mercredi 21 mai 2008

Tuer les Rroms tue l’Europe.



Le fascisme refait son lit en Italie! Les pogroms de Ponticelli à l’est de Naples, avec incendies, bastonnades et lapidations de Rroms ne sont pas apparus de façon spontanée. En 72 heures, au moins 7 attaques avec cocktail Molotov ! L’exaspération due à l’entassement de tonnes d’ordures depuis des mois, l’exploitation politique systématique du thème sécuritaire, la Camora, la bêtise crasseuse ont composé un mélange explosif. La haine, hideuse, a pu alors s’exprimer, sous des formes que la presse (et notamment Il Corriere della Sera du 15 2008) relate avec précision. Le bouc émissaire sera donc égorgé s’il ne fuit. La honte s’est abattue sur l’Europe.

Car il ne s’agit pas de limiter les conséquences de ce drame à la seule Italie. Il est bon que ce soit un eurodéputé italien, Roberto Musacchio, qui ait lancé, de la Tribune du Parlement européen, une mise en garde solennelle. Il a rappelé que "les directives européennes et les résolutions du Parlement doivent être respectées par tous, y compris l'Italie, et que le droit à la liberté de circulation et de résidence fait partie des piliers de la citoyenneté européenne" Cette "exploitation politique de la peur", ce phénomène de "phobie des Roms" peuvent tuer la démocratie a-t-il ajouté.

Viktória Mohácsi, l’une des deux eurodéputées rroms, revenant d'une visite en Italie, a estimé que "le gouvernement Italien est dur avec les faibles et faible avec les forts : quand il y a des difficultés, au lieu de s'en prendre à la Camorra, on s'en prend aux Roms afin de ne pas s'attaquer aux vrais problèmes" . L’émotion est vive, partout en Europe. Dans les campements rroms, en France, on suit les événements et on ne cache pas sa peur.

La chasse aux Rroms est rouverte, plus ou moins violente mais, en maint pays, impitoyable. Il y a chasse quand on expulse, mais aussi quand on poursuit des hommes comme du gibier. On a déjà connu ces crimes en Europe. Cela porte un nom. C’est le racisme. Ici, l’on veut tuer en incendiant ; là, on tue à petit feu. Ne donnons pas de leçons à l’Italie : elle fait actuellement, en pire, ce que d’autres font, dont nous ! Au moment où la France va prendre, pour six mois, la présidence de l’Union, on peut craindre que les restrictions à toute immigration, intra ou extra européenne, ne soient présentées comme des moyens de protéger les peuples d’Europe. Protéger contre qui ? Contre eux-mêmes ? Ou contre tout étranger indésirable et misérable résidant en Europe ?

Ces dernières années, les textes se sont multipliés tant au sein du Parlement européen qu’au niveau du Conseil de l’Europe. Tous convergent vers ce constat : "l’antitsiganisme constitue une forme distincte de racisme et d’intolérance, à l’origine d’actes d’hostilité allant de l’exclusion à la violence à l’encontre des communautés de Roms" peut-on lire dans la recommandation du Comité des ministres aux 47 États membres du C.O.E, datée du 20 février 2008 . Nous sommes au cœur de ce qui se passe en Italie, comme partout où l’on exclut ! Si aucun de ces documents n’engage les pouvoirs nationaux à quoi bon les écrire et les voter ? La crédibilité de nos démocraties est en jeu.

L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de l’Union, sur laquelle il n’est pas question de revenir, oblige chacun des 27 États à protéger tout Eurocitoyen membre de l’un quelconque de ces États ! La romaphobie serait une europhobie car les Rroms sont massivement dans l’Europe et en sont une constituante. Romeurope ne peut laisser passer cette évidence sans la souligner au moment même où des Européens, en laissant parler leur haine, (avec l’indulgence voire la complicité d’un gouvernement fraîchement réinstallé !), mettent en péril l’Europe elle-même .

vendredi 9 mai 2008

Des 8, 9 et 10 mai.

8 mai


Victoire ou massacre? Que retenir? Le jour même de la défaite définitive du Reich nazi, l'armée française, en Algérie, mettait à mort, à Sétif, plusieurs dizaines de milliers d'Algériens revendiquant leur indépendance. Michel Rocard approuve Junker qui propose de faire du 9 mai, Journée de l'Europe, un jour férié, dans les 27 États de l'Union. Effacer la mort pour engranger l'espoir? Pourquoi non si c'est pour ouvrir l'avenir, mais à une condition : n'oublier aucun crime d'État, ni ceux, incommensurables, du régime hitlérien, ni ceux, atroces, du régime colonial français.

