lundi 15 septembre 2008

Qu'est-ce qu'un pape ?

Pierre, lui-même clé de voûte de l'Église, aurait reçu du Christ les clefs du Royaume.

Le pape, dit le dictionnaire Le Robert, est un nom exclusivement
masculin (papesse n'est qu'une légende) qui vient du latin papa et dont la trace remonterait à l'an 1050. Auparavant, bien sûr, il y eut des papes, mais on ne les nommait peut-être pas ainsi.

Curieux et contradictoire vocable ! Le pape (qui s'écrit sans majuscule)
est, dit encore le dictionnaire Le Robert, le chef dont l'autorité est indiscutée, le Chef suprême de l'Église catholique romaine (ou Souverain pontife, le pontifex maximus, du latin pontifex). Étymologiquement, chez les Romains le pontife était celui « qui fait le pont entre les dieux et les hommes ». Il est cependant d'autres papes en chrétienté : chez les Coptes et les Orthodoxes, en particulier.

Papa, le père, le mot le plus proche, du latin pappus (« aïeul ») est
le terme affectueux par lequel les enfants, même devenus adultes, désignent leur père. Autorité indiscutable et tendresse durable se côtoient ainsi, grâce au voisinage des mots, mais la réalité est plus sévère. L'aïeul est un grand-père et, en effet, le pape est rarement jeune. C'est l'ancêtre, celui qui vient avant : aux deux sens de l'expression, il précède dans le temps et dans la hiérarchie des personnalités. À 80 ans, Benoît XVI, 264e successeur de Simon-Pierre, incarne bien ce type de hiérarque, puissant et apparemment débonnaire.

Le pape est également le chef de l'état minuscule du Vatican. Son autorité
s'étend sur toute l'Église universelle. Autre et intéressante contradiction : le pape, qui est sans pouvoir ("combien a-t-il de divisions ?" demandait Staline !) dispose d'un pouvoir spirituel sans limites terrestres, incarné dans un territoire des plus limités. Son influence politique n'est pas négligeable (et Jean-Paul II le fit bien voir aux successeurs de Staline !).

Derrière cette description que tout le monde connaît, peut connaître ou
devrait connaître, se trouvent masquées de vraies questions mais sont écartées les réponses qui les accompagnent :

1 - Pourquoi le pape serait-il nécessairement un homme de sexe
masculin ? Parce que la tradition le veut ainsi? Parce que Pierre, supposé chef des apôtres était un homme ? Parce que l'autorité est un attribut masculin ? Toutes ces raisons deviennent fragiles au XXIe siècle, mais là n'est pas l'interrogation la plus redoutable.

2 - Pourquoi le pape est-il un chef, la tête de l 'Église ? L'évêque de
Rome est évêque parmi les évêques. Il est théologiquement discutable qu'il y ait entre eux une hiérarchie. Les patriarches orientaux le contestent du reste ? Le pape est un leader spirituel occidental, ce qui n'est guère compatible avec l'universalité affichée de l'Église catholique. Le prochain pape, qui pourrait bien n'être pas européen, sera confronté à cette contradiction.

3 - Pourquoi le pape-père, mieux appelé "le serviteur des serviteurs",
est-il désigné, comme le Dalaï Lama, par la locution traditionnelle suivante, aussi convenue qu'hypocrite : "Sa Sainteté" ! Aucun être humain n'est saint de son vivant sauf quand le peuple découvre quelqu'un, en général humble et pauvre, dont la vie exemplaire suscite la plus vive admiration. Le pape n'est donc pas un saint et les papes sanctifiés par l'Église ne sont pas nombreux. "Sa Sainteté" est un titre de respect (en abrégé S.S, ajoute encore Le Robert) qui est devenu totalement obsolète. Au passage, remarquons qu'Éminence (pour les Cardinaux) et Monseigneur (pour les simples évêques), toujours en usage, ne sont pas moins surannés. J'irai jusqu'à affirmer que nommer un prêtre : père est non seulement choquant mais probablement incompatible avec l'Évangile (Dieu seul est père y découvre-t-on).

4 - Le pape est chef d'État. La symbolique du pouvoir terrestre sur lequel s'appuie le pouvoir spirituel n'est pas sans poser de question. Que l'Église possède des terres où est installée son administration. Passe. Qu'elle soit une puissance, même réduite, avec soldats et étendard, n'a pas de signification religieuse. L'histoire dit assez que des papes, par le passé, se sont conduits comme des princes, voire des soudards. La contradiction, en fois de plus, avec le dénuement du Christ, et surtout son refus de se considérer comme roi, le "roi des Juifs", heurte ceux qui cherchent le sens profond de l'Évangile reposant sur la pauvreté et le rejet de la possession.

5 - Dans cette même logique de pouvoir, le pape reçoit les honneurs
militaires et devient le pair des chefs d'État. N'insistons pas : "celui qui prend l'épée périra par l'épée" rappelait Jésus. Le christianisme est fondé sur la non-violence et le pape ne peut que le rappeler sauf à échapper à ce qu'il dit être sa mission.

Il est donc deux papes en un seul : celui qui circule dans la cour des Grands et celui qui est témoin de l'égalité des hommes. Or, quel que soit le talent et l'agilité intellectuelle d'un "expert en humanité", comme disait Paul VI devant l'ONU, il est impossible d'incarner à la fois les deux types de papauté. Un pape pauvre, sans pouvoir et sans arme : voilà Pierre, inséparable de Paul, l'un des premiers penseurs de l'universel. Ce pape privé de tout, sauf de la force de l'esprit, crucifié la tête en bas, est le seul qui puisse contribuer à rendre le monde plus humain ou plus... divin, ce qui revient au même.

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