jeudi 24 novembre 2011

Haro sur Éva Joly !



Ils s'y mettent tous ! Les professionnels de la politique politicienne, du bavardage médiatique, du conformisme électoral et de la pérennité du système, s'en donnent à cœur joie. Eva Joly ne joue pas le jeu. Il faut l'abattre :


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Et si, en dépit de tout et contre tous, elle disait ce que pensent de nombreux citoyens ?
• que le PS ne propose pas une alternative à l'UMP, seulement une variante au libéralisme.
• que le rapport au nucléaire constitue un vrai clivage qui ne suppose aucun compromis.



• que le débat présidentiel fournit une occasion de poser des questions de civilisation.
• qu'une majorité ne se concocte pas avant l'établissement d'un rapport de forces.
• que l'indignation des citoyens ne souffre pas de se contenter de demi-mesures.
• que sans solidarité active avec les plus démunis des citoyens, aucune politique ne vaut.
• que la dette n'est pas dû au laxisme des Français mais à la goinfrerie des plus riches.
• que la démocratie n'est plus là où 10% des plus riches possèdent plus de 50% du patrimoine !
• que changer de "logiciel", c'est sortir de la logique de la croissance pour aller vers la sobriété.
• que la réalisation d'un seul EPR serait la relance et non la sortie du nucléaire.
• que "les affaires" scandaleuses qui se succèdent et n'épargnent pas le PS sont dues au système.
• que l'Europe qui n'est pas une protection contre les nationalismes perd toute raison d'être.
• que la démocratie ne peut fonctionner sous la férule des partis.
• que les Français sont capables de prendre en main leur vie quotidienne.
• que les initiativespour entrer dans une société écologique ne doivent plus être bridées.

Finalement, même si c'est par principe et improbable, on ne peut demander à Éva Joly de soutenir François Hollande sans qu'il s'engage à la réciprocité !


jeudi 17 novembre 2011

Présidentielles : une bonne fois pour toutes...


Tout en admettant que :
1 - l'élection ne garantit pas la démocratie ;
2 - l'absence d'élection ne la garantit évidemment pas non plus ;
3 - l'élection présidentielle renforce constamment la monocratie ;
4 - le mode de scrutin uninominal à deux tours a bipolarisé la République ;
5 - l'absence de 3ème candidat, même si aucun n'a atteint 25% (cf. 2002), fausse la majorité ;
6 - la non prise en compte du vote blanc interdit de récuser tous les candidats ;
7 - l'énorme financement des campagnes bloque toute concurrence électorale équitable ;
8 - l'exception électorale française en Europe met en évidence l'iniquité du présidentialisme ;
9 - le glissement de l'élection vers un supershow médiatique trouble et trompe les électeurs ;
10 - la place des législatives, après les présidentielles, soumet le législatif à l'exécutif ;



...il n'en reste pas moins que :
a - voter, ou ne pas voter, est un choix politique lourd pour tout citoyen ;
b - l'abstention volontaire n'a de sens que si elle est expliquée, popularisée, collective ;
c - la contestation de l'élection présidentielle en son principe doit s'exprimer par le vote ;
d - le vote blanc est légitime et il doit être compté dans les suffrages exprimés ;
e - voter pour faire élire et voter pour exprimer ce qu'on pense peuvent être incompatibles ;
f - le vote contraint enlève à l'électeur son pouvoir politique ;
g - choisir un président, en France, n'oppose pas toujours droite et gauche (cf : 1969 et 2002) ;
h - un candidat solitaire devient non un porteur de projet mais un chef de guerre ;
i - à une élection à caractère obsolète, il faut oser opposer un autre mode de scrutin ;
j - l'élection de 2012 introduit une rupture en remplaçant le choix de société par un référendum ;



...il s'ensuit, de façon pratique que :
I - entre l'abstention et le vote blanc, si le choix est impossible, il faut voter blanc ;
II - il faut écarter tout candidat qui n'a pas de projet de révision de la constitution monarchique ;
III - il faut écarter tout candidat qui n'a pas un projet de sortie du système économique libéral ;
IV - il faut écarter tout candidat qui ne veut pas libérer la France du nucléaire civil et militaire ;
V - il faut écarter tout candidat qui reste dépendant du système politique des partis ;
VI - il faut voter pour le candidat le moins éloigné de ce qu'on pense, non pour battre le sortant ;
VII - l'élu, quel qu'il soit, ne sera pas en capacité de mettre en œuvre son programme ;
VIII - il y a danger gravissime à faire peser la charge de la dette sur les épaules des plus pauvres ;
IX - il faut faire entrer la France et l'Europe dans le mouvement d'indignation planétaire ;
X - la démocratie doit surprendre et ne pas se donner aux professionnels de la politique.


