dimanche 15 janvier 2017

Lucidité et volonté d'agir

Ce message de rage et de confiance lancé par le député écologiste, sur le site de Reporterre est d'un réalisme et d'une utopie pratique qui me semblent salutaires. Je le relaie, le salue et le fais connaître parce qu'il est, in fine, motivant.  J-P Dacheux.

L’année 2017 s’ouvre sur onze périls. Mais la transition écologique s’opère en profondeur, portée par des milliers d’expériences qui sont autant de reprises en main de notre destin. Et autant de raisons de ne pas désespérer. 
http://reporterre.net/11-raisons-de-desesperer-de-2017-mais-l-esperance-trace-son-chemin 
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Onze raisons de désespérer en 2017, 
mais l'espérance trace son chemin

Par Noël Mamère 

Sans vouloir tomber dans le catastrophisme, 2017 risque d’être pire encore que 2016, car nous avons onze raisons de désespérer de la politique nationale et mondiale. Nous les avons listées :

1 - Les élections françaises, présidentielle et législatives, seront marquées par la montée conjointe du thatchérisme version Fillon, du social-libéralisme version Macron et du lepénisme version Marine. Quel que soit le vainqueur et malgré la montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon, le résultat impliquera de nouveaux sacrifices sociaux pour les salariés, les retraités et les chômeurs et un recul pour l’écologie ; 
2 - Le premier résultat de cette séquence électorale calamiteuse sera certainement l’affrontement autour de Notre-Dame-des-Landes. La Zad est devenue un symbole de la résistance populaire aux grands projets inutiles et au capitalisme de la démesure. La faire disparaitre deviendra un enjeu pour le nouveau pouvoir issu des urnes ; 3 -
3 - La déréglementation qui suivra les élections touchera de plein fouet le droit de l’environnement et les dernières barrières qui s’opposent à l’exploitation du gaz de schiste, à l’invasion des pesticides ou à la qualité de l’air. Au nom de la compétitivité et du principe d’innovation, les écolosceptiques engageront une lutte symbolique contre le principe de précaution ;
4 - Le nucléaire, revendiqué par tous les candidats, hormis Yannick Jadot, Jean- Luc Mélenchon et Benoit Hamon, sera renforcé. Les centrales qui en arrivent à leur quarantième année d’existence seront prorogées, rafistolées, placées en soins palliatifs et prêtes à l’emploi quasi éternel que leur destine le lobby nucléaire
5 - L’accession de Trump, le climatosceptique, à la présidence des États-Unis, rendra de fait caduc l’accord de Paris sur le climat qui, de toute façon, ne remettait pas en cause les raisons structurelles du réchauffement climatique ;
6 - Pour l’écologie, nous risquons de connaître à la fois la multiplication des projets de géo-ingénierie comme solutions de transition énergétique et, en même temps, la logique de l’extractivisme poussée à ses extrêmes limites ;
7 - Sur le plan géopolitique, l’année nouvelle verra la continuation de la guerre au Moyen-Orient. Rien ne laisse présager l’arrêt de ces guerres, en Irak et en Syrie, au Yémen et en Égypte ou les tensions entre la Palestine occupée et Israël, qui étendra encore sa colonisation à marche forcée ; 
8 -  L’alliance des puissances autoritaires, incarnées par Trump, Poutine, Xi Jinping, Erdogan, Duterte, Orban... et peut-être demain une personnalité française ouvre la voie à une nouvelle forme de rapport entre démocratie et économie de marché. À l’époque du capitalisme de la destruction, elle n’a plus besoin d’un fonctionnement démocratique, même formel. L’autoritarisme, au contraire, permet d’assurer les fonctions régaliennes de l’État tout en se débarrassant des autres, dont le social et l’écologie, soit en les minimisant soit en les sous-traitant au privé ; 
9 - La mondialisation libérale renforce aussi l’identitarisme sous toutes ses formes : l’islamophobie, la montée des intégrismes, les nationalismes ethniques, vont continuer de disloquer les États-nations sans pour autant permettre que se constituent des ensembles régionaux conséquents. Une guerre civile mondiale larvée, marquée par le terrorisme et le contre-terrorisme d’État ne respectant plus les droits humains et les conventions internationales, continuera à dévaster tous les continents ;
10 - La crise migratoire, qui ravage d’abord le Sud, est amplifiée par le réchauffement climatique et la perspective de 250millions de réfugiés écologiques ; des millions de paysans pauvres et d’urbains marginalisés sont condamnés à ce sinistre destin tandis que la Méditerranée sera plus que jamais un cimetière pour des milliers de morts sans sépulture.
11-  Enfin, l’Europe sous la poussée du Brexit, de la crise grecque, de « l’Orbanisation » [de Viktor Orban, le Premier ministre hongrois] des nations liées à l’ex-URSS, de la montée des nationaux-populistes, de l’intransigeance de l’Allemagne en matière économique, des contradictions entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, sera au bord de la dislocation.

