicitaire, toujours plus subtile ou/et massive, de rechercher un compromis politique avec les partis ex-socialistes : ils sont devenus l'équivalent, sur l'essentiel, des partis libéraux. 


Tel est l'enseignement majeur de ce début d'année 2014. Il n'est plus d'offre électorale anticapitaliste crédible. Nous vivons une trahison historique : le productivisme (qui a son ministère, en France) a envahi tous les esprits (y compris dans le monde syndical) et, en dépit de la certitude que l'illimité trouvera ses limites, on offre une croissance défaillante comme modèle économique incontournable. 

Il ne reste plus aux citoyens non convertibles à cette dynamique implacable qu'à refuser leur concours à ce monde libéral inhumain et, à terme, condamné. D'abord en votant blanc (et en luttant pour la prise en compte effective de cette expression politique), ensuite en votant "libre" (c'est à dire, ici ou là, en appuyant telle ou telle initiative clairement écologique et antilibérale) enfin, et surtout, en prenant des initiatives intellectuelles et pratiques préparant l'après capitalisme, que ce soit demain (comme nous l'avions un peu vite cru, en 2008) ou dans cent ans. Le vieux monde est mort et tous ceux qui le servent, quelle que soit l'étiquette de leur parti, doivent être abandonnés.

(1) La part dans la production mondiale du coton brut des plantations américaines est passée brutalement de 5 % à 70 % en moins de quinze ans, entre 1790 et 1805, les nouveaux États-Unis d'Amérique tentant difficilement de suivre l'explosion de la demande des fabriques de la région de Manchester où le coton est sur cette courte période le ferment de la première révolution industrielle. 

(2) Auteur, en 1803, du premier Traité d'économie politique.

mercredi 1 janvier 2014

De l'inanité des vœux

Chacun sait, en son for intérieur, qu'un 1er janvier vaut un 31 décembre, ni plus ni moins. Le bonheur ou le malheur ne choisissent pas leur jour.

Il est sain, toutefois, pour ses proches, pour l'humanité tout entière, pour soi-même, d'espérer plus de paix et plus d'amour, car nous voyons les ravages causés d'abord, au fil du temps, par les comportements humains, bien plus cruels que les soubresauts naturels infligés par les grandes catastrophes.

Ce qu'on découvre, année après année, à l'approche "des Fêtes", c'est l'hypocrisie, l'excès, l'aliénation auxquels il est difficile d'échapper, sans compter avec la marchandisation des relations humaines, de moins en moins sincères et de plus en plus intéressés.

L'hiatus est considérable entre le Noël historique, fait de louange de la pauvreté et d'espérance en la lumière, et la frénésie, l'addiction, de la consommation suscitée, nourrie, encouragée par les industries du commerce, de la Saint Nicolas début décembre,  jusqu'à la galette des Rois, début janvier.

À peine passée la bénédiction urbi et orbi du pape, parfaitement intégrée dans le conditionnement médiatique, voici venir le déchaînement gastronomique de la Saint Sylvestre. Après le sapin, le petit Jésus, le Père Noël et ses cadeaux obligés, les chocolats, nous avons droit, via les médias, à l'étalage des recettes de cuisine, aux visites de Rungis, puis à l'addition des envois de cartes postales et de messages téléphoniques ou sur internet. Ne pas s'y adonner est mal séant, grossier !

Car vouloir se soustraire à ces conditionnements isole. On passe pour un ours ou un pisse-vinaigre. Constater que les dettes des ménages, alourdies en fin d'année, ne s'embarrassent pas de la soi-disant " crise" ne peut guère s'exprimer durant ces quelques semaines d'oubli et d'insouciance. Oser déplorer que le triptyque production-vente-consommation ne soit pas entamé mais, au contraire, soit bien en place, dominant presque tous les comportements quotidiens rompt avec l'opinion commune.

J'y vois, certes, une volonté d'être "heureux-quand-même", de faire un pied de nez à la médiocrité, de prendre sa part d'une richesse mal partagée et j'ai scrupule à en faire la critique si elle peut atteindre le désir des plus modestes de vivre aussi dans la joie et le plaisir.

Et pourtant, je ne peux que faire la distinction entre ce qui se partage et ce qui s'engloutit, entre l'exubérance d'être ensemble et l'abêtissement généralisé dans lequel des peuples entiers sombrent. Les feux d'artifices et les pétards (avec leur lot d'accidents), les flots d'alcool (associé à toute rencontre festive), le foie gras (présenté comme devant faire partie de tout repas de réveillon), les huitres (obligatoires), les cadeaux (de plus en plus revendus...), le French Cancan du Moulin Rouge (et les festivités des autres cabarets exhibant des filles)..., tout cela fait partie d'une fausse culture bien installée dans nos cerveaux de consommateurs.

Quant aux vœux officiels, ces cérémonies où se montrent ceux qui veulent séduire encore une fois leurs électeurs, c'est paroles vaines et dépenses inutiles, mais tout le monde y tient. C'est l'occasion de rencontres informelles  qui permet de recueillir informations avis et confidences.

Il faut du courage et de fortes convictions pour se retirer de ces jeux futiles et immanquables ! On ne passe pas seulement pour un rustre ; on sort de la société. 

Il importe pourtant de "limiter les dégâts", de rester sobres en ses paroles et en ses achats, de résister à des comportements induits qui, pour certains, déshumanisent ou éloignent de la dignité.

On ne peut, tout à la fois, prendre ses distances avec la société de surconsommation et souscrire, en même temps, au culte frénétique et impulsif des vœux incontournables.

Je le pense depuis des années. Il me semble, en 2013-2014, plus que jamais indispensable de l'affirmer.

Sans plus...







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