samedi 18 février 2012

Pouvoir

Depuis que les hommes pensent, ils savent qu'il y a pouvoir et pouvoir.
Le pouvoir-verbe et le pouvoir-nom.
Pouvoir, c'est avoir la capacité d'agir.
Le pouvoir, c'est le lieu où s'exerce la capacité d'agir.
Le lieu aussi où se concentre, voire se confisque, cette capacité d'agir.

Le pouvoir d'État enlève au citoyen son pouvoir.
Au mieux, il le limite ; au pire, il le supprime.
Les hommes qui disposent du pouvoir d'État se prennent pour des dieux.
Ils jouissent du pouvoir sur autrui qui est force.
La politique non démocratique, ou d'apparence démocratique, s'appuie sur cette force.

Pouvoir être maître de sa vie est la démocratie même.
"Avoir" le pouvoir de s'imposer aux autres y fait obstacle.
Qui confond le pouvoir et la force glisse vers la violence.
La violence est viol du pouvoir sur soi.
Le pouvoir est, alors, une agression de tous les intimes.


Tant que l'organisation des pouvoirs publics sera verticale, il y aura violence.
Depuis des décennies, on a admis que l'État disposait de la violence légitime.
Les États se sont institués en puissances rivales, dominatrices ou dominées.
La chance de la France est qu'elle cesse d'être une grande puissance.
Son malheur est qu'elle croit l'être encore !

Siècle après siècle, le pouvoir sur soi aura été une quête.
Il aura toujours été contrarié par le pouvoir des puissants sur "les sans"
Sans avoir et sans savoir, on est sans pouvoir.
Un temps viendra que je ne verrai pas
Où le pouvoir d'agir ne tombera plus du ciel.





"Est-ce ainsi que les hommes vivent"

Qui est en dette, les peuples ou leurs gouvernants ?
Pourquoi les pays riches seraient-ils devenus pauvres ?
Peut-on revenir à l'économie réelle supplantée par l'économie financière ?
Peut-on produire de l'argent ?

L'écart entre les revenus n'est-il pas devenu obscène ?
Comment en est on arrivé à accepter qu'un homme gagne plus qu'il ne pourra jamais dépenser ?
Le culte du veau d'or, stigmatisé depuis l'antiquité, ne conduit-il pas encore à la guerre ?
Chaque homme ne pourra-t-il donc jamais avoir la chance de vivre dans la dignité ?


Pourquoi faire de l'Allemagne un exemple ?
L'Allemagne n'a-t-elle pas une économie prospère mais injuste ?
L'Europe se limite-t-elle à l'Allemagne et la France ?
Faudra-t-il des révoltes pour mettre fin à la misère planifiée ?

Parler de croissance au futur : n'est-ce pas un leurre ?
Est-ce de croissance, au reste, que le monde a besoin dans un monde limité ?
Comment expliquer l'impuissance du plus grand nombre des hommes face aux riches ?
Quand cesserons-nous de croire que le brio verbal est une preuve de savoir ?

Comment peut-on estimer que la vente d'un rafale (avion-tueur) est une bonne nouvelle ?
Pourquoi ne pas essayer la non-violence, la force immense des faibles selon Gandhi ?
D'armes sophistiquées en armes surpuissantes, qui protège-t-on encore ainsi ?
Tout soldat ne devient-il pas, désormais, un assassin amnistié par avance ?

Ces questions et mille autres plus radicales encore sont-elles interdites ?
Le réalisme est-il définitivement cynique ?
Le désespoir des humains privés de raisons de vivre ne les conduira-t-il pas au suicide ?
"Est-ce ainsi que les hommes vivent ?"

« Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus »
— Louis Aragon, Le Roman inachevé, Poèsie/Gallimard, Paris, 1980, p. 72-75


Ferré et Aragon

lundi 13 février 2012

La contradiction absolue.


Israël prépare une intervention militaire contre l'Iran.
Il recherche le soutien des USA où une partie de l'opinion publique n'attend que ça.

Le motif de cette menace tient à la crainte d'Israël d'être agressée par l'Iran.
L'Iran en effet pourrait disposer de l'arme atomique.

Tout État où est maîtrisée l'énergie nucléaire peut, en effet, se doter d'un armement nucléaire.
Plusieurs pays ont prouvé qu'ils en avaient la capacité mais ont renoncé à ce moyen de défense.

Quatre États ont associé leurs capacités nucléaires civiles et militaires sans se le voir reproché.
Il s'agit des États-Unis d'Amérique, de la Russie, de la France et de la Grande-Bretagne.

Cinq États se sont, à leur tour, dotés d'armes nucléaires, sans solliciter d'approbation.
Il s'agit de : la Chine, l'Inde, Israël (avec le concours des USA), le Pakistan et la Corée du Nord.

