mardi 31 mars 2009

Qu’est-ce qu’un pape ?

Le pape de Rome a scandalisé. Il a laissé réintégrer dans l'Église catholique un évêque intégriste qui nie le génocide nazi! Il a couvert l'évêque qui avait excommunié une mère ayant accepté l'avortement de sa fillette de neuf ans, violée et enceinte. Il a affirmé que l'usage de préservatifs ne permettait pas de lutter contre le sida... Les catholiques regimbent. Il n'y eut guère de moment aussi délicat dans l'histoire de l'Église, dès lors que beaucoup de "fidèles" se demandent si Benoît XVI, soit vraiment trop maladroit, soit enfermé dans de fausses certitudes, ne devrait pas se retirer! Mais qu'est-ce donc qu'un pape? N'y a-t-il pas une contradiction majeure qui fait du successeur d'un apôtre qui fut crucifié à Rome, la tête en bas, un prince, un monarque, un seigneur!


Le pape, dit le dictionnaire Le Robert, est un nom exclusivement masculin (papesse n'est qu'une légende) qui vient du latin papa et dont la trace remonterait à l'an 1050. Auparavant, bien sûr, il y eut des papes, mais on ne les nommait peut-être pas ainsi.

Curieux et contradictoire vocable! Le pape (qui s'écrit sans majuscule) est, dit encore le dictionnaire Le Robert, le Chef dont l'autorité est indiscutée, le Chef suprême de l'Église catholique romaine (ou Souverain pontife). Il est pourtant d'autres papes en chrétienté : chez les Coptes et les Orthodoxes, en particulier.

Papa, le père, le mot le plus proche, du latin pappus (« aïeul ») est le terme affectueux par lequel les enfants, même devenus adultes, désignent leur père. Autorité indiscutable et tendresse durable se côtoient ainsi grâce au voisinage des mots, mais la réalité est plus sévère.

L'aïeul est un grand-père et, en effet, le pape est rarement jeune. C'est l'ancêtre, celui qui vient avant : aux deux sens de l'expression, il précède dans le temps et dans la hiérarchie des personnalités. À 80 ans, Benoît XVI incarne bien ce type de hiérarque, puissant et apparemment débonnaire.

Le pape est le chef de l'état minuscule du Vatican. Son autorité s'étend sur toute l'Église universelle. Autre et intéressante contradiction : le pape, qui est sans pouvoir ("combien a-t-il de divisions?" demandait Staline!) dispose d'un pouvoir spirituel sans limites, incarné dans un territoire des plus limités. Son influence politique n'est pas négligeable (et Jean-Paul II le fit bien voir aux successeurs de Staline!).


Derrière cette description que tout le monde connaît, peut connaître ou devrait connaître, se trouvent masquées de vraies questions et sont écartées les réponses qui les accompagnent :

1 - Pourquoi le pape serait-il nécessairement un homme de sexe masculin? Parce que la tradition le veut ainsi. Parce que Pierre, supposé chef des apôtres était un homme? Parce que l'autorité est un attribut masculin? Toutes ces raisons deviennent fragiles au XXIe siècle, mais là n'est pas l'interrogation la plus redoutable.

2 - Pourquoi le pape est-il un Chef, la tête de l’ Église? L'évêque de Rome est évêque parmi les évêques. Il est théologiquement discutable qu'il y ait entre eux une hiérarchie. Les patriarches orientaux le contestent du reste? Le pape est un leader spirituel occidental, ce qui n'est guère compatible avec l'universalité affichée de l'Église catholique. Le prochain pape, qui pourrait bien n'être pas européen, sera confronté à cette contradiction.

3 - Pourquoi le pape-père, mieux appelé "le serviteur des serviteurs", est-il désigné, comme le Dalaï Lama, par la locution traditionnelle suivante, aussi convenue qu'hypocrite : "Sa Sainteté"! Aucun être humain n'est saint de son vivant sauf quand le peuple découvre quelqu'un, en général humble et pauvre, dont la vie exemplaire suscite la plus vive admiration. Le pape n'est donc pas un saint et les papes sanctifiés par l'Église ne sont pas nombreux. "Sa Sainteté" est un titre de respect (en abrégé S.S, ajoute encore Le Robert) qui est devenu totalement obsolète. Au passage, remarquons qu'Éminence (pour les Cardinaux) et Monseigneur (pour les simples évêques), toujours en usage, ne sont pas moins surannés. J'irai jusqu'à affirmer que nommer père un prêtre est non seulement choquant mais probablement incompatible avec l'Évangile (Dieu seul est père).

4 - Le pape est chef d'État. La symbolique du pouvoir terrestre sur lequel s'appuie le pouvoir spirituel n'est pas sans poser de question. Que l'Église possède des terres où est installée son administration. Passe. Qu'elle soit une puissance, même réduite, avec soldats et étendard, n'a pas de signification religieuse. L'histoire dit assez que des papes, par le passé, se sont conduits comme des princes, voire des soudards. La contradiction, en fois de plus, avec le dénuement du Christ, et surtout son refus de se considérer comme "roi des Juifs", heurte ceux qui cherchent le sens profond de l'Évangile reposant sur la pauvreté et le rejet de la possession.