Ces repères ne sont que des repères. Ils balisent le champ politique. Ils permettent, au moment où se dégageront les nuages qui empêchent de voir l'avenir, de se retirer d'une élection truquée ou, au contraire, de participer à un choix qui échappe au conditionnement médiatique.

mardi 15 novembre 2011

Sortir de "la société de marché"

"La société de marché n'est pas "l'économie de marché". Karl Polanyi a exposé, depuis longtemps, que si l'économie s'empare de la société entière, tout se "marchandise". L'actualité de cet auteur est étonnante !

Patrick Viveret, dans un article de Médiapart, qu'il faut lire en son entier, souligne pourquoi non seulement l'euro mais l'Europe sont en danger. Il n'hésite pas à décrire où se trouvent les risques de guerre intérieure et extérieure !



"Les libéraux et les marxistes confondent le capitalisme et le marché. Le capitalisme est dans une logique de puissance, et si on le laisse se développer sans frein, il détruit aussi les échanges et les marchés, comme l’avait souligné l’historien Fernand Braudel.

Le capitalisme est dans une logique de trusts, industriels hier, informationnels aujourd’hui. Mais le vrai marché est une institution qui suppose de la régulation : il lui faut de la paix et du droit. La première partie de l’histoire des institutions européennes était nourrie par l’expérience des faits totalitaires, de la guerre et par les dérèglements nocifs de la première «société de marché», décrite par Karl Polanyi.

A partir du moment où on a basculé, de plus en plus vite, vers une Europe qui devenait le vecteur d’imposition de la logique de globalisation financière, l’Europe a commencé à se déstructurer de l’intérieur. Au lieu d’être protectrice, elle est devenue menaçante. Et on arrive aujourd’hui à un point critique, où cette Europe-là est incapable de défendre ses propres avancées. Si on reste dans cette mécanique, on risque de ne pas vivre seulement la fin de l’Euro, mais un éclatement de l’Europe elle-même".

"Une économie entièrement autonome vis-à-vis du politique et de toute éthique engendre des formes de guerres civiles intérieures : on en a perçu les germes lors des émeutes britanniques de l’été. Mais elle porte aussi en elle les germes de guerres internationales. Les éléments de révolte sociale sont déjà présents et le seront plus encore avec les programmes d’austérité.

Et la meilleure façon de canaliser des révoltes, c’est toujours de construire des logiques de boucs émissaires. Soit des boucs émissaires intérieurs, comme les Juifs hier ou les Roms aujourd’hui. Soit des boucs émissaires extérieurs. Les révoltes sociales qui montent en Chine face à la classe des nouveaux riches pourraient bien faire que Taïwan devienne un enjeu de conflit majeur. Et, pour Israël, une bonne façon de détourner les puissantes revendications de leurs indignés, c’est un conflit avec l’Iran. Les politiques économiques actuelles sont autant de bombes à retardement planétaires".

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/141111/patrick-viveret-la-paix-et-la-democratie-sont-menacees

lundi 14 novembre 2011

Relire Polanyi

Il n'a jamais été aussi urgent que de travailler à la construction de l'alternative au capitalisme. Pas une alternance. Pas un retour aux schémas productivistes marxistes. Du neuf ! Or, nous sommes privés d'outils intellectuels crédibles. Nous allons sortir du capitalisme avant de savoir où aller ! Rien n'est plus dangereux. Polanyi est l'un des auteurs qui n' a pas vieilli e tqui est republié car ce qu'il a dit éclaire le présent.


Karl Polanyi 1886-1964

Deux ouvrages parus ces jours-ci, chez Flammarion, invitent, à nouveau, à relire d'urgence Polanyi.

La Subsistance de l'homme, la place de l'économie dans l'histoire et la société, est un ouvrage posthume de Karl Polanyi, publié en 1977 et pour la première fois traduit en français.

