jeudi 28 juillet 2016

Sommes-nous en guerre ?


Quand des personnalités politiques européennes, et notamment françaises, ne voient en Daech que le principal responsable de nos malheurs actuels à qui il faut donc faire la guerre, ils se trompent lourdement et le pape François le démontre.

Il a affirmé, en effet, devant les journalistes, dans l'avion qui le conduisait à Cracovie, que « Le monde est en guerre parce qu'il a perdu la paix». Mais, a-t-il précisé, « quand je parle de guerre, je parle d'une guerre d'intérêts, d'argent, d'accès aux ressources naturelle, mais pas de religions ».

Et d'ajouter : «On répète le terme d'insécurité, mais le vrai terme est la guerre. Depuis longtemps le monde est en guerre fragmentaire1. Il y a eu celle de 1914, puis celle de 1939-1945, et maintenant celle-là. Elle n’est peut-être pas aussi organique. Organisée, oui, mais pas aussi organique. Mais c’est une guerre. »2 Dans la même logique, et quitte à prendre l'opinion publique comme le gouvernement polonais à rebrousse poil, il appelle aussi la Pologne, terre d’émigration, à « accueillir tous ceux qui fuient la guerre et la faim.»3 La guerre qui s'est ouverte s'inscrit bien dans une mondialisation meurtrière.

Cette approche, autant politique que religieuse, donne à penser que nous serions entrés dans une nouvelle guerre mondiale, comme y en eut au XXe siècle, mais d'un type nouveau. Depuis les conflits en Irak, en Afghanistan, puis en Syrie, qui ont déjà fait des centaines de milliers de morts, cette guerre mondialisée est engagée. Dans cette perspective, toute analyse nationaliste est vaine. Nous retrouvons la dénonciation, par le pape, de la guerre globale faite aux pauvres par ceux dont les intérêts passent avant tout et qui déclenchent, ainsi, des conflits qui ne sont ni « de religion », ni entre nations, mais qui sont la conséquence des quêtes cyniques de ressources et d'argent.

Seul un pape pouvait dire aussi, et à la fois, que ce n'est pas une guerre au catholicisme et qu'il est bien d'autres victimes : « Ce saint prêtre, mort au moment même où il offrait des prières pour toute l’Église est l’une des victimes de cette guerre. Mais combien de chrétiens, combien d’innocents, d’enfants ! Pensons au Nigéria, par exemple »4. Autrement dit, ne gardons pas les yeux fixés sur ce malheureux vieillard assassiné atrocement, il est aussi bien d'autres victimes hors d'Europe.

Toute exploitation politicienne, État par État, de cette violence totale et non strictement locale est non seulement méprisable mais inutile. C'est bien pourquoi on ne peut séparer les attentats perpétrés par des fous manipulés, de ces milliers de réfugiés qui ont voulu « fuir la guerre et la faim », mais qui n'ont pu forcer la porte de l'Europe et continuent de faire de la Méditerranée un cimetière. L'inconscience et la cécité des États européens (sauf l'Allemagne accusée de laxisme et d'irresponsabilité !) aggravent les tensions et donnent des arguments aux fauteurs de guerre où qu'ils soient. La guerre faite par le profit à toute l'humanité nous transforme en complices des assassins.

Soyons lucides. Ne nous trompons pas de guerre.

1 Le pape utilise souvent le terme de "guerre fragmentée" ou "guerre en morceaux", pour décrire une guerre composée de différents événements et phénomènes violents à travers le monde.

Archives du blog

Résistances et romanitude

Résistances et Changements

Recherche Google : rrom OR tsigane