En observant ce tableau, certains diront qu’il n’y a plus qu’à se flinguer ou à se replier sur son pré carré intime, sur sa famille, ses proches, se retirer d’un monde croulant sous le poids des périls. C’est pour cela qu’Antonio Gramsci, en pleine guerre mondiale, écrivait le 1er janvier 1916, un article intitulé « Je hais le Nouvel An »

"Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année. C’est pourquoi je hais ces Nouvel An à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale, avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. (...) Ainsi la date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêt brusque, comme lorsqu’au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante. Voilà pourquoi je déteste le Nouvel An. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle."

Gramsci, comme souvent, voyait au-delà des évènements. Car l’antidote, aujourd’hui comme hier, reste le principe espérance. Des milliers d’expériences, un peu partout dans le monde, nous montrent que la transition écologique est en train de s’accomplir. Cette transition ne se fera pas sous forme d’évènements politiques nés de nulle part, mais elle viendra de la base qui investira le champ politique contraint à la transformation sociale et écologique. Les vrais changements ne se voient pas tout de suite, dans le court terme ; ils font d’abord bouger les mentalités, puis s’attaquent aux certitudes les plus ancrées. Déjà, nous observons qu’à gauche le progrès n’est plus l’horizon indépassable d’un avenir radieux. L’écologie politique, comme la vieille taupe de jadis, trace son chemin, souterrainement, mais sûrement. 
 
Comme Hervé Kempf l’explique dans son dernier livre, Tout est prêt pour que tout empire (Le Seuil), il s’agit d’abord de comprendre l’enjeu et d’avancer dans la quête du sens. Un autre monde se construit au quotidien, qui n’est pas celui de cette année prévisible ; un monde où ceux d’en bas reprennent en main leur destin. Nous rêves et nos luttes seront plus forts que leurs profits et l’emporteront sur le désir de mort qui menace nos sociétés.
11 janvier 2017 

samedi 14 janvier 2017

La paix en 2017.

Nombre d'utopies n'en sont plus car elles ont été réalisées en tout ou partie. Il en est ainsi de l'abolition de l'esclavage, (en droit sinon en fait). Il en est de même pour l'abolition de la peine de mort, (en bien des États, notamment en Europe, mais, mais pas partout). S'agissant de la guerre et de la paix, envisager de rompre avec le recours à la violence d'État semble constituer l'utopie de utopies ! La volonté de puissance et le marché florissant des armes bloquent pareille évolution historique.
 
La liste de la vingtaine d'États qui ne possèdent pas d'armée1 révèle qu'hormi le Costa Rica et le Panama qui n'ont que des forces de police, les États sans armée sont, en général, de petite taille et s'en remettent, pour assurer leur défense, par traité, à des grandes puissances, telles que les USA ou la Chine. 

Est-il alors inéluctable que la paix se limite à la non-guerre temporaire ? La paix n'a jamais été l'absence de guerre et les périodes sans conflit peuvent servir à préparer le suivant comme on l'a vu, en Europe, entre 1918 et 1939. Michel Serres, dans son dernier livre2, rappelle que, par rapport aux siècles passés, les morts violentes, liées à des affrontements internationaux, diminuent progressivement. Certes, mais faire la paix ne se limite pas à constater la diminution du nombre de ces morts violentes que les hommes s'infligent les uns aux autres ! Chaque mort donnée, (à Alep ou ailleurs), ou subie, (au creux de la Méditerranée), est vécue, par chaque victime concernée, comme une fin du monde. 

L'Homme est-il violent par nature ? interroge Diane Mellot3, dans un article paru sur le site Notre-planete.info. Elle conclut son analyse serrée, de quatre pages, par une interrogation voisine qui donne aussi à penser : « Et si la violence n'était ni naturelle ni culturelle ? Certes, l'Homme est un animal capable de violence et de cruauté envers ses semblables et les autres espèces. Mais la violence n'est sans doute pas tant l'apanage de l'animalité que celui de l'inhumanité ». 

Nous sommes entrés, écrit Jean-Claude Carrière4 dans de nouveaux temps, ceux de « la guerre grise, presque anonyme et même innommable ». Hervé Kempf, quant à lui, qualifie de « guerre civile mondiale »5 les multiples conflits qui, même quand ils y participent, n'opposent plus directement les États. Deux écrivains belges, Thomas d'Ansembourg et David Van Reybrouck considèrent que « la paix, ça s'apprend »6 et ne dépend pas des seuls gouvernants. C'est, disent-ils, une science à laquelle les éducateurs (parents, enseignants, écrivains...), ne consacrent pas assez de temps et d'énergie. En fait, quelle que soit l'approche des chercheurs qui examinent les conditions de la paix, il y a, pour eux, une donnée nouvelle : les guerres se généralisent, se diversifient et, tout en restant des plus cruelles, sont moins meurtrières qu'au cours des siècles passés. La guerre a cessé d'être inéluctable mais ne ressemble-t-elle pas « un fait social total7 » que n'explique pas, à lui seul, le tempérament violent des humains. L'agressivité n'est pas plus dans nos gênes que dans nos « âmes », nos esprits, nos personnalités qui, comme d'aucuns l'affirment encore, seraient dominés par le « péché originel » ! 