Avez-vous lu Polanyi ?, de Jérôme Maucourant, initialement publié en 2005, est réédité en poche, enrichi dʼune précieuse postface, intitulée «Après Wall Street et Fukushima : amélioration ou habitation du monde ?» Lʼoccasion de revenir, avec lui, sur lʼactualité de la pensée de Polanyi en ces temps de crises économique et politique.

L'œuvre de Karl Polanyi peut-elle nous aider à penser le choc écologique que connaît le monde contemporain ? Il a l'intuition que le caractère désastreux du marché autorégulateur dépasse lʼéconomie,la société et même l'homme. Il dit que cela mène à un désert. La marchandisation de la terre, que Polanyi est un des premiers à voir, est une négation de la vie.

Quand il parle de «la terre», on peut entendre le mot «nature». Il ne se contente pas du sens agrarien du terme. Il finit, dʼailleurs, un chapitre de La Grande Transformation par ces mots :«On ne peut séparer nettement les dangers qui menacent l'homme de ceux qui menacent la nature.»

La crise de la modernité ne mettait donc pas en cause un seul projet humain (la démocratie sociale contre la société de marché) mais, peut-être, le monde lui-même,au-delà de l'homme.

Extrait de Médiapart. http://www.mediapart.fr/print/151874


samedi 12 novembre 2011

Avons-nous jamais vécu en démocratie ?



La démocratie, selon le dictionnaire courant, Le Robert, serait "la doctrine politique d'après laquelle la souveraineté doit appartenir à l'ensemble des citoyens; organisation politique (souvent, la république) dans laquelle les citoyens exercent cette souveraineté".

La 86e semaine sociale de France a choisi comme thème : "La démocratie une idée neuve". Est-ce à dire que nous n'aurions jamais connu la démocratie et qu'il serait urgent de la penser, (pas même de la repenser) ?

Je crains que la confusion ne se soit emparée de l'esprit des organisateurs de la Semaine sociale ! La démocratie n'est pas une idée neuve ! Si elle n'a pas pénétré la pratique politique, c'est parce que sa mise en œuvre exige des vertus qui n'existent pas, actuellement, en Europe occidentale et parce que le pouvoir n'est pas, (comme le disait Descartes à propos du bon sens) : "la chose du monde la mieux partagée".

La démocratie conçue par les Grecs, définie par les Philosophes et notamment Rousseau, essayée, en France, pendant les quatre premières républiques, semble, à présent, réduite à l'élection des élites de la nation au suffrage universel. Les traces de démocratie laissées dans les institutions sont plus des graines de démocratie que la manifestation de l'existence d'une plante démocratique vivace. Aujourd'hui, la Ve République a si fortement concentré le pouvoir que nous avons pu voir, depuis 1958, la monarchie, républicaine ou pas, se restaurer progressivement sous nos yeux.

C'est de la manière dont nous avons usé de la démocratie qu'il conviendrait de débattre et de faire le procès estime Jérôme Vignon, le président des Semaines sociales de France. Pas seulement ! Selon moi, voici ce qui devrait faire l'objet d'un long et lent travail citoyen, devant déboucher sur une "reconstitution" de la République :
1 • la compatibilité entre la démocratie et un régime présidentiel, où que ce soit sur Terre, et plus spécialement, bien entendu, dans notre propre pays, où le Chef de l'État est un monarque incontesté, avec un déséquilibre entre les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) qui aurait scandalisé Montesquieu !
2 • La compatibilité entre la démocratie et le système économique capitaliste actuel dont on constate qu'il fait et défait les gouvernements (sans élections, aujourd'hui, en Grèce et en Italie) et, plus encore, qu'il détermine les politiques en fonctions d'intérêts financiers qui ne sont pas ceux de la majorité des citoyens.
3 • La compatibilité entre la démocratie et la représentation voire la participation politiques, telles qu'elles restent pratiquées et qui aboutissent au cumul des mandats (dans le temps et l'espace), au sexisme politique, à la centralisation autoritaire des pouvoirs, à la faible possibilité d'intervention dans la vie publique entre deux élections, au maintien d'une organisation des pouvoirs publics ne tenant pas compte de l'énorme possibilité d'information et de communication offertes aux citoyens par les technologies modernes.

En clair, nous aurions bien besoin, comme en 1789, de Cahiers de doléances, rédigées en tous lieux du pays, préparant des États généraux de la République, en vue de désigner une assemblée Constituante, mandatée pour rénover, en profondeur, des institutions et des animations politiques qui engloberaient et déborderaient les partis et tous autres organismes traditionnels sans leur déléguer l'ensemble de la volonté populaire !

