mercredi 24 juin 2015

De la laïcité au XXIe siècle.

Nous pensions tout savoir de la laïcité à la française : tolérance à l'égard de la pensée d'autrui, respect des personnes pensant différemment, refus de la préférence religieuse dans l'attribution des fonctions, séparation du pouvoir civil d'avec les influences des églises...

Mais ceci est d'un autre siècle. La séparation de l'Église et de l'État fut un acte historique où le catholicisme dut  renoncer à ses prérogatives. La fin du cléricalisme accompagna l'installation de la République et libéra les chrétiens eux-mêmes de la tutelle d'un clergé autoritaire et hostile à la liberté de pensée.

Nous sommes entrés dans un autre temps historique : d'une part, la religion catholique n'est plus hégémonique et d'autre part la liberté de conscience fait partie de la liberté religieuse elle-même. 

L'islam est la seconde religion des Français, ce qui était impensable au tout début du XXe siècle. La laïcité s'est éloignée de la neutralité religieuse ; elle est devenue la reconnaissance à la fois de la pluralité religieuse, de l'agnosticisme et de l'athéisme comme approches philosophiques et spirituelles présentes dans les sociétés contemporaines.

Et pourtant, le doctrinarisme, l'intransigeance, le fanatisme, le dogmatisme demeurent présents sur la planète et au sein même des religions, des anti-religions et des écoles de pensée qui continuent de s'approprier la vérité. On tue encore les impies. 

On prétend toujours que "hors de l'église il n'est point de salut", mais ce sont, désormais dans toutes les églises, les chapelles, les temples, les mosquées..., que se répand ce venin de la sacralisation du savoir. Le doute reste une faute, "un péché" dans nombre de lieux de cultes, d'ateliers et de loges où l'on professe des vérités toutes faites, révélées, acquises, divines...

La laïcité ne peut plus se contenter de juxtapositions de pensées non hostiles. Avec ou sans prêtres, "l'immodestie" des sachants est redoutable et parfois funeste. Et pourtant, face au réel, ce que nous apprenons, chaque jour, devrait nous inciter à la prudence, la sagesse et la circonspection.

Les connaissances ont pris un énorme volume, une expansion très impressionnante. Plus on apprend plus on est humble et prudent dans l'affirmation de ce qu'on sait. Le ciel, où l'on avait installé les dieux et les anges, est un espace dont l'immensité bouleverse tout ce qui a pu se dire et s'écrire au cours des siècles passés. 

Le religieux a déserté les religions pour prendre une dimension propre. Le mystère de la vie et de l'univers échappe largement à l'intelligence en dépit des outils prodigieux, des données mathématiques et physiques accumulées, des travaux inouïs et des recherches qui étaient inimaginables, hier encore.

Nous avons un pied dans un sur-naturel qui n'a rien de miraculeux. La laïcité est devenue l'acceptation du complexe, de la diversité, de la pluralité, de la multiplicité. L'uni ne sera plus jamais l'unique. Dieu ne révèle plus la vérité et l'affirmer conduit toujours à des conflits très violents.  Tout "anthropodéisme"  qui fait de l'homme un dieu ou, au contraire, réduit l'idée de Dieu à des imageries humaines, éloigne de la quête fondamentale de chaque humain face à sa destinée.

Il y a dans les religions et l'athéisme une difficulté à douter intrinsèque. Je veux savoir, ou bien savoir que je ne peux savoir. L'agnostique lui-même est dans l'ambiguïté quand il affirme soit qu'il ne peut savoir, soit qu'il est inutile de chercher à savoir. La pensée est une tension qui ne s'enferme dans aucune limite : douter de ses doutes est le propre de l'homme.

Là où la laïcité se pense autrement c'est, en effet, quand la foi, la croyance, la conviction, la certitude cessent de s'installer dans des lieux clos, quand elles se croisent, s'opposent et se rejoignent. S'il faut oser choisir, il faut aussi re-connaître que non seulement "nos certitudes sont difficiles" comme le disait Emmanuel Mounier, mais fragiles. Rien n'est certain au sein du champ de nos expériences et "le neuf" est toujours à notre porte.

La laïcité, donc, nous fait échapper aux prêtres, non au sens de clercs, mais au sens de professionnels de la vérité. La philosophie aussi a besoin d'échapper à ses gourous. Chacun sait qu'il ne sait pas grand chose et cela oriente sa pensée. Le modeste, le réservé, qui se découvre pauvre en ses capacités de savoir, ne juge plus autrui. 

C'est dans cette direction que les études sur laïcité peuvent être, de nouveau, conduites.

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