9 mai


Le 9 mai est une commémoration oubliée. Les médias font le minimum. L'Europe dont la France va prendre la tête, en juillet, ne passionne personne. Le discours de Schuman est laissé à l'histoire. Il ne motive plus les Européens. Les symboles de l'Europe, hymne, devise et drapeau, ont d'ailleurs, quoi que dise encore le site Europa, été abandonnés par le traité de Lisbonne! Le site français, Vie publique (1), y ajoute... l'euro, alors que tous les pays de l'Union ne l'ont pas adopté!
Non, aire aimer l'Euroe, ce n'est pas tenir, chaque 9 mai, un discours larmoyant sur l'unité des peuples hier encore en guerre; c'est donner un contenu politique à la citoyenneté européenne. Nous en sommes loin. C'est une Europe libérale, éloignée des peuples qui la composent, qui triomphe. L'Europe reste à faire.

10 mai


Que ce soit le 10 mai ou un tout autre jour, en mai, ici ou aux Antilles, sera commémoré (mal) l'abolition de l'esclavage. En Europe, comme d'habitude on s'en tiendra à un double déni : l'esclavage transatlantique sera minimisé alors que se paie encore le crime planétaire commis sous l'impulsion de puissances européennes; l'esclavage des Tsiganes, cinq siècles durant, dans les principautés moldave et valaque, passera de toute façon aux oubliettes!
Ne pas assumer son histoire, c'est rendre l'Europe impossible. C'est bien ce que veulent les tenants de la seule Europe marchande.

(1)http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/ue-citoyennete/

mercredi 7 mai 2008

Abolir la viande? une question désormais politique.

Oui, on mange beaucoup trop de viande. Faudra-t-il même, pour mieux vivre, ou survivre (!) aller vers sa suppression? La question était choquante et ridicule, il y a peu de temps encore. Voici pourquoi, elle ne l'est plus. Ci-dessous un article qui propose une analyse originale sur un thème connu ; il s'agit du résumé du texte "abolir la viande" paru dans le numéro 29 des Cahiers antispécistes. Il faut aller le lire en entier : plus complet, il est aussi plus nuancé que dans ce raccourci. (1)


" La thèse défendue dans cet article est qu'il faut dès maintenant œuvrer explicitement à l'interdiction légale de la production et de la consommation de chair animale. C'est à la fois une mesure nécessaire et une mesure qu'il est possible d'obtenir sans attendre une révolution des mentalités ou de l'organisation de nos sociétés.

« On ne doit pas maltraiter ou tuer des animaux sans nécessité » : partout dans le monde, ce précepte fait partie de la morale commune. Partout dans le monde, la consommation alimentaire de produits animaux est la cause principale pour laquelle des humains maltraitent et tuent des animaux, sans nécessité. Le précepte précité n'est pas dénué d'impact : des personnes refusent de consommer des produits d'origine animale, d'autres réduisent leur consommation de viande, d'autres encore choisissent des produits issus d'élevages offrant quelques garanties sur le traitement des animaux ; des pays adoptent quelques lois protégeant les animaux d'élevage. Mais cela ne suffit pas à inverser la tendance : le nombre d'animaux élevés et pêchés dans le monde croît inexorablement, tandis que l'élevage industriel se généralise. Il est illusoire d'attendre que les dispositions adoptées en faveur du bien-être animal finissent par assurer des conditions de vie et de mort décentes aux milliards d'animaux mangés chaque année : les éleveurs peuvent difficilement se résoudre à faire passer le bien-être des bêtes avant la rentabilité de leur exploitation, et on ne dispose ni des espaces ni de la main d'œuvre requis pour traiter tant d'animaux avec soin.

La prise de conscience du fait que production de chair animale a un impact environnemental désastreux ne conduira pas nécessairement à une amélioration du sort réservé aux bêtes : si l'intérêt des animaux n'est pas pris en compte en tant que tel, cette prise de conscience peut au contraire déboucher sur une intensification de l'élevage.

Le contraste entre les devoirs que les humains reconnaissent avoir envers les bêtes et la façon dont ils les traitent concrètement n'implique pas que les bonnes intentions affichées ne soient qu'hypocrisie. Ce contraste nous apprend toutefois que les changements spontanés de comportement des consommateurs ne constituent pas une force suffisante pour mettre fin à la boucherie. Il y a des raisons à cela. C'est par ailleurs une situation très commune : on ne réussit pas non plus à résoudre les problèmes de l'insécurité routière, de la pollution, de la misère humaine, de la maltraitance des enfants… en comptant uniquement sur la capacité de chacun à modifier ses habitudes pour y porter remède, même lorsqu'il qu'il est largement admis qu'il s'agit de maux.

