mardi 29 mars 2011

Une laïcité qui va à l'encontre de la laïcité !



La laïcité n'est ni un respect des religions, ni un confinement du domaine religieux dans la sphère privée. La laïcité est bien plus : le respect de la liberté de penser, toutes religions, athéisme et agnosticisme inclus. La laïcité, c'est le refus de l'État, de tous les pouvoirs de l'État, d'influencer les choix fondamentaux des citoyens. C'est l'acceptation, sans exception, que toute personne puisse occuper une place et un emploi dans la cité, sans considération pour ses affirmations politiques, philosophiques et religieuses, dès lors qu'elle ne se livre à aucun prosélytisme.

Car le prosélytisme, voilà l'ennemi ! C'est le contraire du débat d'idées. C'est la recherche d'une influence psychologique, intellectuelle, idéologique, exercée à partir des positions sociales qu'on occupe dans la société. Toutes les opinions ne se valent pas même si elles sont sincères ; ce sont les personnes porteuses de ces idées qui, elles, se valent et méritent respect, y compris quand on les désapprouve !

La laïcité est un anticléricalisme, mais nullement une irréligion ou une anti-religion. C'est le rejet de la domination directe, ou occulte, d'une église ou d'autres clercs. C'est un espace de liberté ouvert à quiconque veut changer de religion, y renoncer ou, au contraire, en devenir membre.



La laïcité a une histoire qui la lie au catholicisme plus qu'au protestantisme ou à d'autres religions, car c'est l'Église catholique qui a fait peser tout le poids de son cléricalisme sur la vie politique, et plus encore en Italie ou en Espagne, mais cette époque est révolue.

La laïcité doit tenir compte que la seconde religion des Français est à présent l'Islam, ce que, voici un siècle, nous n'imaginions même pas possible. L'acceptation par l'Église catholique, puis sa reconnaissance, après de nombreuses décennies, de la valeur de la laïcité, a changé la République. Une même évolution est en cours parmi les musulmans. Elle ne prendra pas autant de temps pour aboutir, en dépit des résistances intégristes qui persistent en mainte mosquée.

Le débat sur la laïcité qu'envisage de lancer le parti sarkoziste est pervers. Il ne pose pas la question de la liberté de pensée mais, en réalité, en dépit de plusieurs déclarations rassurantes, la question de la compatibilité de l'Islam avec l'identité française. Il relaie la propagande du Front National qui n'hésite pas à contester le droit à la prière publique de ces musulmans qui n'ont pas de lieux de culte ! C'est un débat qui a des visées souterraines : associer la France a sa culture chrétienne, d'abord, en se contentant de tolérer les apports nouveaux sans les considérer comme constituants de l'identité française.


La laïcité exclut cette conception-là de la laïcité dite "positive" mais qui, de fait, replie la France sur son passé judéo-chrétien. Les porte-parole des six religions présentes en France, disent, actuellement, tout autre chose, dans la tribune qu'ils co-signent et ci-dessous publiée ! Et c'est un événement... Il ne manque à ce texte qu'une seule chose : les citoyens a-religieux ou athées ont, eux aussi, leur place pleine et entière au sein de la République.


Les six religions s'opposent ensemble au débat sur la laïcité tel que le lance l'UMP

LA TRIBUNE DANS SON INTÉGRALITÉ :


La Conférence des Responsables de Culte en France a été créée le 23 novembre dernier et elle regroupe six instances responsables du Bouddhisme, des Églises chrétiennes (Catholique, Orthodoxe, Protestante), de l’Islam et du Judaïsme. Cette initiative est justifiée par la volonté d’approfondir notre connaissance mutuelle, par le sentiment de contribuer ensemble à la cohésion de notre société dans le respect des autres courants de pensée, et par la reconnaissance de la laïcité comme faisant partie du bien commun de notre société.

La laïcité est un des piliers de notre pacte républicain, un des supports de notre démocratie, un des fondements de notre vouloir vivre ensemble. Veillons à ne pas dilapider ce précieux acquis. Il nous parait capital, pendant cette période pré-électorale, de bien garder sereinement le cap en évitant amalgames et risques de stigmatisation.

Nous signons ensemble cette tribune sans aucun esprit polémique ou partisan. Une parole commune nous semble néanmoins nécessaire. Notre cohésion au sein de la Conférence que nous avons fondée, est significative dans notre société française. Elle a été rendue possible grâce notamment au climat de coopération instauré entre les religions, que la "laïcité à la française" et ses évolutions depuis plus d'un siècle ont permis.

Mais cette cohésion ne signifie pas pour autant uniformité ! Elle ne nous engage nullement en faveur d'un quelconque amalgame syncrétiste ou d’un nivellement de nos positions individuelles et celles des cultes que nous représentons. Nous travaillons ensemble dans la confiance, en intégrant nos histoires et identités respectives. Nous continuons à avoir des approches différenciées sur telle ou telle question, sans pour autant faire de nos différences des facteurs d'opposition. Nous sommes déterminés à réfléchir et à œuvrer ensemble sur la durée, en relation avec les autorités et les forces vives de notre pays, afin que le facteur religieux y soit un élément de paix et de progrès.

