dimanche 29 mars 2015

Départementales 2015 : attentes, prévisions, enseignements.





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Samedi 28 mars 2015


À l'heure où j'écris ces lignes, je m'étonne de mon intérêt pour un scrutin qui n'en a pas !

1 - Des attentes vaines.

Je n'attends rien d'une élection qui ne peut qu'installer aux commandes d'institutions obsolètes -les départements- des élus qui n'ont, dans leur majorité, nullement le service public à l'esprit, mais la bonne marche du système dans lequel ils sont plongés, dont ils profitent et qu'ils soutiennent d'autant plus.

Et pourtant ces départements sont restés l'outil organisationnel qui permet de financer des services sociaux indispensables à l'équilibre de la société. Du RSA à l'APA, des handicapés et des chômeurs jusqu'aux personnes très âgées, il y a là des urgences et des nécessités qui exigent des ressources sans lesquelles des concitoyens sont livrés à la misère. Comment ne pas attendre que cela perdure !

Mais cela a-t-il, in fine, à voir avec ces élections truquées faites pour installer et notabiliser des personnalités locales qui devront « renvoyer l'ascenseur » aux partis qui les ont implantés là ?

Je n'attends rien d'assemblées départementales dont les directions seront partagées entre les « partis gouvernementaux », ceux-là mêmes qui ont plongé la France dans la défiance et l'impuissance et qui vont regarder siéger des opposants qui n'ont d'autre but que de promouvoir des politiques nationalistes et anti-européennes. Quant aux rescapés (écologistes ou de la gauche résiduelle) qui siégeront encore, ils ne pourront qu'émettre de vaines protestations.

Je n'attends de toute façon rien, et depuis longtemps, de tout mode de scrutin majoritaire à deux tours, par essence antidémocratique quoi que disent les politologues bien en cours.

Que va-t-il alors se passer, demain soir et ensuite, une fois passée la « vague bleue » teintée de brun ? Que retirer de cet épisode politique désastreux ?


2 – Des prévisions à peine risquées.