Pour mettre un terme au sort hideux réservé aux animaux mangés, il faut que la question soit portée (aussi) au niveau politique. Il s'agit d'enclencher un processus qui s'achèvera par l'adoption de lois interdisant la prédation (chasse, pêche) et la production (élevage) d'animaux pour la consommation humaine. Les institutions publiques ont également un rôle à jouer dans la reconversion des travailleurs dont le revenu dépend de ces activités. Ce processus commence par l'expression publique de la revendication d'abolition de la viande."

Repères complémentaires déterminants du point de vue écologique :

De 1950 à 2005 la production annuelle des pêcheries (hors aquaculture) a été multipliée par cinq, passant de 19 à 95 millions de tonnes. En 2002, 72% des « ressources halieutiques » étaient exploitées plus rapidement qu'elles ne pouvaient se reproduire.

Concernant les animaux d'élevage, la production de viande d'animaux terrestres a plus que quintuplé en un demi-siècle (1950-2000), passant de 45 à 233 millions de tonnes par an. Sur la seule période 1990-2002, la quantité de viande consommée a crû de 32% en tonnes et de 12% par habitant. En 2002, la consommation de viande (d'animaux terrestres) par habitant s'établit à 40 kg par an en moyenne. Les projections effectuées par la FAO à l'horizon 2015 et 2030 prévoient la poursuite d'un rythme de croissance soutenu de la production :

Entre 2007 et 2016, selon les perspectives communes FAO-OCDE, la production mondiale de viande devrait ainsi augmenter de 9,7 % pour le boeuf, de 18,5 % pour le porc et de 15,3 % pour le poulet. Principalement en Inde, en Chine et au Brésil. D'ici à 2050, la production de viande pourrait même doubler, passant de 229 millions de tonnes au début des années 2000 à 465 millions.

Tant en niveau absolu qu'en taux de variation, on observe de fortes disparités selon les régions du monde.). L'augmentation du nombre d'animaux tués est beaucoup plus forte que celle de la production mesurée en tonnes puisque les élevages dont le développement est le plus rapide sont ceux d'animaux de petite taille (les volailles).

L'élevage d'animaux aquatiques connaît une expansion encore plus forte puisque de 1950 à 2005, la production est passée de 639 000 tonnes à 63 millions de tonnes. Là encore, il s'agit d'animaux de petite taille et de surcroît particulièrement oubliés des dispositions relatives au bien-être tant pour les conditions d'élevage que de mise à mort …/...

Vers un élevage écologique intensif ?

La consommation carnée cause des torts immenses aux animaux élevés ou pêchés et provoque la disparition d'animaux sauvages. Elle dégrade les sols, l'eau, les forêts… Par l'intermédiaire des inégalités de répartition des revenus, elle pèse également sur le sort des humains les plus démunis.

Est-ce à dire que si des politiques sont mises en oeuvre pour remédier aux problèmes environnementaux liés à l'élevage, elles seront nécessairement bonnes à la fois « pour les hommes, pour les animaux et pour la planète » ? Les orientations suggérées par le rapport de la FAO 2006 n'incitent pas à l'optimisme. Les propositions des experts qui en sont les auteurs ont été construites en considérant comme une donnée la poursuite de la croissance de la consommation de viande, de sorte que la question devient : « Comment fournir plus de viande en limitant les dégâts écologiques ? » La solution qui est préconisée pourrait être qualifiée d'évolution vers un « élevage écologique intensif ». Cela demande des politiques de vérité des prix, afin que les ressources altérables ou épuisables cessent d'être gaspillées : suppression des subventions à l'élevage, hausse du prix de l'eau, coût plus élevé pour l'utilisation des terres (en particulier, disparition des pâturages sur terres communes dont l'usage est gratuit), application du principe pollueur-payeur. Parallèlement, des aides financières et moyens publics (tels que la recherche) devraient être mis en œuvre pour réduire l'impact environnemental de l'élevage, en tenant compte du fait que cet impact est différent selon les espèces. À quantité égale de viande produite, ce sont les bovins qui contribuent le plus à l'émission de gaz à effet de serre et, lorsqu'ils sont en élevage extensif, contribuent le plus à la dégradation des terres. Dans cette hiérarchie de la nuisance écologique, les élevages de volailles sont ceux dont l'impact est le plus faible. Ce sont eux aussi qui constituent le détour de consommation le moins inefficace en terme de rapport entre la nourriture ingérée et la nourriture produite.

