Faire
très mal à la France : c'est la seule motivation connue, après
les attentats du 13 novembre 2015 au soir, à Paris et à
Saint-Denis. Jamais, dans notre pays, des kamikazes n'avaient encore
choisi, après avoir massacré, de se donner à eux-mêmes la mort !
Près de 130 tués, peut-être 350 blessés dont certains gravement,
et la plupart des assassins déchiquetés après avoir fait
fonctionner la ceinture d'explosifs dont ils étaient porteurs. Un
bilan de guerre...
Il va, certes, être indispensable de prendre le temps d'une réflexion profonde, mais, en vérité, nous savions qu'il allait « se passer quelque chose ». Où et quand : impossible de le savoir, pour presque tous les citoyens français, peu informés. Mais rien n'avait changé, depuis les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper-Cacher à Paris, le 9 janvier 2015, ou la tentative d'attentat dans le Thalys, le 21 août 2015. Les mêmes causes pouvaient donc produire des effets comparables.
La haine des fanatiques et des intégristes soit-disant musulmans devait s'abattre de nouveau sur Paris, car les interventions militaires décidées par des gouvernements français, en Centrafrique, au Mali, en Irak, en Lybie et, à présent, en Syrie, ne pouvaient qu'exciter les « fous d'Allah » et faire de la France entière un ennemi absolu. Il ne suffit donc pas d'éliminer Daesch, il s'agit d'éradiquer les causes de l'apparition de ce monstre dont les acteurs ne font aucun cas de la vie humaine et se plaisent à vivre dans l'atrocité. Or, cette recherche est difficile et délicate car les pays occidentaux, depuis de nombreuses décennies, n'ont pas eu, et n'ont toujours pas, les mains blanches !
La
Syrie, le Liban, l'Égypte se sont constitués en des temps coloniaux
ou la Grande-Bretagne et la France, notamment, dominaient le Moyen
Orient1.
Les erreurs des États-Unis, avant et après 2001, notamment en
Afghanistan puis en Irak, se paient cher, aujourd'hui. Cet
arrière-fond historique pèse sur les politiques actuelles. Les
relations internationales les plus violentes ont pour causes des
fautes parfois anciennes et, toujours, une volonté de domination et
d'exploitation des richesses locales. Admettre que ce que nous
subissons a ses sources dans un passé trop vite oublié ne va pas de
soi, mais c'est pourtant évident pour qui connaît un peu l'histoire
des rapports entre l'occident et le moyen ou Proche orient2.
Nous
sommes haïs parce que les nantis sont accusés de dominer les
démunis, par la force des États du nord de la planète. Ceux qui
n'ont pas de quoi vivre dignement sont manipulés, parfois
décervelés, par ceux qui utilisent des motivations religieuses pour
poursuivre des objectifs qui n'ont rien d'obscur : remplacer la
domination occidentale par la leur. Et comme le rapport des forces
« classiques » leur est défavorable, ils mènent une
guerre, une forme du djihad, qui n'est plus l'« effort »,
la « lutte » ou la « résistance »
spirituels, mais bel et bien, la transformation du plus grand nombre
possible de musulmans en soldats engagés contre tous les impies et,
en premier lieu, les musulmans qui ne veulent pas entrer pas dans
cette lutte mortelle.
Nous
ne saurions nous contenter de répondre au terrorisme par des moyens
militaires conventionnels. Gagner des batailles, dans une guerre
impossible à gagner in fine, ne fournit que des satisfactions
passagères. Détruire l'armement du pseudo « État islamique »
n'empêchera pas que se reconstituent des forces armées peut-être
plus modestes mais multipliées et pouvant agir n'importe où. Tant
que nous serons solidaires, alliés ou complices d'États violents
comme l'Arabie saoudite, le Qatar, l'Égypte ou Israël, par réalisme
économique, nous n'aurons pas l'autorité suffisante pour être
entendus par des adversaires à qui nous fournissons les arguments
pour nous faire haïr !
Car
des questions redoutables, plus que jamais, appellent des réponses. Qui
achète le pétrole que vend Daesch ? Qui achète, à prix d'or,
les œuvres d'art volées et pas toutes détruites en Irak, en Syrie,
ou ailleurs ? Qui vend des armes lourdes qu'utilisent les
combattants qui se réclament de « l'État islamique »,
car toutes ne proviennent pas des armées irakiennes défaites ?
Ne nourrissons-nous pas nous-mêmes le terrorisme politique (qui ne
cesse de s'étendre), en offrant des raisons d'agir aux désespérés
dressés contre un occident qui les abandonne et s'est enfermé dans
la religion de l'avoir capitaliste ?
Faire
la guerre à la guerre, riposter : on n'entend, sur les ondes,
que ce message ! Quelle cécité de la part de ceux qui nous
dirigent et devraient être notre conscience ! Pourquoi ne
comprenons-nous pas que les réfugiés qui fuient vers l'Europe sont
plus nos alliés qu'une menace ? Il n'est pas de mort douce !
Il est mort, il meurt et mourra plus d'hommes, de femmes et d'enfants
en Méditerranée ou sur les routes des Balkans que dans Paris.
L'abandon de ceux qui meurent en fuyant la mort est un terrorisme
aussi. Être solidaires des victimes, de toutes les victimes, conduit
à pourchasser les causes des drames et de la violence instituée et
justifiée par de faux religieux3.
La
raison d'État peut nous nuire. Faire la guerre, en ce siècle, ne
garantit pas la victoire du plus fort technologiquement. Le
déploiement et la dispersion des forces françaises en Afrique est
de peu d'efficacité. Le feu des armes est un langage qui ne permet
jamais de modifier la pensée d'autrui. Elle conduit, au mieux, à
une soumission temporaire et nourrit une hostilité cachée mais
durable. On ne peut l'emporter qu'en changeant les motivations de
l'ennemi, mais aussi en se changeant soi-même, jamais en dominant
par la seule violence.
Les haines résistent au temps et la paix ne résulte pas de la défaite d'autrui mais de la disparition de ces haines et donc de leurs causes. La politique qui néglige ces causes et en combat les seuls effets apparaît comme immédiatement vaine ou comme impossible, dans le temps, à mettre en œuvre4. Le Moyen-Orient n'a cessé de le démontrer mais nous n'avons pas voulu en tenir compte. Ainsi surgissent des haines inexpiables...
Les haines résistent au temps et la paix ne résulte pas de la défaite d'autrui mais de la disparition de ces haines et donc de leurs causes. La politique qui néglige ces causes et en combat les seuls effets apparaît comme immédiatement vaine ou comme impossible, dans le temps, à mettre en œuvre4. Le Moyen-Orient n'a cessé de le démontrer mais nous n'avons pas voulu en tenir compte. Ainsi surgissent des haines inexpiables...
Le
15 novembre 2015
4Comme le démontre le conflit israélien permanent depuis 1948 !