Pourquoi ce à quoi se sont autorisés ces neuf États serait interdit à l'Iran.
La cause en est le jugement négatif porté sur sa politique, brutale et agressive à l'égard d'Israël.

La mise en péril de tout le moyen orient due à l'ouverture d'un conflit n'est pas contestable.
Les risques d'extension de ce conflit (en zone « pétrolière ») au monde occidental, non plus.


Faire la guerre pour la prévenir est un vieux discours éculé qui ne fonctionne pas.
Toute guerre préventive est un crime contre l'humanité.

La contradiction éclate quand elle concerne les questions nucléaires !
Quel État a le pouvoir et le droit de dire : ce qui est bon pour moi sera refusé aux autres ?

Le partage entre les bons et les méchants États relève du jugement politique, pas de la vérité !
Le poison de la prolifération nucléaire est répandu par ceux-là mêmes qui s'en défient !

Les États qui veulent imposer leur puissance ont recouru au nucléaire.
Refuser qu'un État affirme ainsi sa puissance, à son tour, est une discrimination insoutenable.

L'Iran démontre que l'on ne peut séparer totalement les nucléaire civil et militaire.
Les États qui ont renoncé à l'arme nucléaire peuvent abandonner le nucléaire civil.

Les États qui ont accédé au pouvoir absolu de l'atome ne peuvent que tenir à l'un et à l'autre.
Les USA en ouvrant la boîte de Pandore du nucléaire, en1943, ont mis le feu au monde.

Le feu a brûlé à Hiroshima, à Nagasaki, a couvé souvent ailleurs, et ne peut cesser de s'étendre.
Après l'Iran, il y aura le Qatar ou tout autre État qui a les moyens de montrer sa force.


Impossible de sortir de ce piège infernal sans renoncer totalement aux usages du nucléaire.
Après Fukushima, un monstrueux accident ou conflit y contraindront-ils l'humanité ?

La contradiction absolue est de vouloir le bien des hommes en menaçant leur être même.
La civilisation ne peut se développer sous la menace d'un atome non maîtrisable.

La responsabilité des USA reste immense quand ils s'enferment dans des logiques de guerre.
Les « armes de destruction massive » sont dans leurs arsenaux, ni en Irak, ni en Iran.

Les fanatismes nationalistes et les illusions de la puissance peuvent conduire au pire.
La fin des temps pour les consciences humaines peut survenir en ce siècle.

Les logiques de défense fondées sur un recours à des forces illimitées sont impuissantes.
On ne protège pas un peuple en lui faisant menacer tous les autres.

Il est angoissant de constater qu'aucune sagesse, aucune philosophie ne conduit ailleurs.
Est-il donc impossible aux humains de placer la paix ailleurs que dans leurs rêves ?

En échappant même au bon sens, n'y a-t-il pas encore quelque prudence due à la peur ?
Car il n'y aura pas de nouvel équilibre de la terreur : les temps nucléaires nous seront fatals.

La contradiction est absolue quand c'est par la mort qu'on recherche la vie.
Essayer de vivre sur une planète libérée du nucléaire est notre espoir principal.

Il y faudra, sans doute, une autre approche de la grandeur, de la puissance, donc du pouvoir.
Nous avons désormais le choix entre l'impossible et notre disparition en tant qu'espèce.

Le choix est vite fait : mais il est à engager longtemps avant qu'il ne produise ses effets.
Comme pour corriger le dérèglement climatique, en serons-nous capables ? Disons : oui !

L'autre choix est celui-ci : l'être humain subit-il son sort, constamment, ou l'affronte-t-il ?
S'il n'y avait toujours qu'à se soumettre à ce qui nous dépasse, mieux vaudrait ne pas avoir vécu.



samedi 11 février 2012

2012 : deux France affrontées


"La civilisation occidentale dont je parle, qui s'est du reste mondialisée, est une civilisation qui se définit par l'ensemble des développements de la science, de la technique, de l'économie.  Et c'est cette civilisation, qui aujourd'hui apporte beaucoup plus d'effets négatifs que d'effets positifs, qui nécessite une réforme, donc une politique de civilisation. /.../ 
Une politique de civilisation ne doit pas être hypnotisée par la croissance.  Il faut abandonner la recherche du toujours plus pour une recherche du toujours mieux. La croissance est un terme purement quantitatif. Il faut savoir quels sont les secteurs où il doit y avoir croissance, et ceux, au contraire, où il doit y avoir décroissance. "

Edgar Morin (http://www.lemonde.fr/politique/chat/2008/01/02/edgar-morin-la-politique-de-civilisation-ne-doit-pas-etre-hypnotisee-par-la-croissance_995373_823448.html)



Edgar morin inventeur du concept de "politique de civilisation".


