dimanche 24 janvier 2010

Que cache la burqa ?

Que cache la burqa? Un corps de femme ! Se cacher tout entière, hormis les yeux, fenêtre de ce corps dissimulé aux regards d'autrui, "regarde" celle qui le décide. Mais le décide-t-elle?

http://www.maitre-eolas.fr/images/Burqa.PNG
Le corps n'est pas une marchandise qu'on exhibe ! Les censeurs qui veulent aller chercher, dans la loi, l'obligation de renoncer à ce voile intégral feraient bien d'y... regarder de plus près! Le mépris du corps, le droit de cuissage médiatique, la banalisation du cul, tels que la télévision les révèlent, ne sont pas absents de ces réactions austères, de la part de femmes dont la culture s'offusque de ce libéralisme occidental qui ne respecte plus rien, ni personne.

Machisme et islamisme se sont-ils emparés de ces prétextes pour manifester la domination du mâle musulman, par l'intermédiaire de ce vêtement qu'on voudrait imposer aux épouses et à toutes les filles pubères ? Ce n'est pas si simple ! D'abord parce plus d'un machiste, religieux ou pas, ne s'intéresse pas d'abord à la burqa; ensuite parce qu'il faut beaucoup faire dire au Coran pour y trouver plus qu'une recommandation de la pudeur ! La vraie, qui est esprit.

Passementerie, L'Assiette au beurre, n°102, 14 mars 1903
Il ne date pas d'hier que la vérité, toute nue, ait été jetée au fond du puits !

On peut penser que des pressions s'exercent pour que les femmes musulmanes adoptent un vêtement qui les distingue, puis qui les sépare du reste de la population. Bien avant la burqa, il a eu le foulard: puis vinrent le hijab et le chador. Des femmes immigrées, ou nées dans des familles immigrées, parfois françaises, ont réagi, par une présentation vestimentaire publique, au peu de considération dans laquelle la société d'accueil les tenaient. Il serait imprudent de penser que ce sont les hommes qui ont, seuls, contraint leurs sœurs, leurs mères, leurs compagnes à porter des habits de plus plus distinctifs et visant à dissimuler les formes féminines !

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Le débat qui s'ouvre est culturel et donc politique. Le raisonnement de ceux qui pensent que le législateur le règlera est frappé d'irréalisme et d'idéologie eurocentriste ! Tout ce qui interdit cabre et enferme dans des postures qui séparent au lieu de rapprocher, qui stigmatisent au lieu de convaincre. On ne saurait mieux fournir des arguments aux intégristes. En outre, ce qui ne viendra pas des femmes elles-mêmes n'a aucune chance d'être durablement suivi d'effet.

Il faut oser ouvrir les débat avec les musulmans eux-mêmes:
- Oui ou non, y a-t-il des obligations vestimentaires religieuses et, si oui, lesquelles?
- Oui ou non, quels textes du Coran l'exigent?
- Oui ou non, ces obligations ne concernent-elles que les femmes?
- Oui ou non, y a-t-il pouvoir des époux sur les épouses, selon des textes estimés sacrés?

Mais il faut aussi oser poser aux donneurs de leçons quelques questions fondamentales:
- Oui ou non, dans nos démocraties, les femmes sont-elles co-responsables, en tout domaine ?
- Oui ou non, dans l'économie, les femmes ne sont-elles pas soumises aux modes commerciales ?
- Oui ou non, en occident, la publicité ne transforme-t-elle pas le corps féminin en chose ?
- Oui ou non, dans notre société, l'identité dite française, ne fait-elle pas obstacle à l'insertion ?

La France, par ce nouveau sujet de polémique sur le port d'un vêtement, file un bien mauvais coton! La formule, qu'on emploie abondamment (la "liberté de la femme"), dissimule des intentions politiques très suspectes. De "gauche" ou de "droite", les parlementaires qui se préoccupent de la burqa, sont manipulés par les tenants d'une identité française unique et non plurielle !