- L'abstention va croître encore, en changeant un peu de contenu. Des électeurs vont venir à la rescousse pour tenter de limiter le désastre. D'autres vont se détourner d'un vote joué d'avance et qui ne leur offre pas la possibilité de s'exprimer comme ils le désireraient. Les non-votants constitueront bien, même si les politiciens ne veulent pas en tenir compte, le « premier parti de France ».
- Le vote blanc sera un peu plus utilisé. Les électeurs qui sont informés et veulent être présents dans la vie citoyenne se présenteront dans les bureaux de vote et diront leur incapacité de choisir en utilisant un bulletin vierge ou une enveloppe vide. La promotion de cette possibilité d'expression reste d'autant plus à faire que, en France, à la différence d'autres pays, ne veut pas encore considérer ces votes blancs comme des suffrages exprimés.
- Le parti socialiste va perdre la direction de plusieurs dizaines de départements. Il ne doit s'en prendre qu'à lui-même, à l'immense déception éprouvée par ceux qui avaient placés leurs espoirs en un président de la République « de gauche ». Et, surtout, qu'on ne s'en prenne pas à la division des partis de la majorité (comme si PCF, PG, EELV et autres ne devaient qu'être des forces d'appoint dans un système à jamais bi-polarisé). Le PS, parti de centre droit désormais, ne peut plus incarner la gauche et en être le pôle central.
- La « droite républicaine » (comprendre les partis libéraux et ultras libéraux) va remporter un succès historique en ce sens que, pour ce premier scrutin départemental à échelle nationale, elle va couvrir de son influence plus des deux tiers du pays avec l'espoir de rééditer ce succès aux prochaines élections régionales de 2015 et législatives accolées aux présidentielles en 2017. Elle va, pourtant, tôt ou tard, achopper sur la tentation de certains de ses membres de faire alliance, de fait, avec les courants nationalistes.
- Le Front national s'installe partout sans prendre, sauf rares exceptions, la direction de départements. Le succès incontestable de l'extrême droite est, du reste, dû à des causes diverses et parfois contradictoires : la colère contre les politiques anti-sociales dites UMPS, la peur du terrorisme imputé à des islamistes installés en France par l'immigration, le rejet d'une Europe considérée comme hostile aux politiques nationales indépendantes. Des sentiments issus de la droite et de la gauche française se confondent et inspirent, provisoirement, un néo « national-socialisme » qui étend son influence dans les milieux populaires désespérés.
- Les écologistes, non sans appuis là où ils étaient candidats, sont sous représentés. Ils se trouvent acculés à choisir entre une autonomie réelle ou un retour dans une majorité présidentielle qui ne veut que leurs votes. Ce dilemme devra être tranché pour les élections régionales qui leur sont plus favorables. Ou bien ils acceptent les risques de proposer une voie nouvelle (qui ne les mettra pas davantage en marge qu'ils ne l'ont été depuis leur création) ou bien ils seront associés à la politique antiécologiste du gouvernement (et subiront la même déconfiture).
- Le Front de gauche résiste péniblement mais n'est pas anéanti. En son sein, le PCF s'évertue, avec quelques succès modestes, à conserver ses derniers bastions. Le Parti de gauche navigue entre l'écosocialisme et l'espoir de ressusciter d'une gauche réelle. Les contradictions entre pro et anti-nucléaires, pro et anti-productivistes, entre partisans et adversaires de la décroissance ne donnent pas à penser qu'il y a un avenir durable pour ce Front de gauche.
- Restent les tentatives citoyennes non inféodées aux injonctions des partis que révèlent certaines confrontations électorales inattendues. On trouve en région grenobloise ou dans certains milieux ruraux ces candidatures isolées qui ont résisté à la mécanique broyeuse du scrutin majoritaire et de son barrage en-deça de 12,5% des inscrits. On trouve, dans ces cantons, des germes dont on peut espérer qu'ils vont produire des résultats et surtout des disséminations heureuses. La prise en main de la politique par les citoyens eux-mêmes n'en est, là, qu'à ses premières manifestations.

Serait-ce au creux de la vague que se situe l'énergie d'une marée politique prête à déferler ?


3 – Des enseignements déjà à retirer :