Le débat autour des civilisations est révélateur d'un différend profond entre les Français.

S'opposent actuellement deux "idées de la France" (De Gaulle s'en faisait une, mais il en est d'autres...! ). Oui, deux France s'affrontent. Non pas, en cette période électorale, la gauche contre la droite, mais la France des "civilisateurs" contre la France des civilisés.

La France des civilisateurs est celle qui prétend que, puisque toutes les civilisations ne se valent pas, les civilisations supérieures ont vocation à dominer les autres. La France des civilisés est celle qui se veut le pays des droits de l'homme mais qui a conscience que ces droits peuvent être bafoués en notre pays même, autant que dans les autres.

La lettre ouverte de Serge Letchimy, député et président du Conseil Régional de la Martinique, à Claude Guéant, a ceci de fondamental qu'elle rappelle qu'il n'y a pas de supériorité de la civilisation occidentale sur les autres. Elle souligne qu'au sein de cette civilisation, dite judeo-chrétienne, ont pu surgir, au cours de l'histoire antérieure ou récente, des négations mêmes de l'apport des Lumières, qu'il s'agisse de l'esclavage, du colonialisme, ou des totalitarismes du XXe siècle : hitlérien et stalinien.

Les cris d'orfraie poussés par les propagandistes médiatiques aux ordres du président sortant, ou par les affidés de l'actuelle majorité politique, sur le point de virer au neo-fascisme, disent assez bien que tous les partisans de l'Algérie française, de l'empire colonial français, de l'idéologie pétainiste ne sont pas morts et continuent, avec énergie, à s'en prendre aux "cosmopolites" (comprendre ceux qui n'ont pas le nationalisme comme repère) ! De Gaulle lui-même fut considéré comme un traitre par ceux qui ont vu et continuent de voir en lui le fourrier principal de l'indépendance des pays africains francophones.

Aujourd'hui, entre ceux qui se réclament encore de De Gaulle et ceux qui voulaient sa mort, un pont a été jeté. La Ve république est nationaliste, monocratique, et surtout imbue d'une civilisation qui n'en est pas une car, en prétendant donner des leçons au monde entier, elle s'enlève toute crédibilité !

Nous vivons la fin d'une époque où l'Europe et son enfant américain, sous couvert d'une idéologie faussement chrétienne (puisque attachée à l'or, au glaive et au sceptre !), s'appropriaient la vérité universelle. Les Blancs quittent, à présent, l'avant-scène de l'histoire. Des Noirs qui ont lié leur sort à celui de la France, aux Antilles, le leur rappellent et cela scandalise. Tant mieux que cela vienne d'eux. La France, et les pays anglo-saxons n'ont pas le monopole de la culture et, désormais, chaque jour qui passe le démontre.

  L'avancée de la civilisation

On peut considérer cette remise à sa place de l'occident comme un recul, voire un drame. Ne peut-on y voir, plutôt, une chance, car l'apport de la France sera d'autant plus visible qu'il ne sera pas caché dans la gangue de la société des riches, insensibles au monde réel !

Il n'y a rien à recevoir de la part des nostalgiques, des réactionnaires au sens premier du mot, des néo-conservateurs qui ne vivent pas qu'aux USA et n'acceptent que les changements assurant le maintien de leurs privilèges. Cette France là, qui s'est imposée pendant des décennies, y compris pendant le passage de François Mitterrand à la tête de l'État, arrive à sa fin. Elle n'a pas été contestée de l'intérieur suffisamment mais elle s'affaisse sous le poids des pressions exercées par les peuples du monde entier.

Soixante millions d'habitants ne vont pas longtemps encore déterminer, fut-ce avec l'aide de l'Allemagne, la politique de l'Europe tout entière ! La civilisation, en Europe, sera plurielle ou ne sera pas. La France qui est déjà composite, et qui doit à sa composition bigarrée d'être riche de potentialités hors du commun, ne peut rester centralisatrice, autoritaire, maîtresse des destinées de ses voisins. Elle n'est plus une grande puissance et son influence, pour rester grande, devra échapper à l'illusion de la domination intellectuelle, technique, militaire, industrielle, agricole... Elle a autre chose à dire au monde que des généralités sur un art de vivre en collectivité par ailleurs contredit par un manque de solidarité qui détruit les apports des survivants de la deuxième guerre mondiale lesquels voulaient une France plus fraternelle après l'épouvante du IIIe Reich.