L'accélération des agendas politiques risque, à la veille de rendez-vous électoraux importants pour l’avenir de notre pays, de brouiller cette perspective et de susciter des confusions qui ne peuvent qu'être préjudiciables. Nous en sommes conscients. Cela ne doit pas nous dissuader pour autant de rappeler l'essentiel quand il le faut. Nous restons très attentifs aux évolutions profondes de notre société, notamment celles qui concernent les religions, dans le respect du cadre de la République. Ces évolutions appellent parfois des adaptations voire des améliorations du cadre juridique et règlementaire de l’expression et de la vie des cultes en France. Nous ne manquerons pas d’être une force positive de propositions dans ce sens.

Faut-il dans le contexte actuel un débat sur la laïcité ? Le débat est toujours signe de santé et de vitalité. Le dialogue est toujours une nécessité. Il a un rôle majeur dans une société libre, démocratique et respectueuse de la personne humaine. Mais un parti politique, fût-il majoritaire, est-il la bonne instance pour le conduire seul ? Ce ne sont ni les débats, ni les travaux qui manquent dans ce domaine ! La Loi 1905 est déjà plus que centenaire. Elle a permis d’apporter depuis lors des solutions à des questions nées de nouvelles situations et des évolutions de notre société dans un monde de plus en plus rapide. Tous les cultes adhèrent sans réserve à ses principes fondamentaux tels qu’ils s’expriment en particulier dans ses deux premiers articles. Mais les modalités d’application de ces principes restent toujours perfectibles. Faut-il recenser tous les colloques et autres séminaires qui ont abordé en long et en large la question de la laïcité et de ses applications dans notre pays depuis des années? Faut-il rappeler, dans la période récente, les travaux étendus et exhaustifs de la Commission présidée par le Professeur Jean Pierre MACHELON qui ont donné lieu à un rapport sur les « relations des cultes avec les pouvoirs publics » remis au ministre de l’intérieur le 20 septembre 2006 ? Ce rapport avait abordé d’une manière approfondie les différents aspects liés à l’exercice du culte en France dont celui du « support institutionnel » de son exercice dans notre pays. Faut-il rappeler de même les travaux du « Groupe juridique inter-cultes » qui travaille depuis 2007, dans le prolongement des recommandations du Groupe MACHELON, au sein du Ministère de l’intérieur, et où siègent des représentants des principaux cultes ? Ce groupe a bien fonctionné et a permis la publication de plusieurs circulaires dont la dernière, du 23 juin 2010, conjointe aux Ministères de l’intérieur et des finances, aborde d’une manière détaillée à l’attention des préfets, des directeurs départementaux des finances publiques et des trésoriers payeurs généraux, les différents aspects liés au « support institutionnel de l’exercice du culte en France » ? Faut-il rappeler aussi la production intellectuelle abondante d’articles et d’écrits divers, ainsi que les nombreux ouvrages qui paraissent sur l’histoire, les fondements, la pratique et les perspectives de la laïcité en France ? La liste en sera longue. Elle illustre parfaitement toute la richesse et la profondeur de notre expérience française de la laïcité. Nous y reviendrons lors de la rencontre publique que nous comptons organiser en octobre prochain.

Secouée par des crises à répétition, politique, économique, financière et morale, la période actuelle manque de lisibilité mais sans doute pas d’espérance ! Le devoir de ceux qui sont « en responsabilité » consiste à éclairer le chemin et à élaborer des solutions conformes au bien de tous. N'ajoutons pas de la confusion dans la période trouble que nous traversons. Nous militons ensemble pour une laïcité de bonne intelligence.

La laïcité n’est pas séparable des valeurs fondamentales que nous partageons, en particulier de la dignité et du respect de la personne humaine et de sa liberté inaliénable. Ces valeurs qui ne peuvent s’épanouir que dans la confiance mutuelle source de paix pour notre société.»



SIGNATAIRES :

Cardinal André VINGT-TROIS, président de la Conférence des Évêques de France
Avec Mgr Laurent ULRICH, vice-président de la Conférence des Évêques de France
Pasteur Claude BATY, président de la Fédération protestante de France
Avec le pasteur Laurent SCHLUMBERGER, membre du Conseil de la Fédération protestante de France, président du Conseil national de l’Église réformée de France
Métropolite EMMANUEL, président de l’Assemblée des Évêques orthodoxes de France
Avec le Métropolite Joseph, secrétaire de l’Assemblée des Evêques orthodoxes de France
Et Mr. Carol SABA, porte-parole de l’Assemblée des Évêques orthodoxes de France
Grand Rabbin Gilles BERNHEIM, Grand Rabbin de France
Avec le rabbin Moshé LEWIN, porte-parole du Grand Rabbin de France
M. Mohammed MOUSSAOUI, président du Conseil français du culte musulman
Avec M. Anouar KBIBECH, secrétaire général du Conseil français du culte musulman
Révérend Olivier WANG-GENH, président de l’Union bouddhiste de France


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