Selon le rapport de la FAO, l'industrialisation de l'élevage n'est pas un problème en soi ; ce qui en est un (en termes de nuisances sur l'environnement) c'est la concentration des élevages sur certaines zones géographiques, d'où la nécessité de mettre en œuvre des politiques pour inciter à les répartir de façon plus équilibrée sur le territoire. Mais, pour les auteurs du rapport, « si l'on veut satisfaire la demande future prévue de produits de l'élevage, il est difficile de trouver une alternative à l'intensification de la production ». Cette intensification passe par le recul de l'élevage extensif, et par un progrès technique (activement soutenu par la recherche publique) qui permettra notamment d'économiser sur la quantité d'aliments ingérés par les animaux pour fournir une quantité donnée de viande, lait ou œufs, en améliorant les souches utilisées par la sélection génétique.

Au total, l'amenuisement de l'impact environnemental de la production de viande via l'élevage écologique intensif signifie :

- un déplacement de la production des bovins vers d'autres espèces, en particulier les poulets, c'est à dire une augmentation sensible du nombre d'animaux tués par kilo de viande produit ;

- une dégradation accélérée du cadre de vie des animaux, par disparition des élevages résiduels où ils se déplacent dans de vastes espaces, au profit de leur entassement dans des bâtiments concentrationnaires ;

- une dégradation accélérée de leur qualité de vie du fait des caractères physiques qu'on cherche à développer chez eux. On sait de quel genre de progrès la zootechnie est capable en termes d'améliorations génétiques. On lui doit déjà la mise au point de poulets qui grandissent en 40 jours (au lieu de 80 jours il y a 30 ans) et dont le squelette est trop fragile pour supporter le corps, la multiplication du nombre de porcelets par portée chez les truies, du nombre d'œufs par poule, de litres de lait par vache…

Inscrire l'élevage dans un tel schéma de « développement durable », ce n'est pas revenir à un passé rêvé de relations harmonieuses entre le berger et son troupeau sur fond de prairies et montagnes, c'est aller toujours plus loin dans la réification des animaux, leur claustration, c'est produire sciemment des individus difformes, aller au bout de l'épuisement de leurs corps.


(1) http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article359.

jeudi 1 mai 2008

La décroissance s'empare des intellectuels



Quand Nicolas Sarkozy empruntait à Edgar Morin sa thématique de la
politique de civilisation, il oubliait que le philosophe et sociologue dénonçait "le mythe obsessionnel de la croissance" (1). Non que, pour lui, il suffise de décréter la décroissance mais parce que "le bolide lancé" (celui de l'économie de marché) devra être arrêté et que c'est extraordinairement difficile. Il faut aller "au-delà des mots" dit-il. Le productivisme n'est pas durable. Et si le développement, c'est un PNB toujours croissant (même avec des correctifs "écologiques"), il n'est pas davantage durable. Nous allons, par exemple, au-devant de guerres de l'eau si nous n'arrêtons pas la privatisation de l'eau potable. La question écologique perce y compris en Chine. Bref, les questions que nous nous posons sont mondialisées. Les urgences surgissent dans tous les esprits informés.

Et ne voilà-t-il que le fondateur du GRECE, de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist, sort l'un des livres les plus pertinents sur le sujet! Tout est bousculé et nous ne sommes guère préparés à reconsidérer nos repères sans rien abandonner de nos réserves vis à vis des penseurs capables de nous troubler. Bernard Langlois, de Politis, ose émettre un avis très positif sur cet essai, décapant, Demain la décroissance (2) dénonçant autant le "libéralisme prédateur" que le "prométhéisme marxiste" et affirmant que l'écologie rend obsolète le vieux clivage droite-gauche".

Nous y voici. Il va falloir mettre de la lumière sur deux thèmes maltraités et mal traités : que sont devenues la droite et la gauche aujoud'hui, d'une part, et qu'y a-t-il derrière les zélotes de la décroissance, d'autre part? cela fera l'objet de deux de mes prochains blogs.

(1) Colloque "André Gorz, Décroissance, Utopie", Paris, la Sorbonne, le samedi 29 mars 2008, Témoignage d'Edgar Morin.

(2) Alain de Benoist,
Demain la décroissance, éditions Edile, Paris, 2007.

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