5 - Dans cette même logique de pouvoir, le pape reçoit les honneurs militaires et devient le pair des chefs d'État. N'insistons pas : "celui qui prend l'épée périra par l'épée" rappelait Jésus. Le christianisme est fondé sur la non-violence et le pape ne peut que le rappeler sauf à échapper à ce qu'il signifie sa mission.

Il est donc deux papes en un seul : celui qui circule dans la cour des Grands et celui qui est témoin de l'égalité des hommes. Or, quel que soit le talent et l'agilité intellectuelle d'un "expert en humanité", comme disait Paul VI devant l'ONU, il est impossible d'incarner à la fois les deux types de papauté. Un pape pauvre, sans pouvoir et sans arme : voilà Pierre, crucifié comme Jésus Christ. C'est le seul type de pape qui mérite l'estime. C'est le seul qui puisse contribuer à rendre le monde plus humain ou plus... divin, ce qui revient au même.

http://benito.p.free.fr/Images/Crucifiement%20de%20Saint-Pierre.jpg

vendredi 20 mars 2009

Benoît XVI : un homme comme les autres.

Bonne nouvelle : le pape n'est pas infaillible!
Sa parole est indigente sur la forme comme sur le fond.
Parler dans un avion ne rapproche pas du ciel.
Dire que le préservatif ne règle pas tout n'est pas une révélation!
Pourquoi parler si vite, pour ne rien dire de compréhensible?
Pourquoi parler trop vite au risque de scandaliser le monde entier?
De quoi se mêle ce vieillard chaste, penseront les Terriens?
Peut-on parler de ce qu'on veut ignorer pour soi-même?
Continence ou préservatif : est-ce bien le choix d'un couple?
Hommes et femmes qui s'aiment se passeraient bien de cet attirail!
L'amour ou la mort? Malheur sur le monde actuel...
L'Église institutionnelle est, décidément, sans tendresse.
La vérité qui n'est que dans les livres trahit la vie.
Il est grand temps que les grands prêtres se taisent.
Leur superbe les fera sinon mourir de ridicule.
Celui qui doute de ce qu'il faut faire reste respectable.
Celui qui assène ses vérités se place au-dessus de Dieu!
Faute suprême pour un pape, si Dieu est amour!
Ce pape n'est qu'un pauvre homme enfermé dans ses textes.
Ses fautes de communication sont des fautes de communion.
Mais nous ne l'excommunierons pas : il est aussi des nôtres!

http://dutron.files.wordpress.com/2009/01/tropbonne-les-couilles-du-pape.jpg

lundi 2 mars 2009

Profit, profitation et profitage


Elie Domota, porte-parole du LKP (Ensemble contre la profitation).

Le profit est un résultat ou un objectif. Dans un cas, il est un apport, pas nécessairement recherché, au terme d'un activité; dans l'autre cas, il est ce pour quoi l'on agit. Le profit est obtenu ou bien recherché, obtenu sans être recherché ou obtenu après avoir été recherché. Le profit est neutre, dans l'abstrait; il est le produit de l'intérêt, dans la pratique.

Profitation, comme on dit à présent aux Antilles, ou profitage, comme on dit en Algérie, est le système dont la recherche du profit est le cœur. Profitation a rapport avec l'action économique visant à réaliser le profit maximum fut-ce au détriment des employés, salariés et autres producteurs de richesses. Profitage déborde la sphère économique et va jusqu'à la désignation de tout ce qui profite aux bénéficiaires d'une situation apportant des avantages, matériels ou relationnels.

« Au-delà des revendications de contrôle des prix et de hausses des salaires exprimées à la Guadeloupe par le collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon (LKP, « Rassemblement contre l’exploitation outrancière ») et à la Martinique par le Collectif du 5 février, c’est toute l’architecture de l’économie des containers et du mal-développement faisant de ces îles des « colonies de consommation », selon l’expression des grévistes, qui est mise en accusation1 ».

La traduction de Liyannaj kont pwofitasyon, titre du comité qui dirige la grève en Guadeloupe pose manifestement de gros problèmes à la presse : pour L’Huma du 16 février, cela signifie « Collectif contre les profits outranciers » (CPO), mais pour Le Monde, c’est « Ensemble contre les profiteurs » (ECP)2. On peut lire ailleurs : « Ligue contre l’exploitation » (LCE).

Il était temps de se rendre compte que le profit n'est pas neutre, que la profitation est une organisation indigne, et que le profitage est un avantage indu.

L'apparition de mots nouveaux repose toujours sur un élargissement des concepts. Que nous viennent d'ex pays colonisés ces deux mots de profitation et de profitage ne saurait étonner. La profitation est une appropriation décomplexée du profit maximum : c'est une exploitation de type néo-colonial qui enferme les pauvres dans leur pauvreté, à jamais. Le profitage est l'acceptation éhontée d'avantages confisqués dont on profite impunément et qu'on expose sans pudeur et sans gêne. Dans les deux cas, les profiteurs ne craignent rien de l'opinion qu'ils croient résignée à accepter des injustices rendues naturelles et, en tout cas, irréversibles.