La politique, si elle exige des compétences, lesquelles s'acquièrent, n'est pas un métier. Être élu est un service et non pas une carrière. La désignation ne passe pas uniquement pas les élections et le tirage au sort doit être sérieusement envisagé comme une possibilité qui ne se limite pas à la composition des jurys d'Assise ! La démocratie est non seulement "inachevée", comme le constatait Pierre Rosanvallon, en 2000, elle balbutie comme une nouvelle née, et se cherche indéfiniment, au milieu de contradictions et des obstacles élevés par des politiciens professionnels.

Il faut, dès lors, être clair : si la démocratie n'est praticable, compréhensible et admissible qu'associée au système économique capitaliste, elle n'a pas d'avenir. Si la démocratie ne peut conduire, par souci d'efficacité, au partage le plus large possible des responsabilités politiques et économiques, elle n'est pas. Si la démocratie peut être invoquée par ceux qui confisquent et manipulent l'exercice de la volonté populaire, mieux vaut n'en plus parler.

On abuse du mot démocratie, quand on affirme, dans la Constitution française elle-même, mensongèrement, que la République a pour principe : "gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple" ! Qui ne voit que par le peuple signifie exclusivement : par les délégués du peuple ? Qui ne constate, notamment aujourd'hui, que pour le peuple, à la vérité, doit s'entendre : pour la partie la plus favorisée du peuple ? Qui ne comprend, enfin, que gouvernement du peuple est devenu : gouvernance du peuple des citoyens (ou sur le peuple) par des élites déterminant elles-mêmes ce qui est bon ou non pour le dit peuple ?

Ou bien il faut renoncer à la démocratie (si elle n'est que cette caricature d'organisation politique renouant avec le plus ancien des régimes, celui des oligarques et des privilégiés) ou bien, il faut lui donner un contenu tout neuf, (qui stoppe la dérive régressive, hors des a priori de cette droite et de cette gauche parfaitement adaptées au maintien du statu quo économique et politique).

Nous n'en sommes plus à rechercher quel régime antérieur était préférable ! Le printemps arabe nous a surpris et éblouis parce qu'y surgissaient des revendications et une volonté démocratiques, là où nous pensions les dictatures installées à jamais. Que n'avons-nous balayé devant notre porte ! Sans doute parce que les dictatures camouflées, celles des banques et de leurs complices politiques, notamment, sont autrement mieux protégées encore que les dictatures ! L'apparence de démocratie trompe davantage que la tyrannie.

Avons-nous, alors, jamais vécu en démocratie ? Nous en avons aperçu les formes, nous en avons parfois goûté la saveur, nous en avons constaté la possibilité, nous en avons aimé les appels à la liberté de pensée, mais nous avons été trompés. Une démocratie en marche, fragile et incertaine encore, dès qu'elle s'arrête, s'étiole. Quand république et démocratie se superposent, fut-ce abstraitement, cela signifie qu'on conçoit, comme une utopie à notre portée, un régime où la res publica, la chose publique, le service public et la souveraineté populaire, les pouvoirs de décider soient organisés de façon prioritaire, non héréditaire, et sans aucun privilège.

Si ce n'est qu'un rêve cessons d'invoquer la démocratie : elle serait, alors, pensable certes, mais impossible ! Si, au contraire, c'est la seule utopie politique approchable, faisons-la exister vraiment : c'est notre dernière chance, avant de sombrer, pour des siècles peut-être, sous la dictatures des marchés, des puissants et des menteurs.


jeudi 10 novembre 2011

Oser.



Il faut se lâcher. Oser. Dire ce que l'on pense. Tant pis si l'on choque.

Chaque jour fournit son lots d'informations plus déprimantes les unes que les autres. Ce sont "les marchés" qui font et défont la politique. Qui nous dira, un jour, qui sont ces "marchés", faussement anonymes ? Les dirigeants ne dirigent plus. Ils obéissent aux exigences des dits marchés.

Il y aurait pire que la réélection de Nicolas Sarkozy : le maintien de sa politique par ceux qui disent la combattre ! Ne nous laissons pas enfermer dans ce piège qui vient de nous être tendu : ce sera Hollande ou lui. Le capitalisme soft ou la capitalisme hard, en quelque sorte. La logique d'un PS, à présent presque totalement inféodé au social-libéralisme, ne peut mener qu'à la perpétuation de ce que nous refusons.