L'Évangile, puisqu'on évoque des motivations religieuses, dit qu'il faut retirer la poutre qu'on a dans son œil avant de chercher à enlever la paille qu'il y a, dans l'œil de son voisin (1) ! Avant de demander aux musulmans de respecter les femmes, ne peut-on demander à tout le monde, en France, musulmans ou pas, de cesser de minorer le rôle et la place qu'occupent les femmes dans notre société au point qu'elles "appartiennent" plus à quelqu'un qu'elles ne s'appartiennent elles-mêmes? Qu'elles s'habillent ou se déshabillent, totalement voilées ou totalement nues, tant que nous voudrons que la décision leur échappe, nous méprisons l'humanité tout entière. Et à cela, aucune loi ne peut rien. La civilisation est plus grande qu'un code pénal !

http://www.joe-ks.com/archives_jun2004/EyeSpeck.jpg

(1) - Évangile de Luc, 6, 41 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ! Ou comment peux-tu dire à ton frère : Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l'œil de ton frère. »

dimanche 10 janvier 2010

Tsutomu Yamaguchi : un nom à ne jamais oublier

Depuis la tombe d'Albert Camus, en Provence, on peut, mieux qu'on le pourrait, au Panthéon, voir quelle était sa considération du monde. Le 8 mai 1945 (avant même l'explosion de Nagasaki, le lendemain!), le futur Prix Nobel de Littérature disait, dans un éditorial fameux -texte complet accessible ci-dessous-, l'inhumanité des humains. Le dernier des survivants japonais vient de mourir. Son nom devrait rester, en lettres de feu, dans les consciences des vivants de ce siècle nouveau. Mais l'on se soucie, hélas, de bien autre chose. Pourtant, quoi qu'on en pense, les risques nucléaires restent devant nous.

"Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football"...

Albert Camus. Combat, le 8 mai 1945.

http://www.matisse.lettres.free.fr/artdeblamer/tcombat.htm

Le Japonais qui avait survécu aux deux bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, en 1945, est décédé, lundi 4 janvier 2010, à Nagasaki, d'un cancer de l'estomac, à l’âge de 93 ans. Tsutomu Yamaguchi était, officiellement, la seule victime reconnue des deux bombes nucléaires américaines. Blessé à Hiroshima, il s'était rendu, deux jours plus tard, à Nagasaki, où explosa la seconde bombe atomique !

Tsutomu Yamaguchi (1917-2010)

Le 6 août 1945 à Hiroshima, terriblement brûlé mais parvenant encore à marcher, il prit le dernier train pour Nagasaki. Là-bas se trouvaient sa famille, son entreprise. Le 9 août, il était en train d’expliquer à ses collègues de Mitsubishi qu’une bombe, une seule, avait détruit toute une ville. Il n’arrivait pas à le croire quand soudain une deuxième bombe atomique explosait au-dessus de Nagasaki.

A Hiroshima comme à Nagasaki, Tsutomu Yamaguchi se trouvait à trois kilomètres de l’épicentre. Il travaillait comme ingénieur dans les chantiers navals de Mitsubishi.

Immédiatement après la guerre, il avait travaillé comme interprète pour les troupes américaines à Nagasaki, avant de devenir enseignant dans un lycée.

Le mois dernier, dans un hôpital de Nagasaki, Tsutomu Yamaguchi se sentait mourir, mais sa mémoire était intacte, comme au premier jour. Pendant plus d’un demi-siècle, il s'était muré dans le silence. Il n’en est sorti qu’à la mort de son fils, décédé d’un cancer des poumons, dû aux radiations, à l’âge de 59 ans. La mort de son fils l’avait trop révolté.

http://www.sortirdunucleaire.org/sinformer/revue/revue-images/28-14-degats-lidwine.jpg

Ces dernières années, Yamaguchi évoquait volontiers son expérience, faisant part de son espoir que les armes nucléaires soient définitivement interdites. Il s'était notamment exprimé devant les Nations Unies, en 2006.