Ce qui est apparu aux Antilles démontre le contraire. Quand le profit n'est pas partagé, la dignité humaine est abolie. Quand profiter (comme on dit de quelqu'un qui prend du poids) s'effectue au détriment de ceux qui ne pourront jamais tirer profit de leurs propres activités, il y a fermentation, colère, agitation et protestation à venir. Quel que soit le temps d'attente, tôt ou tard ce qui couve vient à surgir, comme ces volcans qui, aux Antilles précisément, peuvent longtemps dormir et se réveiller furieusement.

Ce qui se passe en Algérie est un peu différent. Le profitage ne concerne pas que les riches. Il concerne cette installation dans une injustice chronique qui établit des différences sociales intouchables. Celui qui profite d'une rente de situation, fut-elle modeste, à laquelle l'entourage ne peut absolument pas prétendre, vit dans le profitage!

Cette contestation du profit confisqué tombe à point. Elle nous rappelle que, depuis des décennies, plus d'un siècle même, le culte du profit n'a profité qu'à des minorités. Le capitalisme n'est pas une valorisation du capital, c'est le système économique qui réserve le capital et son emploi à des propriétaires qui ne conçoivent pas que tout capital puisse devenir la propriété de tous.

Il faut dire que la socialisation communiste a laissé des traces tellement douloureuses que, depuis la fin de l'empire soviétique, il ne venait à l'esprit de personne qu'on puisse revenir en arrière. Il fallait donc se contenter de l'économie de marché, considérée comme indépassable. Nous sortons lentement, à tâtons, de cette période de résignation. Nous ne savons pas encore comment mieux partager les profits; nous savons déjà que ne pas partager les profits conduirait à la ruine générale y compris des riches. La crise de civilisation qui bouleverse, actuellement, les équilibres mondiaux, ouvre sur un avenir inconnu mais, déjà, bloque toute issue qui permettrait de se réinstaller dans la situation que nous sommes en train de quitter à un rythme stupéfiant, et que peu de Terriens, sans doute, ont prévue.


Gandhi. Il n'y a pas de petit profit : on va bien mettre ses lunettes aux enchères!

Angoisse donc d'avoir à quitter la terre ferme, en pleine tempête, parce que le port qu'on abandonne n'est plus sûr! Partir au large est-il plus dangereux que de demeurer sur un sol très inhospitalier? Si aucune île, aucun continent, n'est abordable mieux vaudrait mourir sur place plutôt que de sombrer ou de de ne jamais pouvoir accoster. La parabole maritime ne date pas d'hier, mais, cette fois, elle s'applique à une traversée de l'histoire parfaitement imprévisible.

Si c'est d'outre-mer que peut venir une autre approche du vivre ensemble, il faut s'en réjouir! Il ne s'agit plus de changer de doctrines ou de s'en remettre aux plus grands cerveaux, il s'agit de passer à une démocratie sociale et économique où chacun a un rôle à tenir, une place reconnue, une part de la richesse commune garantie.

Il est vrai qu'on n'a jamais encore réussi, cette mise en commun des responsabilités. Il est vrai que la démocratie s'est corrompue en se confiant à des professionnels du pouvoir. Il est vrai que la culture du profit a pourri la pensée, y compris celle de ceux qui ne pouvaient accéder au profits.

Alors que faire? Le statu quo étant impossible, la fuite en avant étant interdite, reste à construire, pas à pas, au jour le jour, mais ensemble, un autre cadre de vie. La révolution ne sera plus jamais globale et instantanée. Elle sera progressive et complexe. Le retournement, qui est le propre de toute révolution, ne s'effectuera pas d'un seul coup. C'est l'axe de l'action qui devra être maintenu; la rotation se fera non pas d'elle-même mais par voie de conséquence.

Le risque serait de pouvoir ré-accumuler les profits. Piller la planète ne se peut plus, à moins d'écraser, sous des politiques de fer et de feu, une large part de l'humanité. Ce n'est pas exclu. On n'abandonne jamais volontiers ses avantages! Les privilèges du 4 août 1789, en France, sont bien peu de chose à côté des privilèges gigantesques qui sont mis en cause, deux cent vingt ans plus tard! La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo, (« la Guadeloupe nous appartient, la Guadeloupe n’est pas à eux », chantaient les manifestants. Ce n'est pas une revendication d'indépendance, c'est une revendication de propriété. La terre nous appartient, à nous qui y vivons, là où nous vivons. Et c'est vrai, donc, partout sur cette planète. « Vaste programme » eut dit Charles de Gaulle. Mais, a-t-on le choix?

Limiter et répartir équitablement les profits. Casser la profitation. Disqualifier le profitage. C'est mieux qu'un programme, c'est une philosophie d'existence.
Le profit qu'un sage retire de la philosophie est de vivre en société avec lui-même. (Antisthène) tapis de souris décoré
Antisthène, disciple de Socrate et maître de Diogène le Cynique.

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