Le nucléaire ? On continue ! Les EPR ? Un sur deux ! L'aéroport de Notre-Dame des Landes ? On le fera ! La retraite à 60 ans ? Non au retour en arrière promis, sinon de façon exceptionnelle... J'en passe ! Et surtout la fausse Europe qui est, et restera, l'Europe des marchés et des marchands, donnant ses ordres aux États pour qu'ils satisfassent les obligations des financiers.

De DSK à Hollande, en politique, il n'y aura eu que des nuances. Le parti de Jaurès et de Blum a définitivement disparu. Lui a succédé, peu à peu, un autre parti n'ayant rien à refuser aux possédants, l'un des partis d'une Internationale socialiste encore présidée par... George Papandreou. Ce socialisme là n'a ni passé ni avenir.

Son passé ? En France, il l'a oublié (avec l'assassinat de Jaurès l'anti-guerre, avec le suicide de Salengro tué par la haine de la droite, avec le début de changement de vie du peuple, grâce à Blum et au Front populaire, avec l'approbation du Programme national de la résistance, amis en œuvre dès les lendemains d'un conflit qui laissait pourtant la France en ruines...)

Son avenir ? Ce serait le capitalisme revisité, "humanisé", contrôlé (après les trahisons successives de Mollet, en 1956, par rapport à la guerre coloniale d'Algérie, celles de Mitterrand, en 1983, cédant déjà -ce fut le grand virage !- aux injonctions des marchés, celles de Jospin, en 2001, bloquant les portes constitutionnelles, déjà ouvertes, afin de pérenniser le présidentialisme, en modifiant l'ordre des scrutins présidentiel et législatif...). Bref, ce fut le début de la soumission aux banques, quitte à faire semblant, parfois, d'en faire la critique. Duplicité !

Il n'y a plus de politique, plus de socialisme, plus de parti du socialisme. Seulement, d'un côté, des résignés toujours avides de croquer dans le gâteau du pouvoir et, de l'autre, des protestataires, des contestataires, des retardataires, des "révolutionnaires" qui cherchent, dans les décombres du passé, des bribes d'espoir mais qui ne peuvent nourrir que des nostalgies.

Alors ? S'indigner ne suffit pas affirme lui-même le vieux Stéphane Hessel. Il faut vouloir une autre vie et la vivre.

"Élections, piège à cons" hurlaient les jeunes, en 1968. Devenus vieux, ces libertaires, trompés par les partis et d'abord le PCF, par certains syndicats et par leurs propres illusions, se sont rangés. Je sais des citoyens qui, pendant cette époque, n'avaient jamais encore ouvert la bouche, devenus, en quelques semaines, admirables par leur clarté et leur éloquence, qui sont retournés à jamais au silence, déçus par leur impuissance après tant d'espérances.. Sommes-nous en train de revivre ce drame en pleine mutation civilisationnelle ? Au moment où s'élargit l'horizon, il se bouche !

C'est toute une autre approche anthropologique dont nous avons besoin. L'humanité, -sept milliards d'êtres, ce qui n'exista jamais auparavant ! - ne peut continuer son parcours historique dans de pareilles malversations qui, littéralement, rendent les moins riches pauvres et les pauvres misérables ! Nous avons besoin de bien mieux que d'une révolte: d'un refus. Refus du maintien de ce qui cause la paralysie des citoyens, refus d'obéir à des lois et règlements qui n'ont plus d'abord, comme objectif, la recherche de la justice mais, le plus souvent, le maintien de la domination des puissants.

Que Berlusconi ait duré si longtemps en aura été l'une des preuves. Mais, ne l'oublions pas, Ben Ali, Moubarak, Khadafi, ont été les amis d'hier de nos actuels dirigeants. N'accablons pas le malheureux Papandréou, humilié, incapable de faire autre chose que de faire payer les dettes de son pays à des taux de... 25%. Souvenons-nous de Laurent Gbagbo, hier aussi l'un des leaders de l'Internationale socialiste, qu'il vaut mieux tenir bien enfermé pour éviter qu'il ne parle. Et que dire de Zapatero qui va quitter le pouvoir, après que l'Espagne soit passée de l'État modèle, soutenu par les marchés, à l'État exsangue battant tous les records de chômage. On peut allonger la liste de ces sortants-sortis, situés à droite ou à gauche, dont le pouvoir ne s'exerçait plus sur la réalité économique mais, à défaut, sur leur concitoyens, jetés dans une crise artificielle, fabriquée, depuis bien longtemps née, et qu'il va falloir payer !