- Les forts sont faibles. Ni le PS, ni l'UMP, ni le FN ne sont en réalité dominants. Les rapports de force réels seront mieux révélés par les élections régionales, à condition qu'on observe la réalité électorale du pays en tenant compte de toutes ses composantes dont font partie, à présent, les abstentionnistes et les votes blancs (et non nuls!).
- La droite, sous toutes ses formes, est un conservatisme incapable de faire face à des idées neuves. C'est une confiscation de moyens humains, intellectuels et techniques considérables pour maintenir, coûte que coûte le pouvoir des détenteurs du capital. Elle est par essence antidémocratique parce qu'elle fait passer les intérêts des élites avant les besoins de tous... Cette évidence, fort ancienne, est de nouveau sous nos yeux. Qui se vante d'être à droite (auparavant on n'osait plus) est soit inconscient soit cynique. Il faudra donner un nouveau nom à ce puissant courant de pensée qui a une réalité prégnante mais qui n'a plus de position, de topologie, dans le champ politique. La place, dans l'enceinte parlementaire n'est plus à même de rendre compte de l'emprise idéologique des dominants.
- La gauche disparaît dès qu'elle n'est plus que l'opposition, du reste formelle, à la droite ! L'abandon de ce qui la caractérisait strictement (le soutien du monde du travail face au capitalisme, des salariés face aux entreprises) l'a privée de sa substance intellectuelle. La priorité de l'État ne la caractérise plus non plus, dès lors que l'État est devenu soutien et serviteur des entreprises privées. Ce n'était pas, du reste, une valeur sûre si l'on considère les malheurs engendrés par les centralisations abusives ou pire : la dictature du prolétariat. Quand il n'y a plus de gauche, dès qu'elle est conquise par l'idéologie libérale, il n'y a plus non plus de droite, stricto sensu. Les répartitions des forces idéologiques ne s'expriment plus par des mots trop datés, appartenant à des contextes historiques dépassés. Mais ce qui demeure c'est, tout comme hier, une « lutte des classes », certes actualisée, mais qui oppose toujours les intérêts entre dominants et dominés, patrons et salariés, riches et pauvres, exploiteurs et exploités : ce que la différenciation gauche/droite n'exprime plus.
- L'écologie n'influence pas fondamentalement la vie politique. Pourtant, dans les années à venir elle sera déterminante. Non pas par les partis écologistes qui n'échappent pas au système, mais à cause des questions écologistes qui envahissent, chaque jour davantage, nos vies quotidiennes (réchauffement climatique, pollutions, énergies à renouveler, déchets nucléaires...). Vont surgir des événements toujours plus révélateurs de la responsabilité majeure de l'homme et de son mode de vie sur la détérioration spectaculaire de notre environnement. Au-delà des consultations électorales, l'opinion publique va progressivement découvrir la vérité cachée. Cette prise de conscience retardée, (comme l'a été, par la volonté d'États et d'entreprises pollueuses, la reconnaissance de la responsabilité humaine dans l'accélération du réchauffement planétaire), débouchera sur la mise en cause radicale du système économico-politique. Ce n'est qu'une question de temps.
- « République » devient un concept qui souffre d'ambiguïtés. Aux USA, le parti républicain est un parti conservateur, libéral, autoritaire. C'est dit-on, l'intention de Nicolas Sarkozy de transformer l'UMP en parti « républicain ». Pauvre République ! La res publica, la chose publique, c'est, tout à la fois, l'égalité des citoyens, l'abandon de toute monarchie ou autocratie, la priorité à l'intérêt général, le respect de la volonté populaire, le développement et le renforcement des services publics, la laïcité conçue comme la non intervention de l'État dans les choix religieux ou non religieux. C'est aussi la devise républicaine : « liberté, égalité, fraternité », trop oubliée, qui reste à mettre en œuvre avec toujours plus de vigilance, de conviction et de patience. Démocratie et République sont indissociables. Le contenu même de la démocratie est fourni par la République et quand la démocratie se porte mal -c'est le cas actuellement-, la République, à son tour, souffre et ses valeurs sont négligées voire déformées. Ceux qui s'affirment bruyamment républicains ne sont pas les amis de la République quand ils veulent toujours plus d'élites, de pouvoir centralisé, de repli identitaire, de privatisations... Défendre la République, c'est refuser qu'on en déforme le visage en la travestissant en marionnette politicienne, en lui faisant dire autre chose que ce que dit le sens et l'histoire du mot qu'elle magnifie.
- Le dégoût de la politique est fondé : c'est le résultat d'une pratique inexcusable. Tout se passe comme si avait été voulu, préparé, organisé la perte d'intérêt pour la chose publique, pour la République. Les citoyens ont été placé en état de résignation, d'impuissance, de découragement. Ils ont subi un formatage mental qui utilise toutes les ressources et tous les arts du conditionnement commercial. Publicité et propagande obéissent aux mêmes techniques de lavage de cerveaux. Plus encore, il est devenu possible de modifier les jugements et les préférences des citoyens à leur insu, de façon subliminale. Ce pouvoir sur les esprits est la plus grande menace pesant sur la démocratie car il rend inopérante l'expression de la volonté populaire. C'est pourquoi l'action politique est de plus en plus culturelle : il ne s'agit plus d'abord de choisir ses représentants. Préalablement, il s'agit de savoir quelle société nous voulons et comment y vivre en paix et en harmonie. La politique est morte, vive la politique ! Retrouver le goût de la politique n'est possible que si l'on redevient maître de son destin, de ses choix, de sa pensée.

Telles sont, à cette veille d'une élection non fondamentale mais éclairante, l'observation et l'analyse que j'effectue. Elle ne me conduit pas vers l'abandon mais, je l'espère, comme beaucoup d'autres Français, vers la lucidité. Sans cette lucidité, rien de neuf ne peut surgir.

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