Il faut changer de France, redonner la parole à ceux qui, dans la tradition qui fit rêver d'elle, - la France des modestes, des humbles et des créateurs - , donnait à espérer qu'un avenir toujours meilleur était promis aux générations : la civilisation du partage.



jeudi 2 février 2012

L'impossible absence de l'écologie politique




L'écologie politique est quasi absente de la campagne électorale, jusqu'à présent. Ce ne sont pas les deux candidates s'y référant qui sont en mesure de faire bouger les lignes ! Corinne Lepage, pourtant compétente dans sa critique de l'énergie nucléaire, porte sur elle l'image d'une ancienne ministre insuffisamment opposée au capitalisme pour pouvoir contester une économie libérale productiviste, incompatible avec les exigences écologiques. Éva Joly, pourtant compétente et courageuse, souffre d'un accord préalable passé entre EELV et le PS qui bloque sa liberté de parole.

Les candidats dits « de gauche » sont à peu près mutiques sur le sujet, à commencer par François Hollande, incapable de se dégager d'une idéologie collectiviste et croissantiste, « progressiste », mais, plus encore, refusant de reconnaître que la crise économique est aussi une crise écologique. Quant à Jean-Luc Mélenchon, ses préférences personnelles pour une sortie du nucléaire sont vidées de toutes propositions du fait de son alliance privilégiée avec le parti communiste plus que frileux sur le sujet ! Le NPA ne pèse plus rien et moins encore Lutte ouvrière...

Cette situation ne peut durer. La sensibilité de l'opinion, et notamment des plus jeunes citoyens, vis à vis du réchauffement climatique, de l'importance de l'isolation des logements, de la transition énergétique en faveur des énergies renouvelables, de la nourriture bio, du démantèlement des centrales nucléaires, de la toxicité des produits de consommation courante, de la pollution publicitaire, ne pourront très longtemps encore rester passés sous silence.
L'écologie politique facultative ! Elle n'est pas un simple aspect de la problématique politique ; elle en est désormais le cœur. Elle n'est pas un complément ou un supplément politiques ; elle est, à notre époque, intimement mêlée à tous les dossiers. Elle est non seulement indissociable de notre présent et de notre avenir, elle domine la pensée parce qu'elle aborde toutes les questions qui sont posées à l'humanité tout entière. Que cette évidence soit masquée montre assez la peur et le rejet qu'inspire une approche économico-politique qui rompt avec les habitudes pratiques et idéologiques de la société occidentale.
On pourrait attendre que les mutations de société, engagées, inévitables, aient produit leurs effets mais ce serait d'une grave imprudence. Les décisions qui ne sont pas prises à présent auront des conséquences d'autant plus désastreuses qu'elles ne pourront être corrigées. L'enfermement idéologique dans lequel s'inscrivent les leaders d'opinion et les décideurs économiques fait peser sur le monde entier des menaces chaque jour plus importantes. La situation internationale est chargée de violences inouïes et les pires ne sont pas celles qui sont liées aux conflits armés. Ce à quoi nous préparent les pollutions par les métaux lourds, les nanotechnologies et autres technologies que les apprentis-sorciers diffusent et vendent avec grand profit, c'est... la terre inhabitable.

Point de catastrophisme dans ces affirmations. Rien de ces menaces n'est ignoré des chercheurs libres, ceux qui ne sont pas payés pour dire le contraire de ce qu'ils savent. La question n'est pas de savoir si l'écologie fait partie de la compréhension du monde dans sa complexité ! La question est de savoir ce qu'il va nous coûter de l'avoir ignorée. La question subséquente étant : pourquoi nous laissons nous faire comme moutons chez le boucher ou pourquoi le peuple est-il impuissant devant ceux qui le dominent !

La campagne électorale n'est qu'un moment de la vie politique et pas même le plus important. Néanmoins, c'est un moment sensible. C'est la période de conscientisation ( mais aussi d'enfumage) la plus intense dans une démocratie active. L'impossible absence de l'écologie politique ouvre un immense espace de contradictions. Ceux qui s'en contentent ou s'en satisfont vont déchanter. L'écologie s'invitera dans les débats avec ou sans l'autorisation des partis et des candidats, (y compris les candidats "écologistes" empêtrés dans des pratiques politiciennes qui  les rendent inaudibles). Si Fukushima, par exemple, ne laissait aucune trace, ou trop peu, sur la politique française, l'élection de 2012 constituerait une impasse politique totale. Mais ce n'est là que l'événement majeur de 2011, voici un an bientôt, qui a changé la perception des Terriens. Il y a bien d'autres préoccupations écologiques pesant sur l'avenir des États dont le nôtre. 


L'oublier ou faire semblant serait la pire des irresponsabilités, la désespérance la plus noire et priverait les citoyens de leur droit à rester maîtres de leur vie. Ce serait le "début de la fin" de toute construction démocratique. Puissions-nous nous épargner cette erreur historique.

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