Toutes ces mises en scène, ces voyages de stars politiques, ce sommet qui, à Cannes, nous a produit un bien mauvais cinéma, masquent mal des changements structurels, écologiques et sociaux dont ceux qui ne savent penser autrement que dans leur bulle de verre opaque ne veulent rien voir.



Les hommes n'ont jamais su vivre longtemps sans espoir, sans foi, sans pouvoir se projeter, eux et leurs enfants, vers un avenir motivant. La situation actuelle ressemble à un vilain polar tragique et, de surcroît, raté. Impossible d'imaginer que perdurent ces incertitudes, ces impitoyables contraintes mal réparties et ces banalisations du pire. La Grèce et l'Italie sont sur le point de tomber de Charybde en Scylla. Quel que soit leur premier ministre, il ne lui suffira pas d'écraser les citoyens pour en extraire tout le jus capable de rassasier les fauves qui se sont emparé de l'agora. Les contes qui relatent la soumission des peuples obligés de sacrifier des innocents pour nourrir les monstres n'ont pas cessé d'être racontés aux enfants mais toujours survenait celui ou ceux qui délivrent...

Ne comptons pas sur les héros antiques ou ceux de Perrault pour nous éviter d'être dévorés. Quand nous aurons saisi que nous ne pouvons compter que sur nous, nous serons, comme nous le prédisait La Boétie, à l'abri des tyrans, qu'ils soient des dictateurs ou des chefs d'État, ces rois nus que flattent des conseillers impies, ceux qui se sont emparés subrepticement du sceptre.


mardi 8 novembre 2011

De la mendicité à la vertu


Vieille peur de bourgeois : derrière le mendiant, il y a toujours le risque du larcin. Tout pauvre d'ailleurs a quelque chose à nous prendre, puisqu'il manque. Pendant les trente Glorieuses, le mendiant devenait une exception et pour tout dire un mauvais sujet. Il était à réduire au rôle de clochard. Pas forcément déplaisant le clochard, tout juste un original... Et puis s'il y avait des hommes qui préféraient dormir sous les ponts, c'était le prix à payer de la liberté. Folklore !

Drôle de liberté que celle du misérable qui, comme au temps de Victor Hugo, ne peut vivre de son travail et qui d'ailleurs ne veut pas travailler, du moins au sens où travail signifie achat d'une activité qu'on n'a pas même choisie mais qui est utile à celui qui débourse, au patron.

Le patron, on l'oublie trop, est celui qui guide, qui commande et qui protège. Il a le pouvoir sur autrui. Le clochard, pour des raisons qui lui sont très personnelles, ne veut plus de patron, quitte à n'avoir plus rien à soi, quitte à s'en remettre au passant, au voisin compatissant.

Mais voici que le mendiant est réapparu, et plus seulement le clochard. Il a proliféré. En fait, l'écart et la profondeur des niveaux de vie, entre riches et pauvres, se sont tant creusés que les dépourvus se sont multipliés.

Les Rroms ne sont pas tous des mendiants. Tous les mendiants ne sont pas des Rroms. Cependant, les Rroms sont l'archétype de ces "nouveaux pauvres", de ces êtres vivant, -tels Vitalis, Rémi et leurs chiens, dans le roman d'Hector Malot (1830-1907), Sans famille)-, dans les interstices de la société, au gré des vents et des aumônes, dépendant des maigres recettes obtenues au cours de spectacles montrant des animaux "savants", des tours de magie et surtout proposant quelques concerts populaires. On n'est plus au XIXe siècle et pourtant il est des ressemblances entre ces personnages du passé et les musiciens des rues ou des trains qui grapillent trois sous, l'accordéon, le violon ou la clarinette sous le bras.

Mendier, c'est pouvoir recevoir de argent non comme salaire mais comme don. Voilà qui perturbe gravement ceux pour qui tout revenu qui ne provient pas du travail salarié est non seulement suspect mais condamnable.