De partout s'élèvent, à l'orée de l'année 2017, de pressants appels à la paix. Le 25 décembre 2016, le Pape François, dans son message de Noël, Urbi et orbi, lançait :« Paix aux peuples qui souffrent à cause des ambitions économiques d’un petit nombre et de l’âpre avidité du dieu argent qui conduit à l’esclavage ». 

Dans son message, daté du 8 décembre 20168, pour la Journée mondiale de la paix du premier janvier suivant, François proposait même de « faire de la non-violence active notre style de vie ». Qu’elle devienne, disait-il, «le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes». Car, continuait-il, tout en adressant « un appel en faveur du désarmement, ainsi que de la prohibition et de l’abolition des armes nucléaires », « les politiques de non-violence doivent commencer entre les murs de la maison pour se diffuser ensuite à l’entière famille humaine »


« Faisons de 2017 une année pour la paix » semble lui répondre le nouveau et neuvième Secrétaire général de l'ONU, António Guterres9. Dès son entrée en fonction, le dimanche 1er janvier, il a appelé le monde à « faire de la paix notre priorité absolue ». Il aura lui-même de quoi faire : partageant ce souci de la paix, dans un monde où les violences se multiplient et menacent de s'étendre encore, le « First Commitee » de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York, avait voté, le 27 octobre 2016, (avec une majorité de 76 % : 123 votes "pour" et 38 "contre"), la Résolution 141 qui implique l’ouverture de négociations pour un Traité d’Interdiction des armes nucléaires en 2017. Ce vote a ensuite été confirmé par le vote définitif du 23 décembre 2016. Un programme d'action diplomatique est donc sur les rails : deux conférences de négociation se dérouleront, du 27 au 31 mars et du 15 juin au 7 juillet 2017, à New York. Elles seront ouvertes à tous les États, ainsi qu’à la société civile et aux organisations internationales. 

Sans le soutien massif d'un nombre croissant de Terriens, et si grande soit la majorité des États voulant un tel Traité d’Interdiction des armes nucléaires, des obstacles gigantesques seront dressés par les neuf États dotées d'armes nucléaires, dont les USA et la Russie, mais aussi la France. Vladimir Poutine et Donald Trump ne viennent-ils pas d'annoncer, tout récemment, leur volonté de renforcer les arsenaux nucléaires de leurs pays.

C'est dans ce contexte international que se joue l'avenir de la planète car, n'en doutons pas, les armes de destructions massives que sont les bombes atomiques (dont nous ne pourrons avoir, indéfiniment, la maîtrise totale) menacent l'espèce humaine autant que le réchauffement climatique. Cela sera-t-il même évoqué et débattu pendant la prochaine campagne électorale française ? Si nous ne l'exigeons pas, il n'en sera pas question. La Bombe est, en effet, le signe de la puissance politique économique, diplomatique et militaire conservée par la France bien qu'elle soit devenue un État modeste. 

La paix, en 2017, c'est notre affaire et les vœux, exprimés par des Grands de ce monde ne peuvent suffire à nous la garantir. Dépassons notre sentiment d'impuissance. Exprimons-nous. À nous d'agir. 

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1  https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_qui_ne_poss%C3%A8dent_pas_d'arm%C3%A9e 

2  Michel Serres, Darwin, Bonaparte et le Samaritain - Une philosophie de l'histoire, édition Le Pommier, septembre 2016 

3  Voir : http://www.notre-planete.info/actualites/4564-Homme-violence-nature 

4  Jean-Claude Carrière, La paix, aux éditions Odile Jacob, octobre 2016. 

5  Hervé Kempf, Tout est prêt pour que tout empire, aux éditions du Seuil, janvier 2017, pp. 69-72.

6  Thomas d'Ansembourg et David Van Reybrouck, La paix ça s'apprend, aux éditions Actes sud, octobre 2016.

7 L'expression fut créée par le sociologue Marcel Mauss dans son Essai sur le don (1924). Elle signifie qu'une société humaine

tout entière est affectée, influencée par certains événements survenant en son sein desquels nul ne se peut soustraire.

8 https://fr.zenit.org/articles/50-journee-mondiale-de-la-paix-la-non-violence-style-dune-politique-pour-la-paix/

9 http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=38731#.WHn0AJKBuUc 

http://www.itele.fr/monde/video/onu-pourquoi-antonio-guterres-veut-tout-changer-172330

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