samedi 11 février 2012

2012 : deux France affrontées


"La civilisation occidentale dont je parle, qui s'est du reste mondialisée, est une civilisation qui se définit par l'ensemble des développements de la science, de la technique, de l'économie.  Et c'est cette civilisation, qui aujourd'hui apporte beaucoup plus d'effets négatifs que d'effets positifs, qui nécessite une réforme, donc une politique de civilisation. /.../ 
Une politique de civilisation ne doit pas être hypnotisée par la croissance.  Il faut abandonner la recherche du toujours plus pour une recherche du toujours mieux. La croissance est un terme purement quantitatif. Il faut savoir quels sont les secteurs où il doit y avoir croissance, et ceux, au contraire, où il doit y avoir décroissance. "

Edgar Morin (http://www.lemonde.fr/politique/chat/2008/01/02/edgar-morin-la-politique-de-civilisation-ne-doit-pas-etre-hypnotisee-par-la-croissance_995373_823448.html)



Edgar morin inventeur du concept de "politique de civilisation".


Le débat autour des civilisations est révélateur d'un différend profond entre les Français.

S'opposent actuellement deux "idées de la France" (De Gaulle s'en faisait une, mais il en est d'autres...! ). Oui, deux France s'affrontent. Non pas, en cette période électorale, la gauche contre la droite, mais la France des "civilisateurs" contre la France des civilisés.

La France des civilisateurs est celle qui prétend que, puisque toutes les civilisations ne se valent pas, les civilisations supérieures ont vocation à dominer les autres. La France des civilisés est celle qui se veut le pays des droits de l'homme mais qui a conscience que ces droits peuvent être bafoués en notre pays même, autant que dans les autres.

La lettre ouverte de Serge Letchimy, député et président du Conseil Régional de la Martinique, à Claude Guéant, a ceci de fondamental qu'elle rappelle qu'il n'y a pas de supériorité de la civilisation occidentale sur les autres. Elle souligne qu'au sein de cette civilisation, dite judeo-chrétienne, ont pu surgir, au cours de l'histoire antérieure ou récente, des négations mêmes de l'apport des Lumières, qu'il s'agisse de l'esclavage, du colonialisme, ou des totalitarismes du XXe siècle : hitlérien et stalinien.

Les cris d'orfraie poussés par les propagandistes médiatiques aux ordres du président sortant, ou par les affidés de l'actuelle majorité politique, sur le point de virer au neo-fascisme, disent assez bien que tous les partisans de l'Algérie française, de l'empire colonial français, de l'idéologie pétainiste ne sont pas morts et continuent, avec énergie, à s'en prendre aux "cosmopolites" (comprendre ceux qui n'ont pas le nationalisme comme repère) ! De Gaulle lui-même fut considéré comme un traitre par ceux qui ont vu et continuent de voir en lui le fourrier principal de l'indépendance des pays africains francophones.

Aujourd'hui, entre ceux qui se réclament encore de De Gaulle et ceux qui voulaient sa mort, un pont a été jeté. La Ve république est nationaliste, monocratique, et surtout imbue d'une civilisation qui n'en est pas une car, en prétendant donner des leçons au monde entier, elle s'enlève toute crédibilité !

Nous vivons la fin d'une époque où l'Europe et son enfant américain, sous couvert d'une idéologie faussement chrétienne (puisque attachée à l'or, au glaive et au sceptre !), s'appropriaient la vérité universelle. Les Blancs quittent, à présent, l'avant-scène de l'histoire. Des Noirs qui ont lié leur sort à celui de la France, aux Antilles, le leur rappellent et cela scandalise. Tant mieux que cela vienne d'eux. La France, et les pays anglo-saxons n'ont pas le monopole de la culture et, désormais, chaque jour qui passe le démontre.

  L'avancée de la civilisation

On peut considérer cette remise à sa place de l'occident comme un recul, voire un drame. Ne peut-on y voir, plutôt, une chance, car l'apport de la France sera d'autant plus visible qu'il ne sera pas caché dans la gangue de la société des riches, insensibles au monde réel !

Il n'y a rien à recevoir de la part des nostalgiques, des réactionnaires au sens premier du mot, des néo-conservateurs qui ne vivent pas qu'aux USA et n'acceptent que les changements assurant le maintien de leurs privilèges. Cette France là, qui s'est imposée pendant des décennies, y compris pendant le passage de François Mitterrand à la tête de l'État, arrive à sa fin. Elle n'a pas été contestée de l'intérieur suffisamment mais elle s'affaisse sous le poids des pressions exercées par les peuples du monde entier.

Soixante millions d'habitants ne vont pas longtemps encore déterminer, fut-ce avec l'aide de l'Allemagne, la politique de l'Europe tout entière ! La civilisation, en Europe, sera plurielle ou ne sera pas. La France qui est déjà composite, et qui doit à sa composition bigarrée d'être riche de potentialités hors du commun, ne peut rester centralisatrice, autoritaire, maîtresse des destinées de ses voisins. Elle n'est plus une grande puissance et son influence, pour rester grande, devra échapper à l'illusion de la domination intellectuelle, technique, militaire, industrielle, agricole... Elle a autre chose à dire au monde que des généralités sur un art de vivre en collectivité par ailleurs contredit par un manque de solidarité qui détruit les apports des survivants de la deuxième guerre mondiale lesquels voulaient une France plus fraternelle après l'épouvante du IIIe Reich.

Il faut changer de France, redonner la parole à ceux qui, dans la tradition qui fit rêver d'elle, - la France des modestes, des humbles et des créateurs - , donnait à espérer qu'un avenir toujours meilleur était promis aux générations : la civilisation du partage.



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