On a progressivement instillé, dans l'esprit de beaucoup d'entre nous, que celui qui ne travaille pas est un voleur puisqu'il vit sur le dos de ceux qui travaillent pour lui en plus que pour eux-mêmes. Un tel raisonnement s'applique, évidemment, aux "inactifs" citoyens ordinaires, pas aux rentiers ni aux dirigeants d'entreprises, qui n'ont de compte à rendre qu'à eux-mêmes.

Il est deux vices bien cachés au cœur de ce jugement sévère à l'égard de ceux qui n'ont d'autres ressources, maigres, que celles qui tombent dans leur main tendue. Le premier de ces vices se définit ainsi : il n'est de travail que le travail salarié. Le second de ces vices est plus détestable encore : le don est de l'assistanat.

Sur Terre, l'activité humaine non payée, dont dépend la survie du plus grand nombre des humains, n'est pas rétribuée. Nourrir et soigner un enfant, cultiver un jardin, entretenir un chemin, apprendre à chanter ou à jouer d'un instrument, pêcher et chasser pour faire manger sa famille..., et mille autres travaux indispensables ne correspondent pas, le plus souvent, à des emplois. Mieux, il est probable que le volume de ces activités vitales l'emporte sur le volume des activités salariées. Réduire le travail à ce qui est échangé contre de la monnaie ou un chèque serait mortel pour la société humaine.

Quant à l'assistanat, on a vite fait de le définir comme l'aide sur laquelle un homme pourrait compter pour vivre sans se prendre lui-même en charge, sans travailler... On confond, alors, la mise en dépendance d'autrui et l'accompagnement de tous ceux qui ne peuvent échapper à la dépendance.

Les faibles (enfants, malades, vieillards, handicapés) ont besoin des autres et ce n'est pas les rendre dépendants des collectivités publiques ou des organisations de charité que de leur apporter notre assistance. L'assistance n'est pas l'assistanat. C'en est même l'inverse. L'assistanat c'est la résignation à devoir agir à la place des êtres fragiles. L'assistance, c'est l'intervention ordinaire des citoyens pour faciliter la vie de ceux qui rencontrent des empêchements temporaires ou définitifs. L'assistanat aliène. L'assistance libère. Confondre l'un avec l'autre est un mépris doublé d'une ignorance.

Revenons à la mendicité. La considérer comme un délit, une faute, une imposture, relève de la mauvaise foi ou, pire, de la volonté d'exclusion des pauvres. Est-ce à dire qu'il n'y ait pas de tricheurs chez les mendiants ? Non, bien sûr, mais devait-on fermer les Restaurants du Cœur parce qu'il y a des profiteurs parmi ceux qui viennent remplir leur panier ? Les mendiants nous accusent, sans mot dire, plus qu'on ne peut les accuser. La plupart d'entre eux n'ont d'autre choix que de se livrer à cette activité humiliante s'ils ne veulent pas tomber dans la délinquance.

Au sein de de plusieurs religions, des moines, des fidèles, les musulmans notamment, regardent l'aumône comme un juste partage, modeste sans doute, mais auquel on ne peut se soustraire. Cette tradition, installée au cœur du vécu social depuis des siècles, doit-elle être dénoncée en ce temps où, en occident principalement, celui qui n'aspire pas à devenir riche est de plus en plus considéré comme un incapable ou un paresseux ? Sûrement non, mais il n'empêche que la chasse aux mendiants est lancée, en France, et tout particulièrement à l'encontre des Rroms.

Une fois de plus, les Rroms font tache sur le beau vêtement de nos sociétés libérales et démocratiques. Ils nous rappellent trop que la liberté de vivre en sécurité et dans le bien être n'appartient qu'à ceux qui disposent de revenus suffisants. « Il faut un minimum de bien être pour pratiquer la vertu » affirmait Saint Thomas d'Aquin. Les adeptes de la civilisation chrétienne, qui s'en réclament, en tout cas, pour des raisons politiques, ont oublié les fortes paroles du Docteur de l'Église. Que sait-on, d'ailleurs aujourd'hui de la vertu qui, selon Montaigne, est plus importante que les connaissances théoriques ? C'est la capacité intime de résister à toutes les tentations que ce soit celle du pouvoir, de l'argent ou de la force. C'est la force d'âme. C'est la culture habitant la pensée.

Et s'il ne fallait surtout pas, voire jamais, un maximum de bien être pour pratiquer la vertu...!

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