http://info.rsr.ch/fr/news/Le_survivant_d_Hiroshima_et_Nagasaki_est_decede.html?siteSect=2010&sid=11672858&cKey=1262771935000

samedi 2 janvier 2010

L'année utopique

Les intellectuels se réveillent. Les médias les sollicitent. Ils écrivent. Ils parlent. Mais l'écriture et la parole ne suffiront pas à faire changer le monde! Savoir l'urgence et la nécessité du changement ne le déclenchent pas! La rationalité est impuissante face à la désorganisation du savoir. Qui va, enfin, oser dire que c'est l'utopie qui est réaliste?


L'enfance est une utopie réaliste

Hervé Le Treut, qui appartient au GIEC, "cette clique catastrophiste", (selon les vifs critiques, peu crédibles, que sont Claude Allègre et Vincent Courtillot), estime qu'on est "au-delà du pire scénario". Mais il fait partie de ceux qui pensent qu'on peut comprendre pour agir.
http://www.naturavox.fr/video/article/rechauffement-climatique-interview

Beaucoup en doutent et estiment que sans solidarité mondiale, sans altruisme (qui n'est pas la générosité, nécessaire mais insuffisante), sans mutualisation, nous resterons prisonniers de la pensée du court terme. Rien ne changera. Qui ne devient un Homme révolté tel que l'a décrit Albert Camus, qui ne regarde pas loin devant lui, au-delà de lui-même, reste impuissant. Il décrit mais ne modifie rien.

L'intérêt de l'échec de Copenhague est d'avoir révélé que la défense des intérêts du moments paralyse toutes les politiques. Le réalisme n'est plus dans la prise en compte de l'immédiat. C'est l'utopie (ce réalisme qui a de l'avance...) qui peut, seule, sortir l'intelligence de son engourdissement.


L'utopie est une pensée qui s'installe dans le temps.

2010 sera-t-elle l'année utopique, l'année de la mise en œuvres des projets et des rêves considérés, jusqu'ici, comme insensés? Sortir de l'illusion, c'est proclamer l'utopie possible. Pas n'importe quelle utopie, pas la première idée qui passe, pas le fantasme (cette "production de l'imagination par laquelle le moi cherche à échapper à l'emprise de la réalité", dit le dictionnaire Robert) ni la chimère (si on la définit aussi comme une "vaine production de l'imagination")... Non! L'utopie, c'est la préfiguration d'une réalité qui, parce qu'elle n'a pas encore existée, est considérée comme une folie! À certains moments de l'Histoire, il a fallu une utopie pour sortir des impasses politiques ou culturelles : la Renaissance, les Lumières, le Front Populaire font partie des mouvements utopistes qui ont bouleversé la France.


Alors, changeons d'établissement...

Nous ne sortirons que par l'utopie d'une double impasse : celle de la paralysie économique et sociale et celle de l'impuissance politique. Quand rien ne change, alors que tout a changé, on concentre une énergie chargée d'espoir et de violence. Quand on analyse sans proposer, on laisse passer non pas l'utopie mais l'extrémisme et le "tout plutôt que...". Il y a donc urgence! Urgence à faire. L'utopie est dans la conviction que les petites initiatives cumulées sont plus efficaces que les grandes entreprises. L'utopie est dans l'engagement qui s'effectue avant que n'ait été déterminés les buts. L'utopie est dans la confiance vitale, celle d'un enfant, d'un être jeune, pour qui l'avancée humaine n'est pas encore confondue avec l'accumulation des avoirs.

2010, l'année utopique sera dangereuse et merveilleuse. Ceux qui veulent laisser le vieux monde derrière eux ont de quoi faire. Les intellectuels n'ont aucun chemin à montrer mais ils sont indispensables comme accompagnateurs, afin de signaler les fausses pistes. Et si l'utopie ,"le lieu qui n'existe pas", selon Thomas More, existait bel et bien?


Le philosophe ne craint pas l'utopie!

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